N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 14

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Rapporteur spécial : M. Olivier PACCAUD

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire », qui constitue le premier poste de dépenses du budget de l'État, s'élèvent en PLF 2024 à 63,646 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et 62,847 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) hors contribution au CAS » Pensions ». Cela correspond à une hausse de 3,9 milliards d'euros, soit une progression de 6,5 % par rapport à 2023 et de 13,6 % (soit + 7,6 milliards d'euros) par rapport à 2022. Avec 1,2 million d'agents, le ministère de l'éducation nationale constitue le premier employeur public.

I. UNE HAUSSE DE 3,6 MILLIARDS D'EUROS ESSENTIELLEMENT LIÉE AUX NÉCESSAIRES MESURES DE REVALORISATIONS SALARIALES

A. RÉMUNÉRATION DES ENSEIGNANTS : REDRESSER LA BARRE, UN ENJEU D'ATTRACTIVITÉ

Entre 2002 et 2022, du fait de l'inflation, la rémunération des enseignants a diminué pour tous les corps et à tous les stades de la carrière, à l'exception des enseignants débutants. Le salaire en euros constants a diminué en 20 ans de 8 % pour les enseignants du premier degré et de 5 % pour ceux du second degré. La dégradation de pouvoir d'achat atteint 12 % depuis 2002 pour les enseignants en fin de carrière. D'après les dernières études du ministère de l'Éducation nationale, 55 % des enseignants du premier degré et 60 % de ceux du second degré mentionnent le pouvoir d'achat comme l'un des trois aspects les plus problématiques de leur métier. Leur rémunération reste très éloignée de celle de la plupart de leurs collègues européens.

Alors que le ministère présentait les résultats désastreux des concours en 2022 comme étant liés à une année de transition du fait de la réforme de la formation initiale des enseignants, 2023 confirme le caractère structurel de ces difficultés et leur déclinaisons locales et disciplinaires. Par ailleurs, en 2021 et 2022, on comptait 2 836 enseignants démissionnaires, soit 0,4 % des enseignants. Ainsi, en dix ans, le taux de démission des enseignants a augmenté de 0,34 %, soit une progression de près de 700 points.

Évolution du taux de départs définitifs volontaires dans l'enseignement public

(en %)

Source : commission des finances d'après la DEPP

B. UN EFFORT BUDGÉTAIRE CONSÉQUENT EN PLF 2024

1. Un poids des mesures générales pour l'ensemble de la fonction publique 

Dans l'ensemble, les hausses successives du point d'indice décidées en 2022 et 2023 pèseront sur le budget de la mission en 2024 à raison de 2,5 milliards d'euros.

En outre, les personnels du ministère de l'Éducation nationale bénéficieront des mesures dites du « rendez-vous salarial » annoncé par le ministre de la fonction publique : prise en charge du remboursement de l'abonnement transport pour les trajets domicile-travail, création d'une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle, et octroi de 5 points d'indice majoré à tous à compter du 1er janvier 2024. 61 % des personnels du ministère de l'Éducation nationale devraient percevoir en janvier 2024 la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat, pour un montant moyen brut de 425 euros et un coût total estimé à 408 millions d'euros.

2. Des mesures statutaires qui commencent à produire des effets sur la rémunération moyenne des enseignants

Le principal axe de la revalorisation « socle » mise en place en septembre 2023 et dont les effets en année pleine sont sensibles en 2024 est le doublement des indemnités statutaires. Le montant de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du 1er degré, et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du 2nd degré, est doublé pour atteindre 2 550 euros bruts par an.

En complément du doublement des primes statutaires, la prime d'attractivité est revalorisée pendant les quinze premières années de carrière, afin de limiter l'effet « carrière plate » décrit plus haut, qui impactait particulièrement les enseignants en milieu de carrière. Cela entraîne un gain compris entre 600 euros et 1 780 euros bruts annuels jusqu'à l'échelon 7 de la classe normale inclus, c'est-à-dire jusqu'à 14,5 ans d'ancienneté.

Décomposition des facteurs d'évolution des dépenses de personnel
par programme

(en millions d'euros)

 

Mesures générales

Mesures catégorielles

Total

Total mesures générales

Point d'indice 2022

Point d'indice 2023

Rendez-vous salarial

Total mesures catégorielles

Dont Pacte enseignant

Dont revalorisation socle enseignants

Dont revalorisation AESH

Autres revalorisations

139

442

236

103

54

442

124

260

 

3

1 663

140

749

491

223

108

749

172

454

 

14

2 960

141

1 056

760

336

154

1 056

332

530

 

39

2 112

214

29

34

15

10

29

0

0

 

18

134

230

185

170

81

79

185

0

17

160

22

739

Total

2 460

1691

758

405

2460

628

1261

160

96

7 608

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le Président de la République avait promis une hausse de rémunération de 10 % pour tous les enseignants. En réalité, la hausse globale du point d'indice compte pour une bonne part de cette augmentation, et concerne surtout les débuts de carrière.

Sans intégrer les effets du Pacte enseignant, le gain de rémunération qui résulte depuis septembre 2022 des hausses cumulées du point d'indice, des indemnités statutaires et de la prime d'attractivité est compris entre 9 % et 12 % sur les huit premières années, puis s'établit entre 4 % et 5,5 % pour la suite de la carrière d'un professeur des écoles. Pour un enseignant certifié ou agrégé, le gain au cours des 11 premières années de carrière est compris entre 11 % et 12 %, puis descend également en dessous de 5 % (jusqu'à 3,7 % pour un enseignant agrégé en fin de carrière). Par ailleurs, la forte inflation constatée en 2022 et 2023 a contribué à éroder l'impact de ces efforts budgétaires.

3. Le Pacte enseignant, une revalorisation en trompe l'oeil ?

Le Gouvernement a annoncé en 2022 vouloir mettre en place une rémunération spécifique à destination des enseignants réalisant des missions complémentaires, sous l'appellation de « Pacte enseignant ». Celui-ci fonctionne sur le principe d'un droit d'option : les enseignants peuvent choisir de réaliser une à trois missions spécifiques, rémunérées chacune à hauteur de 1 250 euros bruts annuels.

Les premiers chiffres d'adhésion datent de la fin septembre 2023 : parmi l'ensemble des établissements répondant à l'enquête ministérielle, 109 787 enseignants envisageraient de s'engager dans le Pacte, soit près de 25 % de la population éligible considérée. Ce taux monte à 33 % en collège et en lycée professionnel. Leur engagement représenterait 181 102 » briques » de pacte, soit 1,65 mission par personne en moyenne. En conséquence, le nombre moyen de missions serait inférieur à celui anticipé : moins d'enseignants que ce qui était espéré par le ministère souscriraient un « Pacte complet ».

Le ministère a fait de la réalisation de remplacements de courte durée l'un des objectifs prioritaires du Pacte dans le second degré. À la fin septembre 2023, 24 500 enseignants du second degré avaient accepté une mission de remplacement de courte durée, ce qui représente l'équivalent annuel de 804 900 heures d'enseignement.

Répartition des crédits dédiés au Pacte enseignant en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Avec 628 millions d'euros, les crédits prévus pour le Pacte enseignant en 2024 sont inférieurs à ceux envisagés par le ministère l'année précédente. En PLF 2023, le ministère indiquait que le coût du Pacte en année pleine serait de 900 millions d'euros. Cette ambition a donc été rabattue de près d'un tiers.

II. UNE NÉCESSITÉ : POURSUIVRE LES EFFORTS POUR AMÉLIORER LES TAUX D'ENCADREMENT DES ÉLÈVES

Dans la continuité des années précédentes, le plafond d'emplois d'enseignants rémunérés par la mission est en baisse : 2 300 postes d'enseignants devraient été supprimés. Il est regrettable, au vu des taux d'encadrement qui demeurent extrêmement élevés, que le ministère ait fait le choix de se priver d'une opportunité de réinjecter l'intégralité des emplois dégagés par les évolutions démographiques au profit d'un abaissement du nombre d'élèves par classe.

Dans le premier degré, la France présente le taux le plus fort au sein de l'Union européenne avec près de 19 élèves par enseignant dans l'élémentaire et plus de 23 élèves par enseignant dans le préélémentaire. Dans le premier cycle du secondaire en France, le taux d'encadrement est meilleur que dans le premier degré et s'élève à 14 élèves par enseignant. Il reste cependant plus élevé que dans tous les autres pays.

Nombre d'élèves moyen par classe en 2021

Source : commission des finances d'après l'OCDE

Les classes à niveaux multiples constituent toujours un élément majeur du paysage scolaire en milieu rural, dans lequel la proportion de ces classes est deux fois plus élevée qu'en milieu urbain. Neuf écoles sur dix ont au moins une classe regroupant des élèves de différents niveaux. Ces classes à niveaux multiples représentent 44,1 % des classes et 44,9 % des élèves y sont scolarisés, soit près de 3 millions. À la rentrée 2021, plus d'une école sur trois dispose uniquement de classes à niveaux.

III. ADAPTER LES LYCÉES PROFESSIONNELS, UNE RÉFORME ÉVALUÉE À TERME À 1 MILLIARD D'EUROS

En 2023, 627 100 élèves sont scolarisés dans le second degré professionnel (hors apprentissage, représentant environ 300 000 élèves supplémentaires). Toutefois, un quart des élèves de CAP (et 8 % de ceux en baccalauréat professionnel) ne sont ni employés ni en poursuite d'études six mois après leur diplôme. Afin de lutter contre ce constat alarmant, la voie professionnelle fait l'objet à la rentrée 2023 d'une réforme de grande ampleur.

Situation en janvier 2022 des sortants en 2021 de lycée professionnel,
6 mois après la fin de formation

(en %)

Source : commission des finances d'après la DEPP

2 100 bureaux des entreprises, soit un par établissement, doivent être mis en place dès la rentrée 2023 pour renforcer les liens entre le lycée professionnel et les entreprises de son territoire. À la rentrée 2023, 80 nouvelles formations d'avenir, visant à accueillir 1 050 élèves, ont été ouvertes.

Le ministère de l'Éducation nationale met en avant un coût total annuel de la réforme d'un milliard d'euros à compter de 2024. Il est cependant difficile de confirmer ce chiffre, les crédits étant partagés entre a minima six missions budgétaires. Mises à part les rémunérations des personnels de la voie professionnelle, les moyens nouveaux accordés à la réforme par le biais de la mission « Enseignement scolaire » sont limités à la gratification des stages en lycée professionnel : 50 euros par semaine en première année de CAP ou en seconde de baccalauréat professionnel ; 75 euros en seconde année de CAP ou en première de baccalauréat professionnel et enfin 100 euros hebdomadaires en classe de terminale. 400 millions d'euros sont prévus pour l'année 2024 au titre de ces gratifications.

IV. QUELLE RÉFORME POUR LA POLITIQUE D'INCLUSION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP ?

A. LE SYSTÈME SCOLAIRE ACCUEILLE ANNUELLEMENT 25 000 ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP SUPPLÉMENTAIRES

Depuis 2006, le nombre d'élèves en situation de handicap (ESH) scolarisés en milieu ordinaire (écoles et établissements publics et privés) a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 élèves à la rentrée 2023. Entre 2022 et 2023, les effectifs ont crû de 9,6 %. En moyenne, au cours des cinq dernières années, 10 000 élèves en situation de handicap de plus sont scolarisés chaque année dans le premier degré, ce qui constitue une dynamique positive pour l'inclusion de ces enfants.

Évolution de la scolarisation des élèves en situation de handicap depuis 10 ans

(en milliers)

Source : commission des finances d'après la DEPP

B. UN BUDGET DE 4,5 MILLIARDS D'EUROS CONSACRÉ À L'ÉCOLE INCLUSIVE, EN HAUSSE D'UN QUART EN DEUX ANS

En 2024, 4,466 milliards d'euros devraient être consacrés à l'école inclusive. La quasi-intégralité de cette somme finance des personnels spécialisés, enseignants ou accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

L'effectif total d'AESH s'élève à 123 874 personnes, dont 56 965 rémunérées sur le titre 2 de l'État et 66 909 hors titre 2. Depuis 2017, le nombre d'AESH a augmenté de 55 %. Il était indispensable de mettre en place une politique de dé-précarisation et de professionnalisation , notamment au travers de la généralisation du recrutement de ces personnels en contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois, avant signature d'un contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 3 ans d'ancienneté.

Il serait par ailleurs souhaitable que le cas spécifique des élèves présentant des troubles du comportement soit pris en considération. Or ce budget l'ignore totalement.

Ventilation des dépenses liées à l'école inclusive en PLF 2024

(en millions d'euros)

Type de dépense

Dispositif

Montant

AESH

AESH T2

2 382,71

AESH HT2

536,23

TOTAL

2 918,94

Enseignants spécialisés

ULIS école

362,76

ULIS lycée / collège

340,04

Enseignants référents

150,29

Autres postes ministère de l'éducation nationale

183,66

Établissements et services médico-sociaux (ESMSS)

326,79

Établissements de santé

61,54

Unités d'enseignement externalisées

91,24

TOTAL

1 516,32

Autres dispositifs

Matériels adaptés et accompagnement spécialisé

25

Formation des AESH

4,23

Déplacement des AESH

1,57

TOTAL

30,79

TOTAL

4 466,05

Source : commission des finances

L'article 53 du projet de loi de finances prévoit la substitution progressive, à partir de la rentrée 2024 et jusqu'à 2026 des pôles inclusifs d'accompagnement localisé par les pôles d'appui à la scolarité (PAS). En 2024, 100 PAS devraient être mis en place dans trois départements, avant la généralisation progressive du dispositif. Les PAS doivent apporter une réponse de premier niveau pour la scolarisation des élèves à besoins particuliers, en amont de la notification d'accompagnement spécialisé émise par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Ils ont également vocation à déterminer la quotité d'accompagnement attribué à chaque élève, une fois intervenue la décision de la MDPH.

La réorganisation des modalités de la gouvernance et de l'organisation de l'école inclusive prévues par le présent article ne semblent pas relever du domaine des lois de finances. Eu égard à l'importance de ces questions, il semble par ailleurs préférable de réserver ce débat à un texte portant spécifiquement sur ce sujet, indépendamment de la nécessité de faire évoluer le fonctionnement actuel de la prise en charge à l'école des élèves en situation de handicap.

Réunie le mercredi 8 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission. Elle a également décidé de proposer la suppression des articles 53 et 54.

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de ne pas adopter les articles 53 et 54.

Elle a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement FINC.4 du rapporteur général Jean-François Husson visant à minorer les crédits de la mission de 700 millions d'euros afin de tirer les conséquences de la sous-consommation répétée au cours des dernières années des crédits dédiés à la formation initiale et continue des enseignants.

Au 10 octobre 2023, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 73 % des réponses portant sur la mission « Enseignement scolaire » étaient parvenues au rapporteur spécial.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS DE LA MISSION

A. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE STABLE

Cette année encore, la maquette de la mission « Enseignement scolaire « est stable, sa dernière modification remontant à la loi de finances pour 2006.

La mission « Enseignement scolaire » comporte six programmes :

- le programme 140 - « Enseignement scolaire public du premier degré » ;

- le programme 141 - « Enseignement scolaire public du second degré » ;

- le programme 230 - « Vie de l'élève « ;

- le programme 139 - « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;

- le programme 214 - « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;

- le programme « 143 - « Enseignement technique agricole ».

Leur ampleur budgétaire est néanmoins extrêmement inégale, dans la mesure où le budget du programme 141 est près de 25 fois supérieur à celui du programme 143. À eux seuls, les programmes 140 et 141 représentent près de 70 % des dépenses de la mission, contre seulement respectivement 3,7 % et 2,6 % pour les programmes 214 et 143.

Part des différents programmes dans les dépenses de la mission

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

B. UNE PROGRESSION DES DÉPENSES DE LA MISSION DE 11 % EN DEUX ANS

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire «, qui constitue le premier poste de dépenses du budget de l'État, s'élèvent en PLF 2024, à structure courante, à 63,646 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) et 62,847 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) hors contribution au CAS « Pensions », contre respectivement 58,821 milliards d'euros et 59,055 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2023.

Cela correspond à une hausse de 3,9 milliards d'euros, soit une progression de 6,5 % par rapport à 2023 et de 13,6 % (soit + 7,6 milliards d'euros) par rapport à 2022.

En y incluant la contribution au CAS « Pensions », la mission atteint 86,937 milliards d'euros en AE et 86,0833 milliards d'euros en CP. Le montant des crédits correspondant à la contribution du ministère de l'Éducation nationale au CAS « Pensions » passe de 21,9 milliards d'euros en LFI 2023 à 22,4 milliards d'euros au PLF 2024 (+ 2,2 %).

Évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire « 
y compris CAS « Pensions »

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

Exécution 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (volume)

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (%)

Évolution PLF 2024 / LFI 2022

(%)

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

AE

2 829,3

2 565,2

2 910,8

2 966,0

55,2

1,90 %

15,62 %

CP

2 701,1

2 599,6

2 757,2

2 894,3

137,1

4,97 %

11,34 %

230 - Vie de l'élève

AE

6 384,4

6 859,8

7 373,8

7 971,0

597,2

8,10 %

16,20 %

CP

6 384,1

6 859,8

7 373,8

7 941,0

567,2

7,69 %

15,76 %

139 - Enseignement privé du premier et du second degrés

AE

7 767,3

7 997,0

8 468,1

9 035,3

567,2

6,70 %

12,98 %

CP

7 767,2

7 997,0

8 468,1

9 035,3

567,2

6,70 %

12,98 %

141 - Enseignement scolaire public du second degré

AE

34 107,5

34 607,6

36 455,9

38 424,6

1 968,7

5,40 %

11,03 %

CP

33 976,3

34 607,6

36 455,9

38 424,6

1 968,7

5,40 %

11,03 %

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

AE

23 587,8

24 204,6

25 667,2

26 843,0

1 175,8

4,58 %

10,90 %

CP

23 587,6

24 204,6

25 667,2

26 843,0

1 175,8

4,58 %

10,90 %

143 - Enseignement technique agricole

AE

1 488,3

1 527,1

1 594,9

1 697,4

102,5

6,43 %

11,15 %

CP

1 481,4

1 527,2

1 594,9

1 695,7

100,8

6,32 %

11,03 %

Total mission

AE

74 163,2

77 761,3

82 550,7

86 937,3

4 386,6

5,31 %

11,80 %

CP

74 025,7

77 795,7

82 397,9

86 833,9

4 436,0

5,38 %

11,62 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses de la mission avaient déjà augmenté de 6,5 % entre 2022 et 2023. Hors CAS « Pensions », les crédits de la mission « Enseignement scolaire » devraient avoir augmenté de 13,6 %, soit + 7,6 milliards d'euros par rapport à 2022. En incluant les retraites, les dépenses de la mission ont augmenté de 9 milliards d'euros en deux ans.

Cette hausse concerne l'ensemble des programmes de la mission, mais est essentiellement centrée sur les dépenses de personnel, qui augmentent de 7,32 % du fait des mesures salariales qui seront détaillées infra.

Les crédits hors-titre 2 inscrits au PLF 2024 s'élèvent, en CP et à structure courante, à 5 586,92 millions d'euros contre 5 643,33 millions d'euros en LFI 2023, soit une diminution de - 1 %, après la baisse d'1,8 % constatée entre 2022 et 2023. Cependant, cette baisse des dépenses hors dépenses de personnel ne traduit ni un sous-investissement ni une évolution à la baisse des dépenses de fonctionnement, mais découle d'enjeux de comptabilité.

En effet, un grand nombre d'emplois permanents d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) demeuraient non comptabilisés dans les plafonds d'emplois de la mission et relevaient des dépenses « hors T2 » du programme 230. Or, la politique de transformation des contrats de droit public de trois ans, renouvelable une fois en contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 3 ans d'ancienneté conduit à l'intégration massive d'AESH dans les plafonds d'emplois de la mission et contribue par conséquent à la hausse faciale des dépenses de personnel, en partie par redéploiement des crédits depuis le hors titre 2.

Comme en 2023, l'essentiel de la hausse des crédits découle de l'intégration dans la trajectoire de la mission des hausses du point d'indice d'une part, ainsi que des principales mesures de revalorisation des enseignants d'autre part.

En outre, la poursuite du renforcement des crédits dédiés à la scolarisation des élèves en situation de handicap explique une partie de la hausse du programme 230, l'action 03 « Inclusion scolaire » étant en hausse de 16,2 %. L'autre partie découle de la revalorisation des assistants d'éducation (+ 101,3 millions d'euros).

Par ailleurs, la réforme de l'enseignement professionnel contribue à la hausse des dépenses de la mission. La mesure ayant l'impact budgétaire le plus important, soit 400 millions d'euros, dont 323 millions d'euros pour le public et 77 millions d'euros pour le privé sous contrat, est la gratification de stage accordée aux élèves de la voie professionnelle à partir de l'année scolaire 2023-2024.

Taux annuel d'évolution du montant des crédits demandés par programme
en 2022, 2023 et 2024

Source : commission des finances

La trajectoire pluriannuelle devrait cependant voir la dynamique haussière de la mission se stabiliser au cours des prochaines années, la croissance devant être limitée à 1 % dès l'année prochaine, ce qui représente tout de même une hausse de 900 millions d'euros. Il est vrai que cette évolution aurait dû intervenir dès l'année 2024, à en croire les prévisions du Gouvernement figurant dans les documents budgétaires en PLF 2023.

Évolution pluriannuelle prévisionnelle de la mission Enseignement scolaire

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Le ralentissement de la hausse devrait être également réparti entre les différents programmes jusqu'en 2026, les moyens consacrés à l'enseignement agricole devant même décroître. Ces prévisions ne peuvent que sembler optimistes, dans la mesure où il semble difficilement concevable, à moins d'une inflation extrêmement limitée, que les dépenses des personnels des premier et second degrés n'augmentent annuellement que de 0,4 %, ce que le Gouvernement anticipe pourtant entre 2025 et 2026.

II. UNE HAUSSE DE 3,6 MILLIARDS D'EUROS ESSENTIELLEMENT LIÉE AUX REVALORISATIONS SALARIALES DES ENSEIGNANTS

A. LES RÉMUNÉRATIONS, PRINCIPAL POSTE DE DÉPENSE DE LA MISSION ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

1. Plus d'1,2 million de personnes sont rémunérées par la mission « Enseignement scolaire »

La mission « enseignement scolaire « se caractérise par l'ampleur des dépenses de personnel. Le ministère de l'Éducation nationale constitue le premier employeur public.

