EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 janvier 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné en deuxième lecture le rapport de Mme Christine Lavarde sur la proposition de loi n° 579 (2022-2023) visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous commençons l'année par l'examen en deuxième lecture du rapport de Mme Christine Lavarde sur la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ce texte avait été une première fois discuté par le Sénat en mars et en avril 2023, M. Gérard Longuet ayant alors été désigné comme rapporteur de la commission des finances.

Pour le dire de manière très synthétique, je vous propose de revenir à un texte proche de celui adopté par notre commission, puis en séance par le Sénat, en excluant toutefois en partie les modifications consécutives à l'adoption d'un amendement du Gouvernement. Les modifications que je propose d'apporter tiennent par ailleurs compte de ce qui est advenu depuis mars 2023, à savoir que l'entreprise d'EDF est sortie de la cote, et que son capital est détenu à 100 % par l'État.

Trois articles ont été supprimés par le Sénat en première lecture, et leur suppression a été maintenue par l'Assemblée nationale en seconde lecture : les articles 1er, 3 et 4.

Je ne vous parlerai que rapidement de l'article 3 ter, qui prévoit un rapport sur l'opportunité de nationaliser Électricité de Mayotte, actuellement détenue à 50 % par la collectivité de Mayotte et à 25 % par EDF, dont la date de remise a été ajustée à l'Assemblée nationale en seconde lecture : cela ne pose pas de difficulté. En revanche, je concentrerai mon propos sur les articles 2 et 3 bis.

L'article 2 constitue le corps de la proposition de loi : il concerne le statut d'EDF. La rédaction de l'Assemblée nationale pose certaines difficultés. L'alinéa 4 donne le sentiment qu'EDF devient l'unique acteur du marché de l'électricité en France, ce qui est problématique, car ce marché est ouvert à la concurrence. Par ailleurs, avec cette rédaction, les objectifs des auteurs de la proposition de loi, avec lesquels je me suis entretenue, ne sont pas atteints : ils ont pour unique volonté de s'assurer que les actifs de certaines filiales, notamment du gestionnaire du réseau de distribution Enedis, qu'EDF détient aujourd'hui en totalité, ne pourront pas être cédés.

Par l'amendement COM-2, je propose ainsi une rédaction différente de cet alinéa 4, en remplaçant cette liste à la Prévert des activités exercées aujourd'hui par EDF, ce qui satisfera l'amendement déposé par Mme Paoli-Gagin et d'autres collègues du groupe Les Indépendants. À l'instar de ce qu'a établi la loi du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités entre l'État et la SNCF, nous proposons qu'un contrat entre l'État et EDF fixe les grandes orientations de politique de l'entreprise, à savoir des objectifs de trajectoire financière, d'investissement, de décarbonation de la production d'électricité, de maîtrise des prix pour les ménages et les entreprises et d'adaptation des capacités de production à l'évolution de la demande en électricité. Comme celui qui est conclu entre l'État et la SNCF, ce contrat aurait une durée de dix ans, serait revu tous les trois ans et ferait l'objet d'un compte rendu annuel dans le rapport d'activité de l'entreprise, transmis à la Commission de régulation de l'énergie (CRE) et au Parlement. Les parlementaires seront ainsi assurés d'avoir un droit de regard sur le devenir du groupe EDF. Il y a évidemment d'autres moments de la vie parlementaire qui permettent de se prononcer sur d'autres aspects de la politique énergétique : nous examinerons bientôt le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique ; tous les cinq ans, nous nous penchons sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, et nous aurons bientôt à transposer dans le droit français la directive européenne sur l'énergie.

Une phrase, figurant au paragraphe III de l'amendement COM-2, précise que le capital d'Enedis est détenu en totalité par EDF. Je le dis d'emblée, il est impossible d'inscrire dans le texte une phrase similaire pour Réseau de transport d'électricité (RTE), dont le capital est aujourd'hui détenu par la Caisse des dépôts et consignations et par EDF, car RTE a un statut particulier dans le droit européen. Les activités de transport font l'objet de règles de séparation spécifiques : le droit européen exigeant notamment que l'évolution vers une séparation intégrale de la propriété des infrastructures de transport ne peut en aucune circonstance être empêchée. Si l'on sanctifiait dans la loi le fait que le capital de RTE était détenu à 50 % par EDF, on entraverait le droit européen, étant entendu que le code de l'énergie prévoit déjà que RTE doit être détenu par des actionnaires publics.

