EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Intégration à l'université de la formation initiale des sages-femmes

Cet article tend, d'une part, à finaliser le processus d'intégration universitaire de la formation initiale des sages-femmes et, d'autre part, à créer un « diplôme d'État de docteur en maïeutique » permettant l'exercice de la profession de sage-femme.

I. Le dispositif proposé : la finalisation du processus d'intégration universitaire et la création d'un diplôme d'état de docteur en maïeutique

A. Malgré des avancées récentes, l'intégration universitaire de la formation initiale des sages-femmes demeure faible et inégale sur le territoire

La formation initiale en maïeutique, faiblement universitarisée, apparaît comme une exception au sein des professions médicales reconnues par le code de la santé publique 1 ( * ) . Plus de treize ans après avoir été autorisée, l'intégration des écoles de sages-femmes à l'université demeure largement inachevée.

1. Le faible ancrage universitaire de la formation des sages-femmes constitue une exception au sein des professions médicales

a) Les écoles de sages-femmes relèvent de la responsabilité de la région et sont encore majoritairement adossées à un centre hospitalier

Si les modalités d'accès à la filière maïeutique sont identiques à celles prévalant pour les autres professions médicales, la formation initiale des sages-femmes est ensuite dispensée dans des écoles dont le statut diffère sensiblement des formations universitaires proposées en médecine, pharmacie ou odontologie.

Aux termes de la réforme portée par la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé, trois modalités d'accès communes aux formations de médecine, de pharmacie, d'odontologie et de maïeutique (MPOM) coexistent 2 ( * ) :

- le parcours d'accès spécifique santé (PASS) : proposé par les seules universités disposant d'une unité de formation et de recherche (UFR) en santé, le PASS est une formation d'un an structurée autour d'une majeure santé et d'une mineure dans une autre discipline, permettant aux étudiants d'obtenir 60 crédits ECTS 3 ( * ) et de se présenter, à cette condition, à l'accès aux filières MPOM ;

- la licence « accès santé » (LAS) : structurée, à l'inverse, autour d'une majeure disciplinaire et d'une mineure santé, elle permet de se présenter aux épreuves de sélection des filières MPOM à l'issue de la première ou, si l'étudiant le souhaite, de la deuxième année ;

- enfin, les épreuves de sélection aux filières MPOM sont ouvertes aux étudiants des formations d'auxiliaire médical d'une durée minimale de trois ans ayant validé au moins 60 crédits ECTS.

Par ailleurs et depuis 2011, les études de maïeutique, comme les autres formations médicales, ont été adaptées au modèle universitaire européen « licence-master-doctorat » (LMD). D'une durée totale de cinq années, celles-ci donnent accès :

- à l'issue du premier cycle de trois ans , comprenant la première année commune, à un diplôme de formation générale en sciences maïeutiques conférant un grade de licence ;

- à l'issue du deuxième cycle de deux ans , soit des quatrième et cinquième années de formation, à un diplôme d'État de sage-femme, conférant le grade de master et permettant l'exercice de la profession 4 ( * ) .

Si l'accès comme la structuration des études de maïeutique apparaissent ainsi largement universitaires, les quatre années de formation sont toutefois dispensées par trente-cinq écoles de sages-femmes dont la responsabilité et le financement relèvent de la région et qui demeurent, majoritairement, adossées à un centre hospitalier . Les écoles sont agréées par le président du conseil régional pour une durée de cinq ans 5 ( * ) . Depuis la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les régions ont également la charge de financer le fonctionnement et l'équipement des écoles, lorsqu'elles sont publiques 6 ( * ) , et d'attribuer des aides aux étudiants inscrits 7 ( * ) .

Contrairement à leurs homologues des autres professions médicales, la majorité des étudiants en maïeutique poursuit, en conséquence, ses études hors de l'université . Ce modèle régional et hospitalier s'apparente à celui des instituts et écoles de formation aux professions paramédicales 8 ( * ) et s'éloigne du modèle universitaire retenu, notamment, en médecine et en odontologie.

b) Le nombre d'enseignants-chercheurs en maïeutique demeure marginal

Au-delà de l'aspect organique de l'intégration universitaire des écoles, la formation initiale en maïeutique apparaît faiblement adossée sur la recherche : le nombre d'enseignants-chercheurs dans cette discipline s'avère très faible en France et le statut de la majorité des enseignants n'est pas celui d'un enseignant-chercheur universitaire.

La France se caractérise d'abord par un très faible nombre de sages-femmes titulaires d'une thèse de recherche et susceptibles, en conséquence, d'accéder au statut d'enseignant-chercheur universitaire. Un rapport récent de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) note par exemple que la Suède compte plus de 176 sages-femmes titulaires d'un doctorat, soit plus du triple de la France, alors que le nombre de sages-femmes y est six fois inférieur 9 ( * ) . Si la création d'une section « maïeutique » au sein du Conseil national des universités (CNU), en 2019 10 ( * ) , a permis la qualification et le recrutement d'enseignants-chercheurs dans la discipline, le nombre de personnes concernées demeure encore marginal : au milieu de l'année 2022, 27 sages-femmes maîtres de conférences et une professeure des universités avaient été qualifiées 11 ( * ) .

En conséquence, la formation initiale en maïeutique est majoritairement assurée par des sages-femmes ne disposant pas de formation universitaire à la recherche . Peuvent accéder aux fonctions d'enseignement les sages-femmes appartenant au deuxième grade du statut, accessible après huit années d'exercice dans le corps. Les sages-femmes enseignantes appartiennent, pour l'essentiel, à la fonction publique hospitalière, qui ne valorise pas la détention de diplômes universitaires de master ou de doctorat. Celles-ci ne sont pas davantage incitées financièrement à préparer une thèse de recherche dans l'objectif d'obtenir un statut universitaire. En conséquence, le niveau de diplôme des enseignantes apparaît relativement faible : une étude de 2016 concluait que 42 % seulement des enseignantes possédaient un diplôme de master 12 ( * ) .

2. Encouragée par l'État et souhaitée par les sages-femmes, l'intégration des écoles de sages-femmes à l'université demeure toutefois largement inachevée

a) L'intégration des écoles à l'université a été autorisée puis encouragée ces dernières années et répond à une demande ancienne des sages-femmes

L'intégration universitaire de la formation a été autorisée par le législateur et encouragée par le ministère depuis plus de 13 ans . En effet, l'article 60 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a prévu que la formation initiale des sages-femmes peut être organisée au sein des universités, sous réserve de l'accord du conseil régional portant notamment sur les modalités de financement de la formation et après intervention d'un arrêté des ministres chargés de la santé et de l'enseignement supérieur 13 ( * ) . Une circulaire du 24 janvier 2012, relative aux modalités de mise en oeuvre de la réforme LMD, fixait par ailleurs pour objectif « une intégration totale de la formation de sage-femme à l'université d'ici à cinq ans. » 14 ( * )

Dans le même temps, plusieurs rapports ont appelé à finaliser le processus d'intégration . Une mission commune de l'IGAS et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) recommandait ainsi, en 2017, d'accélérer l'intégration des formations au schéma LMD 15 ( * ) . Le rapport récent de l'IGAS relatif à la profession de sage-femme recommande par ailleurs de « finaliser le processus d'intégration » en arrêtant une date limite, « qui ne doit pas dépasser 5 ans. » 16 ( * )

Enfin, l'intégration universitaire de l'ensemble des écoles de sages-femmes est, de longue date, demandée par la profession et les syndicats étudiants . L'Association nationale des étudiant•e•s sages-femmes (ANESF), auditionnée par la rapporteure, estime qu'il s'agit de l'« un des plus grands enjeux de [la] formation » et rappelle s'être prononcée en faveur de l'intégration dès mai 2011 17 ( * ) . Le livre blanc publié en mars 2022 par sept organisations représentatives de la profession appelle par ailleurs à « Finaliser l'intégration universitaire de tous les établissements de formation pour permettre le développement de la recherche en maïeutique. » 18 ( * )

b) Soumise à l'approbation des acteurs locaux, l'intégration demeure inachevée et constitue un facteur d'inégalité territoriale

Les personnes auditionnées ont indiqué à la rapporteure que les projets locaux d'intégration universitaire étaient souvent ralentis par l'inertie ou l'inquiétude des acteurs , relatives aux conséquences de l'intégration. Les centres hospitaliers, au sein desquels les écoles de sages-femmes sont souvent perçues comme un facteur d'attractivité susceptible de favoriser le recrutement, sont parfois réticents à perdre le contrôle sur ces formations. Au sein des universités, des inquiétudes existent également sur les modalités financières et administratives de l'intégration, qui ne fait pas toujours figure de priorité dans les UFR concernés. Les écoles, enfin, demeurent attachées à leur autonomie financière et pédagogique et ne souhaitent pas que l'intégration puisse l'altérer. Constatant également « des résistances provenant des différents acteurs », l'IGAS préconisait récemment de « rassembler toutes les parties prenantes » afin de finaliser le processus d'universitarisation 19 ( * ) .

