Rapport n° 475 (2022-2023) de M. Jean HINGRAY , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 29 mars 2023

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Synthèse du rapport (236 Koctets)


N° 475

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser l' accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré ,

Par M. Jean HINGRAY,

Sénateur

1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mmes Nathalie Delattre, Véronique Del Fabro, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial .

Voir les numéros :

Première lecture : 422 , 656 , 657 et T.A. 123 (2020-2021)

Deuxième lecture : 38 (2021-2022) et 476 (2022-2023)

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

Première lecture : 4242 , 4494 et T.A. 680

AVANT-PROPOS

Réunie le 29 mars 2023, sous la présidence de Laurent Lafon (UC - Val-de-Marne), la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné, en deuxième lecture, le rapport de Jean Hingray (UC - Vosges) sur la proposition de loi n° 38 (2021-2022), déposée par Pierre-Antoine Levi (UC - Tarn-et-Garonne), visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

I. UNE PROPOSITION DE LOI D'INITIATIVE SÉNATORIALE POUR PERMETTRE L'ACCÈS DE TOUS LES ÉTUDIANTS À UNE OFFRE DE RESTAURATION À TARIF SOCIAL

A. UN CONSTAT : L'EXISTENCE DE « ZONES BLANCHES » EN MATIÈRE D'OFFRE DE RESTAURATION UNIVERSITAIRE

Comme l'a montré la mission d'information du Sénat sur la condition de la vie étudiante 1 ( * ) , la crise sanitaire a durement frappé les étudiants en exacerbant la précarité à laquelle ils étaient déjà confrontés, en particulier sur le plan alimentaire. Les images d'étudiants venus grossir les files d'attente lors des distributions de colis alimentaires organisées par les acteurs associatifs ont marqué les esprits. Selon l'Observatoire national de la vie étudiante, un quart des étudiants dont les difficultés financières se sont accentuées pendant le premier confinement n'ont pas toujours pu manger à leur faim durant cette période.

La mise en lumière de cette précarité alimentaire étudiante aura eu au moins un mérite : celui d'alerter sur les « trous dans la raquette » du système de restauration universitaire qui ne répond pas aux besoins de tous les étudiants . Si le réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous), qui compte 801 points de vente sur 701 sites, dispose d'une bonne implantation sur les campus et dans certains centres-villes, nombre d'étudiants en sont exclus. Le maillage territorial de l'offre de restauration universitaire ne couvre en effet pas certains lieux d'études situés dans des villes de taille moyenne ou en zone rurale (antennes universitaires délocalisées, petites écoles, formations en instituts universitaires et technologiques - IUT - ou en brevets de techniciens supérieurs - BTS -...). Les étudiants concernés sont alors contraints de recourir à des solutions de restauration rapides, souvent peu satisfaisantes sur le plan de l'équilibre nutritionnel et pas toujours avantageuses sur le plan économique.

B. UNE RÉPONSE NOVATRICE : LA CRÉATION D'UN DISPOSITIF TERRITORIALISÉ, SOUS FORME DE TICKET RESTAURANT ÉTUDIANT, COMPLÉMENTAIRE À L'OFFRE DE RESTAURATION UNIVERSITAIRE

Pour remédier à cette inégalité d'accès au service public de la restauration universitaire , la proposition de loi, telle qu'issue des travaux du Sénat en première lecture 2 ( * ) , crée, sur le modèle du titre-restaurant proposé aux salariés par les entreprises, un titre-restaurant au bénéfice de tous les étudiants qui n'ont pas accès à une structure de restauration universitaire .

L'objectif de ce titre de paiement est de permettre à ces étudiants éloignés de l'offre de restauration universitaire, quel que soit leur statut social, d'acquitter, en tout ou partie, le prix d'un repas consommé ou acheté auprès d'un organisme conventionné. Les organismes éligibles seront ceux qui auront conventionné avec les acteurs territoriaux de la vie étudiante (établissements d'enseignement supérieur, collectivités territoriales, réseau des oeuvres universitaires et scolaires).

Selon les estimations, entre 200 000 et 500 000 étudiants pourraient ainsi accéder à une offre de restauration conventionnée de proximité.

