CHAPITRE II : RENSEIGNEMENT ET CONTRE-INGÉRENCE

Article 19
Permettre l'accès des services de renseignement au casier judiciaire au titre des enquêtes administratives de sécurité

Cet article ouvre l'accès des services de renseignement au bulletin n°2 du casier judiciaire.

La commission a adopté l'article sans modification.

1. Le dispositif proposé

Les services de renseignement compétents en matière d'enquêtes administratives de sécurité préalables (DGSI, DRSD, DGSE) à des décisions de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation sont chargés de rendre des avis de sécurité, non contraignants, dont l'objet est de détecter et d'évaluer les vulnérabilités d'une personne en amont de la prise de décision par l'autorité compétente.

Le projet de loi propose de modifier l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure afin de permettre aux services de renseignement l'accès au bulletin n°2 du casier judiciaire dans le cadre de l'instruction des enquêtes administratives préalables à la prise de décision de recrutement, d'affectation, de titularisation, d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation.

Ce bulletin n°2 est actuellement accessible aux administrations publiques de l'Etat saisies d'une demande d'emploi public. En élargir l'accès aux services de renseignement, en plus des consultations déjà possibles en matière de fichier de condamnation pour acte de terrorisme ou infraction à caractère sexuel, permettrait de pallier le risque d'accorder une autorisation en méconnaissance d'une autre condamnation pénale.

Cette disposition a pour objet de fiabiliser les données à caractère pénal issues, d'une part, des fichiers d'antécédents judiciaires (TAJ), qui permettent de connaître la nature des mis en cause et, d'autre part, les informations contenues dans le fichier recensant les condamnations pénales (casier judiciaire n° 2). Il est rappelé que les services enquêteurs ne rendent que des avis non contraignants, l'autorité compétente restant libre de la décision administrative en découlant.

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté cet article au bénéfice de modifications purement rédactionnelles apportées en commission.

3. La position de la commission

La commission n'a pas apporté de modification.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 20
Garantir la prise en compte des intérêts fondamentaux de la Nation en cas d'activité privée par un ancien militaire, dans le domaine de la défense ou de la sécurité, en rapport avec une puissance étrangère

Cet article vise à encadrer l'activité privée d'anciens militaires en rapport avec une puissance étrangère.

La commission a adopté deux amendements de précision visant à rappeler les anciens militaires à leurs obligations de droit commun.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

1. Le dispositif proposé

Le projet de loi propose d'instituer un régime de déclaration préalable auprès du ministre de la défense de tout projet d'exercice, par un ancien militaire, d'une activité à l'étranger dans le domaine de la défense ou de la sécurité afin de vérifier que cette activité ne comporte pas de risque de divulgation par l'intéressé de procédés opérationnels, de capacités techniques et de savoir-faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires, susceptible de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

Selon les réponses apportées au questionnaire de la commission, près d'une dizaine d'anciens militaires ayant occupé des fonctions sensibles, ont été approchés par des compétiteurs étrangers. Les principaux profils ciblés sont les pilotes de chasse.

Le dispositif proposé impose aux militaires détenant de savoir-faire ou de fonctions sensibles (aéronautique, nucléaire, etc.) qui souhaiteraient exercer une activité rémunérée ou gratifiée au profit d'un État étranger ou d'une entreprise ayant son siège en dehors du territoire national ou sous contrôle étranger, d'en faire la déclaration préalable au ministre en charge de la défense, ce pendant 10 ans après la cessation des fonctions.

En cas de méconnaissance de l'avis négatif du ministre, les intéressés encourraient divers niveaux de sanction allant du retrait de décoration, de la retenue sur pension jusqu'à 50 % de celle-ci, et jusqu'à des sanctions pénales punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a complété le dispositif afin qu'il concerne également des activités indirectes au profit d'un État étranger mais aussi de collectivités territoriales étrangères, cet ajout permettant de prendre en compte les démembrements territoriaux à l'exemple des régions chinoises particulièrement actives dans le domaine de la recherche duale.