Les modalités d'intégration universitaire constituent, à cet égard, un enjeu important. Plusieurs modèles institutionnels concurrents existent :

- la création d'une école ou d'un institut universitaire , au sens de l'article L. 713-1 du code de l'éducation, comme celle d'un UFR de maïeutique , offrent des garanties importantes d'autonomie pédagogique et financière, mais s'avèrent coûteuses en gestion et, souvent, inadaptées à la taille des écoles intégrées ;

- la création d'un département de maïeutique au sein d'un UFR de médecine , ne soulevant pas une telle difficulté opérationnelle mais laissant craindre aux sages-femmes un assujettissement de leur discipline ;

- la création, enfin, d'un département de maïeutique au sein d'un UFR de santé mixte , pouvant réunir l'ensemble des professions MPOM : ce modèle est très majoritairement privilégié par les organisations de sages-femmes auditionnées par la rapporteure.

Aucune disposition législative ne contraignant les parties prenantes à s'entendre sur un tel projet, l'intégration universitaire des écoles apparaît aujourd'hui très inégale . La majorité d'entre elles demeurent adossées à un centre hospitalier. Parmi elles, le degré de collaboration avec l'université, par exemple dans la mise en place d'enseignements communs aux différentes professions médicales ou dans l'accès des étudiantes en maïeutique aux services universitaires, varie d'une école à l'autre 20 ( * ) et constitue, à ce titre, un facteur d'inégalités entre les différentes formations.

B. La proposition de loi initiale visait à achever l'intégration universitaire des écoles de maïeutique dès la rentrée 2022-2023 et tirait les conséquences de la création d'un troisième cycle

L'article 1 er de la proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage-femme, déposée par la députée Annie Chapelier sur le bureau de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2021, visait à parachever le processus d'intégration universitaire dès la rentrée 2022-2023 et à tirer les conséquences, sur les diplômes requis pour exercer la profession, de la création d'un troisième cycle d'études.

1. L'intégration des écoles au sein des UFR de médecine ou de santé pour la rentrée universitaire 2022-2023

Pour faire aboutir le processus d'intégration universitaire, l'article 1 er de la proposition de loi substituait à la faculté ouverte par la loi du 21 juillet 2009 une obligation d'intégration devant s'imposer à l'ensemble des écoles de sages-femmes à compter de la rentrée universitaire 2022-2023. Il arbitrait également entre les différentes modalités institutionnelles d'intégration en prévoyant que la formation serait désormais dispensée au sein des UFR de médecine ou de santé des universités.

Le 2° du I de la proposition de loi initiale modifiait ainsi l'article L. 4151-7 du code de la santé publique pour prévoir que la formation des personnes se préparant à la profession de sage-femme serait assurée non plus « dans des écoles agréées par la région » mais « au sein des unités de formation et de recherche de médecine ou de santé ». Il prévoyait par ailleurs que ces dispositions s'appliqueraient à la rentrée universitaire 2022-2023 et seraient précisées par arrêté des ministres chargés de l'enseignement supérieur et de la santé.

Le II abrogeait, en conséquence, trois articles du code de la santé publique dont les dispositions ne paraissaient plus pertinentes :

- l'article L. 4151-7-1, issu de la loi du 21 juillet 2009, disposant que la formation initiale des sages-femmes peut être organisée au sein des universités ;

- l'article L. 4151-8, disposant que la région est compétente pour attribuer des aides aux étudiants inscrits dans les écoles de maïeutique, celles-ci ayant vocation à être désormais versées par les universités ;

- l'article L. 4151-9, enfin, disposant que la région a la charge du fonctionnement et de l'équipement des écoles publiques de maïeutique et précisant les modalités de versement et de suivi de ces subventions.

2. La création d'un diplôme d'État de docteur en maïeutique requis pour exercer la profession

Indépendamment du processus d'intégration universitaire, et afin de tirer les conséquences de la mise en place, par l'article 2, d'un troisième cycle d'études en maïeutique, l'article 1 er de la proposition de loi crée un diplôme français d'État de docteur en maïeutique . Celui-ci a vocation à sanctionner la formation ainsi remaniée et à permettre l'exercice de la profession, après soutenance d'une thèse d'exercice se substituant à l'actuel mémoire de fin d'études.

Le I de l'article 1 er de la proposition initiale modifiait ainsi l'article L. 4151-5 du code de la santé publique, listant les titres de formation exigés pour l'exercice de la profession de sage-femme, pour substituer à l'actuel diplôme français d'État de sage-femme le nouveau diplôme français d'État de docteur en maïeutique.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

A. Sur l'intégration des écoles à l'université

Quatre amendements de la rapporteure de l'Assemblée nationale, Annie Chapelier, relatifs à l'intégration ont été adoptés par la commission des affaires sociales. Ceux-ci ont visé :

- à rallonger le délai donné aux acteurs locaux pour mettre en oeuvre l'obligation d'intégration universitaire, en prévoyant que celle-ci ne deviendrait obligatoire qu'à compter du 1 er septembre 2027 ;

- à prévoir que la formation en maïeutique est prioritairement intégrée au sein d'un UFR de santé ou, à défaut seulement, au sein d'un UFR de médecine ;

- à requérir du Gouvernement la remise d'un rapport au Parlement dressant un état des lieux de l'intégration universitaire de la formation de sage-femme, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la proposition de loi ;

- à intégrer, enfin, les dispositions relatives à la formation des sages-femmes dans le code de l'éducation, comme c'est le cas pour les études de médecine et d'odontologie.

B. Sur la création d'un diplôme d'État de docteur en maïeutique

La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a par ailleurs adopté un amendement visant à préciser, à l'article L. 4151-5 du code de la santé publique, que l'actuel diplôme français d'État de sage-femme autorise valablement à exercer la profession les étudiants ayant débuté le deuxième cycle des études de maïeutique avant le 1 er septembre 2023 . L'article 2 de la proposition, créant le troisième cycle d'études, a également été amendé par la rapporteure afin de prévoir la même date d'application.

III. La position de la commission

L'intégration universitaire est attendue par la profession depuis plus de treize ans . Inaboutie, elle constitue aujourd'hui un facteur d'inégalité important entre écoles et entre étudiants. La mesure apparaît, d'ailleurs, particulièrement attendue par ces derniers. L'ANESF, lors de son audition par la rapporteure, a ainsi pu lister les bénéfices espérés d'un tel processus :

- le développement d'une « culture commune » entre formations aux professions médicales , susceptible de favoriser plus tard la collaboration entre elles, par la mise en place d'enseignements communs et, plus largement, le partage d'un même espace universitaire ;

- l'amélioration, pour les étudiantes en maïeutique, de l'accès à la recherche ;

- l'amélioration de l'accès aux services universitaires et, plus largement, à la vie institutionnelle de l'université.

Au-delà, l'intégration universitaire constitue un symbole important de reconnaissance pour la profession, le statut régional et hospitalier de la formation des sages-femmes les isolant aujourd'hui parmi les professions médicales.

Enfin, le rapprochement des écoles et de l'université apparaît nécessaire pour favoriser le développement de la recherche en maïeutique et le recrutement d'enseignants chercheurs dans cette discipline, permis depuis 2019 par l'ouverture d'une section au CNU. Sur ce point, la rapporteure entend l'invitation de plusieurs sages-femmes auditionnées à rémunérer justement les équipes enseignantes afin de mettre fin à l'hétérogénéité et lever un possible frein à l'intégration universitaire.

La rapporteure a, du reste, pu constater lors des auditions que les modalités et délais d'intégration fixés par la loi correspondaient aux attentes de la grande majorité des sages-femmes auditionnées. L'intégration préférentielle aux unités de formation et de recherche (UFR) en santé mixte est soutenue par la profession. À cet égard, les auditions ont mis en lumière deux exigences : préserver, d'une part, l' autonomie financière, pédagogique et de gouvernance des écoles et, d'autre part, favoriser la nécessaire collaboration entre professions médicales interdépendantes .

En revanche, la date d'application du nouveau diplôme d'État de docteur en maïeutique est apparue inadaptée . Les dispositions de l'article 1 er le rendaient, en l'état, nécessaire pour exercer la profession de sages-femmes à l'ensemble des étudiants ayant débuté le deuxième cycle d'études de maïeutique, soit la quatrième année, après le 1 er septembre 2023. Ce faisant, elles imposaient un troisième cycle d'études aux actuels étudiants de premier cycle, d'ores et déjà engagés dans la filière maïeutique sans avoir eu connaissance, au préalable, de l'ajout d'un cycle d'études supplémentaire et sans avoir bénéficié de la totalité de la refonte de la maquette pédagogique. De nombreuses organisations de sages-femmes auditionnées par la rapporteure, dont le Conseil national de l'Ordre, se sont inquiétées de cette anomalie.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a en conséquence adopté un amendement COM-5 visant à prévoir que le nouveau diplôme de docteur ne serait nécessaire à l'exercice de la profession que pour les étudiants ayant débuté la deuxième année du premier cycle après le 1 er septembre 2024.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 1er bis
Création d'un statut de maître de stage universitaire

Cet article vise à créer un statut de sages-femmes maîtres de stage des universités, agréées après une formation obligatoire.