Ainsi, 1,2 million de personnes sont rémunérées par le ministère de l'Éducation nationale au titre de l'enseignement scolaire, dont 713 500 enseignants dans le secteur public et 142 200 dans le secteur privé, 274 000 agents au titre d'autres missions, et 11 000 agents n'étant pas en poste. Le nombre d'enseignants auprès d'élèves a augmenté de 2,3 % entre la rentrée 2015 et la rentrée 2020 dans le secteur public, et de 1,5 % dans le secteur privé.

Les personnels de l'enseignement scolaire selon leur mission et leur corps
en 2022-2023

 

Corps enseignants titulaires ou assimilés premier degré

Corps enseignants titulaires ou assimilés
second degré

Enseignants non titulaires

Corps non enseignants

Ensemble des personnels

Professeurs des écoles

Instituteurs

Agrégés et chaires supérieures

Certifiés et PEPS

Professeurs de lycée professionnel

Autres corps titulaires ou assimilés

Enseignement du premier degré public

318 592

888

 

å

å

 

6 987

 

326 474

Enseignement du second degré public

9 404

11

52 870

236 595

51 057

429

36 673

 

387 039

Total enseignement du secteur public

327 996

899

52 870

236 600

51 059

429

43 660

 

713 513

Enseignement du premier degré privé

36 967

38

 

å

å

7

7 005

 

44 019

Enseignement du second degré privé

534

 

4 212

60 291

10 654

836

19 623

 

96 150

Total enseignement du secteur privé

37 501

38

4 212

60 292

10 655

843

26 628

 

140 169

Soutien à l'enseignement

34

å

       

54

16 304

16 393

Animation pédagogique

9 096

18

323

1 951

2 199

11

1 350

180

15 128

Assistance éducative

     

å

   

31

182 371

182 403

Éducation (

336

å

 

8

å

 

13

21 898

22 261

Direction du premier degré

6 123

14

       

7

6

6 150

Direction du second degré

1 247

 

41

479

222

 

9

13 521

15 519

Inspection

110

 

69

24

42

   

3 526

3 771

Total non enseignants

16 946

32

433

2 462

2 463

11

1 464

237 806

261 625

Total

382 443

969

57 515

299 354

64 177

1 283

71 752

237 806

1 115 307

Source : Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP), État de l'école 2023

En 2022-2023, 260 000 personnes sont rémunérées au titre du ministère chargé de l'Éducation nationale pour des missions autres que l'enseignement. Ce chiffre inclut toutefois l'ensemble des personnels dits « d'assistance éducative », y compris les accompagnants en situation de handicap (AESH), soit plus de 180 000 personnes. Le personnel administratif proprement dit ne concerne que 57 000 personnes, essentiellement concentré dans les rectorats.

Les enseignants représentent 70 % des personnels du ministère, soit près de 877 500 personnes, répartis presque à parité entre premier et second degré.

Répartition des enseignants en 2021 selon leur statut

Source : commission des finances d'après la DEPP

Environ 7 % des enseignants sont des contractuels, ce qui représente 42 156 ETP. Cette proportion est très importante dans l'enseignement privé, dans la mesure, où elle atteint près d'un cinquième des enseignants.

Si les difficultés de recrutement intervenues à la rentrée 2022, et qui ont persisté à la rentrée 2023, ont mis en avant le recours aux enseignants contractuels, leur proportion est tendanciellement à la hausse au cours des dernières années. Dans l'enseignement public, la part d'enseignants contractuels a augmenté de deux points de pourcentage depuis 2015. D'après les informations transmises au rapporteur spécial, 90 % des contractuels enseignant en 2022-2023 ont été reconduits à la rentrée 2023.

Évolution de la part des enseignants non titulaires entre 2015 et 2022

(en % des enseignants)

 

2015

2022

Secteur public

1er degré

Femmes

0,4

1,9

Hommes

0,5

2,4

Ensemble

0,4

2,0

2nd degré

Femmes

7,2

8,7

Hommes

8,5

11,3

Ensemble

7,7

9,8

Ensemble
1er et 2nd degré

Femmes

3,4

4,8

Hommes

6,3

9,0

Ensemble

4,3

6,1

Secteur privé

1er degré

Femmes

12,2

15,3

Hommes

11,3

15,2

Ensemble

12,2

15,2

2nd degré

Femmes

18,5

18,8

Hommes

20,3

24,3

Ensemble

19,1

20,7

Ensemble
1er et 2nd degrés

Femmes

16,0

17,3

Hommes

19,3

23,3

Ensemble

16,8

18,9

Source : commission des finances d'après la DEPP

Le nombre d'enseignants contractuels atteint ainsi 45 000 personnes en 2022, dont 70 % en CDD. Le tiers restant est enseignant en CDI.

Effectifs des enseignants contractuels en 2022
dans l'enseignement public par nature de contrat

Nature de contrat:

Effectifs

Effectifs
en ETP

CDD

32 303

29 600,0

CDI

12 864

12 556,0

Vacations

10

0,0

Ensemble

45 177

42 156,0

Source : commission des finances d'après la DEPP

2. Une croissance soutenue des dépenses de personnel
a) Un impact important des mesures de revalorisation salariale

La mission « Enseignement scolaire » a la particularité d'être essentiellement constituée de dépenses de personnel (titre 2), qui correspondent à 90 % des dépenses de la mission hors CAS « Pensions ».

Les programmes 140 et 141 portent quasi uniquement des dépenses de personnel, en grande majorité liées à la rémunération des enseignants comme indiqué plus haut. Le programme 139 comporte une part plus importante de dépenses d'intervention du fait du soutien apporté aux établissements scolaires privés. Le programme 230 est par construction le seul où les dépenses de personnel sont minoritaires, dans la mesure où il recouvre les reliquats des versements hors titre 2 des AESH et où il porte les crédits immobiliers et informatiques.

Les évolutions des dépenses de personnel expliquent la croissance globale de la mission. Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel représente en 2024 57,157 milliards d'euros hors CAS, en augmentation de 5,23 % par rapport à l'année précédente.

Dépenses de personnel (titre 2)

(en millions d'euros)

 

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Variation 2024/2023

Variation 2024/2021

Programme 140
Enseignement public 1er degré

23 614

24 162

25 612

26 774

6,00 %

13,38 %

Programme 141
Enseignement public 2nd degré

33 981

34 500

36 331

37 957

5,31 %

11,70 %

Programme 230
Vie de l'élève

2 826

2 935

3 624

4 655

23,48 %

64,72 %

Programme 139
Enseignement privé 1er et 2nd degrés

6 952

7 175

8 468

8 133

18,02 %

16,99 %

Programme 214
Soutien

1 781

1 819

1 909

2 030

4,95 %

13,98 %

Programme 143
Enseignement technique agricole

973

996

1 069

1 695

7,33 %

74,20 %

Total T2 sur la mission

70 127

71 587

77 013

81 244

7,58 %

15,85 %

Total T2 hors CAS pension

49 285

50 569

53 212

57 157

5,23 %

15,97 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

L'année 2024 sera ainsi la quatrième année où les revalorisations pèsent davantage sur l'évolution des dépenses de personnel que les mouvements de tendance (en particulier davantage que le glissement-vieillesse-technicité - GVT, qui concourt en 2024 à une hausse de 385 millions d'euros).

Par rapport à 2021, les dépenses de personnel auront augmenté en 2024 de 11,12 milliards d'euros (7,87 milliards d'euros hors CAS).

Répartition de la hausse des dépenses de personnel sur la mission
Enseignement scolaire en 2024 (dont CAS « Pensions »)

(en CP en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les mesures de revalorisation catégorielles contribuent pour moitié à l'évolution de la mission, soit 2,4 milliards d'euros. En 2023, le principal facteur de hausse reposait sur les mesures générales à destination de la fonction publique.

Les hausses peuvent être divisées en trois catégories :

- les conséquences de la hausse du point d'indice ;

- les mesures de revalorisation globale, dite « socle » ;

- les mesures de revalorisation catégorielles ou conditionnelles.

Tous les programmes n'augmentent pas de la même façon, selon les catégories de personnels qui y sont principalement représentées. Ainsi, le programme 230 est faiblement impacté, mis à part par les mesures de revalorisation des AESH (160 millions d'euros). Le programme 214, qui ne rémunère pas d'enseignant, n'augmente que faiblement et en lien avec les mesures générales à destination du personnel administratif.

Décomposition des facteurs d'évolution des dépenses de personnel
par programme

(en millions d'euros)

 

Mesures générales

Mesures catégorielles

Total

Total mesures générales

Point d'indice 2022

Point d'indice 2023

Rendez-vous salarial

Total mesures catégorielles

Dont Pacte enseignant

Dont revalorisation socle enseignants

Dont revalorisation AESH

Autres revalorisations

139

442

236

103

54

442

124

260

 

3

1 663

140

749

491

223

108

749

172

454

 

14

2 960

141

1 056

760

336

154

1 056

332

530

 

39

2 112

214

29

34

15

10

29

0

0

 

18

134

230

185

170

81

79

185

0

17

160

22

739

Total

2 460

1691

758

405

2460

628

1261

160

96

7 608

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

(1) Les mesures générales « Fonction publique »

Compte tenu du poids des dépenses de personnel dans la mission, la hausse de 3,5 % du point d'indice décidée à l'été 20221(*) a eu un impact budgétaire très important. En 2023, son coût était d'1,2 milliard d'euros, soit un montant supérieur à celui des mesures catégorielles. Le coût de la revalorisation en année pleine est d'1,6 milliard d'euros. La hausse d'1,5 % prévue à l'été 20232(*) devrait avoir un effet en année pleine de 750 millions d'euros hors CAS, dont la moitié en 2023.

Dans l'ensemble, les hausses successives du point d'indice pèseront sur le budget de la mission en 2024 à raison de 2,5 milliards d'euros.

Décomposition de l'impact en 2024 des hausses du point d'indice
en 2022 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

En outre, les personnels du ministère de l'Éducation nationale bénéficieront des mesures annoncées par le ministre de la transformation et de la fonction publiques en juin 2023 afin de compenser les effets de l'inflation. Ces mesures, dites du « rendez-vous salarial », incluent la prise en charge du remboursement de l'abonnement transport pour les trajets domicile-travail, la création d'une prime de pouvoir d'achat exceptionnelle, et un octroi de 5 points d'indice majoré à tous à compter du 1er janvier 2024

La prime exceptionnelle de pouvoir d'achat concerne les fonctionnaires ayant perçu, entre le 1er juillet 2022 et le 30 juin 2023, une rémunération brute inférieure ou égale à 39 000 euros, soit 3 250 euros par mois maximum. Elle est également réservée aux agents recrutés ou nommés par un employeur public avant le 1er janvier 2023 et toujours en poste au 30 juin 2023. Son montant est proratisé en fonction du temps d'exercice et de la quotité d'exercice durant la période de référence. Il est à noter que le mode de calcul du revenu ouvrant droit à la prime n'inclut pas les éléments accessoires à la rémunération, c'est-à-dire les autres primes et les heures supplémentaires, qui constituent une part importante de la rémunération des enseignants (cf. infra).

Montant de la prime de pouvoir d'achat selon la rémunération

(en euros)

Rémunération brute perçue au titre de la période courant du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023

Prime

Inférieure ou égale à 23 700 €

800

Supérieure à 23 700 € et inférieure ou égale à 27 300 €

700

Supérieure à 27 300 € et inférieure ou égale à 29 160 €

600

Supérieure à 29 160 € et inférieure ou égale à 30 840 €

500

Supérieure à 30 840 € et inférieure ou égale à 32 280 €

400

Supérieure à 32 280 € et inférieure ou égale à 33 600 €

350

Supérieure à 33 600 € et inférieure ou égale à 39 000 €

300

Source : ministère de l'Éducation nationale

61 % des personnels du ministère de l'Éducation nationale devraient en bénéficier, pour un montant moyen brut de 425 euros et un coût total estimé à 408 millions d'euros. Les AESH devraient dans leur quasi-totalité être concernés. D'après les informations transmises au rapporteur spécial, cette prime sera financée en fin de gestion 2023 par transfert de crédits.

(2) La revalorisation « socle »

Dans le prolongement de l'année précédente (où la revalorisation socle s'élevait à 630 millions d'euros), les rémunérations des enseignants augmentent pour l'ensemble d'entre eux (ainsi que les conseillers principaux d'éducation (CPE) et psychologues de l'éducation nationale). Elle comprend principalement un relèvement des principales indemnités de fonction perçues par les personnels enseignants : le montant de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du premier degré, et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du second degré, est doublé pour atteindre 2 550 euros bruts par an. Cette augmentation s'étend aux indemnités de sujétions particulières des professeurs documentalistes et aux indemnités de fonction des CPE et des Psy-EN.

La prime d'attractivité est revalorisée pendant les quinze premières années de carrière (entre + 600 et 1 780 euros bruts annuels, jusqu'à l'échelon 7 de la classe normale inclus). Elle est étendue aux professeurs stagiaires.

Outre les revalorisations indemnitaires, la revalorisation socle comprend également des mesures statutaires visant à accélérer la carrière des enseignants.

L'ensemble de ces mesures de revalorisation sera détaillée plus bas.

(3) Une montée des crédits dédiés au Pacte enseignant

En 2023, 300 millions d'euros de crédits étaient prévus pour la mise en place du « Pacte enseignant » (cf infra). Ce montant double en 2024 pour atteindre 628 millions d'euros, dont 124 millions d'euros pour l'enseignement privé.

Répartition des crédits dédiés au Pacte enseignant en 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Il est à noter que les crédits prévus pour le Pacte enseignant en 2024 sont inférieurs à ceux envisagés par le ministère l'année précédente. En PLF 2023, le ministère indiquait que le coût du Pacte en année pleine serait de 900 millions d'euros. Cette ambition a donc été rabattue de près d'un tiers, sans doute du fait d'une adhésion des enseignants inférieure à celle anticipée par le ministère de l'Éducation nationale3(*). En conséquence, les crédits dédiés au Pacte pour 2023 devraient avoir été sous-consommés, et sans doute redéployés pour financer une partie des autres revalorisations.

En incluant la revalorisation socle et le pacte, les montants totaux dédiés aux revalorisations catégorielles s'élevaient à 1,2 milliard d'euros en 2023 et à 2,5 milliards en 2024, ce qui représente donc un total de 3,7 milliards d'euros au cours des deux dernières années.

b) La suppression de 2 300 postes d'enseignants

Dans la continuité des années précédentes, le plafond d'emplois d'enseignants rémunérés par la mission est en baisse. En intégrant les effets de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2023, le nombre de postes d'enseignants diminuera en 2024 de 1 314 emplois dans le premier degré et de 482 emplois dans le second degré (en ETPT). Dans l'enseignement privé, 501 postes de moins seront rémunérés en 2024, à 80 % dans le premier degré.

En conséquence, ce ne sont pas moins de 2 300 postes d'enseignants qui devraient été supprimés. Le ministère met en avant de façon positive cette évolution : la baisse du nombre d'élèves en 2024 « induirait mécaniquement 5 000 retraits d'emplois enseignants en retenant une logique de stricte proportionnalité entre la baisse du nombre d'élèves et le nombre d'enseignants. Poursuivant l'objectif d'améliorer les taux d'encadrement dans le premier comme dans le second degré, le Gouvernement choisit toutefois de conserver la moitié de ces emplois pour améliorer les conditions d'enseignement »4(*).

Le rapporteur spécial souligne au contraire qu'il est regrettable, au vu des taux d'encadrement qui demeurent extrêmement élevés, que le ministère ait fait le choix de se priver d'une opportunité de réinjecter l'intégralité des emplois dégagés par les évolutions démographiques au profit d'un abaissement du nombre d'élèves par classe. Cet aspect sera développé infra.

Par ailleurs, la relative stabilité du plafond d'emploi de la mission (+ 1 594 ETPT) découle notamment du relèvement du plafond d'emploi des AESH (+ 20 322 ETPT sur le programme 230, lié à la fois au schéma d'emploi et à l'intégration des AESH dans le titre 2).

Jusqu'en 2022, un grand nombre d'emplois permanents d'AESH demeuraient non comptabilisés dans les plafonds d'emplois de la mission et relevaient des dépenses « hors T2 » du programme 230. Or, la politique de transformation des contrats de droit public de trois ans, renouvelable une fois en contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 6 ans d'ancienneté a conduit à l'intégration massive d'AESH dans les plafonds d'emplois de la mission. Depuis décembre 2022, la « CDIsation » est par ailleurs possible dès trois ans, pour les AESH comme pour les assistants d'éducation5(*).

Rappelons qu'au cours des années précédentes, malgré la hausse de la dépense, le plafond d'emplois consacrés aux AESH restait sous-consommé de façon importante. Ainsi, il manquait en 2022 3 433 ETPT en exécution par rapport aux prévisions d'emplois et de recrutement en LFI. Le métier d'AESH restant précaire et majoritairement constitué de femmes exerçant à temps partiel, les recrutements ne parviennent pas à suivre la hausse de la demande en accompagnement humain.

Évolution du plafond d'emplois

(en ETPT)

 

Plafond autorisé 2023

Plafond demandé 2024

Mesures de transfert 2024

Corrections techniques 2024

Mesures de périmètre

Schéma d'emplois

Dont extension en année pleine du schéma d'emplois 2023

Dont schéma d'emplois 2024

Programme 140

Enseignement public
1er degré

344 278

342 947

-

- 16

-

- 1 314

- 745

- 570

enseignants 1er degré

328 637

327 302

-

- 21

-

- 1 314

- 745

- 570

enseignants 2nd degré

237

237

-

0

-

0

0

0

enseignants stagiaires

9 900

9 900

-

0

-

0

0

0

personnels éducatifs et médico-sociaux

3 953

3 954

-

2

-

0

0

0

encadrement

1 551

1 554

-

3

-

0

0

0

Programme 141

Enseignement public
2e degré

452 033

451 353

- 150

- 48

-

- 482

- 321

- 161

enseignants 1er degré

10 961

10 961

0

0

-

0

0

0

enseignants 2nd degré

373 192

372 659

0

- 51

-

- 482

- 321

- 161

enseignants stagiaires

10 370

10 370

0

0

-

0

0

0

personnels éducatifs et médico-sociaux

10 190

10 194

0

4

-

0

0

0

encadrement

16 298

16 298

0

0

-

0

0

0

administratifs

31 022

30 871

- 150

- 1

-

0

0

0

Programme 230

Vie de l'élève

79 608

103 714

-

51

20 322

3 733

2 733

1 000

enseignants stagiaires

577

410

-

- 233

0

67

67

0

personnels éducatifs et médico-sociaux

25 117

25 401

-

284

0

0

0

0

accompagnants des élèves en situation de handicap

47 127

72 116

-

0

21 322

3 667

2 667

1 000

assistants d'éducation

5 500

4 500

-

0

- 1 000

0

0

0

administratifs

1 287

1 287

-

0

0

0

0

0

Programme 139

Enseignement privé
1er et 2e degrés

133 461

132 960

-

0

-

- 501

- 335

- 167

enseignants 1er degré

43 904

43 397

-

- 102

-

- 405

- 270

- 135

enseignants 2nd degré

87 197

87 203

-

102

-

- 96

- 64

- 32

enseignants stagiaires

2 360

2 360

-

0

-

0

0

0

Programme 214

Soutien de la politique de l'éducation nationale

28 404

28 670

154

- 42

- 5

159

0

159

enseignants 1er degré

8

0

0

- 8

0

 

0

0

enseignants 2nd degré

86

0

0

- 86

0

 

0

0

personnels éducatifs et médico-sociaux

884

884

0

0

0

0

0

0

encadrement

2 009

2 009

0

0

0

0

0

0

administratifs

24 234

24 562

154

53

0

121

- 13

135

personnels jeunesse et sports

1 183

1 215

0

0

- 5

37

13

24

TOTAL

1 037 783

1 059 644

4

- 54

20 317

1 594

1 333

261

enseignants 1er degré

383 510

381 660

0

- 131

0

- 1 719

- 1 015

- 704

enseignants 2nd degré

460 712

460 099

0

- 35

0

- 578

- 385

- 193

enseignants stagiaires

23 207

23 040

0

- 233

0

67

67

0

personnels éducatifs et médico-sociaux

40 143

40 433

0

290

0

0

0

0

accompagnants des élèves en situation de handicap

47 127

72 116

0

0

21 322

3 667

2 667

1 000

assistants d'éducation

5 500

4 500

0

0

- 1 000

0

0

0

encadrement

19 858

19 861

0

3

0

0

0

0

administratifs

56 543

56 720

4

52

0

121

- 13

135

personnels jeunesse et sport

1 183

1 215

0

0

- 5

37

13

24

Source : réponses au questionnaire budgétaire

c) Des difficultés structurelles de recrutement qui soulignent le déficit d'attractivité du métier
(1) Une légère amélioration des indicateurs des concours mais une situation qui demeure très complexe dans certaines disciplines

La baisse du nombre de candidats aux concours enseignants a pour double corollaire une diminution du taux de sélectivité des concours ainsi qu'une hausse du nombre de postes non pourvus.

2023 a cependant vu la situation s'améliorer après une année 2022 catastrophique. Dans le premier degré, à la session 2022, le taux de présents par poste ouvert (hors session supplémentaire) s'était établi à 1,8 contre 3,1 à la session 2021. Le nombre de postes non pourvus s'élevait à 1 686, ce qui représentait 16,9 % des postes offerts. Dans le second degré, le taux de présents/poste était de 3,5 (47 909 présents pour 13 690 postes), contre 4,7 à la session 2021 (62 585 présents pour 13 390 postes). Dans le second degré, le nombre de postes non pourvus s'élevait à 2 070, ce qui représentait 15,1 % des postes offerts.

Les indicateurs demeurent extrêmement inquiétants pour l'attractivité générale de la profession d'enseignants. Alors que le ministère de l'Éducation nationale insistait sur le fait que les résultats de 2022 étaient liés à une année de transition du fait de la réforme de la formation initiale des enseignants, 2023 confirme le caractère structurel de ces difficultés et leur déclinaisons locales et disciplinaires.

En 2023, s'agissant du premier degré, le taux de sélectivité est remonté (2,5 contre 2,1 en 2022), comme la proportion d'admis par poste (87,6 % en 2023 contre 83,2 % en 2022). On note cependant une forte hétérogénéité de l'attractivité des académies : les difficultés se sont concentrées sur les académies de Créteil, Versailles, la Guyane et Mayotte qui n'ont pas réussi à pourvoir l'ensemble des postes ouverts. Par ailleurs, les recrutements supplémentaires organisés à l'externe public à Créteil (177 admis pour 500 postes ouverts) et Versailles (180 admis pour 200 postes) n'ont pas permis de compenser les postes non pourvus de la session normale.

