B. ... QUI POURRAIENT ÊTRE AGGRAVÉS PAR L'INFLATION

1. Un niveau d'inflation élevé malgré le bouclier qualité prix...

Les territoires d'outre-mer sont, comme la métropole, touchés par l'inflation actuelle.

En juillet 2022, la variation annuelle des prix sur 12 mois est inférieure en Martinique, à la Réunion et en Nouvelle-Calédonie par rapport au taux constaté en métropole. Elle est cependant supérieure en Guyane et en Polynésie.

Évolution de l'inflation entre janvier et juillet 2022 - comparaison entre la France et les territoires d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'INSEE, ISPF et ISEE

Inflation Antilles Guyane en glissement annuel

Inflation DOM océan indien en glissement annuel

Inflation COM pacifique en glissement annuel

Source : tableau de bord des outre-mer(IEOM) - données arrêtées au 1 er aout 2022 - dernier point : T2 2022 d'après les données INSEE

Il convient donc de souligner que l'inflation dans les territoires d'outre-mer enregistre une hausse notable malgré l'existence du bouclier qualité prix (BQP) mis en place en 2012.

Le bouclier qualité prix

Dans les départements et régions d'outre-mer, la loi de régulation économique dite loi Lurel adoptée en novembre 2012 met en place le bouclier qualité-prix (BQP), qui « prévoit qu'un certain nombre de produits de la consommation courante voient leurs prix fixés par négociation, ou, en l'absence d'accord, par le préfet ».

Ce dispositif s'applique en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Wallis-et-Futuna.

Les modalités d'application sont fixées par l'article L.410-5 du code de commerce et par le décret n° 2012-1459 du 26 décembre 2012 relatif aux accords annuels de modération de prix de produits de grande consommation.

Les négociations commencent après un avis émis par l' observatoire des prix localement compétent et réunissent les organisations professionnelles du commerce de détail, leurs fournisseurs et le représentant de l'État. Elles doivent aboutir dans un délai d'un mois. L'accord qui en résulte fait l'objet d'un arrêté préfectoral . La liste des produits concernés ainsi que le niveau des prix sont définis pour chaque territoire.

Les négociations sont annuelles, l'accord devant être signé le 1 er mars. Une signalétique « BQP » permet d'identifier les produits concernés par ce dispositif.

À La Réunion en 2022, le panier comporte 153 produits , comme en 2021. Il est garanti à un prix global de 348 euros. Ce bouclier qualité-prix est en place dans 63 magasins depuis le 28 mars. Dans les zones rurales de l'île, un dispositif complémentaire a été déployé : 42 produits inscrits au BQP pour un prix global de 98,45 euros sont proposés dans les neuf commerces de proximité.

En Guadeloupe , l'accord a été signé le 7 avril 2022. Il distingue trois listes en fonction de la taille des magasins. Dans les magasins de plus de 2 000 m², 106 produits dont 12 fruits et légumes locaux pour un montant maximum de 320 euros. Entre 1 000 et 2 000 m², 104 produits dont 10 fruits et légumes locaux pour 320 euros également. Enfin, pour les commerces de moins de 1 000 m², 70 produits dont 8 fruits et légumes locaux pour 180 euros.

Entré en vigueur le 1 er mai 2022, l'accord établi en Martinique porte sur 101 produits, comme en 2021. Le prix global maximum autorisé reste inchangé, à 306 euros. Comme à La Réunion et en Guadeloupe, la liste est adaptée à la taille du magasin : entre 1 000 m² et 800 m², une liste de 52 produits de consommation courante au prix maximum de 160 euros et dans les petites surfaces, inférieures à 800 m ² une liste de 27 produits au prix de 86 euros.

À Saint-Pierre et Miquelon en 2022, le BQP comprend 55 produits pour un prix global maximum autorisé de 160 euros et est appliqué dans le centre commercial qui se situe à Saint-Pierre.

À Wallis et Futuna , 83 produits sont soumis à l'accord 2022 de modération des prix, et 18 commerces sont concernés. Le prix maximum global de cette liste est fixé à 758,65 euros, dont 260,12 euros pour les produits alimentaires importés, 95,49 euros pour les produits alimentaires locaux.

En Guyane , les distributeurs et la chaîne logistique se sont entendus pour un gel des prix sur 85 produits de grande consommation pour 265 euros maximum. 120 enseignes sont engagées dans le dispositif.

En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie des encadrements de prix ont été mis en oeuvre par les gouvernements locaux présentant des similitudes avec le BQP. En Nouvelle-Calédonie , un accord interprofessionnel a été signé le 4 juillet 2022 entre les représentants des industries locales de transformation, de l'importation, de la grande distribution et des petits commerces afin de plafonner le prix de 60 produits. L'accord est en application pour une durée de trois mois avec la possibilité d'être renouvelé une fois en septembre. En Polynésie une soixantaine de produits de première nécessité sont concernés, ainsi que plusieurs dizaines de produits de grande consommation .

En juillet 2022, le ministre délégué en charge des outre-mer, en réponse à une question de la députée de La Réunion Nathalie Bassire sur la vie chère, a indiqué vouloir renforcer le dispositif d'encadrement des prix dans tous les outre-mer en étendant le blocage des prix à 5 % des produits de consommation courante.

Les rapporteurs spéciaux seront donc attentifs aux suites qui pourront être données à cette annonce et qui pourraient représenter une piste de limitation de l'inflation en outre-mer et, partant, de protection du pouvoir d'achat des ultra-marins.

2. ...qui vient s'ajouter à des coûts déjà supérieurs en outre-mer par rapport à la métropole

Si les écarts de niveau d'inflation entre les territoires d'outre-mer et la métropole ne sont pas significatifs, cette inflation s'ajoute à un coût de la vie déjà supérieur dans les territoires d'outre-mer renchérissant encore l'approvisionnement des ménages, des entreprises et des collectivités ultra-marines.

En effet, les écarts de prix avec la métropole sont considérables. Selon les données publiées par l'Insee en 2015 2 ( * ) , ces écarts variaient de 12% aux Antilles (12,5 % en Guadeloupe et 12,3 % en Martinique), de 11,6 % en Guyane et de 7,1 % à La Réunion et à Mayotte (6,9 % hors loyers).

Ces écarts prennent en compte les différences de mode de vie des ménages selon les territoires (écart de Fischer). En effet, si tous les ménages consommaient le panier de biens et services moyen d'un ménage métropolitain, les écarts de prix seraient encore plus marqués (colonne A du tableau ci-dessous). En revanche, un ménage d'outre-mer ferait une économie plus limitée en payant son panier habituel aux prix métropolitains (colonne B).

Les écarts de prix s'expliquent essentiellement par la cherté des produits alimentaires en outre-mer : à ces prix, un ménage métropolitain paierait son alimentation de 37 % à 48 % plus cher ; un ménage d'outre-mer, lui, la paierait de 17 % à 23 % moins cher en métropole.

Écarts de prix entre les DOM et la métropole - 2015

(en %)

Écarts DOM/métropole (panier de consommation métropolitain) A

Écarts métropole/DOM (panier de consommation local) B

Écarts de Fisher DOM/métropole C

Martinique

17,1

-7,1

12,3

Guadeloupe

17

-7,5

12,5

Guyane

16,2

-6,8

11,6

La Réunion

10,6

-3,6

7,1

Source : Insee, enquête de comparaison spatiale de prix 2015


* 2 Il n'existe pas d'étude complète depuis 2015.

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