EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Exclusion du bois-construction du régime de responsabilité élargie du producteur « Produits et matériaux de construction du bâtiment »

Cet article modifie le périmètre de la filière à responsabilité élargie du producteur « Produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment » (PMCB) afin d'exclure de son champ d'application le bois dédié à la construction.

L'article exempte ce matériau de l'ensemble des obligations définies par le principe de responsabilité élargie du producteur (REP), et notamment de pourvoir à la prévention et à la gestion des déchets issus de cette activité économique.

La commission a supprimé l'article 1er.

I. La récente mise en oeuvre du principe d'économie circulaire dans le secteur du bâtiment se heurte à de nombreuses difficultés opérationnelles

A. Le cadre de gestion des déchets du bâtiment, créé en 2020, est déployé progressivement depuis 2023

1. La gestion des déchets du bâtiment constitue un enjeu sensible

Le secteur du bâtiment est, après celui des travaux publics, la principale source de production de déchets en France, avec environ 15 % des déchets produits, soit 42 millions de tonnes de matériaux par an, autant que l'ensemble des déchets des particuliers.

La gestion et l'élimination des déchets du bâtiment dans des conditions qui ne portent pas atteinte à la santé de l'homme ni à l'environnement constituent ainsi un enjeu stratégique et sensible en matière d'économie circulaire.

La gestion des déchets du secteur du bâtiment correspond à un objet de préoccupation de longue date pour les élus des communes et de leurs groupements, chargés du service public de gestion des déchets. En particulier, les déchets des professionnels du bâtiment constituent la principale source de dépôts sauvages, dont le coût annuel pour les collectivités territoriales s'élève à 400 millions d'euros. En outre, afin de lutter contre ces derniers, il convient de trouver des exutoires conséquents dans les déchetteries publiques, qui font déjà face à des contraintes d'espace et d'organisation. Enfin, le modèle de financement de la gestion des déchets des professionnels du bâtiment repose aujourd'hui encore à plus de la moitié sur les collectivités - au titre de leur mission relative au service public de gestion des déchets - et fait ainsi peser une charge financière conséquente sur le bloc communal.

2. La loi « Agec » a étendu le principe de responsabilité élargie du producteur au secteur du bâtiment

Le principe de responsabilité élargie du producteur est une application de la notion de « pollueur payeur ». Il prévoit que les entreprises assurent la prise en charge financière des déchets issus des produits qu'elles mettent sur le marché.

La déclinaison française de ce principe correspond aux filières dites « filières à responsabilité élargie du producteur » (filières REP). Au sein de ces filières, l'acteur responsable de la mise sur le marché d'un produit doit assumer la collecte, le tri, le réemploi, le recyclage ou l'élimination des déchets qui en sont issus. Il s'appuie pour cela sur une structure appelée éco-organisme, pilotée par les entreprises du secteur et chargée de collecter une contribution financière auprès des metteurs sur le marché, l'écocontribution. Celle-ci constitue une contrepartie à la mise en oeuvre par les éco-organismes des obligations issues du principe de REP, obligations que les producteurs leur ont transférées.

Jusqu'à la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, dite « loi Agec », il existait 12 filières REP, ne couvrant qu'une partie minoritaire du gisement de déchets. La loi « Agec » réforme ce dispositif en l'élargissant et en créant dix nouvelles filières, dont en particulier la filière REP correspondant aux produits et matériaux de construction du bâtiment (filière REP PMCB). Cette filière, désormais la principale filière REP en volume de déchets concernés, se déploie progressivement depuis l'entrée en vigueur de ses premières dispositions en janvier 2023 et l'appel des premières écocontributions en mai 2023.

B. Le bois-construction est ainsi inclus dans une filière REP spécifique qui réunit des matériaux aux caractéristiques très disparates

La REP PMCB comprend deux catégories d'agrément : la catégorie 1 correspond aux produits et matériaux minéraux dits inertes (hors verre, plâtre et laines minérales), et la catégorie 2 comprend les autres produits et matériaux, dits non-inertes (bois, métal, plastique, plâtre...).

Les caractéristiques des matériaux d'une catégorie à l'autre et au sein d'une même catégorie varient significativement, notamment en termes de coût de gestion des déchets associés.

