N° 682

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité
et de prévention de la délinquance,

Par M. Louis VOGEL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

744 (2023-2024) et 683 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi n° 744 (2023-2024) déposée le 25 juillet 2024 par Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues tend à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance. En effet, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, en remontant au niveau de la loi les dispositions relatives à la composition de ces instances, auparavant régies par voie réglementaire a retiré ces derniers de la liste des membres de droit.

À l'instar de l'ensemble des acteurs nationaux et locaux qu'elle a interrogé, la commission des lois juge ce rétablissement pleinement opportun. Celui-ci est cohérent avec les compétences des départements en matière d'action sociale, qui concourent à la prévention de la délinquance. Il favorise également le développement des approches partenariales de cette politique. La commission a donc adopté cette proposition de loi sans modification.

Institués en 2002, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD), présidés par les maires, constituent des instances de coordination et de pilotage de la politique locale de prévention de la délinquance. Ils sont obligatoires dans les communes de plus de 5 000 habitants. La loi prévoit également la possibilité d'instituer un tel conseil au niveau intercommunal. Le cas échéant, le conseil intercommunal de sécurité de prévention de la délinquance (CISPD) est présidé par le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Nombre de CLSPD

Nombre de CISPD

 
 

Source : SG-CIPDR (données 2024)

Les maires et les présidents des EPCI fixent, respectivement, la liste des membres des CLSPD et des CISPD. Celle-ci comporte des membres de droit et des membres facultatifs. Ainsi :

sont membres de droit : le représentant de l'État ; le procureur de la République ; s'agissant des CLSPD, le cas échéant, le président de l'EPCI compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance ;

- peuvent également être désignés membres de ces conseils des représentants de services de l'État compétents ; à leur demande, les parlementaires concernés ; des représentants d'associations, d'établissements ou d'organismes désignés, avec leur accord, par le président du conseil.

La loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a élevé au niveau de la loi les dispositions relatives à la composition des CLSPD et CISPD, auparavant régies par voie réglementaire. Elle a ce faisant retiré les présidents de conseil départemental de la liste des membres de droit, évolution sur laquelle la présente proposition de loi entend revenir. À l'instar de l'ensemble des acteurs nationaux et locaux qu'elle a interrogé, la commission des lois juge ce rétablissement pleinement opportun, pour deux raisons principales.

En premier lieu, cette mesure est pleinement cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale, la loi prévoyant expressément que celles-ci concourent à la politique de prévention de la délinquance. Les travaux du rapporteur ont mis en évidence des exemples locaux illustrant le rôle important joué par les départements dans le cadre des CLSPD. Les politiques qu'ils mènent dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la prévention spécialisée, de l'insertion ou encore de la prévention des violences intrafamiliales apportent ainsi un complément précieux à la politique de prévention de la délinquance : la lutte contre la prostitution de mineurs, phénomène lié à la criminalité organisée et qui monte en puissance dans de nombreux territoires, a plusieurs fois été cité en exemple. Ainsi, la proposition de loi constitue à la fois une reconnaissance du rôle des départements et une invitation, pour ceux d'entre eux qui ne l'auraient pas fait, à pleinement investir les compétences de prévention de la délinquance.

En second lieu, la mesure favorise le développement des approches partenariales de la politique de prévention de la délinquance. Au-delà de l'exercice de ses compétences en matière d'action sociale, le département peut jouer un rôle précieux dans l'animation de cette politique, notamment en orientant sa politique de soutien logistique et financier aux communes, en faveur des politiques de sécurité. Par exemple, certains départements financent des équipements de vidéoprotection, notamment en faveur des communes rurales. L'intégration des départements au « tour de table » permet également une circulation plus complète des informations pertinentes. Ainsi, les politiques de l'ASE et de la prévention spécialisée, par-delà leur fonction d'action sociale, sont par exemple susceptibles de donner accès à des informations ou à des « signaux faibles » pouvant s'avérer extrêmement précieux pour les maires et pour les forces de sécurité intérieure, notamment dans le domaine de la lutte contre la radicalisation.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Élargissement aux présidents de conseil départemental des membres de droit des conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance

L'article unique de la présente proposition de loi tend à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance.

