N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME I

Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2024 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE
ET FINANCIER

I. UNE CROISSANCE 2024 INFÉRIEURE À LA PRÉVISION ET QUI RÉSULTE EN GRANDE PARTIE DU DÉRAPAGE DES COMPTES PUBLICS

A. UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE DE 1,2 % INFÉRIEURE À LA PRÉVISION INITIALE DE 1,4 % ET QUI RESTE MODESTE

1. Une croissance économique inférieure à une prévision largement considérée, dès le départ, comme trop optimiste

Le Gouvernement envisageait, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, une croissance du PIB de 1,4 % cette année-là. Cette prévision était largement considérée comme trop optimiste. La commission des finances du Sénat avait ainsi souligné le manque d'explications probantes concernant l'évolution du taux d'épargne et le risque que ferait peser sur l'investissement, mais avec retard, la contraction de la politique monétaire opérée entre juillet 2022 et septembre 20231(*).

Dès le mois de février, le ministre de l'économie et des finances a mis en avant une nouvelle prévision de croissance, à hauteur de 1 %, confirmée dans le programme de stabilité pour 2024-2027 d'avril 2024. Comme dans le PLF pour 2024, cette prévision de croissance était imbriquée avec une prévision de déficit bien inférieure (- 5,1 % du PIB après - 4,4 % dans le PLF pour 2024) au niveau finalement atteint (- 5,8 % du PIB).

La croissance est finalement inférieure à la prévision sous-jacente au PLF pour 2024 mais légèrement supérieure à la prévision révisée de février : elle s'est établie à 1,2 %2(*).

Prévisions de croissance du Gouvernement et du consensus des économistes
pour l'année 2024

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat

L'activité a été la plus soutenue au troisième trimestre (+ 0,4 %) notamment sous l'effet des jeux Olympiques et Paralympiques, dont le contrecoup s'est reflété dans la baisse du PIB au quatrième trimestre (- 0,1 %)3(*).

2. Une performance plus proche du « marasme allemand » que du dynamisme espagnol

Si l'économie française a moins crû en 2024 que ce que ne l'anticipait le Gouvernement fin 2023, elle est toutefois demeurée dans la moyenne haute de nos principaux partenaires.

Toutefois, ceux-ci rencontrent des dynamiques contrastées et l'économie française affiche en 2024 une performance intermédiaire entre celle de l'économie allemande, qui pour la deuxième année consécutive a subi une récession (- 0,2 %), et celle de l'économie espagnole qui a enregistré une croissance de 3,2 % en 2024 et qui bénéficie sa faible dépendance aux hydrocarbures russes et de financement européens dans le cadre du plan de relance mais aussi d'une forte attractivité touristique et d'une démographie favorable tirée par l'immigration de personnes qualifiées provenant d'Amérique du Sud même si le dynamisme économique de l'Espagne est aussi le résultat de l'effacement progressif du stigmate de la crise financière de 20084(*).

Ainsi, si la France fait mieux que la zone euro dans son ensemble (+ 0,9 %), c'est principalement en raison du marasme allemand5(*), dû à un fort repli de l'investissement et à une contribution inhabituellement négative du commerce extérieur à la croissance.

Croissance du PIB en 2024 de la France et de quelques-uns de ses partenaires

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat

L'économie américaine, grâce à une consommation des ménages dynamique et soutenue par une forte impulsion budgétaire avec un déficit public de 6,3 % du PIB résultant en partie de l'adoption de l'Inflation Reduction Act et du CHIPS and Sciences Act en août 2022, maintient un taux de croissance élevé de 2,8 % dont n'aura pas eu raison la politique monétaire restrictive menée par la Fed6(*).

Enfin, malgré un excédent commercial historique de près de 1 000 milliards de dollars, le ralentissement chinois se confirme du fait de l'atonie de la demande intérieure, certes contrecarrée par un renforcement du soutien public en fin d'année. La croissance a ainsi atteint 5 % en 2024, le niveau le plus faible depuis 1990 (hors crise sanitaire).

En retrait par rapport à la croissance de 1,4 % affichée en 2023, l'économie française présente donc des performances moyennes qui demeurent légèrement supérieures à celles de la zone euro dans son ensemble.