Les éco-organismes appliquent à ces matériaux aux caractéristiques très disparates des barèmes d'écocontribution différents, aux ordres de grandeur variés : en moyenne, ceux-ci s'élèvent à 5 euros la tonne en 2023 pour la catégorie 2. Ces barèmes ne correspondent pas à des paramètres réglementaires mais à des choix stratégiques des éco-organismes.

Le barème appliqué au bois-construction, d'une moyenne de 7,6 euros la tonne, est légèrement supérieur au barème moyen de la catégorie, derrière le métal (1 € / tonne), mais inférieur à d'autres matériaux tels que le plastique (12 € / tonne) ou encore les membranes bitumineuses (28 € / tonne)1(*).

D'un point de vue quantitatif, la part, à date, du bois-construction dans la filière REP PMCB pour les produits de catégorie 2 est la suivante, selon les données provisoires de l'organisme coordonnateur agréé pour la filière du bâtiment sur l'année 2024 :

Typologie

Part du bois construction (tonnes)

Part du bois-construction (pourcentage)

PMCB catégorie 2 mis en marché

2,6 millions

20 %

Gisement de déchets issus de PMCB

1,6 million

30 %

Déchets de catégorie 2 collectés par la REP

Entre 219 000 tonnes et 223 000 tonnes

Entre 52 % et 55 %

C. La montée en puissance de la REP PMCB se heurte à de nombreuses difficultés opérationnelles

1. La trajectoire fortement ascendante des écocontributions attendues à horizon 2027 suscite les craintes du secteur économique

Selon l'Ademe, afin que le coût de gestion des déchets du bâtiment soit transféré aux metteurs en marché à horizon 2027, conformément au principe de la responsabilité élargie du producteur, le budget total de la REP PMCB devrait s'élever à environ 610 M€ en 2027, dont 430 M€ pour la catégorie 2.

Dans le cadre du démarrage de la filière en janvier 2023, les éco-organismes ont appelé les premières écocontributions de leurs adhérents à compter du mois de mai 2023. Les budgets que ces éco-organismes ont adoptés en 2023 et 2024 s'élevaient respectivement à 121 M€ puis 170 M€.

Le caractère récent de cette REP entraîne la conséquence suivante : les coûts de gestion des déchets de PMCB sont fortement impactés par le déploiement des points de reprise de ces déchets. Il ressort des auditions menées par le rapporteur que ces coûts de démarrage incompressibles caractérisent une REP « jeune » et ne correspondent pas au « rythme de croisière » d'une REP mature, à l'exemple d'une autre filière REP, celle de l'ameublement, déployée depuis dix ans.

Afin d'atteindre le niveau de budget attendu pour 2027, la trajectoire attendue des budgets des éco-organismes implique leur multiplication par 4 à cet horizon.

En fonction de cette trajectoire attendue pour l'internalisation par la filière REP du coût de gestion des déchets de PMCB, les projections en ce qui concerne les écocontributions à attendre plus spécifiquement pour le bois-construction à horizon 2027, dans l'hypothèse où les éco-organismes appliqueraient ce ratio à l'identique pour tous les matériaux de la catégorie 2, conduiraient à ce que ces écocontributions se chiffrent à environ 1,2 % du chiffre d'affaires du secteur du bois-construction en 2027. En 2023, au démarrage de la REP, les écocontributions appelées correspondaient à 0,3 % de ce chiffre d'affaires.

2. Le cadre partiellement entré en vigueur en mai 2023, adapté à plusieurs reprises, fait déjà l'objet d'un moratoire depuis avril 2025

Le cadre régissant la responsabilité élargie du secteur du bois-construction a fait l'objet de plusieurs adaptations depuis le démarrage de la filière en janvier 2023.

Afin de garantir la compétitivité de la filière nationale face à des produits d'importation, le cadre réglementaire de la REP PMCB a été assoupli une première fois pour le bois en février 2024. Un arrêté a été publié 10 mois après le démarrage de la REP, en février 20242(*), afin de mettre sur un pied d'égalité les bois français et les bois d'importation grâce à l'introduction d'un abattement de 20 % applicable aux bois frais de sciage au fort taux d'humidité. En effet, les bois importés secs ont un poids inférieur au bois frais, qui peut aller jusqu'à 20 % du poids du produit.

Un second arrêté, publié le 3 juillet 20243(*), soit 14 mois après le démarrage de la REP, prévoit un mécanisme de répartition des charges selon la contribution des différents produits et matériaux à l'atteinte des objectifs du cahier des charges, en visant ainsi spécifiquement les produits composés majoritairement de bois. Cette adaptation en ce qui concerne le bois-construction correspond à un abattement de 50 % du montant des écocontributions.