En effet, la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux a remonté au niveau de la loi les dispositions relatives à la composition des CLSPD et des CISPD, auparavant régies par voie réglementaire. Ce faisant, elle a retiré les présidents du conseil départemental de la liste des membres de droit.

La commission des lois a jugé cette mesure de rétablissement pleinement opportune, et ce pour deux raisons principales :

- elle est pleinement cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale ;

- elle favorise le développement d'approches partenariales de la politique de prévention de la délinquance qui, compte tenu de son caractère intrinsèquement protéiforme, appelle une mobilisation et une coopération de l'ensemble des acteurs impliqués.

L'ensemble des acteurs interrogés (administrations, associations d'élus du bloc communal, Départements de France, collectivités territoriales) partage cette position.

La commission des lois a adopté cet article sans modification.

1. Les conseils locaux et intercommunaux de prévention de la délinquance : une instance précieuse pour l'animation des politiques locales de sécurité, dont les présidents de conseil départemental ne sont plus membres de droit depuis 2024

Institués par le décret n° 2002-999 du 17 juillet 2002 relatif aux dispositifs territoriaux de sécurité et de coopération pour la prévention et la lutte contre la délinquance, les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) constituent des instances de coordination et de pilotage de la politique locale de prévention de la délinquance, présidés par les maires. À cette fin, elles favorisent notamment les échanges d'informations entre les organismes publics et privés concernés et peuvent proposer des actions de prévention dont elles assurent le suivi et l'évaluation. Le cas échéant, elles assurent l'animation et le suivi du contrat local de sécurité.

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a rendu leur création obligatoire dans les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que dans les communes comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Elle a également prévu la possibilité d'instituer un tel conseil au niveau intercommunal. Le cas échéant, le conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD) est présidé par le président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou l'un de ses vice-présidents.

Les CLSPD et les CISPD sont aujourd'hui régis, respectivement, par les articles L. 132-4 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure.

À plusieurs reprises, le législateur a entendu renforcer les CLSPD et des CISPD.

En particulier, la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, dite « Sécurité globale », a étendu l'obligation de créer un CLSPD aux communes de plus de 5 000 habitants. Elle a également prévu l'obligation pour les maires de communes de plus de 15 000 habitants de désigner un « coordinateur » au sein du CLSPD. Celui-ci -- qui peut être un membre du conseil municipal ou un agent public territorial -- est alors chargé d'assurer l'animation, le suivi et la coordination des travaux du conseil. Depuis la loi n° 2024-247 du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, si le maire n'a pas désigné de coordinateur, le représentant de l'État territorialement compétent est tenu d'en désigner un.

Ainsi, en 2024, le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) dénombrait 1 041 CLSPD et 301 CISPD. Il recensait également, en 2022, respectivement 660 et 238 coordinateurs pour ces instances.

Les maires et les présidents des EPCI fixent, respectivement, la liste des membres des CLSPD et des CISPD. Celle-ci comporte des membres de droit et des membres facultatifs.

Sont membres de droit :

- le représentant de l'État ou son représentant ;

- le procureur de la République ou son représentant ;

- s'agissant des CLSPD, le cas échéant, le président de l'EPCI à fiscalité propre compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance et dont la commune est membre, ou son représentant.

La loi prévoit que le CLSPD ou le CISPD se réunit au moins une fois par an en présence des membres de droit ou de leurs représentants spécialement désignés à cet effet.