S'agissant du nouveau concours interne ouvert aux contractuels pour être titularisés, ses résultats sont qualifiés par le ministère de « satisfaisants », avec 138 admis pour 200 postes offerts pour Créteil, 101 admis pour 120 postes pour Versailles et 43 admis pour 50 postes pour la Guyane.

Concernant le second degré, il connaît également une légère amélioration globale. Le pourcentage d'admis par poste s'élève à 87,6 % en 2023 contre 84,9 % en 2022. Le taux de sélectivité augmente également de 3,5 en 2022 à 3,7 en 2023. La situation dans les différentes disciplines progresse par rapport à l'année précédente, à l'exception des lettres classiques pour lesquelles le recrutement devient de plus en plus compliqué. D'autres disciplines traditionnellement déficitaires voient leur situation s'améliorer (mathématiques, allemand).

Le dispositif de préprofessionnalisation

La loi pour une école de la confiance du 26 juillet 2019 prévoit à son article 49 la possibilité pour les écoles, collèges et lycées de recruter des assistants d'éducation pour qu'ils y exercent des fonctions d'enseignement intégrées à leurs parcours de préprofessionnalisation.

Ce contrat de droit public proposé depuis 2019 aux étudiants inscrits en deuxième année de licence conjugue le cycle de formation universitaire avec une formation pratique dans un établissement. Les missions confiées aux assistants d'éducation (AED) en préprofessionnalisation sont à caractère pédagogique et évoluent progressivement vers l'enseignement en pleine responsabilité devant élèves lorsqu'ils sont inscrits en master de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (MEEF).

Ce dispositif de préprofessionnalisation peut se cumuler avec le parcours préparatoire au professorat des écoles (PPPE) : adossé à un parcours de licence généraliste, il est dispensé en partie dans un lycée et en partie dans une université pendant les trois années de licence (L1, L2 et L3). À partir de la deuxième année de licence, les étudiants en PPPE peuvent bénéficier à profit du dispositif AED en préprofessionnalisation qui leur apporte un complément de formation en prise avec la réalité de la classe et les amène à se projeter concrètement dans le métier d'enseignant.

Ce dispositif a pris effet à la rentrée scolaire 2019, avec 1 181 étudiants recrutés en L2, 1 884 nouveaux recrutements à la rentrée 2020 et 2 467 à la rentrée 2021. 3 000 recrutements sont respectivement prévus pour les rentrées 2022 et 2023. Environ 9 000 étudiants sont actuellement concernés.

Ces dispositifs permettent de familiariser les étudiants avec l'exercice concret de leur futur métier en amont des concours. Ils permettent de s'assurer de leur choix de continuer à exercer, et donc de réduire les démissions précoces tout en leur assurant une montée en compétence pendant leurs études.

Source : commission des finances

(2) Un inquiétant signal faible : l'évolution des démissions

Le rapporteur spécial souligne en outre que, si le nombre de démissions demeure très marginal chez les enseignants, la tendance à l'oeuvre doit véritablement constituer un signal d'alarme.

En 2021-2022, dernière année pour laquelle les données sont disponibles, on comptait 2 836 enseignants démissionnaires, soit 0,4 % des enseignants. Ainsi, en dix ans, le taux de démission des enseignants a augmenté de 0,34 %, soit une progression de près de 700 points.

Évolution du taux de départs définitifs volontaires parmi l'ensemble

des enseignants de l'enseignement public

(en %)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Les démissions concernent majoritairement des enseignants non débutants. Toutefois, la proportion de démissionnaires est particulièrement élevée chez les enseignants stagiaires. En 2021-2022, cette proportion atteignait 3,75 % des enseignants stagiaires, contre seulement 0,9 % en 2008 et 2,6 % en 2017.

B. UNE REVALORISATION PLUS QU'INDISPENSABLE DES RÉMUNÉRATIONS DES ENSEIGNANTS

1. Rémunération des enseignants : redresser la barre, un enjeu crucial
a) Le constat des dernières années : une paupérisation du monde enseignant

Si, comme cela sera développé plus bas, des moyens importants ont été consacrés à la rémunération des enseignants au cours des trois dernières années, il est certain qu'il ne peut s'agir que d'un rattrapage au vu du constat effarant de l'érosion du pouvoir d'achat des enseignants au cours des dernières années.

Dans l'enseignement élémentaire public, en 2019, le salaire effectif brut moyen des enseignants est plus faible en France qu'en Allemagne et dans la plupart des pays du nord de l'Europe, mais aussi qu'en Angleterre et au Portugal. Dans le premier cycle du second degré, il est en dessous des salaires constatés en Allemagne et dans la plupart des pays d'Europe du Nord (Finlande, Danemark, Pays-Bas). Il est proche de ceux des enseignants suédois et anglais, et dépasse ceux des enseignants italiens. Dans le second cycle général de l'enseignement secondaire, les enseignants français ont toutefois un salaire effectif supérieur à celui de leurs homologues anglais et suédois, mais toujours inférieur à ceux des enseignants finlandais, danois, néerlandais et surtout allemands.

Le rapport annuel du réseau européen Eurydice6(*) montre que, en France, entre 2014 et 2019, les salaires statutaires bruts des enseignants en début de carrière ont augmenté de 2,3 % en euros constants pour les professeurs des écoles et 3,2 % pour les professeurs certifiés. Cette augmentation reste toutefois inférieure à celle observée ailleurs en Europe.

Salaire moyen net mensuel des enseignants
selon leur statut en 2021

(en euros)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Salaires mensuels moyens des enseignants du secteur public, 2020

(en euros)

 

Traitement indiciaire
brut

Primes et indemnités

Salaire
brut

Salaire
net

Salaire net EQTP7(*)

Montant

dont
heures sup.

Part de primes
(en %)(1)

Ensemble

2 748

411

137

12,8

3 220

2 596

2 686

Moins de 30 ans

2 039

318

77

13,3

2 390

1 929

1 998

50 ans ou plus

3 312

452

159

11,9

3 804

3 061

3 135

Enseignants du premier degré public

2 643

284

n.s.

9,5

2 990

2 397

2 479

Moins de 30 ans

2 038

255

n.s.

11,0

2 323

1 867

1 919

50 ans ou plus

3 192

312

n.s.

8,8

3 541

2 833

2 888

Dont enseignants titulaires

2 650

283

n.s.

9,4

2 996

2 402

2 482

Moins de 30 ans

2 040

250

n.s.

10,8

2 321

1 864

1 918

50 ans ou plus

3 200

310

n.s.

8,7

3 547

2 838

2 890

Professeurs des écoles

2 651

283

n.s.

9,4

2 997

2 403

2 483

Moins de 30 ans

2 040

250

n.s.

10,8

2 321

1 864

1 918

50 ans ou plus

3 210

310

n.s.

8,7

3 557

2 847

2 897

Classe normale

2 490

273

n.s.

9,6

2 831

2 271

2 357

Hors classe

3 440

295

n.s.

7,8

3 772

3 016

3 064

Classe exceptionnelle

3 839

465

n.s.

10,7

4 343

3 481

3 503

Dont enseignants non titulaires

1 856

447

n.s.

19,0

2 348

1 896

1 980

Enseignants du second degré public

2 843

525

251

15,3

3 426

2 774

2 875

Moins de 30 ans

2 040

385

152

15,6

2 463

1 997

2 090

50 ans ou plus

3 395

550

263

13,8

3 988

3 219

3 309

Dont enseignants titulaires

2 942

540

263

15,2

3 542

2 867

2 939

Moins de 30 ans

2 072

388

157

15,5

2 502

2 028

2 099

50 ans ou plus

3 491

563

272

13,7

4 098

3 307

3 375

Professeurs de chaire supérieure

4 395

2 160

1 834

32,5

6 651

5 575

5 574

50 ans ou plus

4 535

2 110

1 770

31,4

6 723

5 621

5 620

Professeurs agrégés

3 546

733

481

16,8

4 361

3 546

3 626

Moins de 30 ans

2 369

500

299

17,2

2 908

2 366

2 462

50 ans ou plus

4 144

734

466

14,9

4 938

3 998

4 064

Classe normale

3 225

722

480

17,9

4 038

3 290

3 376

Hors classe

4 223

727

466

14,5

5 009

4 053

4 122

Classe exceptionnelle

4 708

898

565

15,8

5 668

4 597

4 669

Professeurs certifiés

2 806

474

209

14,2

3 335

2 694

2 769

Moins de 30 ans

2 033

365

138

15,0

2 439

1 975

2 044

50 ans ou plus

3 365

490

218

12,6

3 896

3 137

3 210

Classe normale

2 475

458

199

15,3

2 992

2 422

2 495

Hors classe

3 514

484

226

12,0

4 041

3 251

3 325

Classe exceptionnelle

3 792

624

267

14,0

4 470

3 606

3 670

Professeurs d'EPS

2 824

487

197

14,4

3 370

2 723

2 781

Moins de 30 ans

2 057

405

138

16,1

2 508

2 033

2 102

50 ans ou plus

3 516

478

187

11,9

4 034

3 244

3 305

Classe normale

2 483

484

197

16,0

3 033

2 457

2 514

Hors classe

3 530

472

197

11,7

4 048

3 255

3 317

Classe exceptionnelle

3 807

581

203

13,1

4 434

3 571

3 626

Professeurs de lycée professionnel

2 920

593

255

16,6

3 573

2 899

2 948

Moins de 30 ans

2 039

415

179

16,6

2 503

2 035

2 100

50 ans ou plus

3 327

596

238

15,0

3 964

3 205

3 257

Classe normale

2 577

580

260

18,0

3 226

2 625

2 673

Hors classe

3 554

587

243

14,0

4 180

3 375

3 433

Classe exceptionnelle

3 851

749

252

16,1

4 655

3 764

3 810

Dont enseignants non titulaires

1 970

391

142

16,3

2 402

1 952

2 128

Moins de 30 ans

1 895

370

126

16,2

2 286

1 857

2 021

50 ans ou plus

2 046

366

136

15,0

2 447

1 987

2 182

Source : commission des finances d'après la DEPP, panorama statistique des personnels de l'enseignement scolaire

Les salaires effectifs des enseignants français sont en deçà du revenu du travail des actifs ayant atteint au moins le niveau licence. En 2021-2022, le salaire effectif moyen des enseignants de l'enseignement élémentaire âgés de 25 à 64 ans représente 74 % du revenu moyen des actifs diplômés de l'enseignement supérieur. En revanche, les enseignants en lycée ont un niveau de salaire effectif quasiment égal à celui de la population totale des actifs (92 %), ce qui est notamment dû au poids des professeurs agrégés.

Salaires effectifs moyens bruts des enseignants par niveau d'enseignement, rapportés aux revenus des actifs travaillant et diplômés
de l'enseignement supérieur en 2021-2022

(indice des actifs diplômés en base 100)

Source : DEPP, État de l'école 2023

En outre, les évolutions de salaires doivent être analysées en tenant compte de l'inflation, qui relativise les légères hausses constatées facialement. Ainsi, entre 2002 et 2022, la rémunération des enseignants a diminué pour tous les corps et à tous les stades de la carrière, à l'exception des enseignants débutants. Le salaire en euros constants diminue sur la même période de 8 % pour les enseignants du premier degré et de 5 % pour ceux du second degré. La dégradation de pouvoir d'achat atteint 12 % en 20 ans pour les enseignants en fin de carrière.

Dès lors, les augmentations doivent avant toute chose permettre de combler cet important retard, et ne sauraient donc être assimilées à des moyens intégralement nouveaux.

Évolution des salaires mensuels bruts statutaires des enseignants
du secteur public entre 2002 et 2022

(en euros)

Source : DEPP

b) Une perte d'attractivité du métier qui découle notamment de la dégradation des conditions salariales

Il est certain que la dégradation des conditions d'exercice du métier d'enseignant, le climat scolaire de plus en plus tendu et dans lequel la pression sur les professeurs se fait toujours plus sentir, ainsi que les enjeux de reconnaissance de leur métier par la société, pèsent sur le manque d'attractivité des concours enseignants.

Mais il ne faut pas méconnaître le poids du facteur salarial dans cette désaffection. Ainsi, d'après les dernières études de la DEPP, 55 % des enseignants du premier degré et 60 % de ceux du second degré mentionnent le pouvoir d'achat comme l'un des trois aspects les plus problématiques de leur métier. Cette proportion est encore accentuée pour les enseignants en milieu de carrière.

Part des enseignants qui considèrent le pouvoir d'achat comme l'un des trois domaines à améliorer prioritairement pour l'exercice de leur métier

(en %, sur une liste de 14 domaines)

Source : commission des finances d'après la DEPP, baromètre du bien-être au travail des personnels de l'Éducation nationale, printemps 2022

Plus largement, le niveau de rémunération n'est noté qu'en moyenne à hauteur de 3,4/10 par les enseignants, selon le dernier baromètre de la DEPP. Il est vrai que la gestion de la carrière obtient une note encore plus basse, de l'ordre de 3 %.

Note sur 10 attribuée par les enseignants sur les domaines à améliorer prioritairement pour l'exercice de leur métier

Source : commission des finances d'après la DEPP, baromètre du bien-être au travail des personnels de l'Éducation nationale, printemps 2022

En conséquence, et sans mettre de côté les autres enjeux liés à l'exercice concret du métier, la revalorisation du métier doit impérativement passer par des moyens financiers supplémentaires, ce qui est le cas en 2024, dans le prolongement de ce qui a été mis en place au cours des années précédentes.

c) Des rémunérations trop peu avantageuses pour les débuts et milieux de carrière

L'OCDE8(*) distingue quatre types de gestion des carrières enseignantes :

- le premier regroupe les pays ayant fait le choix d'une hausse forte au cours des débuts de carrière, puis d'une relative stabilité salariale. C'est le cas de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg ou de la Pologne ;

- le deuxième groupe inclut les pays où les augmentations salariales ont principalement lieu en fin de carrière. Cette catégorie inclut la Grèce, le Portugal ou l'Autriche ;

- le troisième concerne les pays où les rémunérations enseignantes augmentent modestement en début de carrière puis se stabilisent. C'est le cas du Danemark, de la Norvège, de la Finlande ou de la Suisse ;

- enfin, les rémunérations des enseignants sont relativement stables tout au long de la carrière des enseignants dans un nombre conséquent de pays européens : en Allemagne, Espagne, Italie ou encore en République Tchèque. Ce sont donc des structures de carrière dites « plates ».

La France se situe dans le deuxième groupe, l'avancement à l'ancienneté étant limité par l'âge très tardif du premier passage de grade. Il faut ainsi attendre vingt ans pour qu'un enseignant certifié connaisse son premier saut de grade. En conséquence, l'écrasante majorité des enseignants est rattaché à la classe normale : 77 % dans le premier degré, 64 % des certifiés et 66,4 % des agrégés, dans l'ensemble plus âgés. L'âge moyen des enseignants hors classe varie entre 53 et 55 ans, ce qui correspond à des enseignants presque en fin de carrière. Le même constat peut être étendu à la classe exceptionnelle, qui constitue le grade au-dessus du grade hors classe, qui ne concerne que très peu d'enseignants (entre 6 à 7 %).

Les enseignants de plus de 50 ans gagnent en moyenne 50 % de plus que leurs collègues de moins de 30 ans, et jusqu'à 62 % de plus dans le second degré. Un professeur de moins de 30 ans ne gagne ainsi en moyenne que 1 806 euros nets par mois, soit 1,2 fois le salaire minimum de croissance (Smic), contre près de 1 000 euros supplémentaires en fin de carrière.

Répartition des enseignants titulaires du secteur public, en fonction
de leur corps et de leur grade en 2021-2022

 

Effectifs

Répartition par grade en %

Age moyen

Professeurs des écoles

Classe normale

271 476

77,3

40

Hors classe

58 177

16,6

53,5

Classe exceptionnelle

21 614

6,2

56,4

Ensemble

351 267

100

43,2

Professeurs certifiés

Classe normale

141 725

64,8

39,8

Hors classe

60 189

27,5

54,1

Classe exceptionnelle.

16 967

7,8

55,8

Ensemble

218 881

100

45,0

Professeurs agrégés

Classe normale

34 748

66,4

40,8

Hors classe

14 125

27,0

54,8

Classe exceptionnelle.

3 486

6,7

58,2

Ensemble

52 359

100,0

45,7

Source : commission des finances d'après la DEPP

Les enseignants français commencent et terminent leur carrière avec un salaire inférieur à la moyenne de l'UE, mais c'est après dix et quinze ans d'ancienneté que l'écart avec la moyenne des pays européens atteint près de 10 000 dollars annuels. Le salaire statutaire en fin de carrière des enseignants du primaire en France est supérieur de 76 % au salaire statutaire des enseignants en début de carrière, la moyenne OCDE étant de 66 %. Selon l'OCDE9(*), le salaire statutaire des enseignants du primaire et du secondaire après dix ou quinze ans de service est inférieur d'au moins 15 % à la moyenne de l'OCDE. Par comparaison, l'écart avec la moyenne de l'OCDE se situe entre 4 % et 9 % selon le niveau en tout début de carrière.

Au-delà des enjeux de revalorisation salariale au sens strict, il est essentiel d'engager une réflexion de fond sur la structuration de la carrière des enseignants. En d'autres termes, la revalorisation des enseignants ne peut-être être uniquement constituée de mesures indemnitaires, mais doit s'accompagner de nouvelles perspectives sur le déroulement de carrière.

Le ministère semble enfin s'engager dans des avancées sur ce point. Ainsi, plusieurs innovations statutaires sont mises en place cette année afin d'accélérer les promotions en facilitant l'accès aux grades supérieurs. Ainsi, le taux de passage à la hors-classe devrait continuer d'augmenter, passant de 18 % en 2021 à 21 % en 2023, 22 % en 2024 et 23 % en 2025. Selon le ministère, cette mesure devrait avoir un impact dès 2023 pour représenter plus de 5 000 promotions supplémentaires par rapport à 2022.

S'agissant de la classe exceptionnelle, le taux de promotion est également assoupli, passant de 10 % à 10,5 %, soit 3 000 promotions supplémentaires en 2023. À partir de 2024, un ratio entre le nombre de promus et celui d'agents pouvant être promus viendra remplacer la règle du contingentement pour l'accès à la classe exceptionnelle. L'accès à l'échelon spécial de la classe exceptionnelle des corps enseignants, d'éducation et de psychologues, ainsi que le grade unique des professeurs de chaires supérieures se fera à l'ancienneté et ne sera désormais plus contingenté.

Le rapporteur spécial souligne également les enjeux de reprise d'ancienneté, qui vient d'être réformée pour le troisième concours, ce dont il se félicite à l'heure où les recrutements de professeurs ayant déjà exercé une première carrière augmentent. Désormais, tous les lauréats aux concours bénéficient d'une reprise à hauteur des deux tiers de leurs activités professionnelles antérieures. Pour les lauréats qui étaient précédemment contractuels de l'enseignement scolaire, c'est la totalité de l'ancienneté qui est reprise. Dès lors que les contractuels constituent une ressource de plus en plus utilisée par le ministère de l'éducation nationale, il serait utile de leur permettre de capitaliser sur leur carrière précédente, afin d'attirer des profils diversifiés.

d) Les facteurs influant sur la rémunération des enseignants 
(1) Un poids important des primes dans la rémunération

En dépit de niveaux de rémunération peu élevés par rapport à l'OCDE, la France est le pays qui prévoit le plus de primes (13 indemnités et primes sur les 14 comptabilisées par l'OCDE) en plus de la part indiciaire de traitement, suivi de la Slovaquie et de la Croatie (12 indemnités et primes). Dans certains pays, comme l'Ecosse ou l'Allemagne, les compensations financières sont directement intégrées au salaire des enseignants. Les conséquences en matière de calcul des droits à la retraite constituent d'ailleurs un véritable enjeu.

Cela conduit à ce que, bien que la grille de rémunération indiciaire des enseignants du premier degré et des enseignants certifiés du second degré soit identique, la rémunération moyenne est plus élevée dans le second degré du fait du poids des enseignants certifiés et des heures supplémentaires. Les primes représentent en moyenne 9,9 % du salaire brut des enseignants du premier degré et 15,9 % de celui des enseignants du second degré.

Décomposition des facteurs de rémunération brute des enseignants en 2021

(en euros)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Pour un professeur du premier degré, le montant moyen des diverses primes et indemnités s'élevait en 2020 à 265 euros. Il atteignait 500 euros dans le second degré. La proportion moyenne des primes dans la rémunération des enseignants tend à croître structurellement au cours des années, et a augmenté de plus de 6 % entre 2019 et 2021. Cette hausse découle des diverses primes, notamment la prime d'attractivité, versées dans le cadre du Grenelle de l'éducation (cf. infra).

Évolution de la part des primes dans la rémunération des enseignants

(en %)

 

2019

2020

2021

Évolution 2019/2021

1er degré

8,8

9,1

9,9

12,50 %

Titulaires

8,7

9

9,8

12,64 %

Non-titulaires

13,2

13,5

14,1

6,82 %

2nd degré

15,3

15

15,9

3,92 %

Titulaires

15,2

14,9

15,7

3,29 %

Non-titulaires

16,1

16,1

18

11,80 %

Tous enseignants confondus

12,6

12,5

13,4

6,35 %

Source : commission des finances

(2) Une variable de la rémunération des enseignants : le recours accru aux heures supplémentaires

Les heures supplémentaires demeurent un incontournable du temps de service de la majorité des enseignants. Ainsi, 93 % des professeurs agrégés et 89 % des professeurs certifiés sont concernés. Cela représente en moyenne 6 000 euros de plus par an pour les premiers et 2 600 euros de plus pour les seconds.

Tous les professeurs ne sont pas concernés de la même manière par le recours aux heures supplémentaires. De manière générale, moins un enseignant doit effectuer d'heures réglementaires, plus son volume moyen d'heures supplémentaires est élevé. Dans le cas des enseignants agrégés, leur nombre moyen d'heures supplémentaires est accru par les heures d'interrogations : un enseignant en CPGE effectue en moyenne 3,5 heures supplémentaires par semaine, contre 1,25 en collège et 1,73 en lycée.

Les heures supplémentaires des enseignants du second degré sur l'année scolaire 2021-2022

(en euros et en %)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Il convient de discerner les heures supplémentaires années (HSA), intégrées dans l'emploi du temps des enseignants et qui sont en quelque sorte des heures « pérennisées », des heures supplémentaires effectives (HSE), qui sont des heures ponctuelles, notamment pour du remplacement.