En outre, face aux nombreuses revendications des professionnels des différentes filières correspondant aux différents produits et matériaux de construction. Le cadre de la REP PMCB fait en outre l'objet d'un « moratoire » en avril 2025, c'est-à-dire d'un report sine die des mesures entrées en vigueur au 1er janvier 2025, lequel donnera lieu à une « refondation » de cette filière REP, selon l'annonce de la ministre de la transition écologique en date du 20 mars 2025.

À l'issue de ce moratoire et de la consultation par l'administration de l'ensemble des acteurs de la filière, des mesures techniques d'adaptation du cadre de la REP PMCB par la voie réglementaire sont attendues d'ici juin 2025.

II. Le dispositif envisagé : exempter le bois-construction de tout principe de responsabilité élargie du producteur

L'article 1er modifie le périmètre de la filière à responsabilité élargie du producteur « Produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment », défini à l'article L. 541-10-1 du code de l'environnement, afin d'exclure le bois-construction de son champ d'application.

Il crée un régime dérogatoire au sein des PMCB : l'article exempte ce matériau de l'ensemble des obligations définies par le principe de responsabilité élargie du producteur, et notamment de pourvoir à la prévention et à la gestion des déchets issus de cette activité économique. En particulier, cet article dispense les producteurs de bois-construction de toute contribution financière à un éco-organisme.

En conséquence, le financement de la gestion des déchets de bois-construction relèverait des seules collectivités territoriales, en charge du service public de gestion des déchets et des opérateurs de chantier.

Enfin, l'exclusion du bois-construction du périmètre de la REP PMCB rendrait sans objet les objectifs réglementaires fixés à ce matériau en termes de collecte, de recyclage, de valorisation et de réemploi-réutilisation à horizon 2027.

III. La position de la commission : une dispense de responsabilité inédite qui fragiliserait l'ensemble des acteurs, et tout particulièrement les collectivités territoriales

A. Les inquiétudes de la filière bois-construction apparaissent légitimes

Le bois-construction constitue une filière stratégique sur le plan économique et vertueuse sur le plan environnemental, qu'il est impératif de soutenir.

La filière bois française dans son ensemble en France représente 417 000 emplois directs et 28 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il s'agit d'une filière dynamique, qui a créé 44 600 emplois supplémentaires entre 2016 et 20224(*). Elle contribue pleinement à la vitalité de nombreux territoires, à travers l'implantation de scieries et un réseau particulièrement dense d'artisans du bois.

Au-delà de son apport économique, le bois est un matériau de construction d'avenir : ressource renouvelable, favorisant le stockage des émissions de carbone, il est également recyclable et valorisable énergétiquement.

Enfin, il est crucial de développer significativement la part du bois dans les matériaux de construction pour respecter l'ambitieuse trajectoire de réduction des émissions carbone qui a été fixée pour le secteur du bâtiment à horizon 2030.

Cependant, la trajectoire très ascendante attendue des écocontributions en général et pour le bois-construction en particulier suscite une préoccupation légitime du secteur. La question du barème appliqué par les éco-organismes à ce matériau suscite des interrogations et conditionne son acceptabilité pour la filière. Cette contribution financière est aujourd'hui en moyenne plus élevée par tonne pour le bois que pour d'autres matériaux concurrents pourtant moins vertueux sur le plan environnemental : la situation actuelle paraît ainsi paradoxale.

En signe de ce problème d'acceptabilité, certains acteurs de la filière bois mènent, depuis le deuxième semestre 2024 une campagne de protestation, en refusant de payer leur écocontribution5(*).

B. La dispense pure et simple du bois-construction de toute responsabilité élargie du producteur ne paraît toutefois pas une mesure adaptée

À l'éclairage des auditions conduites par le rapporteur, il est apparu que l'article 1er posait de nombreuses difficultés.

Une sortie pure et simple du bois de la filière REP PMCB ne semble ainsi pas adaptée, ni pour les collectivités territoriales, ni pour l'économie circulaire en général.