Peuvent également être désignés membres de ces conseils :

- les représentants des services de l'État désignés par le représentant de l'État dans le département. Si ces services peuvent varier selon les territoires, il peut notamment s'agir de la police ou de la gendarmerie nationales, du délégué du préfet à la politique de la ville, des représentants du service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip), de la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ), de la direction départementale de l'emploi, du travail et des solidarités (DDETS), de la direction académique des services de l'éducation nationale (Dasen), des directeurs, principaux et proviseurs des établissements scolaires, etc. ;

- à leur demande, les parlementaires concernés ;

- des représentants d'associations, d'établissements ou d'organismes désignés, avec leur accord, par le président du conseil. Il peut notamment s'agir d'acteurs sociaux et éducatifs (protection judiciaire de la jeunesse, services sociaux, éducateurs spécialisés, missions locales...) ou encore d'associations et organismes partenaires (aide aux victimes, bailleurs sociaux, médiateurs et éducateurs spécialisés, intervenants sociaux en commissariat et en gendarmerie...).

Enfin, en tant que de besoin et selon les particularités locales, les maires des communes limitrophes de moins de 5 000 habitants ou leurs représentants et des présidents des établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que des personnes qualifiées peuvent être associés aux travaux du conseil.

Il est à noter que la loi 21 mars 2024 précitée a défini au niveau de la loi les dispositions relatives à la composition des CLSPD et CISPD, auparavant régies par voie réglementaire. Ce faisant, elle a retiré les présidents de conseil départemental de la liste des membres de droit1(*), la désignation de ces derniers pouvant néanmoins être prescrite en tant que personnes qualifiées.

En outre, les CLSPD et CISPD peuvent constituer en leur sein des groupes de travail et d'échange d'informations à vocation territoriale ou thématique, dans le cadre desquels des informations confidentielles non communicables aux tiers peuvent être échangées, selon des modalités prévues par un règlement intérieur2(*).

Ces groupes peuvent notamment traiter :

- à la demande de l'autorité judiciaire ou de ses membres, des questions relatives à l'exécution des peines et à la prévention de la récidive ;

- à la demande du maire, du représentant de l'État ou de l'autorité judiciaire, des questions relatives aux violences commises à l'encontre des élus.

2. La proposition de loi : un rétablissement bienvenu de la représentation des présidents de conseil départemental en qualité de membres de droit

La présente proposition de loi tend à modifier les articles L.132-4 et L. 132-13 du code de la sécurité intérieure de façon à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des CLSPD et CISPD.

2.1 Une mesure cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale

La loi consacre le rôle des départements en matière de prévention de la délinquance, en lien avec leurs compétences d'action sociale3(*).

L'article L. 132-15 du code de la sécurité intérieure prévoit ainsi expressément que : « Le conseil départemental concourt aux actions de prévention de la délinquance dans le cadre de l'exercice de ses compétences d'action sociale. Il statue sur l'organisation et le financement des services et des actions sanitaires et sociaux qui relèvent de sa compétence, notamment des actions qui concourent à la politique de prévention de la délinquance. »

Pour la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance dans les communes et EPCI dans le cadre des CLSPD et CISPD, le même article prévoit que : « le département détermine les territoires prioritaires, les moyens communaux et départementaux engagés et leur mode de coordination, l'organisation du suivi et de l'évaluation des actions mises en oeuvre ».

Dès lors que la loi leur impose de concourir au fonctionnement de ces instances, il paraît incohérent qu'elle ne les désigne pas comme membres de droit.

Il peut également être relevé que l'article L. 121-2 du code de la sécurité intérieure prévoit spécifiquement que « dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et dans les lieux où se manifestent des risques d'inadaptation sociale, le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l'insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles », qui peuvent notamment prendre la forme d'« actions de prévention de la délinquance ».

Les travaux conduits par le rapporteur ont pleinement illustré le rôle précieux que les départements ont pu jouer au sein des CLSPD et CISPD. Plusieurs pans de l'action des départements y contribuent.

En premier lieu, l'aide sociale à l'enfance permet d'agir sur la prévention précoce.

Plusieurs CLSPD, à l'instar de ceux des communes de Vernon ou de Montpellier, dont le maire et l'adjoint au maire ont respectivement été auditionnés par le rapporteur, mènent des actions spécifiques concernant la prévention de la prostitution de mineurs, phénomène lié à la criminalité organisée qui monte en puissance dans de nombreux territoires. Le conseil départemental de Seine-et-Marne, également interrogé par le rapporteur, a noué un partenariat en la matière avec l'association Amicale du nid, en lien avec les juridictions et la DTPJJ.

