N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 4

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteurs spéciaux : MM. Michel CANÉVET et Jean-Claude REQUIER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo- Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

I. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT REPRÉSENTAIT, EN 2020, UN ENGAGEMENT DE 13,5 MILLIARDS DE DOLLARS PRINCIPALEMENT TOURNÉ VERS L'AFRIQUE

A. CINQUIÈME CONTRIBUTEUR EN VALEUR, LA FRANCE A FAIT DES EFFORTS IMPORTANTS POUR ACCROITRE LE NIVEAU DE SON AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

En 2020, la France a mobilisé 13,5 milliards de dollars dans le cadre de sa politique d'aide publique au développement . Elle constitue, ainsi, le cinquième pays contributeur du Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE et le 8 ème en proportion de son revenu national brut.

Montant d'aide publique au développement versé par la France en 2020

(en milliards de dollars)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

La France a engagé des efforts importants pour renforcer les moyens qu'elle consacre à l'APD. En effet, ceux-ci ont progressé de 18,9 % en volume depuis 2018, ce qui constitue le 4 ème taux d'effort le plus important parmi les pays du CAD.

B. L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT EST PRINCIPALEMENT TOURNÉE VERS L'AFRIQUE ET FINANCE UNE GRANDE DIVERSITÉ DE PROJETS

L'APD de la France présente un caractère essentiellement bilatéral , comme pour plusieurs de ses partenaires, mais s'appuie fortement sur le recours à l'octroi de prêts concessionnels , ce qui la distingue.

Décomposition de l'aide publique au développement entre ses composantes
bilatérale et multilatérale en 2020

(en pourcentage de l'APD totale)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Part de l'élément-don des prêts dans l'APD en 2020

(en pourcentage de l'APD totale)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

L'intervention de la France en matière d'APD est principalement dirigée en faveur des pays d'Afrique et présente un caractère assez diversifié s'agissant des secteurs soutenus.

Décomposition géographique de l'APD française en 2020

(en montant et en pourcentage de l'APD totale)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Décomposition sectorielle de l'APD française en 2020

(en pourcentage de l'APD totale ventilable )

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

C. QUELLE AIDE AU DÉVELOPPEMENT POUR LA TURQUIE ET LA CHINE ?

La Turquie et la Chine bénéficient toutes deux de versements de la France au titre de l'aide publique au développement , ce qui peut susciter des interrogations compte tenu du niveau de développement de ces deux pays.

L'analyse des actions financées par la France au profit de la Turquie met, néanmoins, en évidence que l'essentiel des moyens sont mobilisés en faveur de la Facilité européenne pour les réfugiés en Turquie.

Décomposition de l'aide publique au développement bilatérale
apportée à la Turquie en 2019

(en millions d'euros)

Note : le poste « contributions à des actions gérées par des partenaires d'exécution » correspond, en l'espèce, à la contribution de la France à la Facilité de l'Union européenne pour les réfugiés en Turquie.

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Quant à l'aide versée à la Chine, elle s'explique en grande partie par le coût de l'accueil des étudiants de nationalité chinoise en France.

Décomposition de l'aide publique au développement bilatérale
apportée à la Chine en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

II. LES CRÉDITS DE LA MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT AUGMENTENT EN 2022 POUR RENFORCER LES MOYENS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET SOUTENIR NOS PRIORITÉS STRATÉGIQUES

A. QUOIQUE CENTRALE, LA MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT NE RETRACE PAS TOUS LES MOYENS CONSACRÉS À CETTE POLITIQUE TRANSVERSALE

En 2022, les crédits demandés au titre de la mission Aide publique au développement s'élèvent à 6,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 5,1 milliards d'euros en crédits de paiement . Ils progressent, ainsi, de 18,1 % en AE et diminuent de - 5,4 % en CP.