I. Le dispositif proposé : la création d'un statut de sages-femmes maîtres de stage des universités

A. L'encadrement des étudiants stagiaires constitue un enjeu important et apparaît perfectible

1. Les stages occupent la majorité du temps de formation des futures sages-femmes

La formation en maïeutique fait traditionnellement une large place au compagnonnage et aux stages cliniques . Le code de déontologie prévoit ainsi que « Dans le cadre de son exercice professionnel, la sage-femme a le devoir de contribuer à la formation des étudiants sages-femmes et de ses pairs. » 21 ( * ) Les stages représentent environ les deux tiers du temps de formation des sages-femmes, entre la deuxième et la cinquième année 22 ( * ) . Ils se sont progressivement diversifiés pour intégrer les nouvelles modalités d'exercice et compétences de la profession et concerner, par exemple, le suivi prénatal, le suivi post-natal et la surveillance gynécologique. Le référentiel de formation du deuxième cycle prévoit également que « La part des stages hors établissements de santé doit être conséquente afin de faciliter l'approche sur le parcours de soin des femmes et des couples mères-enfants. » 23 ( * )

Aussi les conditions d'accompagnement en stage forment-elles un enjeu important dans le bien-être des étudiants en maïeutique , que les auditions ont permis d'étayer. Une enquête de l'Association nationale des étudiant•e•s sages-femmes estime ainsi que 61 % des étudiants ont le sentiment d'avoir subi, au moins quelques fois, de la maltraitance en stage 24 ( * ) . D'après l'association, auditionnée, les conditions de réalisation des stages s'avéreraient particulièrement difficiles dans les établissements hospitaliers, et souffriraient d'un manque d'encadrement et d'écoute des étudiants concernés 25 ( * ) .

2. Les fonctions de maître de stage ou de référent ne font, aujourd'hui, l'objet d'aucun statut spécifique

Malgré l'importance des stages dans la formation des sages-femmes, les fonctions de maître ou référent de stage ne font pas, aujourd'hui, l'objet d'un statut spécifique . Si l'arrêté du 11 mars 2013 fixant le régime des études de deuxième cycle en maïeutique prévoit que « La structure de formation s'assure de la qualité de l'encadrement du stagiaire » et « favorise la formation des professionnels référents de stage », il n'existe pas de procédure d'agrément des maîtres de stage ou de formation préalable obligatoire. Dans ces conditions, les organisations auditionnées par la rapporteure ont souligné que la qualité de l'accueil et de l'encadrement des stagiaires s'avérait très inégale d'un terrain de stage à un autre. Une seconde enquête de l'ANESF a ainsi relevé que, le plus souvent, les étudiants ne disposaient « d'aucun accompagnement particulier » et que 13 % seulement des stagiaires réalisaient, en fin de stage, un bilan auprès d'une sage-femme référente 26 ( * ) .

Dans ce contexte, la création d'un statut de sage-femme référente ou maître de stage apparaît largement soutenue par la profession . Le livre blanc publié en mars 2022 par sept organisations représentatives de la profession propose ainsi d'« Inscrire dans la loi le statut de maître de stage universitaire pour les sages-femmes - déjà existant chez les médecins - afin d'assurer une formation pratique de qualité et conforme aux exigences scientifiques. » 27 ( * ) L'ANESF soutient la création de deux statuts, l'un de maître de stage universitaire pour les sages-femmes libérales et territoriales, l'autre de référente pour les sages-femmes hospitalières, impliquant tous les deux une formation préalable et un agrément de l'université 28 ( * ) . La proposition de loi répond en partie à ces revendications.

B. La proposition de loi vise à créer un statut de maître de stage universitaire inspiré de celui des médecins libéraux

Afin d'assurer un meilleur encadrement des étudiants en stage, l'article 1 er bis de la proposition de loi, issu de quatre amendements identiques adoptés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, vise à créer un nouveau statut de sages-femmes agréées maîtres de stage des universités , dont l'agrément suppose une formation préalable obligatoire.

Pour ce faire, le texte complète le code de la santé publique par un nouvel article prévoyant que les étudiants de deuxième et troisième cycles de maïeutique peuvent être autorisés à effectuer une partie de leurs stages pratiques auprès de sages-femmes agréées maîtres de stage des universités . Il renvoie les conditions de l'agrément des sages-femmes à un décret en Conseil d'État mais précise que celles-ci doivent comprendre une formation obligatoire auprès de l'université ou de tout autre organisme habilité .

Le statut ainsi créé s'inspire de celui des praticiens agréés maîtres de stage des universités (PAMSU), prévu par le code de l'éducation, et qui a vocation à accompagner le développement des stages ambulatoires dans les études de médecine. Les stages des étudiants de deuxième et troisième cycles peuvent ainsi être réalisés dans les centres hospitaliers universitaires et autres établissements de santé, ou auprès de PAMSU exerçant, notamment, en centre de santé ou en cabinet libéral 29 ( * ) . Les conditions d'agrément, fixées par décret en Conseil d'État, sont actuellement les suivantes 30 ( * ) :

- attester avoir suivi une formation à l'accueil, à l'encadrement et à l'évaluation d'un étudiant, dispensée par une université ou un organisme habilité ;

- proposer des activités médicales en adéquation avec les objectifs de la formation poursuivie ;

- justifier d'un niveau d'encadrement et des moyens pédagogiques mis en oeuvre pour assurer la qualité de la formation.

II. La position de la commission

La création d'un statut de sage-femme agréée maître de stage des universités constitue une réelle avancée dans l'encadrement des stages étudiants . L'existence d'une formation préalable, nécessaire à l'agrément d'un maître ou d'un référent de stage, apparaît indispensable au regard de l'importance des stages dans la formation des sages-femmes et des conditions, parfois difficiles, de leur déroulement. La proposition de loi s'inspire d'un dispositif qui, particulièrement pour la médecine générale, a accompagné le développement des stages en ambulatoire et permis un meilleur encadrement des étudiants.

Toutefois, la rapporteure regrette que ce dispositif ne réponde que partiellement aux demandes formulées par les sages-femmes au sujet de l'encadrement des stages, en ayant vocation à ne s'appliquer qu'en ville . Lors des auditions, celles-ci ont fréquemment souligné la nécessité de mieux encadrer les stages et de mieux valoriser la fonction de référent, non pas seulement en ambulatoire, mais aussi à l'hôpital.

Si, interrogée sur ce point, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) a répondu que le décret n° 2014-1585 du 23 décembre 2014 autorise déjà les sages-femmes hospitalières à concourir à la formation des étudiantes en qualité de maître de stage 31 ( * ) , les conditions de déroulement des stages à l'hôpital ont fréquemment été décrites, par les sages-femmes auditionnées, comme particulièrement difficiles . Dans son enquête « Bien-être » de 2018, l'ANESF indiquait ainsi que « les grands centres hospitaliers, les CHU, les maternités de niveau III » étaient les lieux de stage identifiés comme les plus difficiles par les étudiantes 32 ( * ) . La rapporteure observe enfin que l'IGAS, dans son rapport récent sur la profession, recommandait de mieux reconnaître « la fonction de maître de stage au sein des établissements hospitaliers, qui devra faire l'objet d'une formation et d'un temps dédié . » 33 ( * ) En outre, elle entend la volonté des sages-femmes auditionnées que soit mise en place une juste rémunération des maîtres de stage.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2
Création d'un troisième cycle d'études pour les étudiantes en maïeutique

Cet article tend, d'une part, à créer un troisième cycle dans la formation initiale des sages-femmes et, d'autre part, à imposer une révision concomitante des référentiels de formation des premier et deuxième cycles.

I. Le dispositif proposé : la création d'un troisième cycle d'études de maïeutique et la révision des référentiels de formation

A. La création d'un troisième cycle et la révision des référentiels de formation apparaissent fortement attendus par la profession

La création d'un troisième cycle au sein de la formation initiale et la révision des référentiels de formation des premier et deuxième cycles, portés par des arrêtés de 2011 et 2013 34 ( * ) , apparaissent largement réclamées par la profession. Elles figurent parmi les propositions du livre blanc publié, en mars 2022, par sept organisations représentatives de la profession 35 ( * ) et dans les revendications de l'ANESF 36 ( * ) . Pour ceux qui les défendent, l'allongement des études et la mise à jour de leur contenu doivent permettre à la fois de tenir compte des évolutions importantes qu'a connues la profession et de renforcer son attractivité.

1. Ces réformes de la formation permettraient de mieux tenir compte des évolutions importantes ayant touché la profession ces dernières années

a) Le fort accroissement des compétences des sages-femmes, ces dernières années, justifierait une mise à jour de la formation

Les sages-femmes françaises exercent les responsabilités les plus étendues au niveau européen et, corollairement, disposent d'ores et déjà d'une formation plus longue qu'ailleurs . Les compétences des sages-femmes comprennent des actes de diagnostic et de prescription. Celles-ci apparaissent particulièrement étendues, non seulement en obstétrique (révision utérine, accouchement par le siège, prescription des arrêts de travail...), mais également en gynécologie (prescription de la contraception, pose et retrait de dispositifs intra-utérins, réalisation de l'IVG médicamenteuse ou, récemment, expérimentation de l'IVG chirurgicale...) comme en pédiatrie (prescription de médicaments aux nouveaux nés) 37 ( * ) .