Chaque année, les dépôts sauvages des professionnels du bâtiment coûtent près de 400 millions d'euros aux collectivités territoriales. Au-delà du coût financier, ces dépôts sont aussi source de très vives tensions locales. Il ressort des auditions une colère marquée des élus locaux, qui se trouvent souvent impuissants face à la mauvaise gestion de déchets du bâtiment. Ceux-ci gardent notamment en mémoire le drame de Signes en 2019, où le maire a perdu la vie alors qu'il tentait de faire respecter l'interdiction des dépôts sauvages.

La filière REP PMCB a vise à lutter contre ce fléau en structurant un maillage de points de collecte sur l'ensemble du territoire, y compris dans les zones rurales. Exclure le bois, qui représente, selon l'Ademe, 10 % des matériaux retrouvés dans ces dépôts, risquerait de fragiliser ce maillage, au détriment de la protection du cadre de vie, de l'environnement, des équipements publics stratégiques que constituent les déchèteries publiques et plus largement des finances locales.

Par ailleurs, retirer le bois de la filière REP PMCB reviendrait à remettre en cause l'objectif de circularité. La REP encourage non seulement la collecte, mais aussi la valorisation des matériaux, dans le respect de la hiérarchie des modes de traitement des déchets. Le bois est un « bon élève », qui a encore toutefois des progrès à faire : un quart du gisement, soit 400 000 tonnes par an, est toujours enfoui. Les trois quarts restants sont valorisés, mais près de la moitié de cette matière valorisée fait l'objet d'une valorisation énergétique, et non pas d'un recyclage6(*). Il convient encore de développer le recyclage -- seul du bois ayant fait plusieurs cycles de recyclage aurait vocation à être valorisé énergétiquement -- et de diminuer la part du bois non recyclée ni valorisée. Sortir le bois de la filière affaiblirait cette dynamique, pourtant nécessaire à la transition écologique.

De surcroît, ce retrait porterait atteinte au principe même de la responsabilité élargie du producteur. Si l'on commence à accepter des exemptions pour un matériau, en l'occurrence le bois-construction, il sera délicat de refuser demain d'autres demandes de retrait pour d'autres matériaux, comme le métal ou le plâtre, qui font déjà l'objet de revendications similaires. Cette évolution aurait en outre des effets de contagion sur les autres filières REP, qui demanderaient à bénéficier d'une exemption similaire. Le principe « pollueur-payeur » ne peut en effet fonctionner que s'il est appliqué de manière universelle et cohérente.

Enfin, en pratique, une telle sortie poserait de sérieuses difficultés d'organisation pour les professionnels comme pour les collectivités territoriales. La déconstruction d'un bâtiment génère des flux multimatériaux. Séparer le bois des autres matériaux nécessiterait de doubler les filières de traitement, complexifiant inutilement la gestion des déchets, en particulier pour les petits artisans. De même, pour les collectivités confrontées aux dépôts sauvages mêlant différents matériaux, il deviendrait beaucoup plus compliqué de traiter efficacement les déchets.

Ainsi, les difficultés rencontrées par la filière bois-construction sont bien réelles ; toutefois la sortie du bois de la filière REP PMCB n'apporte pas de solution durable à ces problèmes, la commission a donc adopté l'amendement COM-1 de suppression du rapporteur.

La commission a supprimé l'article 1er.

Article 2
Création d'un mécanisme de répartition des charges entre matériaux au sein de la filière à responsabilité élargie du producteur « Produits et matériaux de construction du bâtiment »

Cet article, inséré par la commission à l'initiative du rapporteur, vise à instituer un mécanisme de répartition des charges entre matériaux au sein de la filière à responsabilité élargie du producteur « Produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment » (PMCB).

La commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé.

I. Le mécanisme de répartition des charges entre matériaux au sein de la filière REP PMCB, au bénéfice en particulier du bois, n'a jamais pu entrer en vigueur en raison du moratoire sur la filière REP PMCB

Le bois-construction, qui présente des performances en termes d'économie circulaire supérieures à la moyenne, assume également un niveau d'écocontribution supérieur à celui d'autres matériaux.

Ainsi, le taux de valorisation7(*) du bois-construction était selon l'Ademe de 76 % pour le bois-construction en 2023, contre 66 % sur la même période pour l'ensemble des déchets de la même catégorie réglementaire8(*) au sein de la filière REP PMCB.

En parallèle, le niveau moyen d'écocontribution s'élève en 2023 à 7,6 euros par tonne de bois-construction selon la DGPR, contre 5 euros en moyenne par tonne pour les autres déchets de la même catégorie.