Évolution des crédits de la mission Aide publique au développement

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

AE

2 759,3

2 771,3

3 217,8

+ 446,5

+ 16,1 %

CP

2 200,0

2 476,3

3 052,9

+ 576,6

+ 23,3 %

365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

AE

0,0

1 453,0

190,0

- 1 263,0

- 86,9 %

CP

0,0

1 453,0

190,0

- 1 263,0

- 86,9 %

110 - Aide économique et financière au développement

AE

3 764,3

1 381,8

3 213,7

+ 1 831,9

+ 132,6 %

CP

1 180,2

1 465,0

1 862,0

+ 397,1

+ 27,1 %

370 - Restitution des « biens mal acquis »

AE

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0 %

CP

0,0

0,0

0,0

0,0

0,0 %

Total mission

AE

6 523,7

5 606,1

6 621,5

+ 1 015,4

+ 18,1 %

CP

3 380,2

5 394,3

5 105,0

- 289,3

- 5,4 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Toutefois, la mission Aide publique au développement n'est pas la seule à contribuer à cette politique transversale à laquelle participent d'autres programmes du budget de l'État (26 en tout) mais également d'autres acteurs comme les collectivités locales (122 millions d'euros engagés en 2020). En outre, aux crédits de la mission Aide publique au développement s'ajoutent ceux du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » qui, pour l'essentiel, retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement.

Crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » en 2022

(en millions d'euros)

Recettes

AE

CP

Solde

851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

265,4

1 500,0

811,3

-545,9

852 - Prêts résultant de l'exécution d'accords conclus avec les gouvernements étrangers et portant consolidation des dettes de leur pays envers la France

70,4

224,0

224,0

-153,6

853 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

211,5

0,0

190,0

21,5

854 - Soutien financier aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro

570,2

0,0

0,0

570,2

Comptes de concours financier

1 117,6

1 724,0

1 225,3

-107,8

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. LES CRÉDITS DEMANDÉS PROGRESSENT SOUS L'EFFET DE LA RECONSTITUTION DES MOYENS DES ORGANISATIONS INTERNATIONALES ET DE LA VOLONTÉ DE SOUTENIR CERTAINES PRIORITÉS STRATÉGIQUES COMME LA SANTÉ OU L'ENVIRONNEMENT

1. Le programme 110

Les crédits dédiés au programme 110 « Aide économique et financière au développement » sont confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus spécifiquement, à la direction générale du Trésor.

Pour 2022, le montant des crédits demandés pour 2022 augmente très fortement en AE (+ 1,8 milliard d'euros) et sensiblement en CP (+ 27,1 %) , ce qui s'explique principalement :

- par la reconstitution des moyens de l'Association internationale de développement qui constitue le guichet concessionnel de la Banque mondiale (1,5 milliard d'euros) ;

- par un renforcement des moyens en faveur de la protection de l'environnement dédiés au Fonds pour l'environnement mondial (+ 325 millions d'euros en AE) et pour le Fonds vert pour le climat (+ 419,3 millions d'euros en CP) ;

- par une hausse des crédits de paiement en faveur de l'aide-projet de l'AFD qui s'explique par la forte augmentation des engagements de l'agence dans les années passées qui sont progressivement décaissés.

2. Le programme 209

Les crédits du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » relèvent du ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire.

En 2022, le montant des crédits demandés augmente de 440,5 millions d'euros en AE et de 570 millions d'euros en CP , notamment pour renforcer les capacités de gestion de crise et soutenir les politiques de santé au niveau mondial .

3. Les autres programmes de la mission

En 2022, une nouvelle opération de conversion des « ressources à condition spéciale » (RCS) - qui sont le produit de prêts à conditions préférentielles octroyés par le Trésor à l'AFD - en fonds propres sera réalisée pour 190 millions d'euros . Cette opération est rendue nécessaire par l'évolution de la réglementation européenne qui n'assimile plus ces RCS à des fonds propres.

Par ailleurs, la maquette budgétaire est complétée d'un programme dédié à la restitution des « biens mal acquis » qui n'est toutefois pourvu d'aucun crédit . Le fonctionnement de ce programme n'apparait pas lisible et appelle à s'assurer rapidement qu'il constitue le bon instrument de restitution des « biens mal acquis ».