Le paragraphe II de l'amendement COM-2 concerne l'actionnariat salarié. Le texte voté par le Sénat en première lecture prévoyait la possibilité de conserver cet actionnariat salarié à hauteur de 2 %, ce qui correspondait à la part des actionnaires salariés avant que l'État ne reprenne la totalité du capital d'EDF. En séance, au Sénat, le Gouvernement avait déposé un amendement pour rendre possible, et non obligatoire, le maintien de l'actionnariat salarié. Nous proposons au contraire de conserver une rédaction proche de celle qui avait été votée par notre commission l'an dernier, qui prévoit le partage de la valeur au sein de l'entreprise au moyen de la détention d'une part du capital par les salariés. Je propose d'ajouter la mention « et les anciens salariés de l'entreprise », afin de permettre à ceux qui ont dû vendre leurs actions de revenir dans le capital de l'entreprise. La rédaction proposé conserve le présent de l'indicatif, et ne conditionne pas l'actionnariat salarié : celui-ci devra bien être mis en oeuvre.

Je vous propose en revanche de supprimer les alinéas 6 et 7 de l'article 2, qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Ils fixent les modalités de l'ouverture du capital aux salariés, apportant des précisions extrêmes. La rédaction actuelle pose un certain nombre de difficultés, car elle ne permet pas à de futurs salariés d'EDF de rentrer au capital, puisqu'une seule opération d'ouverture du capital est prévue. Nous proposons d'inscrire dans le marbre le principe de l'actionnariat salarié, conformément à la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte).

Au regard de ce que j'ai dit, j'émettrai donc un avis défavorable sur les sous-amendements COM-4 et COM-5 déposés par Michel Canévet, ainsi que sur l'amendement COM-1 rectifié de Vanina Paoli-Gagin, qui serait satisfait par l'adoption de l'amendement COM-2.

L'article 3 bis concerne l'extension des tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE). Lorsque le Sénat avait adopté cette disposition, nous ne connaissions pas encore la volonté du Gouvernement. Depuis, ce dernier a clarifié sa position, en indiquant que ces tarifs seraient applicables à l'ensemble des très petites entreprises (TPE) au sens du droit européen, ce qui inclut donc les collectivités locales ayant un budget de moins de deux millions d'euros et des équipes de moins de dix équivalents temps plein (ETP) annuels. Nous proposons une rédaction conforme au droit européen, qui ne mentionne aucun seuil de puissance souscrite maximale. Il est toutefois étonnant que, dans le projet de loi relatif à la souveraineté énergétique transmis au Conseil d'État, que j'ai pu consulter à titre d'information, le Gouvernement étende les TRVE en introduisant un plafond de 250 kilovoltampères. Il sera intéressant de voir quelle position le Gouvernement adoptera dans l'hémicycle par rapport à notre rédaction, qui étend les TRVE à tous sans plafond, comme le permet le droit européen.

À l'article 3 bis, nous proposons de supprimer quelques éléments ajoutés en séance publique lors de la seconde lecture du texte à l'Assemblée nationale, mais qui ne sont pas conformes au droit européen.

Enfin, nous fixons la date d'entrée en vigueur de ces TRVE aux nouveaux éligibles au 1er février 2025, un temps minimum étant nécessaire à la CRE pour les déterminer. Dans la pratique actuelle, la construction des TRVE repose sur un lissage sur 24 mois des prix du marché de gros. De toute manière, à partir du 1er janvier 2026, la construction des TRVE sera complètement différente de celle qui existe aujourd'hui, puisque le mécanisme de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) n'existera plus.

Alors que nous nous apprêtons à étendre les TRVE, je précise qu'à court terme, en raison de la baisse des prix sur les marchés de gros, ce n'est plus le moyen le plus bon marché pour s'approvisionner en électricité, les offres de marchés étant désormais souvent plus compétitives. L'intérêt de ces tarifs est cependant de protéger leurs bénéficiaires, sur le long terme, des fluctuations des prix de marché. Nous regrettons que le Gouvernement n'ait pas été plus prompt à faire sauter le plafond des 36 kilovoltampères qui n'existait que du fait d'une surtransposition française, ce qui aurait évité de devoir recourir aux dispositifs d'amortisseur et de suramortisseur pour les petites entreprises.