II. UN DISPOSITIF APPROUVÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, DANS UNE RÉDACTION ENRICHIE

L'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi en première lecture , le 7 octobre 2021, en apportant des modifications et compléments d'ordre légistique et rédactionnel . Elle a :

- changé l'insertion du nouveau dispositif dans le code de l'éducation (création d'un nouvel article L. 822-1-1 en lieu et place du nouvel article L. 821-5 initialement proposé) ;

- explicitement énoncé le principe d'universalité de l'accès des étudiants à une offre de restauration de proximité à tarif modéré, sur l'ensemble du territoire ;

- rappelé les deux types d'offres de restauration proposées aux étudiants : en priorité, les restaurants universitaires gérés par le réseau des oeuvres universitaires et scolaires, en complément, les organismes conventionnés par ce réseau ;

- substitué à la création d'un ticket restaurant étudiant le versement d'une aide financière aux étudiants n'ayant pas accès à une structure de restauration universitaire, cette formulation plus large permettant de couvrir d'autres supports comme les bons d'achat ou les cartes alimentaires ;

- inséré un nouvel article 1 er bis prévoyant que le Gouvernement remette annuellement au Parlement un bilan de l'accès des étudiants à une offre de restauration à tarif modéré.

III. UNE ADOPTION CONFORME PAR LA COMMISSION EN DEUXIÈME LECTURE AU SÉNAT

Par la voix de son rapporteur, la commission se félicite que le dispositif initial ait été affiné au fil des différentes étapes de la navette parlementaire .

Sa territorialisation, introduite par le Sénat en première lecture , a permis de centrer le débat sur un problème identifié comme essentiel : l'accès des étudiants, où qu'ils se trouvent sur le territoire, à une offre de restauration à tarif modéré. L'existence de « zones blanches » de la restauration universitaire appelle, sans tarder, la mise en oeuvre de solutions adaptées à chacun des territoires concernés , afin de combler les lacunes du système actuel. Pour la commission, il était primordial que le dispositif envisagé ne déstabilise pas le réseau des oeuvres universitaires et scolaires, dont la mobilisation a été remarquable pendant la crise sanitaire. C'est pourquoi elle a tenu à ce qu'il soit conçu comme un complément à l'offre de restauration universitaire, ciblé sur les étudiants n'y ayant pas accès.

L'Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, a souhaité, en première lecture, étendre la portée du dispositif en ne le limitant pas à un seul outil, le titre-restaurant, mais en le rendant compatible avec d'autres supports, parfois déjà déployés par les acteurs de la vie étudiante dans certains territoires, sous l'effet de la crise sanitaire (par exemple, les bons alimentaires utilisables auprès de services de restauration agréés ou d'épiceries sociales et solidaires). L'aide financière qui sera versée aux étudiants n'ayant pas accès aux structures de restauration universitaire, selon des modalités définies par un décret en Conseil d'État, pourra ainsi prendre plusieurs formes, s'adapter aux besoins du terrain et aux solutions déjà existantes.

En deuxième lecture, la commission approuve cette plus grande souplesse apportée au dispositif qui s'appuiera sur une pluralité d'outils complémentaires, tout en garantissant le rôle prédominant et essentiel des Crous. Ce faisant, elle se félicite qu'il offre l'opportunité de donner un coup d'accélérateur à la politique de conventionnement du réseau des oeuvres universitaires et scolaires , qui s'est déjà traduit par l'agrément de près de 200 structures, pour permettre un meilleur maillage territorial de l'offre alimentaire au bénéfice de tous les étudiants.

La commission a adopté la proposition de loi sans modification .

TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 29 MARS 2023

_________

M. Laurent Lafon , président . - Je vous propose d'entendre à présent le rapport de notre collègue Jean Hingray sur la proposition de loi, déposée par Pierre-Antoine Levi, visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture. L'examen de ce texte en séance publique est programmé mercredi prochain, le 5 avril, en première position de la niche du groupe Union Centriste.

M. Jean Hingray , rapporteur . - Ce texte s'inscrit dans la continuité des thématiques que nous venons d'aborder avec la Cour des comptes, en particulier celle du lien entre universités et territoires. Nous vous avions proposé il y a presque deux ans maintenant le ticket-restaurant étudiant, pour que les étudiants qui se trouvent dans des « zones blanches » de la restauration universitaire puissent manger, tout simplement, en l'absence de restaurant universitaire. Nous avions tous été choqués par les files d'attente devant des distributions alimentaires, pendant la crise sanitaire, ou les témoignages d'étudiants qui ne mangeaient pas à leur faim.