Le nombre d'HSA que les enseignants peuvent être tenus d'effectuer, dans l'intérêt du service en sus de leur maximum hebdomadaire de service, a été porté à deux en 201910(*). Cette évolution semble avoir été acceptée par les enseignants, ce dont se félicite le rapporteur spécial. Depuis le 1er septembre 1999, le montant de la 1ère HSA accomplie par les enseignants au-delà de leur volume d'heure obligatoire est majoré de 20 %11(*). Les HSA sont donc partie intégrante de la rémunération des enseignants : une HSA représentait en moyenne 1 370 euros en 2021, et 1 257 euros pour un enseignant titulaire du Capes. Un enseignant certifié du secondaire qui effectue deux HSA, cas le plus fréquent, voit donc en moyenne s'ajouter à son traitement environ 2 500 euros par an, soit 200 euros par mois.

Depuis le 1er janvier 2008, les HSE sont quant à elles rétribuées à raison de 1/36e d'HSA, majoré de 25 %12(*). À titre d'exemple, le montant de l'HSE d'un professeur certifié de classe normale s'élève à 43,6 euros en 2021.

Concernant le coût total des heures supplémentaires, il s'élevait à 1,523 milliard d'euros en 2022-2023, en hausse de 61 millions d'euros par rapport à l'année précédente

Le montant global de la dépense des heures supplémentaires a progressé de 60,8 millions d'euros par rapport à l'année scolaire 2021-2022, soit une augmentation de 4,2 %. Cette augmentation de la dépense s'explique principalement par une hausse du coût unitaire de l'heure supplémentaire lié à la revalorisation du point d'indice. Cet effet devrait se prolonger sur 2024, le montant des crédits au titre des heures supplémentaires inscrit au PLF 2024 progresse donc de 15,7 millions d'euros par rapport à la LFI 2023.

En outre, la croissance du nombre d'HSA effectuées (+ 1,24 %) permet de compenser une partie des tensions sur les ressources humaines et explique une partie de la progression de la dépense. En revanche, la baisse de la consommation d'HSE (- 4,13 %), s'explique quant à elle par la fin de la crise sanitaire et la moindre mobilisation des enseignants dans certains dispositifs de soutien des élèves mis en place pour remédier aux difficultés scolaires survenues suite à la crise sanitaire.

Ventilation de la dépense relative aux heures supplémentaires en 2022-2023

(en millions d'euros)

 

Enseignement public

Enseignement privé

2020-2021

2021-2022

2022-2023

2020-2021

2021-2022

2022-2023

HSA

812,3

841,2

881,3

201,8

207,5

219,5

HSE

265,9

283,9

294,8

28,0

31,5

31,5

HI

74,8

73,8

74,5

14,4

13,8

13,4

Autres heures

5,7

9,6

7,1

0,4

0,9

0,8

TOTAL

1158,7

1208,5

1257,7

244,5

253,7

265,3

Source : commission des finances

e) Les effets des revalorisations ciblées des années précédentes

Diverses mesures ont été annoncées par le Gouvernement dans le cadre du Grenelle de l'éducation ayant eu lieu en 2020 à destination des personnels enseignants. Ces mesures « Grenelle » recouvraient initialement :

178 millions d'euros de prime d'équipement informatique, soit 150 euros par an net par enseignant ;

260 millions d'euros sous forme de prime d'attractivité visant à accélérer l'augmentation du traitement en début de carrière ;

50 millions d'euros d'augmentations catégorielles, notamment à destination des chefs d'établissement et directeurs d'école. Ils complètent l'indemnité exceptionnelle d'un montant de 450 euros bruts versée aux directeurs d'école en 2019-2020 ;

2,75 millions d'euros pour le passage du taux de promotion à la hors classe de 17 % à 18 %.

À ces mesures générales s'ajoutait une enveloppe indemnitaire ad hoc de 30 millions d'euros destinée à accompagner les mesures de l'agenda social relatives aux ressources humaines.

Ces mesures avaient en 2021 un coût de 440 millions d'euros. Celui-ci a presque doublé en 2022 pour atteindre 726 millions d'euros, dont 600 millions d'euros de mesures nouvelles. Au total, sur 2021-2022, les mesures de revalorisation salariale auront eu un coût de 1,16 milliard d'euros.

Synthèse des revalorisations catégorielles engagées en 2021 et 2022 (hors CAS)

(en millions d'euros)

 

Revalorisations 2021

Enveloppe 2022
& protection sociale complémentaire

Total 2021-2022

Poursuite des mesures
de 2021

Mesures nouvelles 2022

Total revalorisations 2022

P139

72

20

87

107

179

P140

130

43

188

232

362

P141

170

62

211

273

443

P214

14

2

16

18

32

P230

33

17

99

116

149

Total

420

144

600

746

1 165

Source : commission des finances

2. Un effort budgétaire incontestable en PLF 2024, malgré une érosion du fait de l'inflation
a) Des mesures statutaires qui commencent à produire des effets sur la rémunération moyenne des enseignants

Le Président de la République et le ministre de l'éducation nationale avaient mis en avant l'objectif que les enseignants débutants puissent bénéficier d'un traitement minimum de 2 000 euros nets à partir de la rentrée 2023. D'un point de vue purement formel, cet objectif devrait être tenu en 2024, à l'exception des enseignants stagiaires. Les enseignants commencent leur deuxième année d'enseignement à 2 121 euros nets par mois, pour atteindre 3 600 euros en fin de carrière.

Comme indiqué plus haut, le principal axe de la revalorisation « socle » mise en place en septembre 2023 et dont les effets en année pleine sont sensibles en 2024 est le doublement des indemnités statutaires. Le montant de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du 1er degré, et de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du 2nd degré, est doublé pour atteindre 2 550 euros bruts par an, soit un gain annuel brut de 1 350 euros à partir de 2023 par rapport à septembre 2022. Les professeurs documentalistes verront leur indemnité de sujétions particulières également relevée à 2 550 euros bruts par an, contre 1 000 euros actuellement. Enfin, les indemnités de fonction des conseillers principaux d'éducation et des psychologues de l'Éducation nationale sont également revalorisées de 1 294 euros bruts annuels, soit le montant de la revalorisation de l'ISOE.

Sur le principe, le rapporteur spécial considère que cette dynamique va dans le sens d'un rattrapage des salaires enseignants qui contribue à normaliser leur situation par rapport à leurs collègues européens. La poursuite des revalorisations est indispensable pour restaurer l'attractivité du métier d'enseignant et compenser les conditions d'exercice du métier dans un contexte de dégradation du climat scolaire.

S'agissant de la hausse de 10 % par rapport à septembre 2022 promise par le Président de la République, ce chiffre recouvre en réalité un certain nombre de hausses déjà annoncées, dont la hausse du point d'indice et les mesures dites « Grenelle ».

La proportion de la hausse est également variable selon le stade de la carrière. Ainsi, sans intégrer les effets du Pacte enseignant, qui dépend de l'adhésion des enseignants, le gain de rémunération pour un professeur des écoles est compris entre 9 % et 12 % sur les huit premières années, puis s'établit entre 4 % et 5,5 % pour la suite de la carrière. Pour un enseignant certifié agrégé, le gain au cours des 11 premières années de carrière est compris entre 11 % et 12 %, puis descend également en dessous de 5 % (jusqu'à 3,7 % pour un enseignant agrégé en fin de carrière).

Enfin, sans nier la réalité de l'amélioration de la situation et comme indiqué plus haut, il ne saurait être oublié que ces hausses salariales s'effectuent dans un contexte de très forte inflation qui conduit mécaniquement à limiter l'effet de rattrapage qui pouvait légitimement en être attendu.

b) Un impact ciblé sur les milieux de carrière

En complément du doublement des primes statutaires, la prime d'attractivité est revalorisée pendant les quinze premières années de carrière, afin de limiter l'effet « carrière plate » décrit plus haut, qui impactait particulièrement les enseignants en milieu de carrière. Cela entraîne un gain compris entre 600 euros et 1 780 euros bruts annuels, jusqu'à l'échelon 7 de la classe normale inclus), c'est-à-dire jusqu'à 14,5 ans d'ancienneté.

Montant net de la prime d'attractivité à partir de septembre 2023

(en euros)

Source : commission des finances d'après les données du ministère de l'Éducation nationale

De plus, la prime d'attractivité est étendue aux professeurs stagiaires, ce qui relève la rémunération des stagiaires de180 euros nets par mois entre septembre 2022 et septembre 2023 (pour un plein temps devant élève). En plus de la hausse des indemnités de fonction, les contractuels bénéficient tous d'une hausse de la prime d'attractivité de 300 euros bruts annuels.

Les effets cumulés de la hausse de la prime d'attractivité en PLF 2023 et de la revalorisation de l'ISOE à la rentrée 2023 entraînent par rapport à septembre 2022 un gain annuel brut de 2 074 euros après titularisation, le gain maximum étant atteint pour les enseignants entre 6 et 8 ans de carrière, pour lesquels la hausse s'élève à 3 074 euros annuels. Une fois passé ce stade de la carrière, le gain annuel moyen diminue et atteint 1 294 euros après 15 ans de carrière.

Il ne semble cependant pas incohérent que cette hausse ne soit ni linéaire ni identique pour l'ensemble des enseignants concernés, sous peine d'un effet de seuil très désincitatif pour la seconde partie de carrière.

Gains de rémunérations des professeurs en 2024 depuis avril 2022

(en euros et en%)

Grille

Échelon

Durée cumulée de carrière

Rémunération de base au 1er janvier 2024*

Gains entre avril 2022 et janvier 2024

Gains entre septembre 2022 et septembre 2023

Nette

Net mensuel

en %

Net mensuel

en %

Mi-temps / élèves

1

de 0 à 1 an

1 771

+ 250

+ 16,4 %

+ 178

+ 11,3 %

Tps plein / élèves

1

de 0 à 1 an

1 862

+ 255

+ 15,9 %

+ 181

+ 10,9 %

Classe normale

2

de 1 à 2 ans

2 121

+ 253

+ 13,5 %

+ 174

+ 9,0 %

3

de 2 à 4 ans

2 176

+ 293

+ 15,6 %

+ 213

+ 11,0 %

4

de 4 à 6 ans

2 214

+ 322

+ 17,0 %

+ 239

+ 12,2 %

5

de 6 à 8,5 ans

2 251

+ 332

+ 17,3 %

+ 247

+ 12,4 %

6

de 8,5 à 11,5 ans

2 286

+ 321

+ 16,3 %

+ 235

+ 11,6 %

7

de 11,5 à 14,5 ans

2 321

+ 256

+ 12,4 %

+ 165

+ 7,7 %

8

de 14,5 à 18 ans

2 391

+ 220

+ 10,1 %

+ 125

+ 5,6 %

9

de 18 à 22 ans

2 520

+ 226

+ 9,9 %

+ 127

+ 5,4 %

10

de 22 à 26 ans

2 644

+ 234

+ 9,7 %

+ 129

+ 5,2 %

11

à partir de 26 ans

2 816

+ 242

+ 9,4 %

+ 132

+ 5,0 %

Hors-classe

1

de 20 à 22 ans

2 491

+ 223

+ 9,8 %

+ 127

+ 5,4 %

2

de 22 à 24 ans

2 624

+ 229

+ 9,6 %

+ 128

+ 5,2 %

3

de 25 à 27,5 ans

2 796

+ 238

+ 9,3 %

+ 131

+ 5,0 %

4

de 27,5 à 30 ans

2 980

+ 247

+ 9,0 %

+ 134

+ 4,7 %

5

de 30 à 33 ans

3 167

+ 255

+ 8,8 %

+ 136

+ 4,5 %

6

de 33 à 36 ans

3 335

+ 263

+ 8,6 %

+ 139

+ 4,4 %

7

à partir de 36 ans

3 394

+ 267

+ 8,5 %

+ 140

+ 4,3 %

Classe exceptionnelle

1

de 25 à 27 ans

2 902

+ 243

+ 9,1 %

+ 133

+ 4,8 %

2

de 27 à 29 ans

3 058

+ 251

+ 8,9 %

+ 135

+ 4,7 %

3

de 29 à 31,5 ans

3 214

+ 258

+ 8,7 %

+ 137

+ 4,5 %

4

de 34 à 37 ans

3 429

+ 268

+ 8,5 %

+ 140

+ 4,3 %

5

à partir de 37 ans

3 663

+ 279

+ 8,2 %

+ 144

+ 4,1 %

Gains moyens pondérés

+ 258

11 %

+ 158

6,5 %

Source : commission des finances d'après les données du ministère de l'Éducation nationale

3. Le Pacte enseignant, une revalorisation en trompe l'oeil
a) Les premiers retours sur la mise en place du Pacte enseignant

Le Gouvernement avait annoncé en 2022 vouloir mettre en place une rémunération spécifique à destination des enseignants réalisant des missions complémentaires, sous l'appellation de « Pacte enseignant ». Toutefois, les textes d'application du Pacte n'ont été publiés que très tardivement13(*) au cours de l'été pour une application à la rentrée 2023.

Le pacte fonctionne sur le principe d'un droit d'option des enseignants. Ces derniers peuvent choisir de réaliser une à trois missions spécifiques (dites « briques » de Pacte), rémunérées chacune à hauteur de 1 250 euros bruts annuels, ce qui correspondait au montant moyen d'une indemnité pour mission particulière (IMP). Lorsque l'enseignant opte donc pour trois missions (c'est-à-dire un « Pacte complet »), il peut bénéficier au maximum de 3 750 euros bruts supplémentaires par an. Chaque mission est rémunérée sous la forme d'une part fonctionnelle de l'indemnité de suivi et d'orientation ou d'accompagnement des élèves (ISOE pour le second degré et ISAE pour le premier degré).

Les missions peuvent être de deux ordres. D'une part, un premier ensemble correspond à des missions de « face à face pédagogique » où un certain nombre d'heures d'enseignement ou d'activités pédagogiques est assuré devant un groupe d'élèves. Il s'agit notamment de missions de remplacement (s'agissant des enseignants du second degré), d'aides aux devoirs (dispositif Devoirs faits) ou encore de soutien. Les enseignants du premier degré ont également la possibilité d'intervenir dans le cadre de sessions de soutien ou d'approfondissement en français ou en mathématiques en classe de sixième. Ce type de « briques » est plafonné annuellement à hauteur de 18 heures ou 24 heures selon les missions.

Un second ensemble de missions correspond à un engagement annuel dans une mission qui ne se traduit pas forcément par un temps « devant élèves ». Il peut s'agir d'accompagnement de projets pédagogiques innovants, d'accompagnement renforcé des élèves à besoins éducatifs particuliers (élèves en situation de handicap), ou, dans le second degré, de coordination de la découverte des métiers, etc. Étant donné qu'il s'agit d'engagements annuels, ces missions ne sont pas limitées à un nombre d'heures spécifique. À noter que le Pacte enseignant se traduit différemment dans la voie professionnelle, avec des missions particulières et mieux rémunérées (cf. infra).

Ainsi, sont intégrées dans le pacte enseignant des missions déjà effectuées par certains enseignants, notamment les tâches de coordination ou de suivi, mais non toujours rémunérées ainsi que des missions précédemment rémunérées par une indemnité pour mission particulière (IMP - prise en charge des élèves à besoin éducatifs particuliers par exemple).

Missions du Pacte enseignant

 

Missions

Volume horaire annuel

Premier degré

Missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves

Session de soutien ou d'approfondissement en mathématiques et en français en classe de 6e.

18 heures

Intervention dans le dispositif « devoirs faits ».

24 heures

Intervention dans les dispositifs « stages de réussite » et » école ouverte ».

24 heures

Soutien aux élèves rencontrant des difficultés dans les savoirs fondamentaux.

24 heures

Missions d'accompagnement des élèves ou d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire

Appui à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers.

 

Coordination et prise en charge des projets d'innovation pédagogique.

 

Second degré général

Missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves

Remplacement de courte durée.

18 heures

Intervention dans le dispositif « devoirs faits ».

24 heures

Intervention dans les dispositifs « stages de réussite » et « école ouverte ».

24 heures

Intervention dans le cadre de la découverte des métiers au bénéfice des collégiens.

24 heures

Missions d'accompagnement ou d'orientation des élèves ou d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire

Appui à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers.

 

Encadrement de la découverte des métiers dans les classes de 5e, 4e et 3e.

 

Coordination et prise en charge des projets d'innovation pédagogique.

 

Second degré professionnel

Missions d'enseignement ou à caractère pédagogique assurées en présence des élèves

Enseignement et accompagnement dans les périodes post bac professionnel.

24 heures

Enseignement complémentaire en groupes d'effectifs réduits.

24 heures

Missions d'accompagnement ou d'orientation des élèves ou d'innovation pédagogique effectuées au cours de l'année scolaire

Accompagnement des élèves en difficulté.

 

Accompagnement vers l'emploi.

 

Source : commission des finances d'après la note de service du ministère

Par ailleurs, les personnels chargés du déploiement du dispositif dans les écoles et les établissements du second degré bénéficieront d'une revalorisation pour compenser la charge qui découle de la mise en place du Pacte. Ainsi, les personnels de direction, les directeurs délégués aux formations professionnelles et technologiques (DDFPT) et les inspecteurs de l'éducation nationale du 1er degré bénéficient donc à la rentrée 2023 d'une revalorisation de 1 000 euros bruts annuels. Les directeurs d'écoles bénéficient d'un doublement de la part variable de leur indemnité de sujétions spéciales, soit des gains allant de 500 euros à 900 euros bruts annuels selon la taille de l'école.

Les syndicats d'enseignants ont pour la plupart accueilli le Pacte enseignant avec au mieux du scepticisme, la majorité en ayant rejeté le principe. Deux mois après sa mise en place, l'adhésion au Pacte semble très contrastée selon les niveaux d'enseignement et les établissements.

Les premiers chiffres d'adhésion datent de la fin septembre 2023 : parmi l'ensemble des établissements répondant à l'enquête ministérielle, 109 787 enseignants envisageraient de s'engager dans le Pacte, soit près de 25 % de la population éligible considérée. Ce taux monte à 33 % en collège et en lycée professionnel. Leur engagement représenterait 181 102 » briques » de pacte, soit 1,65 mission par personne en moyenne. Cela dit, il est toujours possible pour des enseignants d'y avoir adhéré après septembre, les rémunérations étant imputées sur la rémunération du mois de novembre 2023.

Lors des auditions, le ministère a mis en avant ce qu'il considérait être le « bon démarrage du dispositif », en indiquant que l'objectif de 20 % d'enseignants adhérant au Pacte devrait donc être dépassé. Il est vrai que les ambitions ont été revues à la baisse au cours de l'été, le précédent ministre de l'Éducation nationale ayant à plusieurs reprises indiqué au printemps 2023 espérer que plus d'un tiers des enseignants aurait adhéré en septembre. En outre, le nombre moyen de missions est inférieur à celui anticipé : moins d'enseignants ont souscrit un « Pacte complet » que ce qui était espéré par le ministère. En conséquence, les crédits utilisés devraient être inférieurs à la prévision budgétaire pour 2023 et sans doute également pour 2024.

S'agissant du profil des enseignants et des missions les plus fréquemment choisies, il est encore trop tôt pour disposer de données entièrement consolidées. Cependant, il semblerait, d'après les auditions menées par le rapporteur spécial, que les enseignants les plus concernées soient ceux en début de carrière et que la plupart des missions choisies s'effectuent en fin de journée ou le mercredi. Si le Pacte semble comparativement bien fonctionner dans le premier degré, où il existait précédemment peu de possibilités d'effectuer des missions complémentaires, le ministère indique que son déploiement avance moins bien dans les lycées généraux et technologiques.

Si le Pacte enseignant peut, dans certain cas, financer des missions que les enseignants exerçaient déjà auparavant, il ne saurait être assimilé à une revalorisation salariale en tant que telle. Si le Pacte est présenté par le ministère comme un gain salarial pour les enseignants, il s'agit bien de rémunérer un service supplémentaire rendu par les enseignants.

b) Un enjeu spécifique : l'organisation des missions de remplacement

Le ministère a fait de la réalisation de remplacements de courte durée l'un des objectifs prioritaires du Pacte dans le second degré. Ainsi, les chefs d'établissement ont reçu pour consigne « d'attribuer en priorité » les missions de remplacement pour couvrir le besoin de remplacement de courte durée. La communication sur ce point a cependant fait l'objet d'une certaine confusion, dans la mesure où certains établissements ont pu conditionner l'attribution d'autres missions du Pacte au fait d'avoir accepté une mission de remplacement, ce qui n'est pas prévu par les textes.

Il est certain que le remplacement constitue un enjeu de continuité pédagogique majeur. Si le système de remplacement dans le premier degré est relativement efficace (8 % des enseignants du premier degré sont exclusivement dédiés à des missions de remplacement, permettant d'atteindre un taux de remplacement de plus de 90 %), le système de remplacement de courte durée dans le second degré, censé être effectué sur les ressources propres de l'établissement, est lacunaire.

En 2022-2023, 94,53 % de journées d'absence ont effectivement été remplacées par rapport au nombre total de journées d'absence de 15 jours et plus.

Taux d'efficacité du remplacement et de la suppléance dans le second degré
pour les absences de plus de 15 jours

(en %)

2015-2016

2016-2017

2017-2018

2018-2019

2019-2020

2020-2021

2021-2022

2022-2023

97,47 %

97,35 %

96,95 %

96,84 %

96,35 %

94,73 %

94,03 %

94,53 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Toutefois, les enjeux concernent davantage les absences de courte durée, c'est-à-dire inférieures à 15 jours, et qui supposent une réaction rapide de l'établissement pour une absence le plus souvent peu anticipée en amont.

La mise en place du Pacte permet aux chefs d'établissement de disposer d'un nouveau vecteur indemnitaire qui vient s'ajouter aux heures supplémentaires effectives (HSE) déjà existantes pour rémunérer les enseignants assurant ces missions de remplacement. Étant donné que les 24 heures annuelles de remplacement prévues dans le Pacte sont rémunérées 1 250 euros, l'heure supplémentaire de remplacement sera donc rémunérée 69 euros bruts. Cela représente un montant largement supérieur à celui de l'HSE classique, et constitue une réelle incitation. Les HSE correspondent à une modalité de rémunération qui reste inchangée et qui, selon le ministère, pourra être privilégiée pour les ajustements en cours d'année scolaire ou pour les enseignants qui ne sont pas engagés dans le Pacte.

À la fin septembre 2023, 24 500 enseignants du second degré avaient accepté une mission de remplacement de courte durée, ce qui représente l'équivalent annuel de 804 900 heures d'enseignement.