M. Claude Raynal, président. - Il est toujours intéressant de démarrer l'année par un dossier portant sur l'électricité, sujet d'une rare complexité que je vous remercie d'éclairer, madame le rapporteur.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le travail de Christine Lavarde suit les traces de celui de son prédécesseur, Gérard Longuet, et permet de simplifier les enjeux de ce débat et de favoriser sa compréhension. Si ce débat pouvait permettre de mieux comprendre la mécanique du fonctionnement d'EDF, nous ferions oeuvre utile. Cela nous éviterait de mener de faux combats d'arrière-garde pour nous projeter vers l'avenir. Ce matin, j'entendais encore à la radio la porte-parole du Gouvernement, qui avait un peu de mal à se faire comprendre par le journaliste lui posant des questions sur l'énergie et le plafonnement des mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises. À force d'avoir élaboré un dispositif incompréhensible, il devient difficile d'en sortir.

Ce texte, modifié par le rapporteur, me semble aller dans le sens de la sagesse. L'enjeu autour de l'actionnariat salarié est de laisser la porte ouverte. Le moment venu, nous pourrons organiser les choses autrement mais évitons de rentrer trop tôt dans des débats qui ne correspondent pas aux enjeux majeurs de cette proposition de loi.

M. Bruno Belin. - Je souhaiterais une précision sur l'article 3 bis. Nous sommes un certain nombre à militer depuis plusieurs années pour les « petits consommateurs ». Il y a eu le bouclier, il est question d'inclure les TPE dans les TRVE, mais tous les jours nous rencontrons des élus de petites communes qui se plaignent des coûts de l'énergie. Un tarif particulier est-il envisagé pour les communes à partir d'une certaine taille ? Cela concernerait les communes de moins de 2 000 habitants ou de 10 salariés, mais dans l'avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique il est question de remplacer le seuil de 36 kilovoltampères par un seuil de 250 kilovoltampères... Ce texte envisage-t-il qu'un effort spécifique soit consenti pour les communes les plus rurales, qui ont le moins de moyens ?

M. Marc Laménie. - Je remercie Christine Lavarde de son analyse sur cette proposition de loi. Mais quelles en seront les conséquences concernant l'endettement important d'EDF ? Aura-t-elle également des conséquences sur la gouvernance du groupe ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je ne comprends pas bien la modification de la rédaction de l'alinéa 4 de l'article 2, qui décrit l'ensemble des activités d'EDF, à savoir « la production, le transport [...], la distribution, la commercialisation, l'importation et l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique ». Le rapport indique qu'on a le sentiment qu'EDF serait la seule entreprise à assurer ces activités, mais ce n'est pas ce que cet alinéa indique.

Madame le rapporteur, vous avez avancé dans votre propos liminaire que ces dispositions seraient contraires à la directive européenne de 2003 sur le marché de l'électricité, mais il me semble que cela n'est pas tout à fait exact. Cette directive demande certes la séparation des activités, mais le groupe EDF assure ces activités non pas de manière globale, mais avec des entreprises séparées.

En revanche, je suis très favorable à l'idée d'établir un contrat de dix ans glissants entre l'État et EDF, qui me semble salutaire.

Enfin, concernant la simplification proposée des dispositifs d'actionnariat salariés, quelle est la position des partenaires sociaux ? Sont-ils attachés à un degré de précision plus protecteur, déterminé par la loi ?

M. Thomas Dossus. - Si ce texte empêche le démembrement d'EDF, nous n'allons pas nous en plaindre, mais nous éprouvons encore des doutes en raison de la suppression de l'article 1er.

Je m'étonne de la pudeur du rapport sur l'analyse de la dette d'EDF, notamment sur les impacts financiers liés au nucléaire, la prolongation de durée de vie du parc et la construction de nouveaux réacteurs nous plaçant devant des ordres de grandeur démentiels, les dépassements de coûts étant hallucinants. Je trouve étonnant que notre commission, d'habitude prompte à dénoncer la gabegie financière, ne s'empare pas davantage du sujet.