III. LES CRÉDITS DEMANDÉS SONT CONFORMES AUX OBJECTIFS FIXÉS EN LOI DE PROGRAMMATION MAIS IL FAUDRA CONTINUER À CHERCHER À AMÉLIORER L'EFFICIENCE DE LA DÉPENSE

Hors contribution au CAS « Pension » et à périmètre courant, le montant des crédits de paiement demandés pour 2022 (4,9 milliards d'euros) correspond à l'objectif fixé par la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

De même, la cible du montant de l'APD totale rapportée au revenu national brut (RNB) de 0,55 % en 2022 devrait être atteinte notamment grâce à la forte augmentation des crédits de paiement (+ 958,7 millions d'euros, hors CAS « Pension » et renforcement des fonds propres de l'AFD).

Si l'ambition de renforcement de notre participation à l'aide publique au développement doit être poursuivie conformément aux objectifs définis en loi de programmation, il ne faut pas écarter l'importance d'assurer la soutenabilité budgétaire de cette politique et de rechercher des gains de fonctionnement.

À cet égard, la maitrise de l'activité de l'AFD doit demeurer une priorité dans la mesure où celle-ci constitue un enjeu budgétaire majeur pour l'État qui lui a délégué l'essentiel de la mise en oeuvre de la politique d'APD et lui transfère, en conséquence, un volume important de crédits pour assumer et rémunérer cette mission (2 milliards d'euros en CP en 2022).

Par ailleurs, la maitrise des frais généraux, mesurée par l'évolution du coefficient d'exploitation, de l'agence apparait primordiale. Sur ce point des améliorations sont à rechercher :

- en faisant preuve de davantage de volontarisme pour accélérer la négociation du prochain contrat d'objectifs et de moyens et en faisant porter ces contrats sur une durée plus longue que trois ans ;

- en repensant l'organisation interne de l'agence et, notamment, la répartition des compétences entre les différentes directions ;

- en engageant une réflexion sur le statut et les conditions de rémunération des personnels ;

- en résolvant au plus vite la question de la destination de la surface excédentaire du nouveau siège de l'agence en construction à Paris.

Enfin s'agissant de la conduite des activités de l'agence elle-même, une plus grande vigilance pourrait être accordée à la prise en compte des critères de responsabilité sociale et environnementale dans les appels à projet auxquels l'AFD est associée.

Réunie le 18 novembre 2021 sous la présidence de M. Claude RAYNAL, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».

Elle a également proposé l'adoption sans modification des articles 42 A et 62 rattachés, respectivement, à la mission et au compte de concours financiers.

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2021 .

À cette date, les rapporteurs spéciaux Jean-Claude Requier et Michel Canévet n'avaient reçu aucune réponse relative à la mission Aide publique au développement.

I. LES MOYENS DE LA MISSION AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT CONTINUENT DE PROGRESSER EN 2022

A. POLITIQUE TRANSVERSALE, L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT REPRÉSENTAIT, EN 2020, UN INVESTISSEMENT DE L'ORDRE DE 13,5 MILLIARDS DE DOLLARS POUR LA FRANCE

1. La mise en oeuvre de l'aide publique au développement repose sur de multiples instruments

L'aide publique au développement constitue un agrégat statistique défini par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

Elle est constituée de tous les apports en ressources - monétaire, en expertise ou en nature - qui sont fournis aux pays et territoires figurant sur une liste des bénéficiaires de l'APD (aide bilatérale) ou à des institutions multilatérales (aide multilatérale).

En outre, l'aide doit répondre aux conditions suivantes :

- émaner d'organismes publics ou agissant pour leur compte ;

- avoir pour objectif essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires ;

- être assortie de conditions d'octroi favorables , plus particulièrement dans le cas de prêts.

L'APD peut prendre plusieurs formes et notamment :

- l'octroi de subventions directes ;

- l'octroi de prêts à conditions préférentielles (« prêts concessionnels ») ;

- l'allègement de dette d'un débiteur ;

- la réalisation de projets au profit d'un bénéficiaire ;

- la prestation de ressources techniques ou d'expertise ;

- la prise en charge du coût représenté par l'accueil de réfugiés ressortissants des pays bénéficiaires de l'APD ;

- la prise en charge du coût de l'accueil et de la scolarisation d'étudiants ressortissants de pays bénéficiaires.