Notre première proposition a été débattue à l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée en la modifiant. Nous examinons aujourd'hui ce texte en deuxième lecture, et nous vous proposons de le voter conforme, car cela ouvrira le champ des possibles en permettant au Gouvernement de prendre un décret d'application pour mettre rapidement en oeuvre des solutions adaptées à chaque territoire.

Je rappelle qu'entre 200 000 et 500 000 étudiants n'ont pas accès à un restaurant universitaire. Notre but est bien de soutenir et de valoriser l'action des Crous, même si nous avions initialement proposé un système de ticket-restaurant. En deuxième lecture, il s'agit toujours de soutenir l'action des Crous, mais en confortant et encourageant la possibilité qu'ils ont de conventionner avec des acteurs publics tels que les collectivités territoriales, des acteurs privés et des acteurs sociaux, comme les épiceries solidaires dans nos territoires.

Le but de ce texte est d'accélérer le conventionnement et de mettre la balle dans le camp du Gouvernement, pour développer l'action de lutte contre la précarité alimentaire étudiante. On sait qu'il y a beaucoup de tâtonnements en la matière de la part du Gouvernement, notamment sur la réforme annoncée des bourses. Nous n'avons, pour l'instant, pas eu de véritable signal positif en matière de lutte contre la précarité alimentaire. À l'Assemblée nationale la généralisation du repas à 1 euro a été rejetée - à une voix près.

Je souhaite remercier Pierre-Antoine Levi, mon binôme dans ce projet depuis quelques mois. Les associations étudiantes se disent très satisfaites que ce texte soit débattu. J'espère que le Gouvernement nous suivra.

M. Pierre Ouzoulias . - La mission d'information sur les conditions de la vie étudiante que nous avions pilotée avec le Président Laurent Lafon recommandait le conventionnement avec les acteurs territoriaux, car ce dispositif permet d'offrir un service de restauration aux étudiants dans les zones où, de toute façon, le Crous n'ouvrira jamais de restaurant universitaire. De plus, il fallait donner aux collectivités la possibilité d'accéder à la centrale d'achat du Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous). Cette deuxième mesure a été adoptée par amendement l'an passé, et vous mettez en place l'autre, ce qui est satisfaisant. Cela permettra à des étudiants, dès le 1 er septembre, d'accéder à des établissements publics de restauration.

Nous devrons, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, regarder attentivement si le Cnous a les moyens budgétaires nécessaires pour entreprendre cette politique. À Mende, par exemple, il y a 25 étudiants, qui n'ont accès à aucun établissement et ne coûtent donc rien. S'ils obtiennent l'accès à la restauration collective du département de la Lozère, cela aura un coût pour le Cnous. Nous devrons donc veiller à ce que le budget donne des moyens supplémentaires au réseau. En tous cas, nous voterons cette proposition de loi.

M. Stéphane Piednoir . - Je souligne à mon tour les problèmes que rencontrent les étudiants depuis la crise sanitaire, qui a accentué leurs difficultés financières. Les restaurants universitaires sont submergés dans de nombreux territoires, et pas seulement en zone rurale. Les étudiants se dirigent de manière plus massive vers la restauration universitaire - qu'il y ait des repas à 1 euro ou non, d'ailleurs. Ils sont à la recherche d'économies et souhaitent pour cela se restaurer à moindre coût.

La formule proposée était assez simple, à l'origine. Nous glissons tout doucement vers une organisation plus complexe, en tous cas plus compliquée à mettre en oeuvre. Il y aura des paramètres, un cahier des charges, des aides, du conventionnement... Mais selon quels critères ? Comment décider qu'un étudiant est suffisamment éloigné d'un restaurant universitaire ? Les critères quantitatifs rendront moins lisible cette proposition de loi. S'il n'y a pas de conventionnement, il y aura des aides directes pour les étudiants. Selon quels critères d'attribution ? Quel sera le coût global de cette mesure ?

Mme Sabine Van Heghe . - Ce texte visait initialement à créer un ticket-restaurant, sur le modèle de ce que les entreprises proposent aux salariés. Nous avions insisté sur les dangers que cela ferait courir aux Crous. Il y avait aussi le risque d'un repli sur soi des étudiants et d'une alimentation moins équilibrée.