Les services de l'ASE sont également parties prenantes de la cellule de suivi des mineurs primo-délinquants mise en place dans le cadre du CLSPD de Nanterre ou encore de la cellule de « veille éducative » mise en place dans le cadre du CLSPD de Suresnes, cités en exemple par le secrétariat général du CPIDR (SG-CIPDR).

De même, les départements jouent un rôle important en matière de prévention spécialisée, qui repose sur des interventions éducatives de rue auprès des jeunes en rupture ou en voie de marginalisation. Départements de France a notamment cité le département de l'Eure, qui cofinance le dispositif dit des « bataillons de la prévention » sur trois quartiers prioritaires de la politique de la ville d'Évreux.

Ce type de missions s'inscrit pleinement dans le champ d'action des CLSDP. À titre d'exemple, l'adjoint au maire de Bordeaux, auditionné par le rapporteur, a indiqué que le CLSPD, qui organise ses travaux selon une approche thématisée, orientait actuellement ses actions sur les enjeux liés à la lutte contre la délinquance des jeunes, dans le cadre de laquelle la prévention spécialisée a toute sa place.

Les départements peuvent également agir dans le champ de la prévention des violences intrafamiliales, qui relève de l'action sociale et médico-sociale.

Comme le conseil départemental du Cher l'a précisé au rapporteur, ces différentes politiques « participent directement à la prévention de comportements déviants ou violents et permettent d'intervenir en amont des situations de conflit ou de danger ».

Le conseil départemental de Seine-et-Marne a notamment indiqué soutenir la lutte contre les violences intrafamiliales au travers du financement de centres d'hébergement, d'actions de sensibilisation dans les collèges, et de partenariats associatifs.

Les politiques d'insertion peuvent également concourir à la prévention de la délinquance, en agissant sur ses causes sociales.

En définitive, la vue d'ensemble du conseil départemental sur les politiques sociales menées à l'échelle du département permet de « contextualiser » la prévention de la délinquance sur le territoire. L'exemple du plan « Cher solidarités » présenté au rapporteur par le conseil départemental du Cher, qui associe les forces de sécurité intérieure et les services de la justice au titre du schéma unique des politiques de solidarités dans le département, constitue une bonne illustration de l'interdépendance des politiques d'action sociale et de prévention de la délinquance.

Ainsi, le rétablissement proposé des départements au sein de la liste des membres de droit des CLSDP et CISPD constitue à la fois une reconnaissance de leur rôle et une invitation, pour les départements qui ne l'auraient pas fait, à pleinement investir les compétences de prévention de la délinquance qui sont les leurs.

2.2 Une mesure qui favorise le développement des approches partenariales de la politique de prévention de la délinquance

Compte tenu de son caractère intrinsèquement protéiforme, la politique de prévention de la délinquance appelle une mobilisation et une coopération de l'ensemble des acteurs impliqués.

Au-delà de l'exercice de ses compétences en matière d'action sociale, le département peut jouer un rôle précieux dans l'animation de cette politique.

En premier lieu, il peut orienter sa politique de soutien logistique et financier aux communes en faveur des politiques de sécurité, notamment dans le domaine de la vidéoprotection. Le conseil départemental
de Seine-et-Marne a ainsi indiqué avoir cofinancé plus de 120 projets d'installation ou de modernisation de caméras au titre de la seule année 2023. D'après Départements de France, le conseil départemental du Val d'Oise a consacré 5 millions d'euros à la mise en oeuvre d'un centre départemental de supervision d'image de vidéoprotection (CSD) et à un plan de déploiement de caméras bénéficiant aux communes rurales.

Départements de France a également cité l'exemple du conseil départemental de l'Essonne, qui a lancé une étude sur les enfants non scolarisés sur son territoire, illustrant les capacités d'ingénierie du département au bénéfice de l'ensemble des communes.