La comptabilisation de l'APD réalisée au titre d'une année incombe à chaque pays dans le cadre fixé par le CAD de l'OCDE.

Par ailleurs, l'organisation procède à la collecte et à l'agrégation des données relatives à l'APD par pays afin de mesurer et de comparer l'effort réalisé ainsi que la nature et la destination des aides.

2. La France a accru ses efforts en matière d'aide publique au développement et continue de cibler prioritairement les pays d'Afrique
a) La France figure parmi les principaux contributeurs de l'aide publique au développement

En 2020, d'après les données de l'OCDE, les montants versés par la France pour l'aide publique au développement s'élèvent à 13,5 milliards de dollars , soit 8,6 % des sommes engagées par les 30 pays membres du Comité d'aide au développement (CAD).

Montant versé au titre de l'aide publique au développement en 2020

(en milliards de dollars)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Si elle occupe la 5 ème place des pays du CAD pour son aide publique au développement en valeur absolue, la France n'occupe que la 8 ème place en termes d'APD rapportée à son revenu national brut (0,53 % en 2020).

Montant versé au titre de l'aide publique au développement en 2020

(en proportion du revenu national brut)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Toutefois, on peut relever qu'en 2018, la France n'occupait que la 10 ème place de ce classement, ce qui témoigne de l'important effort mis en oeuvre pour renforcer le montant des aides versées.

En effet, entre 2018 et 2020, le montant de l'APD française a augmenté de 16,2 % en volume , ce qui en fait le quatrième pays en termes d'efforts consentis sur la période.

Taux de croissance des montants versés au titre de l'aide publique
au développement entre 2018 et 2020

(en pourcentage et en volume)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

b) La France privilégie la coopération bilatérale et l'octroi de prêts pour atteindre ses objectifs en matière d'APD

L'aide française présente pour l'essentiel un caractère bilatéral puisque seul 35,5 % du montant de l'APD est versé à des organisations multilatérales .

On peut relever que depuis 2018, la France a rééquilibré ses interventions en faveur de l'aide bilatérale qui sont passées de 55 % de l'aide totale en 2017 à 64,5 %en 2020.

Répartition entre les composantes bilatérale et multilatérale
de l'aide publique au développement

(en pourcentage de l'aide totale)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Comme les rapporteurs spéciaux l'avaient relevé les années précédentes, l'aide publique au développement de la France se singularise par le très fort recours à l'instrument des prêts concessionnels , c'est-à-dire octroyés à des conditions très préférentielles.

Ainsi la part de l'APD correspondant à l'élément-don des prêts - c'est-à-dire de l'effort financier réalisé par le créancier par l'octroi d'un prêt concessionnel en comparaison d'un prêt aux conditions de marché - représente 19,5 % de l'aide totale versée par la France .

Pour les autres pays membres du CAD, cette part est en moyenne
de 8,0 %
et seuls deux pays - le Japon et la Corée - mobilisent aussi fortement que la France l'instrument de la concessionnalité des prêts pour mettre en oeuvre leurs objectifs d'APD.

Part de l'élément-don des prêts dans l'aide publique au développement

(en pourcentage de l'aide totale)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

c) L'APD française est fortement dirigée vers l'Afrique mais cible un nombre varié de secteurs d'intervention

En 2020, l'aide publique au développement française est principalement dirigée (53,7 %) vers les pays d'Afrique. L'Asie constitue le second espace d'action de la politique de développement avec 2,3 milliards de dollars engagés en 2020.

Décomposition géographique de l'aide publique au développement française
en 2020

(en montant et en pourcentage de l'aide totale)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Par ailleurs, les actions en faveur du développement des infrastructures et services économiques - plus particulièrement dans le secteur de l'énergie -, de l'éducation et de la distribution d'eau et d'assainissement, emportent la majorité des ressources mobilisées en 2020 .

Décomposition sectorielle de l'aide publique au développement française
en 2020

(en pourcentage de l'aide totale ventilable)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

3. Quelle aide française en faveur de la Turquie et de la Chine ?

Les rapporteurs spéciaux ont souhaité présenter plus en détail la nature des actions relevant de l'aide publique au développement réalisées dans certains grands pays émergents , en l'occurrence la Turquie et la République Populaire de Chine (RPC) .

