B. LA SORTIE DU ROYAUME-UNI DE L'UNION EUROPÉENNE A CONSTITUÉ UNE OPPORTUNITÉ POUR LA PLACE DE PARIS

1. La perte du passeport financier a engendré une relocalisation de milliers d'emplois dans la capitale

En raison du Brexit, le Royaume-Uni a perdu l'équivalence en matière de services d'investissement (ESI) qui constitue le principal point d'accès au marché intérieur pour la vente de leurs produits et services. Cette équivalence permet à des entreprises d'investissement ou à des établissements de crédit de pays tiers, disposant des agréments adéquats dans leur pays d'origine, de fournir, depuis ce pays, les neufs services d'investissements reconnus par la réglementation MiFID2 3 ( * ) aux seuls clients professionnels de l'Union européenne.

Avant le Brexit, les nombreuses filiales d'entreprises d'investissement étrangères - notamment américaines et asiatiques - installées à Londres bénéficiaient sans restriction du passeport européen sur les services financiers. Le non-octroi de l'ESI au Royaume-Uni a été la principale raison de la relocalisation des services financiers dans l'Union européenne ; la Banque d'Angleterre estimait alors que 10 000 emplois du secteur étaient menacés. Certaines entreprises n'ont d'ailleurs pas attendu la sortie effective du Royaume-Uni de l'Union européenne pour déménager leurs bureaux, notamment à Paris, ce qui a renforcé la visibilité de notre place financière.

La France avait engagé une véritable stratégie pour attirer les entreprises relevant de l'écosystème financier de la City, et contrer ainsi les initiatives luxembourgeoises, allemandes et irlandaises destinées à séduire les gérants londoniens. À cet égard, le Parlement avait adopté, à la suite de l'annonce du Brexit, des mesures favorisant les installations dans l'Hexagone : allongement de 5 à 8 ans du régime spécifique des « impatriés », exonération de la tranche supérieure de la taxe sur les salaires, annulation de l'extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations intraday 4 ( * ) , création d'un guichet unique « tax 4 business » pour faciliter les démarches, imposition des revenus des gestionnaires de fonds - dits de carried interest - au prélèvement forfaitaire unique de 30 % (contre 28 % au Royaume-Uni) à condition qu'ils s'installent en France et que leurs gains soient entièrement réalisés à l'étranger, etc.

Auditionné par le rapporteur, Paris Europlace , organisme en charge de la promotion et du développement de la place financière parisienne, évalue à 4 500 le nombre d'emplois directs relocalisés à Paris, destination préférée à Dublin (4 000) et à Francfort (3 000). D'après le cabinet EY, notre capitale aurait plutôt attiré 2 800 emplois, contre 1 800 pour Francfort et 1 200 pour Dublin. Quoi qu'il en soit, la France est la principale bénéficiaire des relocalisations de salariés de la finance, initialement évalués à 7 000 ; selon Paris Europlace , ce succès s'explique notamment par la qualité de la formation française dans ce domaine.

D'après le ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, le Brexit a permis à la place parisienne de se diversifier en attirant des institutions financières qui, auparavant, y étaient peu - voire pas - représentées, à l'instar des grandes banques d'investissements, ou des principaux gestionnaires d'actifs et intermédiaires anglo-saxons (courtiers, plateformes de négociation électroniques, etc.).

2. L'accueil du siège de l'ABE à Paris est une conséquence directe du Brexit

La décision du Royaume-Uni de quitter l'Union européenne, notifiée au Conseil européen le 29 mars 2017, a entraîné de facto le départ des agences européennes, dont l'ABE, de son territoire.

Le 20 novembre 2017, en marge de la session du Conseil des affaires générales, Paris a été choisie pour accueillir le siège de l'ABE, au tirage au sort face à Dublin, après trois tours de scrutin non concluants. L'autorité s'est donc installée dans le quartier de La Défense, en mars 2019, avec ses quelque 200 employés - dont une vingtaine de Français - qui avaient exprimé leur préférence pour un déménagement à Paris ou à Vienne.

Interrogé par le rapporteur sur les conditions d'accueil et d'installation du personnel dans la capitale, le directeur exécutif de l'ABE a indiqué qu'aucune difficulté particulière n'avait été rencontrée par ses collaborateurs en provenance du siège londonien, y compris en matière de scolarisation de leurs enfants.

L'installation de l'ABE dans la capitale renforce l'attractivité et l'image de la place parisienne en tant que centre financier international. La présence et le séjour de professionnels européens de la finance conforte Paris comme capitale financière de la zone euro, dans un contexte de forte concurrence des autres places européennes.

3. Ce déménagement permettra une meilleure coordination avec l'AEMF

Le déménagement de l'ABE à Paris permet une collaboration plus simple avec l'AEMF, elle aussi installée dans la capitale, dans l'objectif de maintenir une supervision adéquate des activités de marchés des entreprises du secteur bancaire, qu'il s'agisse des établissements de crédit ou des entreprises d'investissement : l'Autorité bancaire européenne définit les règles prudentielles, et l'Autorité européenne des marchés financiers les règles de conduite. Les synergies entre les deux autorités sont importantes pour la qualité et la cohérence de la régulation. En outre, les enjeux liés à la supervision des entreprises établies dans des pays tiers devront faire l'objet d'une coopération approfondie entre les deux autorités ; leur proximité géographique facilitera cette coordination.

En septembre 2009, la Commission avait proposé de remplacer la configuration de supervision existante par un système européen de surveillance financière intégré, comprenant les trois autorités européennes de surveillance. Sur le fond, la France est favorable à une plus grande convergence dans l'Union européenne en matière de supervision ainsi qu'à un renforcement des pouvoirs de l'AEMF, mais ne soutient pas réellement une fusion des deux agences. L'idée d'un régulateur unique pourrait être défendue pour des raisons de fond, indépendamment de l'accueil de l'ABE à Paris, pour renforcer la cohérence de la supervision entre l'échelon national et l'échelon européen.


* 3 La réception et la transmission d'ordres ; l'exécution d'ordres au nom de clients ; la négociation pour compte propre ; la gestion de portefeuille sous mandat ; le conseil en investissement ; la prise ferme d'instruments financiers et/ou le placement d'instruments financiers avec engagement ferme ; le placement d'instruments financiers sans engagement ferme ; l'exploitation d'une plateforme de type Multilateral Trading Facility ; et l'exploitation d'une plateforme de type Organised Trading Facility .

* 4 Transactions monétaires ou financières initiées et dénouées au cours d'une même journée.

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