L'intégration des départements au « tour de table » permet également une circulation plus complète des informations pertinentes.

Ainsi, comme ont pu en témoigner les élus auditionnés par le rapporteur, les politiques de l'ASE et de la prévention spécialisée, par-delà leur fonction d'action sociale stricto sensu, sont par exemple susceptibles de donner accès à des informations ou à des « signaux faibles » pouvant s'avérer extrêmement précieux pour les maires et pour les forces de sécurité intérieure, notamment dans le domaine de la lutte contre la radicalisation. Les groupes thématiques confidentiels pouvant être institués dans le cadre des CLSPD sont propices à de telles remontées d'information.

Ainsi, l'ensemble des acteurs auditionnés s'accordent sur la nécessité d'une représentation des conseils départementaux au sein de la gouvernance locale des politiques de prévention de la délinquance.

Dans la même logique, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a relevé qu'il pourrait être opportun de mieux associer le bloc communal aux travaux des conseils départementaux de prévention de la délinquance (CDPD) présidés par les préfets4(*) et, plus largement, de mieux associer les collectivités territoriales à l'animation de cette politique à l'échelle nationale. Le rapporteur considère que des réflexions en ce sens pourraient également être engagées.

La commission a adopté l'article unique sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 4 JUIN 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons le rapport de notre collègue Louis Vogel sur la proposition de loi relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, déposée par Isabelle Florennes et plusieurs de ses collègues.

M. Louis Vogel, rapporteur. - La proposition de loi (PPL) déposée par notre collègue Isabelle Florennes vise à rétablir les présidents de conseil départemental parmi les membres de droit des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) et des conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CISPD).

Les CLSPD et CISPD sont des instances précieuses pour animer la politique de prévention de la délinquance à l'échelle locale. Ils sont respectivement présidés par le maire ou le président de l'intercommunalité. L'instauration d'un CLSPD est obligatoire dans toutes les communes de plus de 5 000 habitants ; on en dénombre 1 041 à date. La création d'un CISPD est quant à elle facultative, de sorte que l'on n'en compte que 301, soit moins du quart des intercommunalités.

Les maires et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) fixent, respectivement, la liste des membres des CLSPD et des CISPD. Le préfet et le procureur de la République en sont membres de droit, de même que, pour les CLSPD, le président de l'EPCI compétent en matière de dispositifs locaux de prévention de la délinquance.

Les CLSPD et CISPD peuvent également accueillir des membres facultatifs, ce qui rend le dispositif souple et adaptable aux circonstances locales. Peuvent ainsi être désignés membres de ces conseils des représentants de services de l'État compétents, les parlementaires ainsi que des représentants d'associations ou d'organismes pertinents.

Depuis la loi du 21 mars 2024 renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux, ces règles de composition sont fixées dans la loi et non plus au niveau réglementaire. Ce faisant, cette loi a retiré les présidents de conseil départemental de la liste des membres de droit : c'est sur cette évolution que la PPL entend revenir.

Au terme des auditions que j'ai conduites, je considère que ce rétablissement est une très bonne chose, et je vous proposerai donc d'adopter cette PPL.

Deux raisons principales motivent ma position.

En premier lieu, la mesure est cohérente avec les compétences des départements en matière d'action sociale. La loi prévoit expressément que les actions que ceux-ci conduisent dans ce cadre concourent à la prévention de la délinquance. De fait, les politiques qu'ils mènent dans les domaines de l'aide sociale à l'enfance (ASE), de la prévention spécialisée, de l'insertion ou encore de la prévention des violences intrafamiliales (VIF) apportent ainsi un complément précieux à ces politiques dans de nombreux territoires.

Pour ne prendre qu'un exemple, plusieurs communes que j'ai auditionnées ont évoqué les enjeux liés à la lutte contre la prostitution des mineurs, phénomène lié à la criminalité organisée et qui monte en puissance dans de nombreux territoires. Pour endiguer ce phénomène, le concours des compétences sociales du département, notamment au titre de l'ASE, est essentiel.