Enseignants ayant opté pour des missions de remplacement de courte durée
dans le cadre du Pacte en septembre 2023

Source : commission des finances

Récapitulatif des différentes mesures de revalorisation depuis 2022

(en millions d'euros)

 

Public cible

Nombre de personnels concernés

Coût LFI 2022

Coût LFI 2023

Coût

PLF 2024

Mesures générales

Hausse du point d'indice 2022

Tous personnels

1,2 million

845

845

 

Hausse du point d'indice 2023

Tous personnels

1,2 million

 

379

379

Majorations spécifiques du point d'indice 2024

Tous personnels

1,2 million

 

15

400

Dont majorations ciblées

 

 

 

15

15

Dont majoration globale de 5 points

 

 

 

 

385

Revalorisation des frais de déplacement

Tous personnels

1,2 million

 

9

9

Indemnisation des jours CET

 

 

 

 

1

Mesures « Grenelle »

Prime d'attractivité

 

 

329

22

 

Éducation prioritaire

Personnels exerçant en REP+ / AESH / AED

50 000

40

74

 

Autres mesures « Grenelle » (dont protection sociale complémentaire)

Tous personnels

1,2 million

359

 

 

Mesures catégorielles

Revalorisation socle 2023

Tous enseignants, CPE, Psy-EN

877 565

 

631

1 264

Pacte enseignant

Tous enseignants, CPE, Psy-EN

 

 

300

600

Revalorisation des AESH (hors point d'indice)

AESH

130 000

 

80

160

Prime exceptionnelle de pouvoir d'achat

Tous personnels

735 972

 

409

 

Revalorisation des personnels non enseignants

Personnels administratifs

 

 

65

73

Effet d'autres mesures de revalorisation antérieures (hors Grenelle, dont PPCR)

 

 

17

17

11

Total

1 591

2 846

2 897

Source : commission des finances

III. LES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE NÉCESSITÉ : POURSUIVRE LES EFFORTS POUR AMÉLIORER LES TAUX D'ENCADREMENT DES ÉLÈVES

Alors que près de 2 500 classes devraient être fermées en conséquence des suppressions de postes prévues en 2024, il est regrettable de constater que l'intégralité des marges dégagées par la chute du nombre d'élèves n'ait pas été consacrée à l'amélioration du taux d'encadrement. Si cet axe est pris en compte par le ministère, les efforts doivent être approfondis afin de rattraper le retard de la France s'agissant du nombre d'élèves par classe.

1. Des effectifs d'élèves en baisse structurelle

Après une hausse continue de 2011 à 2016, les effectifs en élémentaire diminuent de plus en plus fortement à chaque rentrée depuis 2017. Les élèves entrés à l'école primaire à la rentrée 2022 puis 2023 sont beaucoup moins nombreux que ceux qui ont quitté le premier degré pour entrer dans le secondaire14(*).

Le nombre d'élèves scolarisés dans le premier degré diminue de 73 176 entre 2022 et 2023 puis de 62 260 entre 2023 et 2024, soit une baisse de 1 % par an. Le nombre total d'élèves dans le premier degré, en incluant le préélémentaire, s'établit à 6,28 millions à la rentrée 2023.

Cette baisse découle de l'arrivée de classes démographiques nettement moins nombreuses qu'au cours de la décennie précédente. La population des enfants de 6 à 10 ans, en grande partie scolarisés dans le premier degré, devrait nettement diminuer en 2023 (- 50 900 enfants) avant de connaître de nouvelles baisses très marquées de 2024 à 2027 (comprises entre - 56 100 enfants et - 36 900 enfants selon les années).

La baisse du nombre d'élèves est encore plus accentuée dans le milieu rural. C'est en éducation prioritaire que la chute est la plus limitée, ces classes accueillant donc proportionnellement de plus en plus d'élèves.

Évolution du nombre d'élèves dans le premier degré public

(en milliers)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Alors que le second degré a été épargné par la baisse démographique au cours des dernières années, elle s'y étend à partir de 2024. Les effectifs du second degré (y compris post-bac) ont déjà diminué légèrement en 2023 (de l'ordre de - 9 000 élèves, contre - 21 000 élèves à la rentrée 2022). La baisse devrait se poursuivre aux rentrées 2024 à 2027 en devenant particulièrement forte à partir de 2026 (de l'ordre de - 36 000 élèves en 2026 et - 41 000 élèves en 2027).

Prévisions d'évolution du nombre d'élèves dans le second degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

2. Un nombre moyen d'enfants par classe très élevé au regard des comparaisons européennes comme de la réalité de l'exercice du métier d'enseignant

La France se caractérise toujours par un nombre d'enfants par classe nettement supérieur à la moyenne européenne, particulièrement dans le premier degré.

Dans le premier degré, la France présente le taux le plus fort au sein de l'Union européenne avec près de 19 élèves par enseignant dans l'élémentaire et plus de 23 élèves par enseignant dans le préélémentaire. Si les personnels auxiliaires sont comptabilisés en plus des enseignants (Atsem dans le cas français), comme le fait l'OCDE, le taux d'encadrement descend à 16 élèves par personnel en France et à 12 élèves en moyenne dans l'Union européenne.

Dans le premier cycle du secondaire en France, le taux d'encadrement est meilleur que dans le premier degré et s'élève à 14 élèves par enseignant. Il reste cependant plus élevé que dans tous les autres pays.

S'agissant de la taille moyenne des classes, celle-ci est bien supérieure en France que dans l'ensemble des pays de l'Union européenne et que la moyenne de l'OCDE. En France en 2021, les classes comptaient en moyenne 22 élèves dans le primaire et 26 au collège.

Taille moyenne des classes en 2021

Source : commission des finances d'après l'OCDE

Si le taux d'encadrement dans le second degré en France se situe dans la moyenne européenne, il dissimule en réalité de grandes disparités de moyens entre le collège et le lycée, encore accentuées par la réforme du lycée général qui a favorisé les très petits effectifs pour certaines spécialités, d'une part, et par la très grande spécialisation de certains enseignements dans les lycées professionnels, d'autre part.

Ainsi, dans le second cycle du secondaire, lycées professionnels, généraux et technologiques confondus, le taux d'encadrement en France, à 11 élèves par enseignant est meilleur que celui de la moyenne UE- 28 (12) et surtout que celui des Pays-Bas (18) et du Royaume-Uni (17).

Il est vrai que, plus globalement, le nombre d'élèves par classe diminue progressivement. Hors éducation prioritaire, on dénombre actuellement 22 élèves par classe, mais ce nombre reste supérieur à 23 élèves en petite et moyenne section. Étant donné qu'il s'agit d'enfants de 2 à 4 ans, qui requièrent une attention constante, il est certain que cette proportion n'est pas de nature à constituer un environnement scolaire adapté pour les élèves comme pour le personnel enseignant.

Évolution du nombre d'élèves par classe
selon le niveau dans le premier degré

 

REP+

REP

Public hors EP

2015

2017

2020

2022

2015

2017

2020

2022

2015

2017

2020

2022

Petite section

23,3

23,0

22,4

22,2

23,4

23,1

22,3

22,1

24,8

24,5

23,7

23,3

Moyenne section

23,6

23,4

22,4

21,9

23,7

23,5

22,4

22,0

25,1

24,7

23,7

23,2

Grande section

23,6

23,4

19,5

14,8

23,7

23,4

20,8

16,6

25,0

24,6

23,3

22,6

CP

21,7

13,1

12,5

12,5

21,8

20,7

12,6

12,6

22,5

22,3

21,6

21,2

CE1

22,6

21,4

12,7

12,8

22,7

22,3

12,9

12,9

23,3

23,3

22,6

22,1

CE2

22,9

22,4

21,4

21,2

23,1

22,8

21,2

20,9

24,0

23,8

23,4

23,0

CM1

23,0

22,6

21,8

21,7

23,3

23,0

21,7

21,5

24,3

24,1

23,7

23,4

CM2

23,1

22,5

22,0

21,6

23,4

23,0

21,9

21,6

24,4

24,3

24,0

23,6

Total

22,9

20,7

18,2

17,4

23,0

22,6

18,4

17,8

24,1

23,9

23,2

22,7

Source : commission des finances d'après la DEPP, NI 23.05

Concernant l'éducation prioritaire, elle connait désormais un nombre moyen d'élèves par classe très inférieur à celui dans l'enseignement hors REP.

La principale cause de cette réduction est le mouvement de dédoublement progressif des classes de CP et de CE1 mis en oeuvre à partir de la rentrée 2017 dans le réseau d'éducation prioritaire (REP) et le réseau renforcé (REP+) avec pour objectif d'atteindre pour chacune un maximum de 12 élèves. Cette mesure s'est traduite par la création de 10 800 classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire, soit environ 300 000 élèves.

Le dédoublement a ensuite été étendu en classe de grande section de maternelle à compter de la rentrée 2020 et concernait près de 75 % des classes de grande section, ayant nécessité le recrutement de 1 900 ETP supplémentaires. 1 670 emplois seront consacrés à la poursuite du dédoublement en 2022. La part des classes de grande section dédoublées, passe de 68 % à la rentrée 2022 à 84 % à la rentrée 2023.

Un enjeu : la mesure de l'impact du dédoublement sur le niveau des élèves

Les premières évaluations menées par la DEPP15(*) montraient que, antérieurement au dédoublement, en CE1, 40 % des élèves de REP+ étaient en très grande difficulté en mathématiques et en français. Grâce au dédoublement, cette proportion serait abaissée de 7,8 % pour le français et de 12,5 % en mathématiques. En CE1, en 2019, en français, les écarts de performances entre les élèves dans et hors éducation prioritaire diminuent dans tous les domaines.

Selon les évaluations les plus récentes16(*), les résultats sont positifs en CP : le dédoublement correspond à une diminution de 16 % en français et de 38 % en mathématiques de l'écart observé en début de CP entre le groupe REP+ et le groupe hors éducation prioritaire. Ainsi, en français, les REP+ rattrapent leur retard initial entre le début du CP et la fin du CE1 par rapport aux élèves d'un niveau proche de REP+ pour arriver à des performances similaires à ces derniers. La DEPP indique ainsi que « les progressions sont un peu plus fortes en REP+, ce qui peut être interprété comme un effet favorable de la réduction de la taille des classes ».

L'effet est en revanche moins significatif en CE1 en français : la proportion d'élèves en difficulté en REP+ passe de 22,4 % en début de CP à 21,5 % en fin de CP mais remonte à 22,3 % en fin de CE1. Il est en revanche important en mathématiques : la proportion d'élèves en difficulté en REP+ passe de 21,4 % en début de CP à 18,5 % en fin de CP, 18,5 % en début de CE1 et en fin de CE1.

Le rapporteur spécial note qu'aucune nouvelle étude n'a été publiée sur le sujet à sa connaissance depuis 2021, ce qui est regrettable s'agissant d'une des mesures les plus emblématiques du dernier quinquennat.

Source : commission des finances

Autre mesure ayant contribué à la réduction du taux d'encadrement, hors éducation prioritaire, le plafonnement à 24 élèves dans les classes de CP et de CE1 à compter de la rentrée 2020 se poursuit. 2 660 emplois y sont dédiés pour le seul enseignement public. Ainsi, la part des classes à 24 élèves pour les niveaux de grande section, de CP et de CE1 atteint 95 % à la rentrée 2022 (contre 86 % à la rentrée 2021). Le PLF 2024 ne porte aucun moyen nouveau dédié au plafonnement.

Le rapporteur spécial souligne cependant qu'il ne s'agit ici que de données moyennes. En conséquence, elles ne font pas apparaître les nombreux cas où le nombre d'élèves, en particulier dans certaines écoles rurales ou périurbaines, peut dépasser, dans certains cas allègrement, 25 élèves.

Un enjeu quantitativement majeur : les conditions d'enseignement en classes
à niveaux multiples

D'après les dernières études du ministère de l'éducation nationale, le nombre de classes à niveaux multiples, dont le nombre diminue structurellement depuis plus de 50 ans, reste très élevé. Ainsi, neuf écoles sur dix ont au moins une classe regroupant des élèves de différents niveaux. Ces classes à niveaux multiples représentent 44,1 % des classes et 44,9 % des élèves y sont scolarisés, soit près de 3 millions. À la rentrée 2021, plus d'une école sur trois dispose uniquement de classes à niveaux.

Les classes à niveaux multiples constituent toujours un élément majeur du paysage scolaire en milieu rural, dans lequel la proportion de ces classes est deux fois plus élevée qu'en milieu urbain.

Part des classes à niveaux multiples selon les territoires

(en %)

Source : commission des finances

Le rapporteur spécial attire l'attention sur le fait que l'enseignement en classes à niveaux multiples entraîne pour les enseignants un certain nombre de contraintes supplémentaires. En conséquence, il souhaite que le ministère engage une réflexion sur une adaptation de la rémunération pour ces enseignants. Une prime pour l'enseignement en classe à multiples niveaux serait une mesure de justice et de cohérence.

Source : commission des finances d'après la DEPP, note d'information n° 23.39

3. La baisse démographique doit donc avant tout contribuer à augmenter le taux d'encadrement

Le rapporteur spécial souligne que les évolutions démographiques ne doivent en aucun cas constituer une incitation à la fermeture de classes, ce qui reste, en dépit des avancées au cours des dernières années, un réflexe.

Ainsi, entre 2021 et 2022, pas moins de 180 classes ont été fermées. En outre, si le Gouvernement s'est engagé à ne pas fermer d'écoles en milieu rural, cela n'implique pas de ne pas supprimer des classes, ce qui reste fréquent dans les petites écoles. En outre, certaines académies, particulièrement touchées par la baisse démographique, et en particulier Paris, sont plus directement concernées que d'autres.

Évolution du nombre de classes dans le premier degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

Ainsi, il s'agit plus que jamais d'utiliser la baisse démographique dans certaines académies pour réduire le nombre d'élèves par classe. Un accent spécifique doit être mis sur le second degré, en particulier au collège, qui, sans avoir été concerné par les plafonnements et dédoublements, ne l'est pas non plus par les classes à faibles effectifs du lycée.

Par ailleurs, la réforme de la carte de l'éducation prioritaire en 2014 a abouti à exclure du dispositif l'immense majorité des zones rurales de façon totalement injuste. En effet, la misère sociale et scolaire n'est pas le monopole des quartiers urbains défavorisés.

B. QUELLE RÉFORME POUR LA POLITIQUE D'INCLUSION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP ?

1. Le système scolaire accueille annuellement 25 000 élèves en situation de handicap supplémentaires

Depuis la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005, qui garantit à tous le droit à une scolarisation en milieu ordinaire, dès lors qu'elle est possible, le nombre d'élèves en situation de handicap concernés a cru de manière continue.

Évolution de la scolarisation des élèves en situation de handicap depuis 10 ans

(en milliers)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Depuis 2006, le nombre d'élèves en situation de handicap (ESH) scolarisés en milieu ordinaire (écoles et établissements publics et privés) a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 élèves à la rentrée 2023. Entre 2022 et 2023, les effectifs ont crû de 9,6 %.

À l'échelle des 10 dernières années, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 136 000 dans le premier degré et 89 000 dans le second degré à respectivement 223 000 et 214 000, soit une hausse de 86 % des effectifs dans le primaire et près de 140 % dans le secondaire. En moyenne, au cours des cinq dernières années, 10 000 élèves en situation de handicap de plus sont scolarisés chaque année dans le premier degré. Dans le second degré, le nombre d'élèves croît de 8 % en moyenne par an, ce qui correspond annuellement à 15 000 élèves supplémentaires.

Pour les seuls élèves scolarisés en unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS), qui représentent tout de même un quart des élèves en situation de handicap, 120 139 sont scolarisés à la rentrée 2023, contre 110 842 élèves en 2022. Les ULIS accueillent dans les établissements les élèves qui, en plus des aménagements et adaptations pédagogiques et des mesures de compensation mis en oeuvre par les équipes éducatives, nécessitent un enseignement adapté.

En conséquence, le nombre d'ULIS continue également de croître. À la rentrée 2023, 80 ULIS sont créés dans le premier degré et 224 dans le second degré. Il existe donc actuellement près de 10 500 ULIS, et le Gouvernement met en avant l'ambition d'une ULIS par collège d'ici 2027.

Évolution du nombre de dispositifs ULIS de 2017 à 2023

 

Rentrée 2017

Rentrée 2018

Rentrée 2019

Rentrée 2020

Rentrée 2021

Rentrée 2022

Rentrée 2023 (prévisions)

Évolution 2017-2023

Valeur

En %

1er degré

4 848

4 919

5 021

5 097

5 202

5 227

5 307

459

+ 9,5 %

2nd degré

3 781

3 983

4 218

4 495

4 767

4 937

5 161

1 380

+ 36,5 %

Total

8 629

8 902

9 239

9 592

9 969

10 164

10 468

1 839

21,3 %

Source : DGESCO/DEPP

En outre, de nombreux enfants présentant un trouble du comportement sont actuellement scolarisés en milieu ordinaire, sans d'ailleurs toujours bénéficier d'une reconnaissance de handicap. Les enseignants sont souvent démunis pour enseigner dans ces situations délicates. Le rapporteur spécial s'étonne d'ailleurs que le ministère ne dispose pas de données sur ce point précis, et ce d'autant plus que les inspecteurs d'académie sont très souvent saisis de cas de burn-out d'enseignants ou d'AESH en souffrance du fait de l'inclusion particulièrement difficile, pour ne pas dire ingérable, de certains enfants parfois violents, agressifs et incapables de maîtriser leurs pulsions.

2. Un budget de 4,5 milliards d'euros consacré à l'école inclusive, en hausse d'un quart en seulement deux ans

Hors augmentation de la rémunération des enseignants, les crédits consacrés à « l'école inclusive », c'est-à-dire la scolarisation des élèves en situation de handicap, sont le premier facteur de hausse des dépenses de la mission « Enseignement scolaire » au cours des dernières années.

En 2024, 4,466 millions d'euros devraient être consacrés à l'école inclusive. La quasi-intégralité de cette somme finance des personnels spécialisés, enseignants ou AESH. En PLF 2023, la participation du ministère en faveur du handicap s'élevait à plus de 3,8 milliards d'euros, et 3,6 milliards d'euros en 2022.

Cette dynamique correspond à une hausse d'un quart des moyens totaux en deux ans seulement.

Ventilation des dépenses liées à l'école inclusive en PLF 2024

(en millions d'euros)

Type de dépense

Dispositif

Montant

Accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH)

AESH T2

2 382,71

AESH HT2

536,23

TOTAL

2 918,94

Enseignants spécialisés

ULIS école

362,76

ULIS lycée / collège

340,04

Enseignants référents

150,29

Autres postes MEN

183,66

Établissements et services médico-sociaux (ESMSS)

326,79

Établissements de santé

61,54

Unités d'enseignement externalisées

91,24

TOTAL

1 516,32

Autres dispositifs

Matériels adaptés et accompagnement spécialisé

25

Formation des AESH

4,23

Déplacement des AESH

1,57

TOTAL

30,79

TOTAL

4 466,05

Source : commission des finances

3. Un renforcement continu des moyens humains qui ne peut qu'interroger
a) Un nombre d'AESH qui a été multiplié par cinq depuis 2015

Les moyens humains consacrés à l'école inclusive ont été fortement renforcés, essentiellement au travers du recrutement de nombreux AESH dont le statut a été créé en 2014. Les AESH interviennent désormais auprès de l'ensemble des élèves bénéficiant d'une prescription d'aide humaine, notamment dans le cadre des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

L'effectif total d'AESH s'élève à 123 874 personnes, dont 56 965 rémunérées sur le titre 2 de l'État et 66 909 hors titre 2. Cela correspond à près de 83 000 ETPT. 4 000 ETP supplémentaires ont été créés à la rentrée 2021, autant en 2022 et autant devraient l'être en 2023. Depuis 2017, le nombre d'AESH a augmenté de 55 %.

Évolution du nombre d'AESH depuis 2015

(en ETP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Les AESH sont des emplois très féminisés et souvent exercés à temps partiel. Il était donc indispensable de mettre en place une politique de dé-précarisation et de professionnalisation des AESH, notamment au travers de la généralisation du recrutement de ces personnels en contrat de droit public de trois ans, renouvelable une fois, avant signature d'un contrat à durée indéterminée (CDI) pour les AESH ayant plus de 3 ans d'ancienneté. La totalité des AESH sera gérée sur le titre 2 d'ici 2025. Plus de 25 000 ETP d'AESH seront ainsi basculés du HT2 vers le T2 dès 2023, soit 8 565 ETPT.

Évolution du nombre d'AESH entre 2022 et 2023

(en ETPT)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Sur les deux années 2021 et 2022, sans compter les hausses du point de la fonction publique, 56 millions d'euros ont été mobilisés par le ministère pour améliorer la rémunération des AESH. La revalorisation des AESH avec une grille indiciaire permettant une progression automatique tous les trois ans représentait ainsi 20,7 millions d'euros en 2021 et 24 millions d'euros en 2022.

La création d'un quasi statut a ainsi procuré une hausse moyenne de rémunération de 612 euros bruts par an et par ETP. À cette revalorisation s'ajoutent 180 euros bruts par an et par agent au titre du remboursement des cotisations de protection sociale complémentaire. En 2023, l'indemnité de sujétions d'exercice en éducation prioritaire sera également étendue aux AESH.

En parallèle de la hausse du nombre d'AESH, le nombre d'enseignants spécialisés pour la scolarisation d'élèves en situation de handicap a aussi largement augmenté.

Évolution du nombre de postes d'enseignants spécialisés
dans le domaine du handicap depuis 2017

(en ETP)

 

rentrée 2017

rentrée 2018

rentrée 2019

rentrée 2020

rentrée 2021

Postes spécialisés dans le domaine du handicap au sein du MEN

11 975

12 460

13 079

13 547

14 263

Postes spécialisés dans le domaine du handicap hors MEN

6 806

6 961

7 148

7 219

7 499

Total postes spécialisés dans le domaine du handicap

18 781

19 421

20 226

20 766

21 762

Source : ministère de l'Éducation nationale

b) Une soutenabilité à long terme qui nécessite de revoir l'organisation du système en concertation avec le secteur médico-social

La particularité de la gestion de la scolarisation des élèves en situation de handicap est que l'Éducation nationale, en administration centrale comme dans les rectorats, n'a pas de visibilité sur les effectifs, dans la mesure où le nombre d'élèves scolarisés dépend de l'évolution des notifications effectuées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Le processus de notification

Les parents de l'enfant en situation de handicap font une demande
d'accompagnement auprès de la MDPH. La famille peut également être informée par le chef d'établissement ou le directeur d'école de la nécessité de mesures compensatoires dans le cadre d'un plan personnalisé de scolarisation. En l'absence de réaction de la part de la famille dans un délai de 4 mois, la MDPH est tenue d'engager un dialogue avec la famille.

Pour une première demande d'aménagement, la famille doit prendre contact avec l'équipe pédagogique afin que celle-ci élabore le guide d'évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation (GEVA-sco). Ce guide précise la situation scolaire de l'élève et ses possibles besoins de compensation. Il comprend notamment les observations des enseignants sur l'élève.