Elle a également précisé que obligation ne s'appliquerait pas au militaire qui souhaite exercer une activité au sein d'une entreprise titulaire d'une autorisation d'exportation. En revanche, elle a inclus dans le champ de l'obligation déclaratoire les agents civils de l'État ou de ses établissements publics participant au développement de savoir-faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires, et précisé que le périmètre des activités concernées serait circonscrit aux « savoir-faire nécessaires à la préparation et à la conduite des opérations militaires ».

3. La position de la commission

La commission a adopté deux amendements, dont un rédactionnel (COM-126), l'autre précisant que l'instauration du régime déclaratoire n'était pas exclusive d'autres obligations déclaratives de droit commun, à savoir auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et de la commission de déontologie des militaires (COM-29).

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

Article 21
Permettre la communication par l'autorité judiciaire aux services de renseignement des éléments d'une procédure ouverte pour crime et délit de guerre ou crime contre l'humanité

Cet article instaure une information des services de renseignement sur les procédures relatives à des crimes et délits internationaux.

La commission a adopté l'article sans modification.

1. Le dispositif proposé

Le projet de loi propose d'instaurer une dérogation à l'article 11 du code de procédure pénale relatif au secret de l'enquête et de l'instruction en prévoyant une communication aux services spécialisés de renseignement par le procureur de la République antiterroriste des éléments de procédures d'enquête ou d'instruction ouvertes sur le fondement de crime et délit de guerre ou de crime contre l'humanité.

La transmission d'éléments de procédure par l'autorité judiciaire aux services de renseignement est de nature à permettre par exemple d'empêcher la fuite des criminels de guerre ou leur entrée sur le territoire de l'Union européenne ou, encore, de collecter des éléments relatifs à des individus ou des groupes déterminés en matière de prolifération d'armes de destruction massive ou de terrorisme.

Sur le plan quantitatif, un peu plus de 160 procédures sont actuellement suivies par les juridictions spécialisées pour des crimes internationaux aux stades de l'enquête préliminaire ou de l'information judiciaire.

Ce dispositif est inspiré par le mécanisme existant déjà pour la communication d'éléments d'enquêtes en matière de terrorisme. Son extension au champ des crimes et délits de guerre et crime contre l'humanité vise plus particulièrement à mieux prendre en compte les ressortissants de retour de zones de guerre ou de crise telles que le Moyen-Orient ou l'Europe orientale.

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a apporté des modifications rédactionnelles.

3. La position de la commission

La commission n'a pas apporté de modification.

La commission a adopté l'article 21 sans modification.

Article 22
Protéger l'anonymat des anciens agents des services de renseignement ou des anciens membres des forces spéciales ou unités d'intervention spécialisées dans le cadre des procédures judiciaires

Cet article renforce la protection de l'anonymat d'anciens agents des services de renseignement.

La commission a adopté l'article sans modification.

1. Le dispositif proposé

Le projet de loi propose de compléter le dispositif actuel d'anonymat des agents appartenant aux services de renseignement du premier et second cercles, ainsi qu'aux unités de forces spéciales, dont le témoignage est requis au cours d'une procédure judiciaire en l'étendant aux anciens membres de ces mêmes services.

Il s'agit de préciser la rédaction du droit en vigueur qui ne mentionnait pas les conditions d'application dans le temps de la mesure d'anonymat, pouvant engendrer une insécurité juridique sur la qualité de membre en exercice ou d'ancien membre des services.

Enfin, sur le plan opérationnel, la divulgation d'identité d'anciens membres présente un risque d'identification par recoupement d'opérations toujours en cours ou d'agents en exercice.

2. Les modifications adoptées à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté une modification d'ordre rédactionnel.

3. La position de la commission

La commission n'a pas apporté de modification.

La commission a adopté l'article 22 sans modification.

Article 22 bis (nouveau)
Renforcer le droit à l'information de la délégation parlementaire au renseignement sur les enjeux et les sujets d'actualité liés au renseignement

Introduit par trois amendements identiques, cet article renforce le droit à l'information de la délégation parlementaire au renseignement.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

La commission a adopté un amendement COM-30 présenté par le rapporteur visant à renforcer le droit à l'information de la délégation au renseignement (DPR) dans le suivi des sujets d'actualités liés au renseignement, ainsi que sur le bilan des recommandations que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) dresse chaque année.