Je rappellerai donc quelques chiffres : la Cour des comptes estime le coût final de l'EPR de Flamanville à 19 milliards d'euros, alors que 8 milliards d'euros étaient initialement prévus. Le grand carénage devant prolonger la durée de vie du parc nucléaire au-delà de quarante ans est renchéri de 49,4 milliards d'euros. La construction de la centrale nucléaire d'Hinkley Point a provoqué la démission d'un directeur financier d'EDF : son budget initial était prévu à 18 milliards de livres, mais sa construction va s'élever à 40 milliards de livres, les surcoûts étant entièrement à la charge d'EDF, en raison de la défaillance de son partenaire chinois.

En France, nous projetons de multiplier par six ce type de fiasco en construisant de nouveaux réacteurs. Vous me répondrez que le nucléaire est une énergie décarbonée et que nous devons faire face à l'urgence climatique : chèque en blanc et open bar sur le nucléaire ! Pourtant, dans le monde entier, la part du nucléaire sur le marché baisse, et les investissements sont quatorze fois plus importants pour les énergies renouvelables. La France s'entête dans une voie qui n'est pas celle qui est choisie par le reste du monde, la Chine mise à part.

Nous sommes à un carrefour. Plusieurs textes vont être examinés au sujet du mix énergétique français. Ne reproduisons pas un certain nombre d'erreurs, pensons au coût de ces choix, et aidons l'État à faire les bons choix.

M. Vincent Delahaye. - Je rassure M. Dossus : demain aura lieu la réunion constitutive de la commission d'enquête sur l'électricité. Nous aurons l'occasion de faire le point sur les coûts complets de l'énergie nucléaire, mais également des différentes énergies renouvelables et d'examiner leurs coûts annexes. Nous préciserons bien les choses, sans idéologie et avec pragmatisme, en prenant en compte les aspects financiers.

Je suis heureux que cette proposition de loi soit discutée en seconde lecture. A-t-on prévu d'inscrire dans le texte des obligations légales pour que le groupe EDF distingue bien dans ses comptes ses activités de production et de commercialisation ? Nous parlions du marché et de la concurrence : cela fait partie des demandes afin qu'il n'y ait pas de mélange des genres, et que la position dominante d'EDF dans la production d'électricité ne lui confère pas un avantage démentiel en matière de commercialisation.

M. Thierry Cozic. - Le groupe socialiste votera contre l'ensemble des amendements déposés. Il est dommage que, compte tenu de l'importance du sujet, nous ne puissions pas voter un texte conforme à celui de l'Assemblée nationale, qui me semblait un bon compromis, notamment au niveau de son article 3 bis, qui prévoit d'étendre les TRVE aux petites et moyennes entreprises (PME), aux collectivités et aux organismes d'HLM.

M. Michel Canévet. - Le partage de la valeur est un objectif que nous poursuivons dans notre économie depuis un certain temps, notamment avec la loi Pacte. Je suis étonné que l'on veuille remplacer l'expression claire de ce partage de la valeur par l'actionnariat salarié. Si l'État n'est pas exemplaire pour promouvoir l'actionnariat salarié, comment pourrait-il inciter les entreprises à le mettre en oeuvre ? Il faut préciser la manière dont le partage de la valeur sera réalisé, en fixant un objectif d'actionnariat salarié à 10 % du capital social d'EDF, et en précisant la manière dont cet objectif sera atteint au niveau réglementaire : c'est ce que je propose avec les sous-amendements que j'ai déposés à l'amendement COM-2.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Pour rassurer M. Michel Canévet, à l'alinéa 5 de l'article 2 il est écrit que « pour assurer le partage de la valeur au sein de l'entreprise, la part de détention de l'État est minorée ». C'était un texte proche de celui adopté par notre commission en première lecture, qui emploie le présent de l'indicatif et non le conditionnel. Nous avons simplement complété la mesure votée par l'Assemblée nationale en seconde lecture en rajoutant la mention « et les anciens salariés de l'entreprise », pour permettre aux actionnaires qui ont dû vendre leurs actions au moment du rachat total de l'entreprise par l'État de redevenir actionnaires de l'entreprise dans laquelle ils ont travaillé. Cette rédaction me semble satisfaire les sous-amendements que vous avez déposés.