Leur formation initiale, d'une durée de cinq ans depuis la création de la première année commune aux études de santé (PACES), apparaît également plus longue que dans les autres pays européens disposant d'une formation spécifique à la profession, tels que l'Allemagne, le Danemark ou l'Italie.

Pour autant, la plupart des organisations de sages-femmes entendues par la rapporteure ont souligné que la formation actuelle ne préparait pas suffisamment les étudiantes à l'exercice de l'ensemble de ces compétences . Le livre blanc indique, à cet égard, que « Construit sur les arrêtés datant de 2011 et 2013, le programme est obsolète ». Les référentiels de formation, insuffisamment mis à jour, ne tiendraient pas suffisamment compte de l'extension, très importante, des compétences des sages-femmes ces dernières années.

L'extension des compétences des sages-femmes

La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a autorisé les sages-femmes à suivre en toute autonomie une patiente durant sa grossesse et jusqu'aux soins postnataux du nouveau-né.

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires leur a permis notamment de réaliser des échographies gynécologiques, des actes d'acupuncture et d'ostéopathie, à prescrire des contraceptifs hormonaux ou poser des dispositifs contraceptifs intra-utérins.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé les a autorisées à prescrire des substituts nicotiniques, et de réaliser des IVG médicamenteuses.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prévu la mise en place d'une expérimentation de trois ans de la pratique de l'IVG chirurgicale, sous conditions de formation et d'expérience.

La loi n° 2021-502 du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification leur a permis de prescrire aux patientes et à leurs partenaires le dépistage d'infections sexuellement transmissibles et certains de leurs traitements.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a systématisé l'entretien postnatal entre les quatrième et huitième semaines suivant l'accouchement, et en a confié la réalisation aux médecins ou aux sages-femmes.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale vise enfin à élargir le périmètre de compétence vaccinale des sages-femmes en ne limitant plus celui-ci aux femmes, aux enfants et à l'entourage des femmes enceintes.

Cet important élargissement des compétences des sages-femmes a accompagné la diversification de leurs modes d'exercice.

b) Le développement de l'exercice libéral justifierait une diversification de l'offre de stages

Les modes d'exercice des sages-femmes se sont considérablement diversifiés ces dernières années , dans le sens notamment d'un développement de l'exercice libéral . La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) estime ainsi que 34 % des sages-femmes ont une activité libérale en 2021, alors qu'elles n'étaient que 20 % en 2012. Si ces tendances se prolongent, les effectifs de sages-femmes libérales ou à exercice mixte progresseraient encore de 70 % à l'horizon 2050, pour devenir majoritaires dans la profession. En outre, environ 7 % des sages-femmes sont salariées d'autres établissements de santé, notamment en centre de protection maternelle et infantile 38 ( * ) .

Les modalités d' adaptation de l'offre de stages à cette évolution constituent un enjeu important. La diversification des lieux de stage apparaît largement souhaitée par la profession. Le livre blanc publié en mars 2022 souligne ainsi que « les lieux de stage sont peu diversifiés, hospitalo-centrés. » 39 ( * ) L'ANESF demande, de la même manière, à ce que le nombre et la diversité des stages soient renforcés, en premier comme en second cycle, soulignant que les étudiants considèrent manquer d'expérience dans certains domaines d'intervention, tels que la procréation médicalement assistée (PMA) ou les consultations gynécologiques 40 ( * ) .

À l'inverse, l'IGAS souligne que la diversification des stages au sein de la formation de maïeutique laisse craindre, chez certains acteurs, une perte de compétence des sages-femmes en pratique clinique hospitalière 41 ( * ) . Les auditions de la rapporteure ont confirmé cette inquiétude pour l'un des acteurs entendus.

2. Ces réformes permettraient également de renforcer l'attractivité de la formation comme de la profession

a) La densité de la formation de maïeutique serait aujourd'hui excessive et nuirait à son attractivité

La densité de la formation initiale de sages-femmes est souvent présentée comme excessive et largement supérieure à celle des autres professions médicales . Une étude de l'ANESF a ainsi estimé, sur la base de comparaisons dans quatre villes distinctes, que le nombre d'heures de cours et de stages réalisé par les étudiants de maïeutique entre la deuxième et la cinquième année était nettement supérieur à celui des étudiants de pharmacie et d'odontologie sur la même période d'études : en moyenne, l'ANESF estime l'écart à 1 175 heures 42 ( * ) . L'IGAS relève, de son côté, qu'une part de plus en plus importante d'élèves ne parviennent pas à rédiger leur mémoire de fin d'études à temps et repoussent à la session de septembre, voire à l'année suivante, leur soutenance 43 ( * ) . Ce type de difficultés, également rencontrées dans la formation d'autres professions médicales, retarde le début de carrière des étudiantes concernées et les contraint, souvent, à exercer comme remplaçantes dans l'attente de leur soutenance 44 ( * ) .

L'intensité des études est également accusée de nuire au bien-être étudiant et à l'attractivité des études de maïeutique . L'ANESF rapportait ainsi, dans son enquête « Bien-être » de 2018, que plus des deux tiers des étudiants de maïeutique déclaraient souffrir de symptômes dépressifs 45 ( * ) . Les organisations de sages-femmes auditionnées par la rapporteure ont par ailleurs fréquemment souligné les difficultés d'attractivité auxquelles la profession faisait face. D'après le Conseil national de l'Ordre des sages-femmes, auditionné, environ 20 % des places offertes en deuxième année de maïeutique seraient demeurées vacantes à la rentrée 2022. Le livre blanc publié par les organisations représentatives de la profession fait par ailleurs état d'un taux d'abandon de 6 % parmi les élèves de la promotion 2018-2022 46 ( * ) .

b) La création d'un troisième cycle permettrait d'asseoir la reconnaissance de la profession, en la rapprochant des autres professions médicales et en approfondissant la formation et la recherche en physiologie

La demande de création d'un troisième cycle portée par la profession revêt une dimension symbolique importante : en rapprochant la formation des sages-femmes de celles d'odontologie et de pharmacie, comportant des troisièmes cycles courts, elle conforterait sa reconnaissance en profession médicale et améliorerait ainsi son attractivité . Outre l'allongement de la durée d'études, elle conduirait à substituer à l'actuel mémoire de fin d'études une thèse d'exercice, et à l'actuel diplôme d'État un diplôme d'État de docteur, plus proche de ceux permettant l'exercice des autres professions médicales 47 ( * ) .

Les troisièmes cycles des études de médecine,
de pharmacie et d'odontologie

1° Médecine :

Largement réformé en 2016 et 2017, le troisième cycle de médecine comprend désormais 44 diplômes d'études spécialisées (DES) dont la durée est comprise entre trois (médecine générale) et six ans (notamment, spécialités chirurgicales) 48 ( * ) . Il conduit, après soutenance d'une thèse, à l'obtention du diplôme d'État de docteur en médecine 49 ( * ) et, après validation de l'ensemble de la formation, d'un diplôme d'études spécialisées mentionnant la spécialité dans laquelle son titulaire est qualifié 50 ( * ) .

2° Pharmacie :

Le diplôme d'État de docteur en pharmacie est délivré après soutenance d'une thèse au cours :

- soit d'un troisième cycle court d'une année, en parcours « pharmacie officinale » ou « pharmacie industrielle » 51 ( * ) ;

- soit d'un troisième cycle long pour les étudiants reçus au concours de l'internat en pharmacie, donnant notamment accès au DES de pharmacie hospitalière ou à celui de biologie médicale 52 ( * ) , commun avec les étudiants de médecine 53 ( * ) , tous les deux d'une durée de quatre ans.

3° Odontologie :

Le diplôme d'État de docteur en chirurgie dentaire est délivré après la soutenance d'une thèse au cours :

- soit d'un troisième cycle court d'une année 54 ( * ) ;

- soit d'un troisième cycle long pour les étudiants reçus au concours de l'internat en odontologie, donnant accès aux DES de médecine bucco-dentaire et d'orthopédie dento-faciale, d'une durée de trois ans, ainsi qu'à celui de chirurgie orale, commun avec les étudiants de médecine et d'une durée de quatre ans 55 ( * ) .

Enfin, plusieurs organisations auditionnées par la rapporteure ont souhaité que l'allongement de la durée d'études et la révision des référentiels permettent d' accroître encore la place des enseignements en matière de physiologie dans la formation des sages-femmes.

B. La proposition de loi initiale visait à créer un troisième cycle d'études de maïeutique et à fixer sa durée comme ses principaux objectifs

L'article 2 de la proposition de loi initiale ne créait pas seulement un troisième cycle d'études de maïeutique mais fixait également sa durée et ses principaux objectifs.