B. UNE CROISSANCE PORTÉE PAR LE DÉRAPAGE DES COMPTES PUBLICS ET UNE AMÉLIORATION EN TROMPE-L'oeIL DE LA BALANCE COMMERCIALE, MAIS FREINÉE PAR LES EFFETS RETARDÉS DE LA CONTRACTION MONÉTAIRE

En 2024, la croissance a été portée par le dérapage des comptes publics, qui s'observe non seulement dans la contribution de la demande publique à la croissance du PIB (+ 0,6 point), mais également dans celle de la contribution d'autres postes, comme la consommation des ménages (+ 0,5 point), moins affectés par la fiscalité que prévu - on rappelle en effet que la dégradation du déficit public en 2024 résulte en grande partie de recettes moindres qu'attendu7(*) - et portés par une progression de la dépense sociale, notamment la revalorisation des retraites en fonction de l'inflation de 2023.

La croissance a également été fortement soutenue par l'amélioration de la balance commerciale, dont la contribution à la croissance a été de + 1,3 point. Un mouvement de déstockage est toutefois la contrepartie de la baisse des importations : pour satisfaire la demande, les entreprises, au lieu d'importer, ont préféré déstocker.

Contribution des différents facteurs de la demande à la croissance en 2023

(en points de croissance du PIB)

Note : la différence entre la somme des contributions et le total est due aux erreurs d'arrondis. Les « ISBLM » sont les institutions sans but lucratif au service des ménages ».

Source : commission des finances, d'après les données de l'Insee de mai 2025

1. La demande publique explique près de la moitié de la croissance en 2024

La demande publique, en 2024, a contribué à près de la moitié de la croissance. Cette dernière s'est en effet élevée à 1,2 %, et la contribution de la demande publique a cette dernière a été de 0,6 point8(*).

La consommation publique, qui a crû de 1,4 % en volume en 2024 - comme en 2023 - a en effet contribué à hauteur de 0,3 point à la croissance du PIB, portée par les dépenses de soins de ville et les achats de médicaments financés par la Sécurité sociale9(*).

L'investissement public, porté par les collectivités et notamment les communes, s'est quant à lui montré encore dynamique, avec une hausse de 4,8 % en volume représentant une contribution à la croissance du PIB de 0,2 point.

2. L'amélioration de la balance commerciale n'est que la contrepartie d'une consommation atone et d'un mouvement de déstockage des entreprises

Par ailleurs, l'amélioration à hauteur de 38,8 milliards d'euros de la balance commerciale - toujours déficitaire - contribue positivement à la croissance, et de façon significative. En effet, non seulement le niveau des exportations augmente de 2,5 %, mais le niveau des importations diminue de 1,2 %.

Bien que le Gouvernement, dans l'exposé des motifs du présent projet de loi, explique que le niveau de croissance a été plus faible que prévu du fait d'une demande mondiale adressée à la France limitée en raison d'une perturbation du trafic maritime transitant par les canaux de Suez et de Panama, les contributions à la croissance respectives de la hausse des exportations et de la baisse des importations s'élèvent ainsi à 0,9 et 0,4 point, aboutissant à une contribution du commerce extérieur à la croissance de 1,3 point. Pour que l'analyse soit complète, toutefois, il faut préciser que le recul des importations s'est accompagné en 2024 d'un important mouvement de déstockage des entreprises, qui a grevé la croissance de 0,8 point.

Il n'en demeure pas moins que ce mouvement confirme l'amélioration du solde du commerce extérieur déjà enregistrée en 2023.

Évolution du solde du commerce extérieur entre 2012 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Insee

Comme le signale l'Insee, cette amélioration s'explique par un recul des importations énergétiques, principalement en gaz et pétrole brut, de biens fabriqués (en particulier les biens d'équipement et les voitures), ainsi que par une hausse des exportations de produits agro-alimentaires, chimiques et pharmaceutiques, ainsi que par une accélération des exportations de services, notamment aux entreprises.

Toutefois, le recul des importations constitue également la contrepartie d'une certaine atonie de la consommation des ménages.

Si elle accélère par rapport à 2023, en augmentant de 1 %, elle ne contribue à la croissance du PIB qu'à hauteur de 0,5 point, ce qui est certes plus élevé qu'en 2023, mais historiquement faible. Ainsi, seule la consommation de services augmente (+ 2,2 %) notamment du fait des achats de billets pour les jeux Olympiques et Paralympiques, tandis que la consommation de biens diminue de 0,2 %.