En second lieu, la mesure favorise le développement des approches partenariales en matière de prévention de la délinquance.

Le département peut jouer un rôle fort utile dans l'animation de cette politique, notamment en orientant sa politique de soutien logistique et financier aux communes. Par exemple, certains départements financent des équipements de vidéoprotection, notamment au profit des communes rurales, qui ne pourraient acquérir seules de tels équipements.

L'intégration des départements au « tour de table » permet également une circulation plus complète des informations pertinentes. Ainsi, les politiques de l'ASE et de la prévention spécialisée, par-delà leur fonction d'action sociale, sont, par exemple, susceptibles de donner accès à des informations ou à des signaux faibles pouvant s'avérer extrêmement précieux pour les maires et pour les forces de sécurité intérieure.

Ainsi, la proposition de loi constitue à la fois une reconnaissance du rôle des départements et une invitation, pour ceux d'entre eux qui ne l'auraient pas fait, à pleinement investir les compétences en matière de prévention de la délinquance.

C'est d'ailleurs pour cette raison que je vous proposerai de ne pas retenir l'amendement qui a été déposé sur ce texte par notre collègue Audrey Linkenheld. Celui-ci prévoit que les départements sont bien membres de droit des conseils, mais que leur présence n'est pas requise pour la tenue de la réunion plénière annuelle du CLSPD. Il contredit l'esprit du texte, qui vise justement à favoriser la présence des départements au sein des CLSPD.

Les élus soulignent l'importance des pratiques locales et ont démontré un engagement et une expertise forte pour développer des stratégies locales de sécurité, toutes tendances politiques confondues. Les contributions que j'ai recueillies de la part des villes de Bordeaux, de Montpellier, de Vernon, ainsi que des conseils départementaux du Cher, et de la Seine-et-Marne ont été très intéressantes à cet égard.

Les auditions que j'ai menées m'ont permis de me rendre compte que le bon fonctionnement des CLSPD reposait trop souvent sur des relations interpersonnelles, ce qui constitue par définition une base fragile. Dès lors que la loi ferait des départements des membres de droit de ces instances, l'exercice de cette compétence ne serait plus une option.

Je précise que leur présence aux réunions plénières des CLSPD était déjà requise par le droit antérieur à la loi de 2024 - celui-ci était de portée réglementaire.

À ce sujet, je souhaite formuler une dernière remarque. Cette proposition de loi souligne aussi les difficultés auxquelles nous nous heurtons lorsque nous inscrivons dans la loi des dispositions auparavant fixées par voie réglementaire. Cela conduit à rigidifier fortement des dispositions qui sont en général de portée assez technique, comme ici la composition d'une instance locale. Nous sommes obligés de délibérer sur ce sujet pour remédier à une lacune, ce qui rend la correction beaucoup plus lourde, mais pas impossible si vous suivez ma recommandation.

Mme Audrey Linkenheld. - Nous souscrivons aux propos du rapporteur : nous devons prendre garde à ce que nous votons, pour éviter de devoir légiférer de nouveau. Nous avons tous envie de mettre notre énergie à faire autre chose que de défaire et refaire les lois. Mais les CLSPD sont importants pour nos territoires et il était donc important d'intervenir à nouveau sur ce point.

Je ne pense pas que l'amendement que j'ai déposé avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) soit contraire à l'esprit de la loi, car nous souscrivons à l'idée que les départements ont toute leur place dans les CLSPD. Nous avons eu tort de les en exclure. Je pense en particulier à la prévention spécialisée et à la protection de l'enfance, qui sont des sujets que l'on évoque avec les maires et les autres partenaires des CLSPD.

Avec cet amendement, nous avons essayé d'être pragmatiques. Aux termes de la version actuelle du texte, tous les membres de droit doivent être présents pour que le CLSPD puisse se réunir. Notre proposition emprunte une voie médiane : les départements sont membres de droit du conseil, mais nous souhaitons que ce dernier puisse quand même se réunir si leur représentant est dans l'impossibilité de venir.

Nous sommes à vos côtés pour réintégrer les départements dans les CLSPD.