Le I de l'article 2 insérait ainsi, au sein du code de l'éducation, un article L. 635-1 créant un troisième cycle d'études de maïeutique, dont la validation confère à l'étudiant un diplôme d'État de docteur en maïeutique. Si cet article renvoyait à un décret la fixation du référentiel de formation de ce nouveau troisième cycle, il énumérait toutefois ses principaux objectifs : réaffirmer les connaissances physiologiques et renforcer celles en néo-natalité, approfondir les connaissances relevant du domaine pathologique afin de mieux discerner la frontière physiologique-pathologique, développer les connaissances relatives aux nouvelles technologies et techniques concernant la profession.

Le II de l'article tirait les conséquences de cette évolution en faisant figurer les étudiants de troisième cycle de maïeutique parmi les étudiants en santé listés à l'article L. 6153-1 du code de la santé publique.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Deux amendements de la rapporteure adoptés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ont visé :

- à supprimer du dispositif les objectifs du nouveau troisième cycle comme sa durée d'un an, le contenu et la durée du dispositif étant renvoyés à un texte réglementaire ;

- à prévoir qu'une révision des référentiels de formation des premier et deuxième cycles de formation doit être mise en oeuvre, parallèlement, pour la rentrée universitaire 2023 ;

- à reporter l'allongement des études de maïeutique induit par la proposition de loi, enfin, en prévoyant que le troisième cycle ne s'appliquera qu'aux étudiantes qui commenceront leur deuxième cycle d'études après le 1 er septembre 2023.

III. La position de la commission

La création d'un troisième cycle d'études de maïeutique correspond à une revendication importante de la profession , fondée sur l'élargissement progressif des compétences confiées aux sages-femmes ces vingt dernières années et l'intensité jugée excessive de la formation actuelle. À cet égard, la mesure pourrait permettre de concilier des objectifs en apparence contradictoires : rationnaliser l'intensité de la formation, enrichir son contenu en l'adaptant à l'évolution des compétences comme des modalités d'exercice, la rendre plus professionnalisante pour mieux préparer les sages-femmes à leur première prise de poste.

La rapporteure a pu constater, lors de ses auditions, qu'il s'agissait également d'une mesure symboliquement importante pour une profession jugeant fréquemment que son statut médical est mal reconnu. À cet égard, l'allongement des études de maïeutique pourrait, paradoxalement, favoriser leur attractivité et contribuer à lutter contre le phénomène de places vacantes constaté cette année. Sur ce point, les organisations de sages-femmes entendues par la rapporteure se sont montrées unanimes.

Enfin, la création d'un troisième cycle pourrait permettre de favoriser le développement de la recherche en maïeutique, en encourageant l'accès aux masters associés et en augmentant sa place dans le programme de formation.

Si, pour l'ensemble de ces raisons, la création d'un troisième cycle apparaît opportune, la date d'application proposée a soulevé de nombreuses inquiétudes de la part de la grande majorité des personnes auditionnées. En appliquant le troisième cycle et la révision des référentiels aux actuels étudiants de deuxième et troisième années de maïeutique, la proposition de loi transmise risque d'altérer la cohérence de leur cursus. La DGOS, interrogée sur ce point par la rapporteure, a par ailleurs indiqué que de tels délais rendraient plus difficile la gestion de l'« année blanche », sans sortie d'études de sages-femmes diplômées, que l'entrée en vigueur d'un troisième cycle entraînera.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a en conséquence adopté un amendement COM-6 visant à prévoir que le nouveau troisième cycle ne s'appliquerait qu'aux étudiants ayant débuté la deuxième année du premier cycle à compter de la rentrée universitaire 2024. Par cohérence, la date de révision des référentiels de formation des premier et deuxième cycles est reportée à cette même rentrée.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 3
Possibilité pour les enseignants-chercheurs en maïeutique d'exercer conjointement des activités de soins, de recherche et d'enseignement

Cet article vise à faciliter, pour les sages-femmes enseignantes-chercheuses, le cumul de leur activité universitaire avec une activité clinique.

I. Le dispositif proposé : la facilitation du cumul d'activités d'enseignement et de recherche et d'activités cliniques

A. L'attractivité des carrières universitaires en maïeutique est altérée par des difficultés statutaires

Si les sages-femmes françaises disposent d'un champ de compétence particulièrement étendu et d'une formation plus longue qu'ailleurs, la recherche en maïeutique et le nombre d'enseignants-chercheurs dans la discipline demeurent très faibles, y compris au regard de pays étrangers 56 ( * ) . L'inégale intégration à l'université des écoles de sages-femmes 57 ( * ) et, plus largement, la reconnaissance universitaire tardive de la discipline constituent des facteurs explicatifs importants mais ne suffisent pas à justifier entièrement ce retard. Des difficultés d'ordre statutaire, et notamment l'absence de statut de bi-appartenance comparable à celui des autres professions médicales, sont souvent mises en avant et contribuent au manque d'attractivité des carrières universitaires.

1. L'absence de statut spécifique aux enseignantes-chercheuses en maïeutique souhaitant poursuivre une activité clinique est un cas isolé parmi les professions médicales

a) Les sages-femmes enseignantes-chercheuses ne bénéficient d'aucun statut de bi-appartenance ni d'aucun statut favorisant le maintien d'une activité clinique

La nécessité de favoriser le cumul d'activités d'enseignement et de recherche et d'activités cliniques a conduit à la mise en place, pour les enseignants de médecine, de pharmacie ou d'odontologie, de dispositifs incitant à conserver une activité de soins . Parmi eux, le statut de bi-appartenant, permettant à son bénéficiaire d'exercer conjointement les fonctions universitaire et hospitalière et d'appartenir simultanément aux deux fonctions publiques associées - d'État et hospitalière -, constitue sans doute le dispositif le plus emblématique. Cette même volonté a conduit à prévoir un statut spécifique pour les enseignants de médecine générale, afin de leur permettre de poursuivre, à côté de leurs activités d'enseignement et de recherche, une activité clinique ambulatoire.

Les statuts de bi-appartenant des professions médicales
et le statut spécifique aux enseignants de médecine générale

1° Les statuts de bi-appartenant

Ouverts depuis 1958 58 ( * ) , les statuts de bi-appartenant hospitalo-universitaire ont été récemment réformés par une ordonnance du 17 mars 2021 59 ( * ) , prise sur habilitation de la loi dite « OTSS » du 24 juillet 2019, et un décret du 13 décembre 2021 60 ( * ) . Ceux-ci permettent aux médecins, chirurgiens-dentistes et, depuis 2006 61 ( * ) , aux pharmaciens concernés d'exercer conjointement à l'université et à l'hôpital :

- soit en tant que titulaires au sein de corps spécifiques communs aux deux fonctions publiques : maîtres de conférences des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH) et professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) ;

- soit en tant que personnels temporaires, par détachement ;

- soit en tant qu'agents contractuels : chefs de clinique des universités- assistants des hôpitaux, assistants hospitaliers universitaires 62 ( * ) .

La réforme a notamment visé à fusionner des statuts jusque-là distincts entre les trois professions médicales concernées et à favoriser l'exercice mixte des praticiens, mêlant hôpital public et ambulatoire, en assouplissant les conditions de cumul.

2° Le statut des enseignants-chercheurs de médecine générale

Afin de tenir compte des spécificités attachées à l'exercice clinique dans cette spécialité, la loi du 8 février 2008 relative aux personnels enseignants de médecine générale a créé des statuts spécifiques, favorisant la conciliation d'activités universitaires d'enseignement et de recherche et d'activités cliniques en ambulatoire pour la médecine générale 63 ( * ) . Inspirés de la bi-appartenance hospitalo-universitaire, ces statuts comprennent ainsi :

- des personnels titulaires : professeurs des universités de médecine générale et maîtres de conférences des universités de médecine générale ;

- des personnels non titulaires : chefs de clinique des universités de médecine générale 64 ( * ) .

Aucun statut spécifique aux enseignantes-chercheuses en maïeutique n'existe aujourd'hui , les dispositions applicables aux sages-femmes souhaitant concilier activités universitaires et activités cliniques sont celles du droit commun de la fonction publique d'État universitaire.

b) Dans ces conditions, les sages-femmes enseignantes-chercheuses ne peuvent poursuivre une activité clinique hospitalière que sous le régime du cumul d'activité

L'absence de statut spécifique complexifie, pour les sages-femmes enseignantes-chercheuses, la conciliation d'activités d'enseignement et de recherche avec le maintien d'une activité clinique . Les sages-femmes qualifiées par le CNU sont recrutées dans le corps des maîtres de conférences des universités puis, éventuellement, dans celui de professeur des universités. En application du statut de ces corps de droit commun, elles doivent en principe « la totalité de leur temps de service à la réalisation des différentes activités qu'impliquent leurs fonctions » universitaires 65 ( * ) . Elles ne peuvent déroger à cette obligation qu'en vertu des dispositions du code général de la fonction publique autorisant :

- les membres du personnel enseignant à exercer les professions libérales qui découlent de la nature de leurs fonctions 66 ( * ) ;

- les agents publics à exercer, après autorisation de l'autorité hiérarchique, une activité à titre accessoire auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé 67 ( * ) .