Avec la réécriture par l'Assemblée nationale s'est opéré un changement total de raisonnement. Il n'est plus question de ticket-restaurant. Pour autant, ce n'est pas tout à fait une solution satisfaisante. Cette réécriture complexifie le système en l'encadrant de façon insuffisante, selon qu'une offre de restauration à tarif dit modéré existe ou non localement. Le dispositif du premier alinéa de l'article 1 er pose comme postulat de départ que, dans chaque territoire, il existe une possibilité pour les étudiants de bénéficier d'une offre de restauration à tarif modéré à proximité de leur lieu d'études. Or il s'agit d'une simple possibilité. Il faudra préciser les notions de territoire, de tarif modéré et de proximité du lieu d'études.

Le dispositif du troisième alinéa de l'article 1 er prévoit que, lorsque l'offre n'existe pas, une aide financière est proposée aux étudiants concernés pour permettre l'acquisition de tout ou partie d'un repas consommé ou acheté auprès d'un organisme conventionné. S'il ne s'agit plus de ticket-restaurant, on ne connaît pas la forme ni le montant de l'aide accordée.

Avec sa réécriture, l'Assemblée nationale donne au service public de l'enseignement supérieur un rôle prépondérant dans le dispositif d'aide. Et le flou entoure la rédaction du dispositif, par ailleurs non contraignant : accès à une restauration à tarif modéré pour les étudiants, sur des territoires non définis.

Le système de conventionnement, selon que cette offre à tarif modéré existe ou non, n'apporte donc aucune véritable garantie supplémentaire par rapport au texte adopté en première lecture au Sénat. Les modifications opérées peuvent apporter une amélioration pour les étudiants mais le nouveau dispositif ne nous rassure pas tout à fait, car il est complexe et nous craignons qu'il ne soit pas efficace pour apporter une aide concrète à notre jeunesse étudiante, qui fait face à de difficultés pour satisfaire ce besoin vital : manger.

Nous sommes favorables au repas à 1 euro pour tous les étudiants, ce qui est une disposition simple et efficace. Il y a un progrès dans ce texte, mais il manque de précision. C'est pourquoi le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain se positionnera sur une abstention bienveillante.

Mme Monique de Marco . - Cette proposition de loi procède d'une bonne intention, mais, dans les détails, elle risque de déstabiliser la restauration des Crous et de pousser les étudiants à recourir à de la restauration rapide. On n'en connaît pas le coût, et elle ne précise pas suffisamment comment on mesure l'éloignement. Elle ne peut donc résoudre le problème de la restauration des étudiants.

J'avais proposé d'inscrire dans le dernier projet de loi de finances la généralisation du repas à 1 euro pour tous. Cette mesure avait été chiffrée, puis rejetée, avant d'être reprise à l'Assemblée nationale. Cela aurait pourtant constitué une solution intéressante. J'ai donc déposé un amendement à cette proposition de loi, même si je pense qu'elle sera votée conforme. Notre groupe, lui, fera également preuve d'une abstention bienveillante.

M. Bernard Fialaire . - L'uniformisation du repas à 1 euro n'étant pas forcément synonyme d'égalité des droits, nous ne préconisons pas cette solution. Néanmoins, nous exprimerons un vote positif, mais vigilant, car la vertu de cette proposition de loi est de mettre le doigt sur un véritable problème. De plus, l'ensemble des acteurs doit être responsabilisé : la présence de lycées comprenant des classes de brevet de technicien supérieur (BTS) ou des classes préparatoires dans les zones blanches doit favoriser une réflexion globale sur l'accompagnement de tous les étudiants.

M. Cédric Vial . - Nous ferons confiance à la sagesse du rapporteur et à l'auteur de la première proposition de loi. Toutefois, je déplore la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale qui s'avère être beaucoup plus complexe que la précédente. La navette parlementaire a favorisé une vision administrative au détriment d'une vision politique, cette complexité risquant de se renforcer avec le passage de la loi vers le décret.

Nous sommes passés du ticket-restaurant, un dispositif simple qui a fait ses preuves et qui correspondait à une liberté réclamée par les étudiants, à une aide financière ainsi qu'à un conventionnement qu'il faudra instruire et administrer par des services supplémentaires. Le budget de l'État dédié à cette aide sera donc en grande partie polarisé par cette mise en place, de surcroît en direction d'établissements qui subiront une plus grande complexité. Je déplore donc vraiment la nouvelle rédaction qui apparaît comme une régression pour les étudiants, mais je vous suivrai si vous estimez que ce texte constitue une avancée.