Le Gouvernement a souhaité pallier ce déséquilibre entre performance et écocontribution par un arrêté, publié le 3 juillet 20249(*), soit 14 mois après le démarrage de la REP. Ce texte prévoit un mécanisme de répartition des charges selon la contribution des différents produits et matériaux à l'atteinte des objectifs du cahier des charges des éco-organismes, en visant ainsi spécifiquement les produits composés majoritairement de bois et de métal. Cette adaptation en ce qui concerne le bois-construction correspond à un abattement de 50 % du montant des écocontributions.

L'abattement n'a toutefois jamais été mis en oeuvre : le « moratoire » annoncé en mars 2025 a en effet entraîné un report sine die de l'ensemble des mesures relatives à la filière REP PMCB entrées en vigueur au 1er janvier 2025, ce qui inclut l'arrêté du 3 juillet 2024 précité.

II. Une consécration législative du mécanisme de répartition, qui permet de le sécuriser juridiquement

Introduit par l'amendement COM-2 du rapporteur en commission, l'article 2 instaure au niveau législatif un mécanisme de répartition des charges entre matériaux, au bénéfice des matériaux les plus performants en termes de taux de valorisation des déchets, parmi lesquels le bois-construction.

L'abattement prévu par l'arrêté du 3 juillet 2024 serait ainsi inscrit à l'article L. 541-10-23 du code de l'environnement. La consécration législative de ce mécanisme de répartition permettra de le sécuriser juridiquement et d'en assurer l'application. Elle permet également d'en garantir la pérennité, dans un contexte de hausse prévue de l'écocontribution liée à la montée en charge de la filière REP.

La commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé.

Article 3
Lutte contre la fraude aux écocontributions

Cet article, inséré par la commission à l'initiative du rapporteur, prévoit deux mesures de lutte contre la fraude aux écocontributions :

- il autorise les agents de différentes administrations à se communiquer des informations sur le respect des règles relatives à l'économie circulaire, pour renforcer le cadre des contrôles menés par ces administrations ;

- il ajoute une obligation, pour les personnes non établies en France, de désignation d'un mandataire chargé d'assurer le respect de ses obligations relatives au régime de REP et qui est susceptible de se substituer au producteur dans ses obligations découlant de la REP.

La commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé.

I. La fraude aux écocontributions dans la filière REP PMCB contribue à fragiliser l'acceptabilité de la REP pour la filière bois-construction

A. La lutte contre la fraude aux écocontributions repose sur une coopération entre les éco-organismes et plusieurs administrations

L'acceptabilité des écocontributions est remise en cause par le développement de pratiques frauduleuses, qui consistent à ne pas s'enregistrer auprès de l'éco-organisme, ou bien à communiquer à l'éco-organisme des informations mensongères.

La lutte contre la fraude aux écocontributions repose, à titre principal, sur les éco-organismes : conformément à l'article R. 541-120-1 du code de l'environnement, chaque éco-organisme doit mettre en oeuvre des actions permettant de sensibiliser les producteurs à leur obligation de responsabilité élargie des producteurs, ainsi que des procédures permettant d'identifier les contrevenants et de les accompagner dans une démarche de mise en conformité. En cas d'échec de ces mesures, les éco-organismes ont l'obligation de signaler les fraudeurs au ministre chargé de l'environnement.

La direction générale de la prévention des risques (DGPR), chargée de l'élaboration et de la mise en oeuvre de la politique relative à la prévention de la production de déchets, à leur valorisation et à leur traitement10(*), est compétente à titre principal pour traiter les signalements des éco-organismes.

L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), chargée de la supervision des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP), est également susceptible de contribuer au processus de contrôle. Des agents de l'Ademe sont ainsi habilités par le ministre chargé de l'environnement sur proposition du directeur de l'Ademe à constater les manquements aux dispositions relatives à la conception, à la production et à la distribution de produits générateurs de déchets11(*).

D'autres administrations sont amenées à intervenir dans le processus de contrôle des obligations de REP : la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) s'assure que les importateurs de biens respectent leurs obligations. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est quant à elle amenée, dans le cadre de ses missions, à enquêter sur la conformité des produits avec les règles de protection des consommateurs.

La coopération entre ces autorités compétentes est limitée par l'impossibilité de se communiquer entre elles les informations utiles pour mener à bien leurs missions de contrôle respectives. Les agents des services de la DGDDI sont par obligation soumis au secret et les échanges d'information avec d'autres administrations doivent être expressément prévus par la loi.