L'équipe pluridisciplinaire d'évaluation (EPE) au sein de la MDPH évalue les besoins de compensation et élabore le parcours personnel de scolarisation (PPS). Il le transmet pour avis à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui prend la décision et émet la notification MDPH.

Source : Bilan des mesures éducatives du quinquennat, rapport d'information de Mme Annick BILLON, M. Max BRISSON et Mme Marie-Pierre MONIER, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, n° 543 (2021-2022) ; février 2022

Cela entraîne une déconnexion entre le prescripteur et le payeur qui n'est pas soutenable à long terme. Dans certaines MDPH, la hausse de prescriptions à la rentrée 2022 par rapport à l'année précédente a pu atteindre 25 %. Sur ce sujet, le rapporteur spécial renvoie par ailleurs au commentaire de l'article 53 du présent projet de loi de finances sur la création des pôles d'appui à la scolarité rattaché à la mission « Enseignement scolaire ».

C. LES DÉPENSES DES OPÉRATEURS DE LA MISSION RESTENT LIMITÉES

Plus de 99,5 % des moyens consacrés à la mission « Enseignement scolaire » sont des crédits budgétaires et seuls 0,2 % sont à destination des opérateurs de la mission.

Cinq opérateurs sont rattachés à la mission Enseignement scolaire : le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) ; France Éducation international (FEI) ; le Centre national d'enseignement à distance (Cned) ; l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) ; le réseau Canopé.

Sur la période 2017-2022, pour chacun des opérateurs, sauf FEI, l'évolution des emplois était négative. Les deux opérateurs qui ont connu la plus forte baisse de leurs effectifs entre 2017 et 2022 sont le réseau Canopé (- 152 ETPT) et l'Onisep (- 134 ETPT). Toutefois, l'année 2023 marque une rupture, l'intégralité des opérateurs à l'exception de FEI ayant vu leur nombre d'emplois en hausse.

Les ressources de l'ensemble des opérateurs sont en hausse en 2024. L'Onisep, dont la subvention pour charges de service public est en baisse constante depuis 2018 et alors que les Dronisep ont été transférées aux régions, voit cette année sa subvention augmenter de nouveau. Entre 2017 et 2023, le niveau d'emploi sous-plafond de l'Onisep a fortement baissé (- 133 ETP et - 139 ETPT).

Évolution de la subvention pour charges de service public accordée
à chaque opérateur sur le programme 241

(en millions d'euros)

 

2020

2021

Évolution 2020 - 2021

2022

Évolution 2021-2022

LFI 2023

Évolution 2022-2023

PLF 2024

Évolution 2023-2024

Cereq

6,85

6,84

0 %

7,32

7 %

7,42

1,4 %

7,85

5,80 %

Cned

31,50

35,28

12 %

32,21

- 9 %

32,37

0,5 %

37,69

16,43 %

FEI

0,29

3,53

1 109 %17(*)

3,68

4 %

3,75

1,9 %

4,59

22,40 %

Onisep

27,61

24,66

- 11 %

22,84

- 7 %

21,55

- 5,6 %

22,75

5,57 %

Réseau Canopé

87,84

85,78

- 2 %

82,68

- 4 %

83,89

1,5 %

88,03

4,94 %

Source : commission des finances

Cette hausse résulte dans l'ensemble de la compensation des mesures « fonction publique » aux opérateurs, et en particulier les deux hausses successives du point d'indice. Le Cned bénéficie en outre de moyens nouveaux (à hauteur de 2,5 millions d'euros).

Dans l'ensemble, la santé budgétaire des opérateurs reste bonne, malgré la dégradation de leurs fonds de roulement en 2023, liée notamment à la hausse des coûts de l'énergie. Le fonds de roulement de FEI correspond par exemple à près de 290 % de son budget annuel, et celui du Cned à 130 %. Pour l'Onisep et Canopée, cette proportion n'est que de 40 %.

Évolution du fonds de roulement des opérateurs en 2023

(en millions d'euros)

 

Montant du fonds de roulement

Variation 2022/2023

Cereq

6,04

- 10 %

Cned

50,82

- 1 %

FEI

13,26

- 40 %

Onisep

9,29

- 19 %

Réseau Canopé

34,77

- 3 %

Source : commission des finances

D. ADAPTER LES LYCÉES PROFESSIONNELS AUX ENJEUX DU MONDE PROFESSIONNEL, UNE RÉFORME ÉVALUÉE À 1 MILLIARD D'EUROS

En 2023, 627 100 élèves sont scolarisés dans le second degré professionnel (hors apprentissage, représentant environ 300 000 élèves supplémentaires). La hausse de la proportion des élèves scolarisés en CAP a contribué à ralentir la dynamique du nombre d'élèves scolarisés dans la voie professionnelle, dont les effectifs sont restés relativement stables au cours des années.

Effectifs des formations professionnelles depuis 1995

(en nombre d'élèves)

Source : commission des finances, État de l'école 2022

Toutefois, un quart des élèves de CAP (et 8 % de ceux en baccalauréat professionnel) ne sont ni employés ni en poursuite d'études six mois après leur diplôme. Afin de lutter contre ce constat, que le rapporteur spécial considère comme alarmant, la voie professionnelle fait l'objet à la rentrée d'une réforme d'ampleur afin de mieux adapter l'offre d'enseignement aux besoins de l'économie réelle, ce dont le rapporteur spécial se félicite.

Situation des sortants en 2021 de lycée professionnel en janvier 2022,
6 mois après la fin de formation

(en %)

Source : commission des finances d'après la DEPP

Dès la rentrée 2022, 12 nouveaux diplômes avaient été mis en oeuvre, parmi lesquels des baccalauréats professionnels (modélisation et prototypage 3D, accompagnement soins et services à la personne, etc.), des mentions complémentaires (encadrement secteur sportif) ou encore l'unité facultative secteur sportif du baccalauréat professionnel. À la rentrée 2023, ce sont 80 nouvelles formations d'avenir, visant à accueillir 1 050 élèves, qui ont été ouvertes. Le rapporteur spécial, s'il se félicite de la création de filières adaptées à la demande actuelle, insiste sur le fait qu'elle doit nécessairement aller de pair avec la fermeture des formations non insérantes, sous peine de maintenir dans certains secteurs des formations archaïques pour un nombre d'élèves parfois extrêmement faible.

En outre, les enseignants en lycée professionnel, peuvent, au-delà des possibilités ouvertes aux enseignants de la voie générale (remplacement de courte durée, appui à la prise en charge d'élèves à besoins particuliers, stages de réussite...), exercer des missions spécifiques dans le cadre du Pacte enseignant. Il s'agit de l'enseignement et l'accompagnement dans les périodes post-bac professionnel et de l'enseignement complémentaire en groupes d'effectifs réduits (pour une part fonctionnelle de 24 heures annuelles). Contrairement au second degré général et technologique, un pacte « complet » en lycée professionnel peut comporter jusqu'à six parts fonctionnelles. En conséquence, les missions « classiques » sont rémunérées 1 250 euros bruts par an, celles spécifiques à la voie professionnelle le sont davantage, pour un montant pouvant aller jusqu'à 7 500 euros bruts par an par professeur (6 786 euros nets). D'après les informations transmises au rapporteur spécial, à la fin septembre 2023, près d'un enseignant sur trois était engagé dans le Pacte en lycée professionnel.

Si ces efforts spécifiques à la voie professionnelle doivent être valorisés, ils ne permettront pas de répondre à la carence récurrente de professeurs en lycée professionnels, en particulier dans certaines filières. Ainsi, en 2022 et 2023, le nombre d'admis au concours d'enseignant était respectivement inférieur de 492 et 462 au nombre de postes ouverts, contre - 273 en 2021. Cela correspond à près d'un quart des postes ouverts non pourvus (1 925 postes ouverts pour 1 490 enseignants recrutés).

Si ce constat n'est pas propre à la voie professionnelle, l'augmentation des recrutements par le troisième concours, ouvert notamment aux contractuels déjà enseignants, n'a pas permis d'endiguer la crise. L'enseignement professionnel, et ses nombreuses spécialités, doit donc constituer un point d'attention spécifique dans l'analyse de la crise de recrutement des enseignants.

Le ministère de l'Éducation nationale met en avant un coût total de la réforme d'un milliard d'euros annuel à compter de 2024. Il est cependant difficile de confirmer ce chiffre, les crédits étant partagés entre a minima six missions budgétaires. Mises à part les rémunérations des personnels de la voie professionnelle, les moyens nouveaux accordés à la réforme par le biais de la mission « Enseignement scolaire » sont limités à la gratification des stages en lycée professionnel.

À partir de la rentrée 2023, tous les lycéens professionnels bénéficient d'une gratification pour les stages effectués en milieu professionnel dont le montant varie en fonction du niveau de formation de l'élève : 50 euros par semaine en première année de CAP ou en seconde de baccalauréat professionnel ; 75 euros en seconde année de CAP ou en première de baccalauréat professionnel et enfin 100 euros hebdomadaires en classe de terminale. En revanche, face à l'opposition générale, le Gouvernement a renoncé à mettre en place un doublement des périodes obligatoires de stage en entreprise pour les lycéens en voie professionnelle.

En conséquence, le coût « visible » de la réforme est d'environ 400 millions d'euros par an pour le ministère de l'Éducation nationale. Ainsi, ce montant est-il prévu pour l'année 2024 au titre de la gratification versée aux lycéens professionnels pendant leur période de stage, dont 323 millions d'euros consacrés aux lycéens professionnels de l'enseignement public et 77 millions d'euros dans l'enseignement privé sous contrat. S'y ajoutent 10 millions d'euros destinés à financer les modules optionnels des lycées situés en quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV). Ces modules seront assurés par des intervenants extérieurs à compter de la rentrée 2023.

Enfin, 2 100 bureaux des entreprises, soit un par établissement, doivent être mis en place dès la rentrée 2023 pour renforcer les liens entre le lycée professionnel et les entreprises de son territoire. Si les responsables de ces bureaux devront faire l'objet de recrutements spécifiques, et ont déjà commencé à être recrutés dans certains rectorats, rien n'est indiqué dans les documents budgétaires sur leur prise en charge et par conséquent sur leur coût.

La réforme de la voie professionnelle constitue un enjeu central pour des enseignements encore trop peu valorisés. Le rapporteur spécial sera très attentif aux premières évaluations de la réforme et à son déploiement au cours de la prochaine année scolaire.

E. UN SUCCÈS : LE MODÈLE DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE AGRICOLE

L'enseignement technique agricole ne représente que 2 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire « mais constitue, pourtant, un enjeu central tant du point de vue éducatif que de la transmission d'un savoir-faire exceptionnel ou du maintien de la France en pays chef de file en matière de sécurité sanitaire ou de développement d'une agriculture et d'un élevage plus respectueux de la nature et des attentes des consommateurs.

Évolution des crédits par action du programme 143

(en millions d'euros et en %)

 

LFI 2023

PLF 2024

Évolution LFI 2023 / PLF 2024

Évolution en %

Titre 2 (avec CAS)

1 069,35

1 114,76

45,41

4,25 %

Dont CAS

23,80

249,94

11,94

5,02 %

Hors titre 2

526,15

580,91

54,77

10,41 %

Total

1 595,50

1 695,68

100,18

6,28 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 143 enregistrent une hausse de 6,3 % en AE et en CP (+ 100 millions d'euros) en 2023.

Concernant les dépenses de personnel, le plafond d'emplois du programme 143 augmente de 390 ETPT en 2024, essentiellement en raison du basculement de 137 AED et 223 ASH en CDI pour un impact de + 360 ETPT.

1. Des effectifs orientés à la hausse, reconnaissance de la qualité de l'enseignement agricole français

Durant l'année scolaire 2022-2023, l'enseignement technique agricole a formé près de 200 000 personnes. Ces effectifs d'élèves, étudiants et apprentis sont en progression par rapport à l'année précédente, s'inscrivant dans le contexte d'une hausse cumulée de 4 % depuis 2019, avec environ 154 000 élèves au titre de la formation initiale scolaire et 43 000 apprentis.

Ces évolutions sont toutefois fortement contrastées selon les niveaux d'enseignement et les types d'établissements, la hausse globale étant tirée par la forte croissance des effectifs d'apprentis (+ 8 % entre 2021 et 2022).

Évolution des effectifs de l'enseignement scolaire agricole

 

Voie scolaire

Apprentissage

Total

Public

Privé

Sous-total
«Voie scolaire»

Public

Privé

Sous-total Apprentissage

Temps Plein

Rythme Approprié

Sous-total privé

Effectifs à la rentrée 2022

60 698

48 411

44 750

93 161

153 859

26 467

16 369

42 836

196 695

Variation 2021/2022

- 1,40 %

- 0,70 %

- 2,60 %

- 1,60 %

- 1,50 %

5,20 %

11,80 %

7,60 %

0,30 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le bilan net des ouvertures et fermetures de classes, est à cette rentrée 2023, de + 42 équivalents classes, dont + 8 dans le public ; + 34 dans le privé, parmi lesquels : + 9 au CNEAP (Conseil national de l'enseignement agricole privé), + 21 à l'UNMFREO (Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation) + 6 à l'UNREP (l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion) et - 2 dans les établissements privés non affiliés.

Le seuil requis pour qu'une classe fonctionne est de 10 élèves. Ce chiffre est déterminé pour l'enseignement privé par le Code rural et de la pêche maritime (article R.813-37). Proportionnellement aux effectifs, l'enseignement privé compte davantage de classes à faible effectif que l'enseignement public : 2,2 % des élèves de l'enseignement technique agricole public sont scolarisés dans une classe à faible effectif, contre 6,2 % dans l'enseignement technique agricole privé.

Le ministère de l'agriculture a indiqué au rapporteur spécial souhaiter mettre en oeuvre une politique volontariste tendant à valoriser les classes à petits effectifs, lorsqu'elles préparent à des métiers en tension afin d'assurer le renouvellement des générations d'actif agricole.

Le rapporteur spécial considère qu'il serait nécessaire de davantage valoriser l'enseignement agricole dans les temps dédiés à l'orientation des élèves. Il serait utile de renforcer l'information des enseignants sur les contenus proposés par l'enseignement agricole, notamment en valorisant les aspects de l'enseignement agricole au-delà de la seule agriculture, notamment concernant l'agro-développement.

2. Un point d'alerte : la dégradation de la situation financière des établissements d'enseignement agricole dans un contexte d'inflation

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, sur 219 lycées, 37 % (82 lycées contre 94 lycées en 2021) réalisent un résultat positif et 8 % (18 lycées contre 25 lycées en 2021) sont à l'équilibre, 54 % (119 lycées contre 100 en 2021) présentent un résultat déficitaire. Pour 54 % d'entre eux (37 % en 2021) le résultat se dégrade tandis que pour 34 % (contre 51 % en 2021), le résultat s'améliore. 18 établissements, soit 5 de plus que l'an dernier, sont en situation de crise financière.

Part des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole en situation de crise financière

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

4 Crise potentielle ou avérée

16 %

19 %

20 %

19 %

18 %

22 %

3 Inquiétudes

30 %

27 %

27 %

24 %

25,5 %

23 %

2 Quelques questions

32 %

30 %

28 %

29 %

25,5 %

26 %

1 Situation financière saine

22 %

24 %

25 %

28 %

31 %

30 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire 

La situation financière des établissements publics avait déjà été fragilisée par la crise sanitaire. Si l'année 2022 avait semblé amorcer une sortie de crise, la forte inflation qui a touché notamment les produits alimentaires et les charges de viabilisation (crise énergétique), ainsi que l'augmentation des charges liées aux services extérieurs due à la reprise des sorties et voyages d'études post crise sanitaire ont pu entraîner des difficultés pour certains établissements.

La Cour des comptes a souligné en 2021 le déficit d'objectivation - et donc de pilotage - du coût de l'enseignement technique agricole18(*). Elle a souligné que le niveau de la subvention publique aux établissements agricoles privés repose sur une méthodologie décorrélée de la dépense réelle des établissements et sans distinction des coûts de chaque niveau de formation.

Le rapporteur spécial se félicite de la trajectoire positive à l'échelle de l'ensemble des établissements, mais il n'en demeure pas moins que près de la moitié des établissements restent dans une situation difficile ou de crise. Ce constat inquiétant doit impliquer un suivi attentif, en particulier alors que l'inflation semble devoir se maintenir à un niveau plus élevé.

Les établissements présentent néanmoins un résultat excédentaire global de 25,7 millions d'euros, dont 16,8 millions dégagés par les CFA. Ce sont les centres de formation des apprentis (CFA) et centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA) qui, par leurs résultats plus majoritairement positifs, compensent les résultats des lycées, déficitaires dans 54 % des cas.

Ainsi, il importe de souligner la fragilité du système, la santé financière apparemment favorable de la plupart des établissements reposant essentiellement sur les recettes générées par les contrats d'apprentissage. Un tel système conduit donc à une forme d'externalisation du soutien de l'État en faveur de l'enseignement agricole hors de la mission « Enseignement scolaire ».

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » sont considérés comme adoptés par l'Assemblée nationale avec modification, le Gouvernement retenant quatre amendements dans l'élaboration du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

L'amendement de notre collègue Michel Lauzzana et plusieurs de ses collègues majore d'1,5 million d'euros les crédits de l'action 06 - Actions éducatives complémentaires aux enseignements du programme 230 « Vie de l'élève », afin de renforcer le dispositif permettant à un élève empêché par une maladie grave de bénéficier d'un robot de téléprésence.

Un autre amendement, de notre collègue Erwan Balanant et plusieurs de ses collègues, augmente de 30 millions d'euros l'action 01 - Pilotage et mise en oeuvre des politiques éducatives - du programme 214 « Soutien de la politique de l'Éducation nationale » afin de mettre en place des brigades anti-harcèlement scolaire, venant en appui des équipes pédagogiques des établissements scolaires.

Un troisième amendement de notre collègue Jean-Claude Raux et plusieurs de ses collègues prévoit d'augmenter de 800 000 euros les crédits dédiés à l'expérimentation des territoires éducatifs ruraux (TER) dans le premier degré.

Enfin, un amendement d'Émilie Bonnivard crée un fonds national d'aide au départ en voyages scolaires pour les écoles primaires, doté de 3 millions d'euros, en majorant les crédits de l'action 06 du programme 230.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 53

Création des pôles d'appui à la scolarité (PAS)

Le présent article prévoit la substitution progressive, à partir de la rentrée 2024 et jusqu'à 2026 des pôles inclusifs d'accompagnement localisé par les pôles d'appui à la scolarité (PAS). En 2024, 100 PAS devraient être mis en place dans trois départements, avant la généralisation progressive du dispositif.

Les PAS doivent apporter une réponse de premier niveau pour la scolarisation des élèves à besoins particuliers, en amont de la notification d'accompagnement spécialisé émise par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH). Les PAS ont également vocation à déterminer la quotité d'accompagnement attribué à chaque élève, une fois intervenue la décision de la MDPH.

La réorganisation des modalités de la gouvernance et du fonctionnement de l'école inclusive prévues par le présent article ne semblent pas relever du domaine des lois de finances. Par ailleurs, eu égard à l'importance de ces questions de fond, il semble préférable de réserver ce débat à un texte portant spécifiquement sur ce sujet, sans nier pour autant la nécessité de faire évoluer le fonctionnement actuel de la prise en charge à l'école des élèves en situation de handicap.

La commission des finances propose donc de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LES PÔLES INCLUSIFS D'ACCOMPAGNEMENT LOCALISÉ DEVAIENT PERMETTRE DE MIEUX RÉPONDRE À L'OBLIGATION DE SCOLARISATION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP

A. UNE OBLIGATION DE SCOLARISATION DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP

L'article 19 de la loi du 11 février 200519(*) garantit à tous le droit à l'éducation. L'article L. 112-1 du code de l'éducation prévoit donc que « le service public de l'éducation assure une formation scolaire, professionnelle ou supérieure aux enfants, aux adolescents et aux adultes présentant un handicap ou un trouble de la santé invalidant ». Ce même article précise que tout enfant ou adolescent présentant un handicap ou un trouble invalidant de la santé est inscrit dans l'école ou dans un établissements médico-social, le plus proche de son domicile, qui constitue son établissement de référence.

L'article L. 351-1 du code de l'éducation prévoit que la décision de scolarisation en école ordinaire, ainsi que les dispositions nécessaires à la scolarisation, sont prises par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles.

Le premier alinéa de l'article L. 351-3 du code de l'éducation prévoit que ces enfants peuvent bénéficier d'une aide individuelle, notamment apportée par un accompagnant d'élève en situation de handicap (AESH). Le deuxième alinéa du même article dispose que cette aide peut également être sous forme mutualisée, également apportée par un AESH. Son troisième alinéa prévoit que l'aide individuelle peut aussi être assurée par une association ou un groupement d'associations ayant conclu une convention avec l'État.

B. UNE CROISSANCE TRÈS IMPORTANTE DU NOMBRE D'ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP

Conséquence de ces évolutions législatives, depuis 2006, le nombre d'élèves en situation de handicap (ESH) scolarisés en milieu ordinaire (écoles et établissements publics et privés) a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 élèves à la rentrée 2023). Entre 2022 et 2023, les effectifs ont crû de 9,6 %.

À l'échelle des 10 dernières années, le nombre d'élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire est passé de 136 000 dans le premier degré et 89 000 dans le second degré à respectivement 223 000 et 214 000, soit une hausse de 86 % des effectifs dans le primaire et près de 140 % dans le secondaire. En moyenne, au cours des cinq dernières années, 10 000 élèves en situation de handicap de plus sont scolarisés chaque année dans le premier degré. Dans le second degré, le nombre d'élèves croît de 8 % en moyenne par an, ce qui correspond annuellement à 15 000 élèves supplémentaires.

Pour une analyse plus détaillée, le rapporteur spécial renvoie à ses observations sur l'école inclusive supra.

Évolution de la scolarisation des élèves en situation de handicap depuis 10 ans

(en milliers)

Source : commission des finances d'après la DEPP

C. LA GOUVERNANCE LOCALE DE L'ÉCOLE INCLUSIVE : LES PÔLES INCLUSIFS D'ACCOMPAGNEMENT LOCALISÉS (PIAL)

L'article 25 de la loi pour une école de la confiance20(*) a modifié l'article L. 351-3 du code de l'éducation pour créer à son quatrième alinéa les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Les PIAL sont chargés de coordonner les moyens d'accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l'enseignement public et de l'enseignement privés sous contrat. Ce dispositif était mis en place sous forme expérimentale dès 2018 et a été généralisé à la rentrée 2019.