Comme vous, je suis attachée à l'actionnariat salarié et aux mesures votées dans la loi Pacte. Au-delà du seul actionnariat salarié, des dispositifs de participation pourraient être mis en place de manière très rapide. Toutefois, ils ne relèvent pas du domaine de la loi, mais concernent les relations dans les entreprises. Ce que l'on supprime, ce sont les modalités pratiques de cette ouverture du capital, qui ne relèvent pas du domaine de la loi. Comment pourrions-nous déterminer lors d'une réunion de commission la valeur de l'action d'une entreprise qui n'est plus cotée ?

M. Michel Canévet. - Mon sous-amendement concerne les anciens salariés...

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Le dispositif prend en compte tant les salariés d'hier que ceux d'aujourd'hui ou de demain, qui pourront acquérir une part du capital de l'entreprise.

En réponse à l'intervention de Monsieur Cozic, je le rappelle, l'extension des TRVE avait été votée contre l'avis des rapporteurs appartenant par ailleurs aux groupes communiste et socialiste à l'Assemblée nationale ; la commission des finances avait d'ailleurs voté conforme l'article 3 bis, car les extensions demandées sont contraires au droit européen. J'ai échangé avec l'auteur de la proposition de loi qui m'a dit que le Sénat serait là pour recadrer le débat...

Monsieur Delahaye, concernant la séparation des coûts et des recettes, ce texte est en réalité une petite partie de l'avant-projet de loi relatif à la souveraineté énergétique actuellement examiné par le Conseil d'État. La CRE et l'autorité de la concurrence ont mis en avant, notamment dans un courrier rendu public hier, l'impérieuse nécessité que la CRE puisse constater les coûts et les recettes des différentes activités d'EDF. Il s'agit notamment d'assurer l'accès des concurrents aux contrats nucléaires, et de constater que les coûts de production et les prix du marché sont bien en rapport. Ces éléments sont identifiés, mais ils seront traités par le texte qui nous sera bientôt transmis. Le Conseil d'État fera peut-être des remarques complémentaires sur le sujet.

Le futur rapporteur de la commission d'enquête sur l'électricité a déjà indiqué que la dette d'EDF serait étudiée par cette structure temporaire, à laquelle nombre d'entre nous participeront.

Monsieur Dossus, vous regrettez la suppression de l'article 1er, mais nous ne pouvons plus nous prononcer compte tenu de la règle de l'entonnoir : il a été supprimé en première lecture au Sénat, et sa suppression a été confirmée par l'Assemblée nationale en seconde lecture.

Madame Carrère-Gée, vous souhaitez conserver la rédaction actuelle de l'alinéa 4 de l'article 2. Selon l'interprétation que l'on fait du texte, il suffirait qu'EDF se sépare de toutes ses autres activités tout en conservant un seul de ses actifs dans le désert du Sahara, où le groupe possède des entreprises de production d'énergie solaire, pour que la rédaction du texte soit respectée. Les auteurs de la proposition de loi en sont convenus : cette rédaction ne satisfait pas leur objectif de s'assurer du non-démembrement de l'entreprise, notamment du fait que 100 % du capital d'Enedis soit détenu par EDF. Le contrat entre l'État et EDF que nous proposons permet de fixer des objectifs et d'assurer de la production d'électricité au meilleur tarif, ce qui impose à EDF de se positionner sur le maintien de son parc nucléaire par exemple.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Nous pourrions conserver les deux formules.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Ce n'est pas ce que nous avions voté en première lecture, et nous devons être cohérents. L'alinéa 4 a été ajouté en seconde lecture à l'Assemblée nationale. Après avoir échangé avec le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, qui est aussi l'auteur du texte, il a semblé que cette logique consistant à mettre EDF dans la même situation que d'autres grands groupes français ne posait pas de difficulté.

J'ai auditionné les représentants des anciens actionnaires salariés. J'ai le sentiment qu'ils n'ont pas lu dans le détail la rédaction proposée par les amendements que je présente, car nous maintenons bien dans le texte l'ouverture du capital pour les salariés, et nous supprimons uniquement la précision de ses modalités pratiques.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Mais vous retardez cette ouverture.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Pour l'instant, dans le texte actuel, il n'y aurait qu'une seule opération d'ouverture du capital... Nous sommes favorables à l'actionnariat salarié. Nous suivons en cela la rédaction adoptée en première lecture au Sénat, si ce n'est qu'elle fixait à l'époque un taux de 2 % du capital, l'opération de vente n'ayant alors pas encore eu lieu. Mais la philosophie que nous suivons est exactement la même qu'au mois de mars dernier. Je veux vous rassurer, et rassurer les salariés d'EDF : vendredi dernier, je leur ai indiqué que nous étions favorables à mettre rapidement en place un intéressement au bénéfice économique de l'entreprise. Nous pouvons d'ailleurs espérer que les résultats du groupe soient meilleurs dans les prochaines années que lors des deux derniers exercices...