B. Dans la filière REP PMCB, la fraude reste à ce stade difficile à mesurer

Les signalements de fraude dans la filière REP PMCB apparaissent, à ce stade, limités. Les services de la DGPR ont reçu 29 dossiers de signalements de fraudeurs pour cette filière REP dont 20 appartenant à la filière bois. Ces 29 dossiers représentent un montant d'écocontributions non perçu évalué à environ 220 000 euros, dont 130 000 euros pour les dossiers relevant de la filière bois12(*).

Toutefois, au-delà de ces signalements limités, l'analyse des données du bois-construction dans la filière REP PMCB tend à étayer l'hypothèse d'une sous-contribution des metteurs en marché, qui pourrait être liée soit à une fraude plus généralisée soit à un niveau d'information insuffisant des producteurs redevables. Sur la base des données déclarées par les éco-organismes pour l'année 2023 et de l'état des lieux du marché effectué par l'Ademe dans l'étude de préfiguration, il est ainsi estimé par la DGPR que la part de producteurs non-contributeurs dans le secteur du bois représentaient 35 % des mises en marché en 2023.

La fraude aux écocontributions dans la filière REP PMCB contribue à fragiliser l'acceptabilité de la filière REP pour les producteurs, en créant une concurrence déloyale : les fraudeurs, qui n'assument pas le coût de l'écocontribution, sont favorisés par rapport aux entreprises qui remplissent leurs obligations.

II. Un renforcement des moyens de lutte contre la fraude aux écocontributions qui s'inscrit dans le cadre européen de la directive-cadre déchets

Introduit par l'amendement COM-3 du rapporteur en commission, l'article 3 prévoit deux mesures de nature à améliorer la lutte contre la fraude aux écocontributions.

D'une part, il modifie le III de l'article L. 541-9 du code de l'environnement pour autoriser les échanges de renseignements et de documents détenus ou recueillis pour les besoins de leurs missions de contrôle de l'obligation de justification par les producteurs, importateurs ou exportateurs que les déchets engendrés par les produits qu'ils fabriquent, importent ou exportent sont de nature à être gérés dans les conditions prescrites par le code de l'environnement.

Les autorités administratives autorisées à échanger renseignements et documents sont :

- les agents de la DGPR ;

- les agents de l'Ademe habilités en vertu de l'article L. 541-9-7 du code de l'environnement ;

- les agents des douanes ;

- les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

D'autre part, il ajoute, à l'article L. 541-10-9 du même code, une obligation, pour les personnes non établies en France, de désigner un mandataire, chargé d'assurer le respect de ses obligations relatives au régime de REP, et qui se substitue au producteur dans ses obligations découlant de la REP comme le permet au niveau européen le projet de révision de la directive-cadre déchets dans la version ayant fait l'objet d'un compromis le 19 mars 202513(*).

La commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé.


* 1 Source : réponse de la DGPR au questionnaire du rapporteur.

* 2 Arrêté du 20 février 2024 modifiant le cahier des charges des éco-organismes de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment annexé à l'arrêté ministériel du 10 juin 2022.

* 3 Arrêté du 3 juillet 2024 modifiant les cahiers des charges des éco-organismes et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment annexé à l'arrêté ministériel du 10 juin 2022.

* 4 Source : réponse de la Fédération nationale du bois (FNB) au questionnaire du rapporteur.

* 5 Source : réponse de la DGPR au questionnaire du rapporteur.

* 6 Source : réponse de la DGPR au questionnaire du rapporteur.

* 7 La valorisation comprend le réemploi, le recyclage ou tout autre action visant à obtenir, à partir des déchets, des matériaux réutilisables ou de l'énergie.

* 8 Catégorie 2, qui regroupe l'ensemble des déchets non-inertes.

* 9 Arrêté du 3 juillet 2024 modifiant les cahiers des charges des éco-organismes et des organismes coordonnateurs de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment annexé à l'arrêté ministériel du 10 juin 2022.

* 10 Article 8 du décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale des ministères chargés de la transition écologique, de la cohésion des territoires et de la mer.

* 11 Article L. 541-9-7 du code de l'environnement.

* 12 Source : réponse de la DGPR au questionnaire du rapporteur.

* 13 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets COM(2023)0420.

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