La mise en place de ces PIAL traduit l'une des préconisations du rapport commun des inspections générales des affaires sociales, de l'éducation nationale et de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche relatif à l'évaluation de l'aide humaine des élèves en situation de handicap, recommandant l'organisation de l'accompagnement des élèves handicapés au niveau de l'établissement, ou dans le premier degré, de la circonscription.

L'objectif des PIAL est de « mobiliser l'ensemble des personnels de l'équipe pédagogique et éducative pour identifier les besoins des élèves, pour mettre en oeuvre les réponses adéquates au niveau de la classe, mais aussi, de l'école ou de l'établissement scolaire : aide humaine, pédagogique et éducative »21(*). Ces PIAL poursuivent trois grands objectifs rappelés en annexe de la circulaire de rentrée 2019, à savoir le renforcement de la territorialisation de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, une organisation plus flexible de l'aide humaine pour les établissements et, enfin, l'amélioration de la professionnalisation et des conditions de travail des AESH.

L'organisation et la dotation du PIAL doivent permettre la prise en compte des nouvelles notifications d'aide humaine en cours d'année scolaire, en complétant le cas échéant le temps de service de l'AESH sans avoir forcément recours à un nouveau recrutement.

Depuis la rentrée 2021, il existe des PIAL sur l'ensemble du territoire. On en dénombre près de 4 000, dont 2 600 dans l'enseignement public, 307 dans l'enseignement privé sous contrat, et 998 mixtes (publics et privés sous contrat).

Chaque directeur académique des services de l'Éducation nationale (DASEN) définit un périmètre des PIAL en fonction des spécificités de son territoire. Le PIAL peut s'organiser selon trois modalités : le PIAL à l'échelle du premier degré, le PIAL à l'échelle du second degré et le PIAL inter-degré.

Dans le premier cas, le PIAL est piloté par l'inspecteur de l'Éducation nationale chargé d'une circonscription du premier degré (IEN-CCPD). Dans le second degré, il s'agit du chef d'établissement. Dans le cas d'un PIAL inter-degré, cela peut être l'un ou l'autre, ce qui permet aux AESH d'intervenir indifféremment dans le premier ou le second degré.

Nombre de pôles inclusifs d'accompagnement localisés

 

Rentrée 2021

Rentrée 2022

 

Rentrée 2023

Enseignement public

2 716

2 609

1er°

268

Enseignement privé

307

348

2nd°

267

PIAL mixte (public et privé)

998

1 132

Interdegré

3 443

Total nombre de PIAL

4 021

4 089

Total nombre de PIAL

3 978

Dont nombre PIAL renforcés

552

864

Dont PIAL renforcés

632

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Il est précisé à la dernière phrase du quatrième alinéa de l'article L. 351-3 du code de l'éducation que « ces dispositifs visent à mieux prendre en compte les besoins éducatifs particuliers de l'élève en situation de handicap en vue du développement de son autonomie ».

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION DE PÔLES D'APPUI À LA SCOLARITÉ SE SUBSTITUANT AUX PIAL D'ICI 2026

Le présent article prévoit une nouvelle rédaction intégrale de l'article L. 351-3 du code de l'éducation.

Le I du nouvel article L. 351-3 tel que modifié par le présent article prévoit la création de pôles d'appui à la scolarité (PAS) chargés de définir, accueillir et accompagner dans les établissements scolaires de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat les élèves à besoins éducatifs particuliers.

Le PAS permettrait ainsi une phase d'instruction préalable à celle des MDPH, pour les élèves déjà scolarisés en établissement : le cinquième alinéa du présent article prévoit que les PAS « expertisent les besoins de l'élève au cours d'un échange avec lui et ses représentants légaux ».

Intervenant en amont de la prescription de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées, notamment sur demande des parents, les PAS « définissent, coordonnent et assurent la mise en oeuvre de réponses de premier niveau, qui prennent notamment la forme d'adaptations pédagogiques, de mise à disposition de matériel pédagogique adapté, et d'intervention de personnels de l'éducation nationale en renfort ou, dans un cadre fixé par voie de convention, de professionnels des établissements et services médico-sociaux ». Si les parents de l'élève ne sont pas satisfaits de la réponse de premier niveau apporté par le PAS, ils conservent la possibilité de saisir la MDPH afin d'obtenir une demande de reconnaissance de handicap et de compensation. Dans ce cas, le sixième alinéa du présent article prévoit que le PAS apporte tout conseil utile pour l'accomplissement de ces démarches et transmet à la MDPH tout élément d'appréciation.

Le PAS a vocation à constituer une interface entre les élèves et leurs parents d'une part, les établissements et équipes éducatives d'autre part et enfin les institutions médico-sociales. Le huitième alinéa du présent article prévoit que tout personnel pédagogique peut saisir le PAS afin de disposer de formation ou de ressources et pratiques pédagogiques.

Le II du nouvel article L. 351-3 tel que modifié par le présent article dispose que, après qu'une aide, individuelle ou mutualisée, a été notifiée par la MDPH, le PAS « en détermine les modalités de mise en oeuvre et organise son exécution ». En particulier, le douzième alinéa du présent article indique que le PAS définit la quotité horaire de cet accompagnement, ce qui constitue un changement majeur par rapport à la situation actuelle, où celle-ci est déterminée par la MDPH.

Cette aide, comme dans le droit actuel, peut être apportée par un AESH ou par une association ou un groupement d'associations ayant conclu une convention avec l'État.

Enfin, le treizième alinéa du présent article prévoit également la création d'une commission mixte associant, dans le département, des personnels de santé et des personnels éducatifs, chargée de déterminer les modalités de l'aide accordée à l'élève en cas de désaccord entre le PAS et les parents. La composition et les modalités de saisine et de fonctionnement de cette commission sont renvoyées à un décret.

Le III de l'article L. 351-3 tel que modifié par le présent article renvoie également à un décret la définition des modalités pratiques de déploiement des PAS.

Le II du présent article prévoit que les PAS sont mis en place de manière progressive dès la rentrée 2024 dans certains départements définis par décision du ministre chargé de l'éducation. Si les dispositions actuellement en vigueur demeurent valables pour les départements n'étant pas concernés par cette expérimentation, la dernière phrase du II prévoit que les PAS sont intégralement déployés, et donc présents dans tous les départements, au plus tard le 1er septembre 2026. Dès leur création, les PAS se substituent, dans chaque département, aux PIAL.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN CHANGEMENT MAJEUR DANS L'ORGANISATION DE L'ÉCOLE INCLUSIVE QUI NE RELÈVE PAS DU DOMAINE DES LOIS DE FINANCES

A. UN CONSENSUS SUR LES LIMITES DU FONCTIONNEMENT ACTUEL ET SUR LA NÉCESSITÉ DE RAPPROCHER DU TERRAIN LA PRISE EN CHARGE DES ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP

Face à l'évidente impossibilité de poursuivre l'actuelle dynamique, qui, outre son coût exponentiel, laisse de côté certains enfants et devient difficilement soutenable pour les enseignants, les rapports et analyses se multiplient, au Sénat comme dans les différents corps d'inspection. Le précédent rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire » a ainsi longuement souligné l'absence de soutenabilité à long terme du modèle de déconnexion entre le prescripteur et le payeur.

Notre collègue Cédric Vial a mené une analyse similaire à la commission de la culture22(*), concluant que « le phénomène de massification de l'aide humaine traduit aussi les dysfonctionnements d'un système d'inclusion scolaire, qui a privilégié une logique quantitative, à travers le développement exponentiel de mesures de compensation, au détriment d'une démarche qualitative ».

En 2022, une mission commune IGF-IGESR soulignait une « complexité qui obère tout pilotage d'ensemble » et indiquait que « le droit à l'instruction reconnu aux élèves en situation de handicap ne saurait se limiter au seul accompagnement humain et doit être l'occasion d'initier une réflexion d'ensemble sur l'école inclusive » 23(*). Une autre mission interinspection IGESR-IGAS, met en avant à l'été 2023 une coopération entre l'éducation nationale et le médico-social « encore trop disparate »24(*).

Alors que le système actuel produit de l'insatisfaction pour certaines familles comme pour les enseignants, il semble indispensable de procéder à une réorganisation d'ampleur des liens entre l'Éducation nationale et le médico-social. À ce titre, le choix d'opter pour une réponse de premier niveau pour certains élèves, décorrélée des notifications de la MDPH, semble de nature à apporter une réponse plus rapide pour certains élèves en difficulté. En outre, le rapporteur spécial considère qu'il n'est pas incohérent de rapprocher la décision de la quotité horaire d'accompagnement des enseignants, qui ont une expérience quotidienne des élèves et pourront peut-être davantage s'adapter à leurs besoins.

Le rapporteur spécial souligne l'importance d'associer au pilotage des PAS les enseignants référents, dont la connaissance et l'expérience de terrain demeurent précieuses.

B. DES NOMBREUSES MODALITÉS CONCRÈTES DOIVENT ENCORE ÊTRE DÉTERMINÉES, POUR UN COÛT DU DISPOSITIF DIFFICILE À ÉVALUER

1. Un déploiement progressif mais sans être conditionné au succès des PAS dans les départements-test

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, les 100 premiers PAS devraient se déployer en 2024 dans trois départements, qui verraient l'intégralité des PIAL existants être remplacés par ce nouveau dispositif.

Si elle se fait effectivement de façon progressive, le rapporteur spécial souligne que la substitution des PAS aux PIAL ne constitue pour autant pas une expérimentation. En effet, aucun bilan d'étape n'est prévu par le présent article, et l'extension à l'intégralité des départements d'ici à 2026 n'est en aucun cas conditionnée à la réussite du dispositif dans les trois premiers départements.

Un tel choix ne peut d'ailleurs qu'interroger. Il eût été davantage logique de privilégier une évaluation intermédiaire avant d'opter pour l'extension des PAS à la totalité du territoire. Ce choix est d'autant plus regrettable que la mise en place des PIAL, dont la généralisation date d'il y a à peine quatre ans, n'a pas non plus fait l'objet d'une réelle évaluation, bien que les limites en aient été soulignées par l'ensemble des acteurs.

2. Un coût du dispositif difficilement évaluable

Il est complexe de déterminer le bilan en termes de coûts de la mise en place des PAS. D'une part, il n'existe pas, à la connaissance du rapporteur spécial, d'estimation précise du coût des PIAL. Or, une partie des crédits nécessaires à la mise en place des PAS s'appuiera sur les structures existantes.

D'autre part, d'après les informations transmises au rapporteur spécial, l'objectif serait de parvenir à terme à la création de 3 000 PAS, soit un nombre inférieur au nombre actuel de PIAL.

Concernant les moyens spécifiques dédiés aux PAS, le présent projet de loi prévoit la création de 100 ETP, correspondant à un poste d'enseignant référent pour chacun des PAS créé la première année. Il est cependant évident que, selon les modalités concrètes de mise en place des PAS prévues par décret, et qui demeurent des inconnues, des moyens supplémentaires devront être attribués.

La mission inter-inspections portant sur la mise en place de « l'acte II » de l'école inclusive25(*), dont les conclusions devraient préfigurer le fonctionnement définitif des PIAL, note le besoin de « renforcer sensiblement les moyens sur les territoires », tablant sur une fourchette assez large de « création de 150 à 900 emplois », s'agissant uniquement du recrutement d'enseignants spécialisés dont les missions seront exclusivement consacrées au PAS. Selon les informations transmises au rapporteur spécial, deux personnels médico-sociaux devraient être mis à disposition par le département par voie de convention.

Le coût d'un PAS selon la mission d'août 2023

Au total, le déploiement des PAS, supposera une mobilisation de moyens conséquente, pour l'éducation nationale comme pour le médico-social. Dans le schéma proposé par la mission, le coût approximatif d'un PAS représenterait 250 à 300 000 euros :

- un personnel de direction (budget éducation nationale : environ 60 000 à 70 000 euros, si on prend comme référence un directeur de SEGPA) ;

- un enseignant spécialisé (budget éducation nationale : environ 55 000 euros) ;

- une ressource administrative (budget éducation nationale : environ 20 000 euros, en considérant une ressource à mi-temps) ;

- une équipe médico-sociale (financements médico-sociaux : 100 à 150 000 euros, selon la référence des équipes mobiles d'appui médico-social à la scolarisation des enfants en situation de handicap-EMASco).

L'ensemble de ces coûts ne sont pas des coûts nets. Ainsi, côté médico-social, les financements des EMASco ou de certains PIAL renforcés sont déjà existants.

Source : Acte II de l'école inclusive, Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et Inspection générale des affaires sociales, août 2023

Si les hypothèses retenues par la mission sont effectivement celles adoptées, le coût total des PAS serait de 885 millions d'euros. Cela ne signifie pas, comme souligné auparavant, que la mise en place des PAS nécessite autant de moyens nouveaux.

S'agissant des moyens dédiés aux 100 PAS en 2024, ils représentent un impact de 100 ETP sur le schéma d'emplois et de 1,3 million d'euros pour la période de septembre à décembre 2024. En 2025, une hypothèse indicative de montée en charge avec une cible à 660 ETP est retenue, correspondant à un coût en année pleine de 24 millions d'euros. Le coût total des ETP supplémentaires serait, une fois le dispositif totalement déployé, de 108 millions d'euros. Il ne s'agit ici cependant que des postes d'enseignants spécialisés.

Coût minimal de la mise en place des PAS

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les évaluations préalables

Actuellement, les missions des PIAL sont réalisées par des personnels qui exercent des fonctions d'enseignement ou de direction et dont la fonction de référent est une activité complémentaire, qui est rémunérée via une indemnité pour mission particulière (IMP). Le montant de ces IMP devrait donc diminuer d'autant.

En outre, l'impact budgétaire des PAS est d'autant plus complexe à déterminer qu'ils ont notamment pour objectif de mieux adapter l'aide apportée aux élèves à besoins particuliers. Cela pourrait notamment impliquer de limiter la part d'aide humaine individuelle au profit de davantage d'aide mutualisée ou de matériel adapté. Il n'est cependant pas possible en l'état de déterminer quel sera l'impact de la création des PAS sur les notifications des MDPH d'une part et sur la typologie de l'aide apportée d'autre part.

C. UN PLACEMENT EN LOI DE FINANCES QUI NE PEUT QU'INTERROGER

Le rapporteur spécial s'interroge sur la place en loi de finances du présent article, dans la mesure où, les modalités de la gouvernance et de l'organisation de l'école inclusive prévues par le présent article ne semblent pas relever du domaine des lois de finances tel que défini à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF).

En effet, cet article de la LOLF réserve l'inscription en seconde partie de la loi de finances des dispositions affectant directement les dépenses budgétaires de l'année et d'une ou de plusieurs années ultérieures. Or, si cet article a effectivement in fine un coût, à l'instar de l'ensemble des mesures relevant d'une politique publique donnée, ce coût ne constitue pas en tant que tel une dépense nouvelle. Comme indiqué plus haut, l'impact budgétaire de cet article n'est pas réellement évaluable, dans la mesure où il dépend de la structuration générale de l'école inclusive choisie par le Gouvernement.

Par ailleurs, eu égard à l'importance du présent article pour l'organisation générale de l'école inclusive, il semble préférable de réserver ce débat à un texte portant spécifiquement sur ce sujet. Pour cette raison la commission propose un amendement FINC.1 de suppression de l'article 53.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 54

Suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP)

Le présent article prévoit la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP). Ce fonds a été créé en 2013 pour inciter les communes à mettre en place la réforme des rythmes scolaires, mais concerne aujourd'hui un nombre restreint de communes, du fait des évolutions réglementaires intervenues entre temps. Son montant s'élève à 41 millions d'euros en 2023.

Le FSDAP constitue toujours un soutien de l'État pour aider les communes à maintenir la qualité de leur offre périscolaire. En conséquence, la suppression du fonds apparaît regrettable et constitue un signal défavorable envoyé aux collectivités ayant fait le choix de maintenir la semaine de 4,5 jours.

La commission des finances propose de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE FONDS DE SOUTIEN AU DÉVELOPPEMENT DES ACTIVITÉS PÉRISCOLAIRES VERSE UNE AIDE AUX COMMUNES

4. Un fonds de soutien créé lors de la mise en place de la semaine de 4,5 jours

Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) a été créé par l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République (LOPRER).

Il a pour objectif de verser aux communes - et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en cas de transfert de la compétence de gestion des activités périscolaires des écoles - une aide au titre de la fourniture d'une offre d'activités périscolaires pour les communes dont les élèves sont scolarisés 9 demies-journées par semaine. L'objectif de ce fonds lors de sa mise en place était d'inciter les communes à adopter les nouveaux rythmes scolaires prévus par la loi LOPRER. 

L'article 128 de la loi de finances pour 201726(*) a ajouté une condition supplémentaire au bénéfice de ces aides pour les communes, à savoir l'inscription des activités périscolaires dans le cadre d'un projet éducatif territorial (PEDT).

Ce même article 67 dispose que les élèves des écoles privées sous contrat sont également pris en compte pour le calcul des aides versées par le FSDAP aux communes27(*). Cependant, sont uniquement prises en compte les écoles privées sous contrat pour lesquelles l'organisation est la même que celle des écoles publiques de la commune et, bien entendu, à condition que les élèves bénéficient d'activités périscolaires organisées par la commune.

S'agissant des modalités de calcul des montants versés du FSDAP, ils sont constitués de deux parts : une part forfaitaire par élève, et une part majorée, également versée par élève, réservée aux communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale « cible » ou à la dotation de solidarité rurale « cible ». Les montants de ces différentes parts ont été définis par arrêté. Celui-ci étaient fixés depuis 2015 à 50 euros pour la part socle et 40 euros pour la part complémentaire28(*).

2. Des évolutions réglementaires qui ont limité le nombre de communes bénéficiaires

Toutefois, les possibilités d'organisation de la semaine scolaire ont été assouplies par décret en 201729(*). En conséquence, l'article 87 de la loi de finances rectificative pour 201730(*) a modifié l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 en ouvrant la possibilité de bénéficier du FSDAP aux communes ayant adopté une semaine scolaire organisée en huit-demi journées comprenant cinq matinées. Les communes ayant fait le choix de revenir à la semaine de 4 jours sont donc exclues du bénéfice du fonds.

En conséquence, le nombre de communes bénéficiant du FSDAP a évolué à la baisse au fur et à mesure qu'un nombre croissant de communes revenaient à la semaine de 4 jours, celles-ci représentant actuellement 93 % des communes. Alors que 22 000 communes percevaient du FSDAP lors de sa création, elles ne sont aujourd'hui plus qu'un peu moins de 1 500.

Considérant que l'efficacité du dispositif n'était pas démontrée, le Gouvernement a décidé par arrêté en septembre 2023 de diviser par deux les montants versés par élève au titre du FSDAP31(*).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SUPPRESSION DU FONDS DÈS 2024

L'unique alinéa du présent article abroge l'article 67 de la loi du 8 juillet 2013 à compter du 1er septembre 2024. En conséquence, le fonds est supprimé dès la prochaine rentrée.

III. LE DISPOSITIF CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION :

Dans le cadre du texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, un amendement rédactionnel déposé par le rapporteur spécial, M. Robin Reda, et plusieurs de ses collègues, a été retenu, ainsi que deux amendements identiques.

Ces amendements décalent à 2025 la suppression du FSDAP, qui serait donc maintenu pour 2024.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE SUPPRESSION REGRETTABLE DU FSDAP SANS CONCERTATION AVEC LES COLLECTIVITÉS

S'il est vrai que le FSDAP ne constitue plus à proprement parler une incitation à opter pour la semaine de 4,5 jours, il constitue toujours un soutien de l'État pour aider les communes à maintenir la qualité de leur offre périscolaire. En conséquence, les communes devraient compenser sur leurs fonds propres ou rogner sur la qualité et le nombre des activités périscolaires fournies aux enfants. L'évaluation préalable au présent PLF ne saurait le dire plus clairement : « afin de maintenir le même nombre d'activités périscolaires, les communes pourraient être amenées à financer ces activités en redéployant les crédits nécessaires de leur budget ». Le FSDAP s'élève tout de même encore à 41 millions d'euros.

Si l'ambition affichée par le présent article est, aux termes de l'évaluation préalable, de « réinterroger l'action de l'État en faveur de l'accompagnement des communes au déploiement d'une activité périscolaire de qualité », il est douteux que la suppression d'une aide sans concertation avec les communes et alors que les activités périscolaires étaient déjà organisées pour la nouvelle année scolaire, soit la meilleure manière d'y parvenir.

Le Gouvernement semble d'ailleurs être conscient des difficultés déjà causées par la brusquerie de l'annonce de la réduction de moitié, par l'arrêté mentionné supra, des sommes versées au titre du FSDAP. La Première ministre a indiqué qu'elle allait renoncer à son application pour la fin 2023. Le décalage de la suppression du fonds à 2025 retenu par le Gouvernement dans le texte transmis au Sénat va dans le même sens, sans répondre à la problématique de fond.

En conséquence, il semble opportun de maintenir le soutien de l'État aux communes ayant fait le choix de ne pas revenir aux modalités d'organisation antérieures. La commission propose donc un amendement FINC.2 de suppression de cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer le présent article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial, sur la mission « Enseignement scolaire ».

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport spécial de M. Olivier Paccaud sur les crédits de la mission « Enseignement scolaire » et les articles 53 et 54.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial de la mission « Enseignement scolaire ». - La mission « Enseignement scolaire » représente toujours la première mission du budget de l'État, hors charge de la dette. En y incluant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », les crédits de la mission devraient atteindre 86 milliards d'euros en 2024 ; sans le CAS, le montant s'élèverait à 63,64 millions d'euros.

Depuis ces deux dernières années, les crédits de la mission sont en forte hausse. En 2024, ils sont supérieurs de 3,9 milliards d'euros à ceux de 2023, soit une hausse de 6,5 %, et de 7,6 milliards d'euros à ceux de 2022, soit une hausse de 13,6 %. La dynamique devrait se ralentir les prochaines années.

Cette hausse résulte, pour une large part, de mesures générales qui concernent l'ensemble de la fonction publique. Les relèvements successifs du point d'indice - 3,5 % en 2022 et 1,5 % en 2023 - contribuent à hauteur de 2,5 milliards d'euros à l'évolution de la mission en 2023 et 2024. Il s'agit d'une dynamique de rattrapage. Pendant des années, nous avons laissé la situation salariale des enseignants se dégrader.

Sans faire de misérabilisme, soyons lucides et objectifs. Le salaire de nos enseignants a diminué, en euros constants par rapport à 2002, de 8 % pour les professeurs du premier degré et de 5 % pour ceux du second degré. La dégradation de leur pouvoir d'achat a atteint 12 % en vingt ans pour les enseignants en fin de carrière. En 2021-2022, le salaire effectif moyen des professeurs des écoles, pourtant titulaires d'un master, représentait à peine les trois quarts du revenu moyen des actifs diplômés. Nous avons pris un large retard par rapport à nos voisins européens. Et si ce n'est une vocation passionnée, le chemin vers les estrades ne saurait reposer sur l'appât du gain.

