D. LA RÉHABILITATION DE CERTAINS MILITAIRES DEPUIS LES ÉVÉNEMENTS

Environ un dixième des fusillés vont être réhabilités pendant la guerre et surtout après celle-ci, à la suite de démarches de militants. En effet, des associations d'Anciens Combattants et la Ligue des Droits de l'Homme notamment n'ont cessé de militer pour la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple ». L'action de ces militants va se traduire par le vote de la loi d'amnistie du 29 avril 1921 et de plusieurs textes facilitant les procédures de réhabilitation, ainsi que par l'ouverture de procédures devant la Cour de cassation , la réforme du code de justice militaire en 1928 et la création d'une Cour spéciale de justice militaire qui siège entre 1932 et 1935 pour examiner spécifiquement les cas de fusillés suivant des critères qui incluent la notion de pardon.

L'évolution juridique et les réhabilitations de l'entre-deux-guerres

24 octobre 1919 : première loi d'amnistie pour un nombre restreint d'infractions militaires.

29 janvier 1921 : la Cour de Cassation réhabilite les fusillés de Vingré, six militaires fusillés le 4 décembre 1914 après avoir été tirés au sort parmi les soldats ayant reculé devant une attaque allemande, alors qu'ils avaient en fait obéi à un ordre de repli.

29 avril 1921 : seconde loi d'amnistie qui étend la liste des infractions et simplifie les mesures de révision.

12 juillet 1922 : La Cour de Cassation réhabilite le soldat Bersot, fusillé le 13 février 1915 pour refus d'obéissance à un supérieur qui lui ordonnait de revêtir le pantalon maculé de sang d'un mort. La condamnation était irrégulière, le refus n'ayant pas eu lieu en présence de l'ennemi.

9 août 1924 : loi qui institue une procédure permettant la réhabilitation des militaires exécutés sans jugement.

3 janvier 1925 : nouvelle loi d'amnistie qui institue en outre une procédure exceptionnelle devant la Cour de Cassation.

20 mai 1926 : la Cour d'Appel de Colmar réhabilite les sous-lieutenants Herduin et Millant, exécutés sans jugement le 11 juin 1916 pour avoir replié leur compagnie dans la bataille de Verdun.

9 mars 1928 : révision du code de justice militaire.

9 mars 1932 : loi créant la Cour spéciale de justice militaire, composée à parité de magistrats et d'anciens combattants, compétente pour revenir sur tous les jugements rendus par les conseils de guerre aux armées, y compris si la Cour de Cassation les a validés.

3 mars 1934 : la Cour spéciale de Justice militaire réhabilite les quatre caporaux de Souain, dont Maupas, fusillés suite à un refus de sortir des tranchées le 17 mars 1915.

29 juin 1934 : la Cour spéciale de Justice militaire réhabilite les fusillés de Flirey, quatre soldats exécutés le 20 avril 1915. Ils avaient été tirés au sort parmi ceux qui refusaient d'attaquer.

Comme le rappelle le rapport dirigé par M. Antoine Prost, il convient également de souligner l'évolution des jugements de la société sur ces fusillés . Après la guerre et pendant la période qui a suivi, l'opinion générale approuvait la peine de mort, a fortiori s'agissant de désobéissance ou de désertion en temps de guerre. Le combat pour la réhabilitation des fusillés prenait donc plutôt la forme d'une lutte contre les injustices flagrantes commises lors des passages en jugement expéditifs. Progressivement, ce ne sont plus les injustices ponctuelles qui ont été contestées mais le fait même de fusiller de manière expéditive des hommes qui avaient pu avoir un moment de faiblesse après avoir combattu courageusement aux côtés de leurs camarades dans l'horreur des grandes batailles.

En conséquence de cette évolution, Lionel Jospin, Premier ministre, a pu déclarer à Craonne en 1998, suscitant à l'époque encore un débat nourri : « Certains de ces soldats, épuisés par des attaques condamnées à l'avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d'être des sacrifiés. Que ces soldats, " fusillés pour l'exemple ", au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale. », tandis que Nicolas Sarkozy, Président de la République, affirmait à Douaumont dix ans plus tard : « Je veux dire, au nom de la nation, que beaucoup de ceux qui furent exécutés ne s'étaient pas déshonorés, qu'ils n'étaient pas des lâches ».

Par ailleurs, sous la présidence de François Hollande, un espace thématique sur les fusillés pour l'exemple a été créé au sein du Musée de l'armée à l'hôtel des Invalides à Paris.

Enfin, de nombreuses collectivités territoriales ont adopté des voeux visant à réhabiliter les fusillés pour l'exemple : c'est le cas d'environ 2 000 communes, 31 Conseils départementaux et 6 Conseils régionaux, dont beaucoup de territoires marqués par les stigmates de la Grande Guerre. Beaucoup de communes ont également déjà inscrit le nom de fusillés pour l'exemple sur leur monuments aux morts . En outre, la commune de Chauny a inauguré un monument spécifique en mémoire des fusillés pour l'exemple.

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