Mme Isabelle Florennes, auteure de la proposition de loi. - Je tiens à remercier le rapporteur pour son travail très sérieux et complet.

Cette proposition de loi est issue d'une demande expresse d'un certain nombre de départements, ensuite relayée par Départements de France : l'association s'est rapidement émue de l'erreur commise lors de l'examen de la loi renforçant la sécurité et la protection des maires et des élus locaux. Tous, nous devons être vigilants, surtout lorsque nous inscrivons dans la loi des dispositions de portée réglementaire.

Au cours de ces travaux, nous avions été invités à intégrer d'autres acteurs en tant que membres de droit, mais nous n'avons pas souhaité nous engager dans cette voie, car nous devons faire montre de souplesse. Les maires doivent pouvoir convoquer les acteurs qu'ils souhaitent en fonction des problématiques territoriales, et la rédaction actuelle de la loi leur laisse déjà d'importantes latitudes en la matière. Je vous remercie donc, monsieur Vogel, d'avoir proposé d'adopter sans modification ma proposition de loi.

Mme Catherine Di Folco. - Je vais faire mon mea culpa, car j'étais rapporteur de la loi précitée. J'assume l'entière responsabilité de cette erreur !

Mme Muriel Jourda, présidente. - L'erreur est humaine, mais persévérer est diabolique !

M. Louis Vogel, rapporteur. - Madame Linkenheld, nous partageons le même objectif : rétablir les présidents de conseil départemental en tant que membres de droit des CLSPD et CISPD. Je considère qu'à l'aune des compétences que la loi leur confie à cet égard, ils ont vocation à être des membres de droit à part entière, au même titre que les autres, et par conséquent avec les mêmes obligations. Leur président n'aura pas plus de difficultés à y siéger ou à s'y faire représenter que le préfet ou le procureur de la République.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives au fonctionnement et à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous avons déjà échangé sur l'amendement  COM-1, sur lequel le rapporteur a émis un avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté sans modification.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme LINKENHELD

1

Absence d'obligation de participation des départements aux réunions plénières annuelles des CLSPD et CISPD. 

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 5(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie6(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte7(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial8(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 4 juin 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 744 (2023-2024) relative à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives au fonctionnement et à la composition des conseils locaux et intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Mme Isabelle Florennes, sénatrice des Hauts-de-Seine, auteure de la proposition de loi

Direction générale des collectivités locales (DGCL)

M. Lionel Lagarde, sous-directeur adjoint à la sous-direction des compétences et des institutions locales

M. Florentin Bertheas, chef du bureau du contrôle de légalité et du conseil juridique

Départements de France

M. Alexandre Touzet, conseiller départemental de l'Essonne

Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) 

M. Alexandre Touzet, maire de Saint-Yon

M. Charles Abadie, chargé de mission sécurité et prévention de la délinquance

Mme Charlotte de Fontaines, responsable des relations avec le Parlement

Association des maires ruraux de France (AMRF)

Mme Rachida Laoufi-Saber, vice-présidente de l'Association des Maires Ruraux de Haute-Saône

M. François Ouzilleau, maire de Vernon

M. Marc Etcheverry, adjoint au maire de Bordeaux, en charge de la sécurité et de la prévention de la délinquance

M. Sébastien Cote, adjoint au maire de Montpellier en charge de la protection de la population et de la tranquillité publique

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

France urbaine

Département du Cher

Département de la Seine-et-Marne

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-744.html


* 1 L'article D. 132-8 du code de la sécurité intérieure, faute de mesure réglementaire de coordination avec la nouvelle loi, mentionne toujours les présidents de conseil départemental en qualité de membres de droit.

* 2 Article L. 132-5 et II de l'article L. 132-13 du code de la sécurité intérieure.

* 3 Article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriale et articles L. 121-1 à L. 121-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 4 Ces instances sont régies par les articles D. 132-5 à D. 132-6-1 du code de la sécurité intérieure.

* 5 Voir le commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 6 Voir par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 7 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 8 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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