2. Cette absence de statut contribuerait au manque d'attractivité des carrières universitaires, alors qu'une grande majorité des enseignantes de maïeutique demeure rattachée à la fonction publique hospitalière

a) L'absence de statut de bi-appartenance constituerait un frein important à l'attractivité des carrières universitaires pour les étudiants

L'absence de statut de bi-appartenance, favorisant l'enrichissement réciproque des activités universitaires et cliniques, est fréquemment regrettée par la profession . La création d'un tel statut figure ainsi parmi les propositions du livre blanc 2022 publié par sept organisations représentatives de la profession, qui lie cette question à celle de l'accès au statut de praticien hospitalier 68 ( * ) .

L'ANESF, de la même manière, se prononce en faveur de l'ouverture d'un statut ouvrant l'accès à la bi-appartenance, et permettant de concilier une activité d'enseignement et de recherche avec une activité clinique hospitalière ou libérale 69 ( * ) .

Les dispositifs de droit commun permettant le cumul d'une activité d'enseignement et de recherche avec une activité accessoire ne permettraient pas d'assurer l'attractivité de la carrière universitaire en maïeutique ni de favoriser l'accroissement du nombre d'enseignantes-chercheuses dans la discipline. Les autorisations de cumul ne sont pas de droit et peuvent être refusées, ou retirées, par le président de l'université ou le directeur du centre hospitalier. Lorsqu'elles sont accordées, elles conduisent les sages-femmes à exercer à l'hôpital sous un régime de vacataires, n'offrant pas les mêmes garanties que la bi-appartenance.

Enfin et surtout, le manque d'attractivité des grilles de rémunération des corps universitaires a été mis en avant par plusieurs des organisations entendues par la rapporteure : l'IGAS constate, à cet égard, que l'enjeu financier constitue l'un des principaux obstacles à l'attractivité des carrières universitaires des sages-femmes 70 ( * ) . L'association étudiante ANESF souligne, de la même manière, que la rémunération des enseignants chercheurs s'avérerait souvent inférieure à celle d'une sage-femme exerçant à l'hôpital 71 ( * ) .

b) La grande majorité des enseignantes actuelles relève toujours de la fonction publique hospitalière et ne sont pas davantage incitées à rejoindre les corps universitaires

L'intégration universitaire incomplète des écoles de sages-femmes, le manque d'attractivité et les conditions de recrutement des corps universitaires expliquent qu' une grande majorité des enseignantes de maïeutique relève toujours de la fonction publique hospitalière . Environ deux-cent cinquante sages-femmes enseignantes et directrices seraient actuellement dans ce cas 72 ( * ) . Une minorité seulement d'entre elles disposant d'un diplôme de master 73 ( * ) , les conditions de recrutement des maîtres de conférences des universités, supposant la soutenance d'une thèse, apparaissent souvent comme un obstacle important en l'absence d'incitation financière.

Actuellement mises à disposition de l'université par les établissements hospitaliers dont elles dépendent 74 ( * ) , les sages-femmes enseignantes relevant de la fonction publique hospitalière ont au contraire souligné, lors des auditions menées par la rapporteure, leur crainte que l'intégration universitaire et le développement des enseignantes-chercheuses dans la discipline ne se fassent à leur détriment. À cet égard, l'IGAS a formulé des propositions dans son rapport récent relatif à la profession, envisageant de recourir au statut de maître de conférences associé pour permettre le recrutement, au sein du corps enseignant universitaire, des sages-femmes enseignantes n'étant pas titulaires d'un doctorat 75 ( * ) .

B. La proposition de loi initiale visait à ouvrir la bi-appartenance aux sages-femmes titulaires d'un doctorat

Afin de favoriser le cumul d'activités clinique, d'enseignement et de recherche, la proposition de loi initiale visait à ouvrir la bi-appartenance aux sages-femmes titulaires d'un doctorat.

Ainsi, l' article 3 de la proposition de loi initiale insérait un article L. 635-2 dans le code de l'éducation disposant que les sages-femmes titulaires d'un doctorat pouvaient prétendre à la bi-appartenance entre la pratique clinique et la pratique d'enseignement et de recherche. Les modalités d'application de l'article étaient renvoyées à un acte réglementaire.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En adoptant quatre amendements identiques, à l'initiative de la rapporteure, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a réécrit l'article 3 tout en poursuivant le même objectif de favoriser la conciliation des activités de recherche et d'enseignement avec le maintien d'une activité clinique. Un amendement de la rapporteure adopté en séance publique a par ailleurs visé à déplacer la disposition dans la partie du code de l'éducation relative aux enseignants-chercheurs.

Désormais, l' article 3 insère ainsi dans le code de l'éducation un article L. 952-23-2 prévoyant que les sages-femmes titulaires d'un poste de maître de conférences ou de professeur des universités consacrent à leurs fonctions de soins en maïeutique, en milieu hospitalier ou en ambulatoire, à l'enseignement et à la recherche la totalité de leur activité professionnelle, sous réserve des dérogations prévues par leur statut. La fixation des conditions de recrutement et d'exercice de leurs fonctions de ces sages-femmes est renvoyée à un décret en Conseil d'État.

La rédaction de ce nouvel article s'inspire de celle en vigueur pour les enseignants-chercheurs de médecine générale et vise à favoriser le cumul de l'activité d'enseignement et de recherche non seulement avec l'exercice hospitalier mais également avec une activité clinique en ambulatoire.

III. La position de la commission

Pour favoriser le développement de la recherche en maïeutique comme le recrutement d'enseignantes-chercheuses dans la discipline, il apparaît nécessaire d'encourager le cumul d'activités de recherche, d'enseignement et de soins. Si la simplification des possibilités de cumul applicables aux sages-femmes apparaît à cet égard indispensable, la rapporteure souligne toutefois que la création d'un véritable statut de bi-appartenance hospitalo-universitaire n'en demeure pas moins souhaitable, et réclamée par la profession.

Un tel statut, inspiré de celui ouvert aux autres professions médicales, est, seul, susceptible de rendre suffisamment attractive la carrière universitaire, en l'associant à une pleine appartenance à l'organisation hospitalière et à des conditions de rémunération avantageuses . L'IGAS recommande d'ailleurs la création d'un tel statut pour les enseignantes-chercheuses en maïeutique 76 ( * ) .

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 4
Modification de la place de l'activité des sages-femmes
dans deux nomenclatures de l'Institut national de la statistique
et des études économiques

Cet article vise à modifier la classification de l'activité des sages-femmes dans la nomenclature d'activités française (NAF) et la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

I. Le dispositif proposé : le reclassement des sages-femmes, en cohérence avec la nature médicale de leur activité

A. Le classement actuel des sages-femmes dans les nomenclatures de l'Insee les isole des autres professions médicales

Les sages-femmes exercent une profession médicale 77 ( * ) , définie au livre 1 er de la quatrième partie de la partie législative du code de la santé publique aux côtés des médecins et des chirurgiens-dentistes. Pourtant, leur classification dans les nomenclatures statistiques de l'Insee apparaît les isoler des autres professions médicales, et contribue ainsi au sentiment de manque de reconnaissance de la profession. Dans la nomenclature NAF (1) comme dans la nomenclature PCS (2), en effet, le classement des sages-femmes apparaît proche de celui de professions paramédicales.

1. Le classement des sages-femmes dans la nomenclature NAF de l'Insee

a) Objectifs et structuration de la nomenclature

La NAF est une nomenclature d'activités économiques productives établie à des fins statistiques . Créée en 1993, elle s'inscrit dans un réseau international de nomenclatures d'activités. Sa structuration reprend celle de la nomenclature des activités dans la Communauté européenne (NACE), elle-même dérivée de la nomenclature internationale dite « Classification internationale type, par industrie » (CITI).

Depuis sa création, la NAF a fait l'objet de deux révisions. La version actuelle est entrée en vigueur le 1 er janvier 2008, pour tenir compte de la révision de la nomenclature NACE européenne, portée par le règlement (CE) n° 1893-2006 du 20 décembre 2006 78 ( * ) . Le règlement dispose, notamment, qu'à « Chacun des niveaux, à l'exception du plus élevé » , les nomenclatures nationales doivent être constituées « soit des mêmes rubriques que le niveau correspondant de la NACE Rév. 2, soit de rubriques en constituant une ventilation exacte. » 79 ( * )

La NAF comporte aujourd'hui cinq niveaux de structuration emboîtés : 21 sections , subdivisées en 88 divisions , elles-mêmes subdivisées en 272 groupes, subdivisés en 615 classes , elles-mêmes subdivisées en 732 sous-classes .

Seul le niveau le plus détaillé de la nomenclature est propre à la France : les sections, divisions, groupes et classes sont communs à la NAF et à la NACE. Les deux premiers niveaux, sections et divisions, sont communs à la NAF, à la NACE et à la CITI.

b) Classification actuelle des sages-femmes

La nomenclature NAF ne visant pas à classer des professions, mais des activités, les sages-femmes y sont ventilées en fonction de l'activité à laquelle elles contribuent :

- les sages-femmes exerçant à l'hôpital sont ainsi classées, aux côtés des autres professions de santé y exerçant, dans la sous-classe 86.10Z « Activités hospitalières », au sein du groupe 86.1 « Activités hospitalières » ;

- les sages-femmes libérales, en revanche, sont classées dans la sous-classe 86.90D « Activités des infirmiers et des sages-femmes », au sein du groupe 86.9 « Autres activités pour la santé humaine ».