D'après les données de l'OCDE, les montants d'APD nets engagés en Turquie en 2019, hors contributions multilatérales imputées, s'élèveraient à 74,3 millions de dollars dont 80 % sous forme de dons .

L'essentiel de cette dépense (88,9 %) s'explique par deux types de versements :

- la contribution de la France à la Facilité de l'Union européenne pour les réfugiés en Turquie (FRiT) ;

- les frais d'écolage engagés en faveur des étudiants de nationalité turque accueillis dans des établissements universitaires français.

La France assume également une dépense de l'ordre de 27 millions de dollars sous la forme de concessionnalité de prêts , c'est-à-dire en offrant des prêts à des conditions plus favorables que celles du marché.

Celle-ci correspond à deux prêts accordés par l'Agence française de développement en faveur :

- d'un projet local en matière de politique forestière qui participe à l'approfondissement de la coopération technique entre la France et la Turquie dans ce domaine ;

- du projet d'extension du métro d'Istanbul .

Décomposition de l'aide bilatérale versée à la Turquie en 2019

(en millions d'euros)

Note : le poste « contributions à des actions gérées par des partenaires d'exécution » correspond, en l'espèce, à la contribution de la France à la Facilité de l'Union européenne pour les réfugiés en Turquie.

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

Dans le même temps, la France aurait versé 135 millions de dollars en faveur de la République Populaire de Chine dans le cadre de sa politique d'aide publique au développement en 2019, à l'exclusion des contributions multilatérales imputées.

Près de 60 % de cette aide correspond au montant des frais d'écolage assumés par la France en faveur des étudiants de nationalité chinoise accueillis dans des établissements universitaires français.

Ensuite, 19,1 millions de dollars d'aide ont été versés sous forme d'équivalent-don des prêts concessionnels . Ces montants correspondent à une dizaine de projets ayant donné lieu à l'octroi d'un prêt par l'Agence française de développement, par exemple :

- trois projets en faveur de la biodiversité représentant un montant d'équivalent-don de 3,8 millions de dollars (restauration et valorisation de la zone humide de la rivière Changyuan au Shanxi, protection, restauration et valorisation du patrimoine naturel et culturel du parc national de Xianju dans la province du Zhejiang, intervention dans le parc national Tiantangzhai) ;

- un projet de construction de capacité de production en biomasse , représentant un montant d'équivalent-don de 2,7 millions de dollars ;

- un projet de construction d'une centrale électrique fonctionnant au gaz naturel pour un équivalent-don de 2,1 millions de dollars.

Les rapporteurs spéciaux se sont vus indiquer par les représentants de l'AFD que si elle concédait des prêts à la République Populaire de Chine, le pays était également acquéreur d'une partie des obligations émises par l'agence.

Ainsi, l'intérêt pour la Chine de recourir aux offres de financement de l'AFD reposerait moins sur un enjeu financier - dans la mesure où ce pays n'a pas de difficultés d'accès aux financements sur les marchés - que sur la volonté de créer et maintenir des liens avec la France .

Décomposition de l'aide bilatérale versée à la Chine en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données de l'OCDE

4. Quoique centrale, la mission Aide publique au développement ne représente qu'une partie des moyens de cette politique transversale

La mise en oeuvre de la politique d'aide au développement par la France mobilise plusieurs acteurs (États, opérateurs, collectivités locales et personnes privées). Pour information, en 2020, les collectivités locales avaient généré 122 millions d'euros d'APD.

Par ailleurs, au sein même du périmètre de l'État et de ses opérateurs, l'APD n'est que partiellement mise en oeuvre et retracée par la mission Aide publique au développement.

En effet, près de 26 programmes relevant du budget de l'État concourent à la politique de développement de la France. Les missions concernées sont, en particulier :

- la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 1,2 milliard d'euros ;

- la mission « Immigration, asile et intégration » pour 824 millions d'euros ;

- la mission « Action extérieure de l'État » pour 398 millions d'euros.

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