M. Max Brisson . - Je répète que nous préférions le texte de Pierre-Antoine Levi, mais, sur la base du proverbe « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », mieux vaut adopter cette proposition de loi que rien, et repartir alors vers une navette à l'issue incertaine.

Je propose donc d'adopter conforme le texte et de suivre notre rapporteur.

M. Pierre-Antoine Levi . - Il m'est agréable de constater que vous préfériez la version initiale du texte : c'est aussi mon cas, car elle était beaucoup plus facile à mettre en oeuvre. Un débat vigoureux autour de ce texte a eu lieu entre la commission de la culture et la ministre de l'enseignement supérieur d'alors, mais il est certain que le Président de la République n'en voulait pas. Il a estimé que le dispositif coûtait trop cher, que les étudiants pourraient utiliser ces tickets-restaurant de manière irresponsable dans les restaurants de fast-food , alors que l'on sait que le repas équilibré dans les Crous n'est qu'une pure théorie.

Ce texte ayant été modifié, « un tiens vaut mieux que deux tu l'auras », comme l'a dit Max Brisson : de petites victoires valent parfois mieux que de grandes défaites. En effet, le débat sur le repas à 1 euro a fait beaucoup de mal et je n'ai pas envie que la commission de la culture du Sénat ne prenne pas ce problème à bras-le-corps. Le vote conforme de cette proposition de loi permettra de préciser le champ du dispositif par décret, mais aussi le prix, soit 1 euro ou 3,30 euros en fonction des droits, et donc de donner aux étudiants habitant dans les zones blanches les mêmes droits que les autres, ce qui concerne entre 200 000 à 500 000 étudiants.

Le coût de ce dispositif est chiffré entre 300 et 350 millions d'euros, ce qui représente un investissement raisonnable : nous le devons à notre jeunesse.

Je n'ai finalement entendu que des critiques bienveillantes, montrant que nous souhaitons tous aborder le sujet de la précarité étudiante au sein du Sénat. Si j'aurais souhaité que ma première proposition soit adoptée en l'état- celle-ci a été déposée conjointement avec Mme Anne-Laure Blin qui s'est battue à l'Assemblée nationale pour la faire voter sans succès -, je vous appelle néanmoins à suivre l'avis d'un vote conforme de notre rapporteur.

M. Jean Hingray , rapporteur . - Je vous remercie pour ces remarques. La confiance n'exclut pas le contrôle : il est proposé dans cette proposition de loi un rapport annuel sur le conventionnement, qui doit être généralisé dans les zones blanches. De plus, ce conventionnement permettrait d'accéder à des repas à 1 euro et à 3,30 euros. Le budget est fixé à un minimum de 250 millions d'euros, jusqu'à 400 millions d'euros selon le chiffre fourni par le ministère.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Monique de Marco . - Avec l'amendement COM-1 rectifié, mon idée est d'interroger les moyens de cadrage à l'égard d'une proposition de loi floue, et donc de clarifier la rédaction pour arriver aux mêmes conditions tarifaires.

M. Jean Hingray , rapporteur . - La précision proposée est, en réalité, déjà satisfaite. Le système de conventionnement garantit que les étudiants concernés pourront bénéficier d'une offre de restauration dans les mêmes conditions tarifaires que s'ils avaient accès à un restaurant universitaire. En outre, l'adoption de l'amendement rendrait le texte non conforme, c'est pourquoi je sollicite une demande de retrait ; sinon, l'avis sera défavorable.

Mme Monique de Marco . - Je le maintiens.

M. Jean Hingray , rapporteur . - Je confirme donc mon avis défavorable à l'adoption de cet amendement.

L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 1 er bis

L'article 1 er bis est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 demeure supprimé.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

M. Laurent Lafon , président . - La discussion en séance publique aura donc lieu le 5 avril.

Le sort de l'amendement examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Monique de MARCO

COM-1

Précision selon laquelle l'offre de restauration conventionnée donne droit aux mêmes conditions tarifaires que l'offre de restauration universitaire

Rejeté

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-422.html


* 1 Rapport d'information de Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante : « Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour L'État et les collectivités » (juillet 2021).

* 2 Proposition de loi examinée en commission le 2 juin 2021, puis en séance publique le 10 juin 2021.

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