Enfin, concernant les tarifs d'électricité pour les petites communes, le droit européen prévoit que les TRVE sont applicables aux TPE, la définition des TPE incluant les collectivités au budget inférieur à 2 millions d'euros et employant moins de 10 ETP annuels. Une commune n'ayant comme employé à l'année qu'une secrétaire de mairie, mais devant employer vingt saisonniers pour assurer le fonctionnement d'un camping pendant les deux mois d'été, aura ainsi droit aux TRVE. En revanche, jusqu'à présent les seuils de puissance souscrite pouvaient poser des problèmes, notamment pour de petites communes ayant besoin de la présence de générateurs, ou pour les artisans possédant des chambres froides ou des outils de cuisson. Les TRVE seraient fixés sans seuils, conformément à la définition du droit européen. Cela permettrait d'aider un grand nombre de communes.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2

Le sous-amendement COM-4 n'est pas adopté.

M. Michel Canévet. - Le sous-amendement COM-5 concerne les salariés et anciens salariés d'EDF qui ont été obligés de vendre leurs actions. Ceux qui avaient fait le choix de croire en l'entreprise ne pourront pas racheter des actions qu'ils possédaient, ce qui va à l'encontre du partage de la valeur.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - C'est le point traité par le paragraphe II de l'amendement COM-2. Le capital est ouvert aux salariés et aux anciens salariés. Nous ne précisons pas les modalités, les prix et les délais de la vente, qui ne relèvent pas du domaine de la loi. En séance, en première lecture au Sénat, le Gouvernement avait déposé un amendement visant à changer le présent de l'indicatif par un conditionnel, ce qui modifiait le sens de la mesure. Mais tant qu'un amendement similaire du Gouvernement n'est pas déposé par le Gouvernement et n'est pas voté par le Sénat, le présent de l'indicatif garantit la mise en oeuvre de l'actionnariat salarié.

Le sous-amendement COM-5 n'est pas adopté. L'amendement COM-2 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-1 rectifié tombe.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3 bis

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à mettre le texte en conformité avec le droit européen et fixe la date d'entrée en vigueur de l'extension des TRVE au 1er février 2025.

M. Michel Canévet. - Nous évoquons les TPE et les petites communes. Ne faudrait-il pas évoquer également les petits organismes publics, notamment les HLM ? D'autres organisations relevant de la sphère publique mériteraient de bénéficier de ces dispositions.

Mme Christine Lavarde, rapporteur. - La définition du droit européen couvre également les organismes que vous mentionnez. Nous proposons de nous en tenir à cette définition : votre demande est satisfaite.

L'amendement COM-3 est adopté.

L'article 3 bis est ainsi rédigé.

Article 3 ter

L'article 3 ter est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme LAVARDE, rapporteur

2

Définition d'objectifs pour EDF, déclinés dans un contrat décennal entre l'État et l'entreprise, extension aux anciens salariés de la possibilité de détenir du capital d'EDF et suppression des conditions de l'opération d'ouverture du capital aux salariés

Adopté

M. CANÉVET

4

Plafonnement à 10 % la participation des salariés dans l'entreprise, maintien de l'opération d'ouverture du capital d'EDF prévue par le texte voté par l'Assemblée nationale et suppression de la détention par EDF de 100 % du capital de l'entreprise Enedis.

Rejeté

M. CANÉVET

5

Opération d'ouverture du capital à destination des salariés et anciens salariés d'EDF.

Rejeté

Mme PAOLI-GAGIN

1 rect.

Suppression de la liste d'activités d'EDF introduite par l'Assemblée nationale

Tombé

Article 3 bis

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme LAVARDE, rapporteur

3

Extension du bénéfice des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) à l'ensemble des très petites entreprises (TPE) et des petites communes, sans considération de puissance de leur compteur électrique, à compter du 1er février 2025

Adopté

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