Cette seconde classification, isolant les sages-femmes libérales des autres professions médicales, réunies au sein du groupe 86.2, a concentré les critiques de la profession. L'IGAS a recommandé à l'INSEE, dans un rapport récent, de réviser la catégorisation des sages-femmes dans la nomenclature, « au minimum en la séparant totalement des infirmiers et des autres catégories soignantes » 80 ( * ) .

Subdivisions de la section Q « Santé humaine et action sociale »
de la nomenclature NAF

Division 86 : Activités pour la santé humaine

Groupe 86.1 : Activités hospitalières

Classe 86.10 : Activités hospitalières

Sous-classe 86.10Z : Activités hospitalières

Groupe 86.2 : Activité des médecins et des dentistes

Classe 86.21 : Activité des médecins généralistes

Classe 86.22 : Activité des médecins spécialistes

Classe 86.23 : Pratique dentaire

Groupe 86.9 : Autres activités pour la santé humaine

Classe 86.90 : Autres activités pour la santé humaine

Sous-classe 86.90A : Ambulances

Sous-classe 86.90B : Laboratoire d'analyses médicales

Sous-classe 86.90C : Centres de collecte et banques d'organes

Sous-classe 86.90D : Activités des infirmiers et des sages-femmes

(...)

2. Le classement des sages-femmes dans la nomenclature PCS de l'Insee

a) Objectifs et structuration de la nomenclature

Contrairement à la nomenclature NAF, la nomenclature PCS de l'Insee vise à catégoriser les professions en les regroupant par milieu social .

Créée au début des années 1950 - et appelée à cette époque
« CSP » -, elle constitue « la nomenclature de référence en France pour l'analyse du travail, des milieux sociaux et de la stratification sociale. » 81 ( * ) Elle a fait l'objet de refontes en 1982, en 2003 puis, récemment, en 2020. La refonte de 2020 a été conduite par le Conseil national de l'information statistique (Cnis).

La nomenclature PCS, dans sa version résultant de la refonte de 2020, est structurée en trois niveaux emboîtés : 6 groupes très larges (agriculteurs exploitants ; artisans, commerçants et chefs d'entreprise ; cadres et professions intellectuelles supérieures ; professions intermédiaires ; employés ; ouvriers), subdivisés en 30 catégories socioprofessionnelles , elles-mêmes subdivisées en 316 professions . Afin de permettre les analyses en séries longues, les deux premiers niveaux de la nomenclature n'ont fait l'objet, le cas échéant, que de modifications d'intitulés.

Depuis 2021, la nomenclature de 2003 est progressivement remplacée par celle de 2020.

b) Classification des sages-femmes dans la nomenclature de 2003

Dans la nomenclature de 2003, comme dans celle de 2020, les sages-femmes sont classées dans la quatrième catégorie agrégée (ou « groupe socioprofessionnel », dans la nomenclature 2020), parmi les professions intermédiaires . Cette classification les isole des autres professions médicales, classées au sein de la troisième catégorie « Cadres et professions intellectuelles supérieures ».

Au niveau suivant, les sages-femmes libérales comme salariées sont classées dans la catégorie socioprofessionnelle détaillée 43, aux côtés de professions paramédicales telles que les infirmiers, les masseurs-kinésithérapeutes ou les opticiens.

Position des professions médicales dans la nomenclature PCS 2003

CSP agrégée 3 : Cadres et professions intellectuelles supérieures

CSP détaillée 31 : Professions libérales

Profession 311a : Médecins libéraux spécialistes

Profession 311b : Médecins libéraux généralistes

Profession 311c : Chirurgiens-dentistes (libéraux ou salariés)

CSP 32 : Cadres de la fonction publique, professions intellectuelles et artistiques

CSP détaillée 34 : Professeurs, professions scientifiques

Profession 344a : Médecins libéraux spécialistes

Profession 344b : Médecins libéraux généralistes

CSP agrégée 4 : Professions intermédiaires

CSP 41 : Professions intermédiaires de l'enseignement, de la santé, de la fonction publique et assimilés

CSP détaillée 43 : Professions intermédiaires de la santé et du travail social

Profession 431e : Sages-femmes (libérales ou salariées)

B. La proposition de loi initiale visait à reclasser les sages-femmes dans la nomenclature NAF

La proposition de loi initiale ne visait à modifier la classification des sages-femmes que dans la nomenclature NAF de l'Insee.

Son article 4 disposait ainsi que l'activité des sages-femmes devait être intégrée à la section 86.2 de la nomenclature NAF, regroupant les professions de médecin et de chirurgien-dentiste, dans une section 86.24 « Activité des sages-femmes » créée à cet effet. Il renvoyait à un décret la définition des modalités d'application de ces dispositions et prévoyait qu'elles entraient en vigueur deux ans après la promulgation dudit décret.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Trois amendements de la rapporteure, adoptés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, ont apporté à ce dispositif des modifications de fond.

D'abord, le I de l'article 4 prévoit désormais que, les sages-femmes y étant intégrées, le groupe 86.2 « Activités des médecins et des dentistes » est renommé « Activités des médecins, des dentistes et des sages-femmes ».

Ensuite, l' article 4 comprend désormais un II , disposant que les sages-femmes sont regroupées, dans la nomenclature des PCS, dans les catégories détaillées 31 et 32 en fonction de leur mode d'exercice, hospitalier ou libéral.

Enfin, il est désormais prévu, au III de l'article 4 , que ces dispositions entrent en vigueur deux ans après promulgation du décret d'application, et au plus tard le 1 er janvier 2025.

III. La position de la commission

La rapporteure a pu constater, lors de ses auditions, que le sentiment de manque de reconnaissance 82 ( * ) était prégnant parmi les sages-femmes . Plusieurs facteurs, tels que leurs conditions de rémunération et leur statut à l'hôpital, l'absence d'intégration universitaire de leur formation ou de statut leur permettant de concilier enseignement, recherche et activité clinique, y contribuent. La rapporteure a pu relever, lors des auditions, que les conditions de classification de la profession dans les nomenclatures statistiques de l'INSEE constituaient également un enjeu symbolique important pour la profession.

En catégorisant les sages-femmes aux côtés de professions paramédicales, et en les isolant ainsi des autres professions médicales, les classifications de l'Insee apparaissent méconnaître l'étendue des compétences confiées aux sages-femmes et le statut que leur confère le code de la santé publique . Aussi la rapporteure juge-t-elle nécessaire, comme l'IGAS récemment 83 ( * ) , une révision des nomenclatures de l'Insee visant à accorder, dans toute la mesure du possible, aux sages-femmes une classification conforme à la nature médicale de leur profession.

La rapporteure s'est toutefois interrogée sur la portée juridique et opérationnelle des dispositions du présent article .

La nomenclature NAF, modifiée par le premier alinéa, est fondée pour l'essentiel sur la nomenclature européenne NACE, portée par le règlement (CE) n° 1893/2006 précité. L'article 4 dudit règlement dispose d'ailleurs que les États membres communiquent à la Commission, pour approbation avant leur publication, les projets de textes définissant ou modifiant leur nomenclature nationale. La commission vérifie, dans un délai de deux mois, la conformité de ces projets avec la NACE. À chacun des niveaux de la nomenclature, à l'exception du plus élevé, la nomenclature nationale doit être constituée des mêmes rubriques que le niveau équivalent de la NACE ou de rubriques en constituant une ventilation exacte.

Auditionné par la rapporteure, l'Insee a indiqué que « les évolutions envisagées ne sont pas compatibles avec les règles fixées par le règlement ». Il a également souligné que « La création de deux nomenclatures d'activité distinctes et non emboîtées, l'une suivant la disposition de la proposition de loi et l'autre compatible avec les nomenclatures internationales, que l'Insee devra de toute façon continuer à utiliser pour la transmission de statistiques à Eurostat, conduirait à rendre la production statistique illisible . »

Par ailleurs, la proposition de loi modifie la classification des sages-femmes dans la nomenclature PCS de 2003 , progressivement remplacée, depuis 2021, par la nouvelle nomenclature PCS issue de la refonte de 2020. La catégorie 32, dans laquelle le texte entend classer les sages-femmes hospitalières, n'existe d'ailleurs plus dans cette nouvelle version. Les médecins et pharmaciens salariés y sont classés dans la catégorie socioprofessionnelle 34 « Professeurs / Professeures et professions scientifiques supérieures ».

La rapporteure souligne, toutefois, que rien ne s'oppose à ce que l'Insee procède à une séparation des activités des sages-femmes de celles des infirmiers en deux sous-classes distinctes, nonobstant le peu d'effectif concerné.

La commission a adopté cet article sans modification.