La loi n° 2021-998 du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement a renforcé les prérogatives de la DPR en lui reconnaissant explicitement la possibilité de traiter des enjeux d'actualité liés au renseignement. Il s'agissait, sans interférer sur les opérations en cours, de souligner l'intérêt pour la délégation de mener des travaux en prise avec l'actualité, en usant d'un droit d'accès à des informations classifiées, ce qui n'est permis à aucun autre organe parlementaire. Or, la DPR s'est vue refuser par le gouvernement des auditions relatives aux affaires « Pegasus » et « Sirli » dont les médias s'étaient pourtant fait l'écho.

Afin d'écarter toute divergence d'interprétation, il est proposé de préciser le terme d'enjeux d'actualité, aux contours flous, par les termes « enjeux et sujets d'actualité ».

L'article adopté prévoit également que soit communiqué à la DPR un bilan annuel des recommandations présentées par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement au Premier ministre.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

La commission a adopté l'article 22 bis ainsi rédigé

Article 22 ter (nouveau)
Informer la délégation parlementaire au renseignement des recommandations adressées par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) au gouvernement

Introduit par trois amendements identiques, cet article consiste en une coordination légistique.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Issu de trois amendements identiques (COM-31 présenté par le rapporteur, COM-122 et 129), le dispositif adopté présente le même objet que le 2° de l'article 22 bis, précité, et consiste en une coordination légistique dans le code de la sécurité intérieure.

La commission a adopté les trois amendements.

La commission a adopté l'article 22 ter ainsi rédigé.

Article 22 quater (nouveau)
Prévoir l'accès direct et immédiat de la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) aux données collectées par les services

Introduit par trois amendements identiques, cet article vise à étendre les pouvoirs de contrôle de la CNCTR.

La commission a adopté l'article ainsi rédigé.

Issu de trois amendements identiques (COM-32 présenté par le rapporteur, COM-120 et 127), le présent article prévoit l'accès direct et immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par les services de renseignement.

La CNCTR est l'autorité administrative indépendante en charge du contrôle de l'utilisation des techniques de renseignements. Elle apprécie la proportionnalité des atteintes portées à la vie privée par une technique de renseignement au regard de finalités prévues par l'article L.811-3 du code de la sécurité intérieure.

Son contrôle s'exerce a priori, lorsqu'elle émet un avis sur toutes les demandes de mise en oeuvre d'une technique de renseignement soumises par les services au Premier ministre.

Elle exerce également un contrôle a posteriori afin de s'assurer que la mise en oeuvre de la technique de renseignement respecte les conditions posées lors de son autorisation et notamment les conditions de conservation et de destruction des données, renseignements ou documents collectés.

Matériellement, le contrôle de la CNCTR a posteriori prend deux formes. Lorsque les données sont centralisées au Groupement interministériel de contrôle, elle les contrôle depuis ses propres locaux ; lorsque les éléments collectés sont stockés au sein des services, elle s'y déplace. La centralisation ou non des éléments collectés varie selon le type de technique. Or la nécessité pour les agents de la CNCTR de se déplacer est particulièrement inadaptée pour les trois techniques les plus intrusives, qui sont en outre sans doute appelées à devenir les plus utilisées en matière de renseignement :

- la captation de paroles prononcées à titre privé (article L. 853-1 du code de la sécurité intérieure) ;

- la captation d'images dans un lieu privé (article L. 853-1 du code de la sécurité intérieure) ;

- le recueil ou la captation de données informatiques (article L. 853-2 du code de la sécurité intérieure.

La création d'un accès direct et immédiat de la CNCTR aux éléments collectés par l'intermédiaire de ces trois techniques a donc pour but de faciliter matériellement le contrôle de la CNCTR, d'en renforcer le caractère exhaustif. En cela, cette disposition s'inscrit dans la continuité des échanges entre CNCTR et la coordination nationale du renseignement tendant à la centralisation des éléments collectés par les différentes techniques de renseignement.

La commission a adopté les trois amendements.

La commission a adopté l'article 22 quater ainsi rédigé.

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