En parallèle, un climat scolaire toujours plus tendu et le sentiment d'un manque de reconnaissance de leur métier par la société concourent également à détourner de nombreux jeunes de ce qui était jadis considéré comme le plus beau des métiers ; les chiffres concernant les démissions, notamment des professeurs stagiaires, sont très inquiétants. Le secteur connaît aujourd'hui une profonde crise de recrutement. L'année 2022 a été catastrophique en termes de nombre de candidats aux différents concours. Alors que le ministère de l'éducation nationale insistait sur le fait que ces résultats étaient liés à une année de transition engendrée par la réforme de la formation initiale des enseignants, l'année 2023 confirme le caractère structurel de cette tendance.

Nous ne pouvons donc que nous féliciter des hausses de rémunération prévues en 2024, qui doivent redonner un peu d'attrait au métier et quelques marges de manoeuvre aux enseignants et aux autres personnels qui en bénéficient. Mais n'oublions pas que le contexte inflationniste limite l'impact de ces moyens nouveaux sur le pouvoir d'achat.

La revalorisation dite « socle », mise en place en septembre 2023, assure un doublement des indemnités de suivi et d'orientation des élèves (Isoe) perçues par les enseignants du secondaire et des indemnités de suivi et d'accompagnement des élèves (Isae) perçues par les professeurs des écoles. Leur montant atteint 2 550 euros bruts par an, soit un gain annuel brut de 1 350 euros.

En complément, la prime d'attractivité est revalorisée durant les quinze premières années de carrière, pour un montant compris entre 600 et 1 780 euros bruts annuels. Lorsqu'on ajoute ces deux facteurs, le gain annuel brut s'élève à 2 074 euros après la titularisation. Le gain maximum est atteint par les enseignants entre six et huit ans de carrière, qui bénéficient d'une hausse annuelle s'élevant à 3 074 euros. Une fois passé ce stade de la carrière, le gain annuel moyen diminue et atteint 1 294 euros après 15 ans de carrière.

Le déploiement du pacte enseignant est une source optionnelle d'augmentation, nouvelle version du « travailler plus pour gagner plus ». Sur ce sujet, les textes d'application n'ont été publiés que tardivement au cours de l'été, ce qui a pu engendrer une certaine confusion. Les enseignants peuvent choisir de réaliser une à trois missions, rémunérées chacune à hauteur de 1 250 euros bruts annuels. Lorsqu'un enseignant opte pour les trois missions, il peut bénéficier au maximum de 3 750 euros bruts supplémentaires par an.

Ces missions peuvent concerner du face-à-face avec les élèves ; par exemple, un remplacement de courte durée ou une aide aux devoirs. Il peut également s'agir d'un engagement annuel, comme l'accompagnement de projets pédagogiques ou l'exercice de missions de coordination. Sont donc intégrées dans le pacte des missions déjà effectuées par certains enseignants.

Lors des auditions, le ministère a mis en avant ce qu'il considérait être un bon démarrage du dispositif. Les syndicats enseignants, de leur côté, sont plus nuancés. À date, environ un quart des enseignants devraient avoir souscrit au pacte, avec une forte hétérogénéité selon les établissements et les degrés. Les ambitions ont été revues à la baisse au cours de l'été. Initialement, le ministère avait déclaré qu'il aurait besoin de 900 millions d'euros en 2024, et, in fine, seulement 628 millions ont été ouverts au titre du pacte enseignant.

Ces améliorations ne doivent pas dissimuler les grandes disparités qui existent entre les enseignants. Par exemple, on peut s'étonner qu'il n'existe aucun aménagement spécifique pour les enseignants qui enseignent dans les classes multiples. Cette situation n'est pourtant pas anecdotique, dans la mesure où elle concerne neuf écoles sur dix. Dans notre pays, 44 % des classes sont à niveaux multiples, et ce pourcentage monte à 95 % en milieu rural profond. Il serait donc souhaitable d'engager une réflexion sur ce point, avec peut-être la création d'une « prime de multiples niveaux » ; mais cette possibilité n'est pas à l'étude au ministère.

Concernant les effectifs enseignants, ce projet de loi de finances (PLF) prévoit une réduction notable du nombre de professeurs. Plus de 2 300 fermetures de classes sont envisagées. Certes, la baisse démographique est importante et incontestable ; c'est l'argument avancé par le Gouvernement pour justifier ses choix. Mais les taux d'encadrement de nos élèves restant parmi les plus mauvais d'Europe, avec près de 26 élèves par classe au collège et 22 en élémentaire, on peut s'interroger sur la logique suivie par le Gouvernement qui, par ailleurs, met en exergue les bons résultats de ses dédoublements en grande section, cours préparatoire (CP) et cours élémentaire première année (CE1) en éducation prioritaire.

En matière d'éducation prioritaire, ce budget s'avère dans la continuité des précédents. Il oublie, hélas, la réforme de sa cartographie. Malgré les discours, la ruralité demeure un maillon faible du soutien aux élèves en difficulté. Et ce n'est pas le dispositif des territoires éducatifs ruraux (TER), dotés de 6 millions d'euros seulement, qui inversera la tendance.

En excluant les rémunérations des enseignants, les crédits consacrés à l'école inclusive, c'est-à-dire à la scolarisation des élèves en situation de handicap, constituent le premier facteur de hausse des dépenses de la mission au cours des dernières années. En 2024, 4,466 millions d'euros y seront consacrés, contre 3,8 milliards d'euros en 2023, et 3,6 milliards d'euros en 2022. Cette dynamique correspond à une hausse d'un quart des moyens totaux en deux ans seulement. Il s'agit évidemment d'une bonne chose. Mais cet effort quantitatif indéniable ne s'effectue-t-il pas au détriment du qualitatif ? Quid des élèves présentant des troubles du comportement et relevant de l'éducation spécialisée ? Le problème est totalement ignoré par le ministère actuel.

Les moyens humains consacrés à l'école inclusive ont été renforcés, essentiellement avec le recrutement de nombreux accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Nous devrions bientôt recenser 123 900 AESH, et 160 millions d'euros sont par ailleurs mobilisés dans ce PLF afin d'améliorer leur rémunération.

Enfin, je serai bref sur la réforme de la voie professionnelle, dont le principal impact budgétaire concerne la prise en charge des gratifications accordées aux élèves en stage. Son montant s'élève à 400 millions d'euros pour 2024. S'il est encore trop tôt pour avoir une idée de l'impact concret de la réforme, elle me semble aller dans le bon sens en accentuant les liens entre les élèves et le monde professionnel.

En dépit de ces remarques, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Enseignement scolaire » ; il s'agit d'un « oui mais » très giscardien.

J'aborderai maintenant les deux articles rattachés. L'article 53 prévoit la substitution progressive, à partir de la rentrée 2024 et étalée jusqu'à 2026, des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (Pial) par les pôles d'appui à la scolarité (PAS). En 2024, 100 PAS devraient être mis en place dans trois départements, avant la généralisation progressive du dispositif. Ces structures devront apporter une réponse de premier niveau pour la scolarisation des élèves handicapés. Ils pourront également déterminer la quotité d'accompagnement attribué à chaque élève, une fois intervenue la décision des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

Il s'agirait d'une transformation d'ampleur de l'organisation de l'école inclusive, qui mérite un débat à part entière. Cet article n'a pas d'impact budgétaire certain et ne relève donc pas du domaine des lois de finances. Eu égard à l'importance de ces questions, il semble préférable de réserver notre débat à un texte portant spécifiquement sur ce sujet. Je vous propose donc de supprimer cet article.

L'article 54 prévoit la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP), créé en 2013 pour inciter les communes à mettre en place la réforme des rythmes scolaires. Le FSDAP constitue toujours un soutien de l'État pour aider les communes à maintenir la qualité de leur offre périscolaire. En conséquence, la suppression de ce fonds apparaît regrettable et constitue un signal défavorable envoyé aux collectivités ayant fait le choix de maintenir la semaine de quatre jours et demi.

En septembre dernier, le Gouvernement a déjà tenté de diviser par deux le montant des sommes redistribuées aux collectivités au détour d'un arrêté. La Première ministre a finalement annoncé que cet arrêté ne serait pas appliqué. Je vous propose donc également de supprimer cet article.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Ma question porte sur la réforme des lycées professionnels. Je note l'ouverture de 80 nouvelles formations ayant l'ambition d'accueillir 1 000 élèves. Cet objectif me paraît très faible au regard des coûts engagés. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le sujet ?

M. Vincent Delahaye. - Je regrette de ne pas disposer chaque année d'un tableau de bord général, avec le nombre d'élèves, de classes et d'enseignants par niveau. Je suis surpris que l'on étudie ce type de budget sans détenir ces éléments.

On compte actuellement 1,2 million d'agents, dont environ 850 000 enseignants. Il reste donc 350 000 personnes ; j'aimerais savoir ce qu'elles font. La hausse des salaires et l'aide à l'école inclusive me semblent des dépenses utiles, mais sans doute peut-on réaliser des économies à d'autres endroits.

Mme Florence Blatrix Contat. - Si l'on peut saluer la hausse des crédits de ce budget, en partie consacrée à la revalorisation indispensable des enseignants, celle-ci ne permet pas de rattraper le retard accumulé ces vingt dernières années. Il faudrait aller plus loin, avec un plan de revalorisation pluriannuel et de meilleures perspectives en milieu et fin de carrière.

En matière de rémunération des enseignants, la France se situe en bas du classement européen, loin derrière l'Allemagne. Le métier d'enseignant n'est plus attractif. Cette année encore, environ 3 000 postes n'ont pas été pourvus au concours. Vous avez également évoqué le nombre des démissions qui augmente depuis déjà plusieurs années.

Au-delà de la rémunération, il y a la question des conditions de travail et d'enseignement. De ce point de vue, on ne peut que regretter la suppression de 2 500 postes, qui peut certes se justifier par la baisse des effectifs. Entre 2018 et 2021, 7 500 postes avaient déjà été supprimés, alors que les effectifs augmentaient de 68 000 élèves. Le Gouvernement avait l'occasion de réduire les classes surchargées, qui nuisent aux apprentissages des élèves et aux conditions de travail des enseignants. Depuis 2017, 10 000 postes d'enseignant ont été supprimés.

Par ailleurs, ce projet de loi ne prévoit pas suffisamment de postes dans le secteur médico-social, alors que les ressources sont indispensables pour lutter contre le harcèlement scolaire, le décrochage et la détection de troubles liés à la santé mentale.

Nous partageons l'avis du rapporteur spécial concernant le FSDAP. Sa suppression aurait été une mauvaise nouvelle, et son report à 2025 n'est pas non plus une solution. Nous soutenons l'amendement visant à supprimer l'article.

M. Thomas Dossus. - Si la dépense publique a explosé, l'éducation nationale n'en a pas bénéficié. Le gel des salaires des enseignants, qui a trop duré, correspond à une baisse effective. Si l'on tient compte à la fois des décisions du passé, de l'inflation actuelle et de l'échec partiel du pacte enseignant, les hausses annoncées relèvent de l'enfumage.

La diminution du nombre de postes est une mauvaise idée. Le Gouvernement aurait pu saisir l'opportunité d'augmenter le taux d'encadrement. Par ailleurs, le manque d'investissement dans la santé scolaire constitue un maillon faible dans la lutte contre le harcèlement.

Monsieur le rapporteur spécial, vous proposez la suppression de l'article 53. Les Pial sont très décriés et il s'agit de trouver un nouveau mode d'organisation. Mais certaines dispositions de l'article 53 s'avèrent problématiques ; je partage donc la volonté de suppression, afin de pouvoir discuter du sujet dans un projet de loi dédié. De même, je soutiens la suppression de l'article 54.

M. Michel Canévet. - Concernant l'article 53, je note qu'il est présenté par le Gouvernement comme une expérimentation. Si l'on souhaite rendre le dispositif opérationnel dès la prochaine rentrée scolaire, il convient de prendre rapidement les dispositions. Des difficultés d'intégration demeurent pour les personnes en situation de handicap. Avant qu'un projet de loi sur le sujet ne soit programmé, l'année scolaire risque d'être passée.

Après l'apocalyptique tableau dressé des finances publiques, je m'étonne que le rapporteur spécial déplore la suppression de 2 500 postes. Cette réduction des effectifs tient à la baisse considérable de la démographie dans notre pays, puisque nous sommes passés de 800 000 à 700 000 naissances par an. Il s'agit d'être cohérent, et cela me paraît surréaliste de dénoncer à la fois l'augmentation des dépenses publiques et la diminution des postes d'enseignant.

M. Dominique de Legge. - Chaque année, nous assistions à des fermetures de classe. Nous savons également que la démographie ne cesse de baisser et que nos enseignants sont mal payés. Il y a un vrai sujet autour de la gestion des ressources humaines, d'autant que l'éducation nationale est le premier employeur de France.

Avez-vous une idée du pourcentage des personnels directement affectés à la tâche auprès des élèves ? Avez-vous également une idée du nombre de personnels détachés de l'éducation nationale vers d'autres opérateurs et du nombre total de personnels administrant l'éducation nationale ?

M. Arnaud Bazin. - Je soutiens la suppression de l'article 53. En effet, certains droits risquent de disparaître, et cela inquiète beaucoup les parents d'enfants handicapés.

Nous devrions disposer d'une analyse montrant le ratio entre le nombre d'enseignants auprès des élèves et le nombre d'élèves au cours des dernières années et en se projetant dans l'avenir. Peut-être faut-il neutraliser l'effet des dédoublements de classes, pour lesquels l'accord est général, afin de ne pas fausser l'analyse. Quant aux personnels non enseignants, il s'agirait de savoir le contenu exact de leurs tâches.

Mme Christine Lavarde. - Dans son introduction, le rapporteur spécial a précisé que les crédits de sa mission étaient les plus importants. Si l'on considère la part des dépenses de l'éducation nationale dans celle des dépenses non couvertes par les lois de programmation, on doit avoisiner les 50 %. Or, si l'on souhaite réaliser des économies pour réduire les dépenses publiques, il va bien falloir s'attaquer à ces gros budgets. Dans ce ministère de l'éducation nationale, la part des personnels s'occupant d'administrer semble pléthorique. Que fait-on avec ces derniers ?

Dans le département des Hauts-de-Seine, on observe des fermetures de classes liées à une décroissance des effectifs dans les écoles publiques, alors que les écoles privées, dans le même temps, présentent des listes d'attente. L'école publique est-elle encore en mesure d'assumer sa mission ? Ne devrait-on pas relâcher l'étau et revoir la loi de 1984 ?

M. Stéphane Sautarel. - Je remercie le rapporteur spécial pour son éclairage concernant l'éducation en milieu rural. J'apporte mon soutien à la proposition de suppression de l'article 54 qui, encore une fois, met en cause la continuité des décisions que subissent les collectivités territoriales.

Si je m'en tiens aux chiffres de mon département, en appliquant tous les ratios, 56 % de la totalité des effectifs se trouveraient devant les élèves : cela est inadmissible. Je ne peux pas voter un budget en augmentation de 6,5 % qui, dans le même temps, prévoit la fermeture de 2 300 classes, d'autant plus que ces fermetures, encore une fois, vont concerner nos écoles rurales. La Première ministre s'était engagée sur un moratoire de trois ans sur la non fermeture d'écoles sans accord du maire, afin d'examiner les situations démographiques. Dans nos territoires, la suppression d'un poste équivaut à la fermeture d'une classe. Il s'agit de prendre en compte la question de l'éloignement et l'intérêt des élèves. Quand seulement 56 % des effectifs se trouvent devant les élèves, on commence par supprimer des postes ailleurs.

M. Bruno Belin. - J'ai fait partie de ces parlementaires qui se sont offusqués de la suppression du FSDAP. Ces derniers jours, j'ai cru comprendre que ce fonds était finalement préservé. Pouvez-vous nous en dire davantage sur le sujet ?

La baisse de la démographie est une réalité, mais celle-ci ne se vit pas de la même manière quand on se trouve dans l'hyperruralité. En fermant des classes dans ces territoires, on condamne les enfants à passer deux heures par jour dans les bus. Je ne voterai pas un budget alors que, dans le même temps, on prévoit de fermer des classes. La Première ministre a évoqué un moratoire ; nous attendons de voir.

M. Olivier Paccaud, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, vous m'avez interrogé sur la floraison de nouvelles formations prévues dans l'enseignement professionnel. Il s'agit d'adapter l'enseignement professionnel aux réalités économiques actuelles. Parmi les nouvelles formations, certaines sont liées à la modélisation, au prototypage en 3D, d'autres aux soins à la personne, à l'encadrement sportif. Cela va créer une douzaine de nouveaux diplômes ; à l'inverse, d'anciennes formations devenues obsolètes vont disparaître. En réalité, plus de 1 000 élèves seront concernés, car il y a tous ceux qui n'iront plus dans les anciennes formations.

Pour répondre à tous les commissaires qui m'ont interrogé sur le sujet, la suradministration de l'éducation nationale est un mythe. Les personnels détachés sont peu nombreux. Et sur les 1,2 million de salariés de l'éducation nationale, on recense 57 000 agents liés au personnel administratif et, en comptant les contractuels, environ 900 000 professeurs devant les élèves. Ensuite, il faut compter les 150 000 AESH ou les assistants d'éducation (AED).

La substitution des Pial par les PAS pose problème car il n'y a jamais eu d'évaluation du fonctionnement des Pial. Sans doute faut-il mieux accorder les décisions prises par les MDPH avec les besoins exprimés par les enseignants. Par ailleurs, l'article 53 prévoyait une création progressive - et non expérimentale, comme l'indiquait M. Canévet - des PAS. À partir de 2026, ces derniers devaient couvrir l'ensemble du territoire. Une loi spécifique sur l'école inclusive sera nécessaire dans les prochains mois ; trop de problématiques sont aujourd'hui traitées de façon quantitative, alors qu'il conviendrait de rationaliser les interventions.

Même avec un budget en hausse de 6,5 %, notre éducation nationale se porte très mal. Dans deux domaines, on se trouve en bas du classement européen : celui des salaires des enseignants et celui de taux d'encadrement, notamment dans le primaire et le secondaire. Si l'on veut une éducation nationale efficace, il faut y mettre les moyens.

Pour répondre à Bruno Belin, la Première ministre a décidé d'annuler la baisse du FSDAP prévue pour 2023. Le fonds est actuellement doté de 41 millions d'euros. On parle maintenant de reporter la mesure de suppression à 2025. Mais ce fonds est utile, et je vous propose donc la suppression de l'article 54.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 53

L'amendement FINC.1 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 53.

Article 54

L'amendement FINC.2 est adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 54.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de ne pas adopter les articles 53 et 54.

Elle a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par l'amendement FINC.4 du rapporteur général Jean-François Husson visant à minorer les crédits de la mission de 700 millions d'euros afin de tirer les conséquences de la sous-consommation répétée au cours des dernières années des crédits dédiés à la formation initiale et continue des enseignants.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des ressources humaines (DGRH)

- M. Boris MELMOUX-EUDE, directeur général ;

- Mme Marjorie SOUFFLET-CARPENTIER, sous-directrice de l'expertise statutaire, de la masse salariale, des emplois et des rémunérations à la direction des affaires financières ;

- M. Marc ESTOURNET, chef du service des personnels enseignants.

Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO)

- M. Édouard GEFFRAY, directeur général ;

- M. Christophe GÉHIN, chef du service du budget et des politiques éducatives territoriales.

Table ronde

SNALC (Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur)

- M. Jean-Rémi GIRARD, président national.

Sgen-CFDT (Syndicat général de l'Éducation nationale)

- Mme Alais BARKATE, secrétaire fédérale.

Contribution écrite

SNES-FSU (Syndicat national des enseignements de second degré)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2024.html


* 1 Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

* 2 Décret n° 2023-519 du 28 juin 2023.

* 3 Cf. infra.

* 4 Dossier de presse de présentation du PLF 2024 du ministère de l'Éducation nationale.

* 5 Loi du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation.

* 6 Teachers' and School Heads' Salaries and Allowances in Europe - 2019-2020, Eurydice, octobre 2021.

* 7 En équivalent temps plein.

* 8 OCDE 2018 : Les carrières enseignantes en Europe.

* 9 OCDE, Regards sur l'éducation 2021.

* 10 Décret n° 2019-309 du 11 avril 2019 portant création d'une seconde heure supplémentaire hebdomadaire non refusable par les enseignants du second degré.

* 11 Décret n° 99-824 du 17 septembre 1999.

* 12 Décret n° 2008-199 du 27 février 2008.

* 13 Décret n° 2023-627 du 19 juillet 2023 portant création d'une part fonctionnelle au sein de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves et de l'indemnité de suivi et d'accompagnement des élèves et arrêté du 19 juillet 2023 fixant les montants de l'ISOE et de l'ISAE et précisant les missions ouvrant droit à la part fonctionnelle de ces deux indemnités.

* 14 DEPP note 22.11.

* 15 Dédoublement des classes de CP en éducation prioritaire renforcée : première évaluation, étude de la DEPP, janvier 2019.

* 16 Impact de la réduction de la taille des classes de CP et CE1, DEPP, octobre 2021.

* 17 La très forte augmentation entre 2020 et 2021 de la SCSP de FEI découle en partie de l'absence de versement de la SCSP en 2020.

* 18Cour des Comptes, Relevé d'observations définitives, « Les coûts et la performance de l'enseignement technique agricole «, juin 2021.

* 19 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

* 20 Loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019.

* 21 Vademecum du ministère de l'Éducation nationale sur la mise en place des PIAL, 2019.

* 22 Rapport d'information fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication sur les modalités de gestion des AESH, pour une école inclusive, Cédric VIAL, mai 2023.

* 23 Scolarisation des élèves en situation de handicap, inspection générale des finances et inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche, avril 2022.

* 24 Acte II de l'école inclusive, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et inspection générale des affaires sociales, août 2023.

* 25 Acte II de l'école inclusive, inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche et inspection générale des affaires sociales, août 2023.

* 26 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 27 Article 120 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015.

* 28 Arrêté du 17 août 2015 fixant les taux des aides du fonds de soutien au développement des activités périscolaires.

* 29 Décret n° 2017-1108 du 27 juin 2017 relatif aux dérogations à l'organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques.

* 30 Loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017.

* 31 Arrêté du 20 septembre 2023 fixant les taux des aides au fonds de soutien au développement des activités périscolaires au titre de l'année scolaire 2023-2024.

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