* 1 Livre 1 er de la quatrième partie de la partie législative du code de la santé publique.

* 2 Articles L. 631-1 et R. 631-1 du code de l'éducation.

* 3 European Credit Transfer and Accumulation System : système de points de l'Union européenne développé dans le cadre de l'espace européen de l'enseignement supérieur.

* 4 Article L. 4151-5 du code de la santé publique.

* 5 Articles L. 4151-7 et R. 4151-9 du code de la santé publique. Les conditions d'agrément énumérées sont les suivantes : qualification des directeurs des écoles de sages-femmes ; existence d'un projet pédagogique ; adéquation, en nombre et qualité, de l'équipe pédagogique à la formation dispensée ; adaptation des locaux, des matériels techniques et pédagogiques au nombre d'étudiants accueillis ; adaptation de la capacité d'accueil envisagée pour l'école aux besoins de formation.

* 6 Article L. 4151-9 du code de la santé publique.

* 7 Article L. 4151-8 du code de la santé publique.

* 8 Article L. 4383-3 du code de la santé publique.

* 9 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », juillet 2021, annexe n° 5.

* 10 Décret n° 2019-1107 du 30 octobre 2019.

* 11 A. Demeester et A. Chantry, « La recherche en maïeutique concerne aussi le champ de l'éducation et de la formation ! », Pédagogie médicale, n° 23, 2022.

* 12 C. Morin et M.-C. Lemarie, « Parcours universitaire des sages-femmes enseignantes et directrices des écoles de sages-femmes en France », Pédagogie médicale, n° 17, 2016.

* 13 Article L. 4151-7-1 du code de la santé publique.

* 14 Circulaire DGOS/RH1 n° 2012-39 du 24 janvier 2012 relative aux modalités de mise en oeuvre de la réforme LMD au sein des écoles de sages-femmes visées à l'article L. 4151-7 du code de la santé publique.

* 15 IGAS, IGAENR, « Pour une meilleure intégration des formations paramédicales à l'université », juin 2017

* 16 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit .

* 17 ANESF, « Contribution intégration universitaire », septembre 2020.

* 18 CNOSF, CNSF, ONSSF, ANSFC, ANSFT, ANESF, CNEMa, Livre-blanc des Sages-Femmes 2022 , 7 mars 2022 : proposition n° 10.

* 19 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit.

* 20 La directrice de l'école de Caen, non intégrée, a par exemple indiqué, lors de son audition, avoir néanmoins mis en place avec l'université des cours communs aux formations médicales.

* 21 Article R. 4127-304 du code de la santé publique.

* 22 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit.

* 23 Référentiel de formation annexé à l'arrêté du 11 mars 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de sage-femme.

* 24 ANESF, « Le bien-être des étudiant.e.s sages-femmes en danger » , 2018.

* 25 Ibid.

* 26 ANESF, « Contribution maître de stage universitaire », juin 2021.

* 27 CNOSF, CNSF, ONSSF, ANSFC, ANSFT, ANESF, CNEMa, Livre-blanc des Sages-Femmes 2022 , op. cit. : proposition n° 8.

* 28 ANESF, « Contribution maître de stage universitaire », juin 2021.

* 29 Article R. 632-27 du code de l'éducation.

* 30 Articles R. 632-1 et R. 632-1-1 pour le deuxième cycle ; articles R. 632-28-1 et R. 632-28-2 du code de l'éducation pour le troisième cycle.

* 31 Article 3 du décret n° 2014-1585 du 23 décembre 2014 portant statut particulier de sages-femmes des hôpitaux de la fonction publique hospitalière.

* 32 ANESF, « Le bien-être des étudiant.e.s sages-femmes en danger », 2018.

* 33 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit. : recommandation n° 26.

* 34 Arrêté du 19 juillet 2011 relatif au régime des études en vue du diplôme de formation générale en sciences maïeutique ; arrêté du 11 mars 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de sage-femme.

* 35 CNOSF, CNSF, ONSSF, ANSFC, ANSFT, ANESF, CNEMa, Livre-blanc des Sages-Femmes 2022 , op. cit. : proposition n° 8.

* 36 ANESF, « Contribution réforme de la formation de sages-femmes », juin 2021.

* 37 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit. : annexe n° 5 .

* 38 DREES, « Médecins, sages-femmes, chirurgiens-dentistes et pharmaciens : combien de professionnels à l'horizon 2050 ? », 26 mars 2021.

* 39 CNOSF, CNSF, ONSSF, ANSFC, ANSFT, ANESF, CNEMa, Livre-blanc des Sages-Femmes 2022 , op. cit.

* 40 ANESF, « Contribution réforme de la formation de sages-femmes », op. cit.

* 41 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme » , op. cit . , p. 65.

* 42 ANESF, « Contribution réforme de la formation de sages-femmes », op. cit.

* 43 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit .

* 44 L'article L. 4151-6 du code de la santé publique dispose que les étudiants sages-femmes effectuant leur formation en France peuvent être autorisés, pour une durée limitée et par le conseil départemental de l'ordre, à exercer la profession de sage-femme comme remplaçant.

* 45 ANESF, « Le bien-être des étudiant.e.s sages-femmes en danger », 2018.

* 46 CNOSF, CNSF, ONSSF, ANSFC, ANSFT, ANESF, CNEMa, Livre-blanc des Sages-Femmes 2022 , op. cit.

* 47 Voir le commentaire de l'article 1 er de la proposition de loi.

* 48 Article R. 632-20 du code de l'éducation.

* 49 Article L. 632-4 du code de l'éducation.

* 50 Articles L. 632-4 et R. 632-5 du code de l'éducation.

* 51 Arrêté du 8 avril 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de docteur en pharmacie.

* 52 Articles D. 631-2 et suivants du code de l'éducation.

* 53 Arrêté du 4 octobre 2019 portant organisation du troisième cycle long des études pharmaceutiques.

* 54 Arrêté du 8 avril 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de docteur en chirurgie dentaire.

* 55 Arrêté du 18 octobre 2017 fixant la réglementation applicable à la formation commune à la médecine et à l'odontologie délivrée dans le cadre du diplôme d'études spécialisées de chirurgie orale.

* 56 Voir commentaire de l'article 1 er .

* 57 D'après la DGOS, auditionnée par la rapporteure, 14 des 35 écoles de sages-femmes sont aujourd'hui intégrées à l'université. Ce nombre est légèrement supérieur à celui évoqué par d'autres organisations auditionnées. Voir commentaire de l'article 1 er .

* 58 Ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 relative à la création de centres hospitaliers et universitaires, à la réforme de l'enseignement médical et au développement de la recherche médicale.

* 59 Ordonnance n° 2021-291 du 17 mars 2021 relative aux groupements hospitaliers de territoire et à la médicalisation des décisions à l'hôpital.

* 60 Décret n° 2021-1645 du 13 décembre 2021 relatif au personnel enseignant et hospitalier des centres hospitaliers et universitaires.

* 61 Décret n° 2006-593 du 23 mai 2006.

* 62 Article 1 er du décret n° 2021-1645 précité.

* 63 Dispositions codifiées à l'article L. 952-23-1 du code de l'éducation.

* 64 Article 1 er du décret n° 2008-744 du 28 juillet 2008 portant dispositions relatives aux personnels enseignants des universités, titulaires et non titulaires de médecine générale.

* 65 Article 8 du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.

* 66 Article L. 123-3 du code général de la fonction publique.

* 67 Article L. 123-7 du code général de la fonction publique.

* 68 CNOSF, CNSF, ONSSF, ANSFC, ANSFT, ANESF, CNEMa, Livre-blanc des Sages-Femmes 2022 , op. cit., proposition n° 9 .

* 69 ANESF, « L'accès à la recherche et au statut de bi-appartenant » , juin 2020.

* 70 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme » , op. cit.

* 71 ANESF, « L'accès à la recherche et au statut de bi-appartenant » , op. cit.

* 72 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme » , op. cit.

* 73 Voir commentaire de l'article 1 er .

* 74 En application des dispositions de l'article 1 er du décret n° 88-976 du 13 octobre 1988, la mise à disposition est prononcée par décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination, après accord de l'intéresse et du ou des organismes d'accueil.

* 75 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit.

* 76 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit.

* 77 L'arrêté du 11 mars 2013 relatif au régime des études en vue du diplôme d'État de sage-femme dispose que « Les titulaires du diplôme d'État de sage-femme exercent une profession médicale autonome à compétences définies et réglementées. »

* 78 Règlement (CE) n° 1893-2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 établissant la nomenclature statistique des activités économiques NACE Rev. 2.

* 79 Article 2 du règlement (CE) n° 1893-2006 précité.

* 80 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit.

* 81 Thomas Arnossé et Olivier Chardon, « Une nomenclature socioprofessionnelle rénovée pour mieux décrire la société actuelle », dans Emploi, chômage, revenus du travail , édition 2020.

* 82 L'IGAS, dans son rapport récent précité sur la profession, évoque un sentiment d'« entre deux » pour décrire le même malaise dans la profession.

* 83 IGAS, « L'évolution de la profession de sage-femme », op. cit.

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