En effet, si en 2024 le pouvoir d'achat du revenu disponible a augmenté de 2,6 %, et de 2,1 % par unité de consommation, cette dynamique fait suite à une diminution, pendant plusieurs années, des salaires réels, qui ont enregistré un recul de l'ordre de 3 % entre fin 2020 et fin 202410(*). Combinée à une forte inflation ressentie, souvent plus élevée que l'inflation mesurée11(*), et à la hausse généralisée des facteurs d'incertitudes sur l'année 2024, cette situation a pu contribuer à l'élévation du taux d'épargne, qui est passé de 17 % à 18,2 % entre 2023 et 202412(*). Le niveau de consommation s'en trouve nécessairement affaibli. Au contraire, lors de l'examen du PLF, le Gouvernement prévoyait une baisse du taux d'épargne et estimait sur ce fondement que la consommation soutiendrait fortement la croissance. La commission des finances du Sénat estimait à l'époque que les hypothèses gouvernementales étaient « trop favorables au regard de nombreux éléments d'incertitudes »13(*).

3. Les effets retardés de la contraction monétaire et la hausse de l'incertitude ont entraîné une baisse de l'investissement

Enfin, plus encore qu'en 2023, la contraction monétaire décidée par la Banque centrale européenne entre juillet 2022 et septembre 2023, période lors de laquelle ses taux directeurs ont augmenté de 450 points de base, a pesé sur l'investissement. Le climat d'incertitude, lié notamment à la dissolution de l'Assemblée nationale décidée le 9 juin 2024, a également alimenté l'attentisme des entreprises. Ces deux facteurs ont conduit à une diminution non seulement de l'investissement des ménages - comme en 2023 - mais encore désormais à une baisse de l'investissement des sociétés non financières.

L'investissement des ménages a poursuivi sa chute, tout en la ralentissant, puisqu'il a baissé de 5,4 % en 2024 contre 8 % en 2023, ce qui a pesé à hauteur de 0,3 point sur la croissance. L'investissement des sociétés non financières a baissé de 2,2 %, minorant la croissance de 0,3 point : la hausse des taux est en effet venue diminuer le nombre de projets rentables. Dans l'investissement privé, seul celui des sociétés financières augmente, à hauteur de 8,9 %, soit une contribution de 0,1 point à la croissance.

Au total, l'investissement a diminué de 1,1 %, grevant la croissance de l'activité de 0,2 point : la hausse de l'investissement public n'a pas suffi pour compenser la chute de l'investissement privé.

II. UN DÉFICIT ENCORE PLUS ÉLEVÉ QUE LE NIVEAU DÉJÀ HISTORIQUE DE 2023 ENTRAÎNANT L'APPLICATION DU MÉCANISME DE CORRECTION ET FAISANT DÉVIER NOTRE TRAJECTOIRE D'ENDETTEMENT

A. DES RECETTES BIEN MOINS ÉLEVÉES QUE PRÉVU ET UN DYNAMISME DE LA DÉPENSE SOCIALE LIÉ À L'INFLATION PASSÉE EXPLIQUENT UN DÉFICIT DE 5,8 % DU PIB, SUPÉRIEUR DE 1,4 POINT À LA PRÉVISION

Alors que les prévisions gouvernementales de déficit public s'étaient établies à 4,4 % du PIB dans la loi de finances pour 2024 avant d'être révisées à 5,1 % du PIB dans le programme de stabilité, celui-ci a finalement atteint 5,8 % du PIB, soit 168,6 milliards d'euros. Maigre consolation, il s'agit d'un niveau meilleur que les 6 % prévus, pour 2024, dans la loi de finances pour 2025.

Par rapport au niveau initialement projeté, il s'agit donc d'un écart à la baisse de 1,4 point de PIB, soit environ 41 milliards d'euros. En points de PIB, sur les 25 dernières années, un tel écart à la baisse n'a été observé qu'en 2002 et 2003, en 2009 lors de la crise financière et en 2020 lors de la crise sanitaire14(*). Par ailleurs, alors que le déficit public, en 2023, apparaissait comme le plus élevé de l'histoire de la Vème République hors période de crise, celui de 2024 lui est supérieur de 0,4 point. Les causes de ce dérapage inédit des finances publiques ont été analysées par la commission des finances dans le cadre de la réactivation de sa mission sur la dégradation des finances publiques depuis 202315(*).

1. Des recettes bien moins élevées que prévu du fait de prévisions initiales trop optimistes et du résultat déjà dégradé de 2023

Ainsi que l'a mis en avant la mission d'information susmentionnée et que le confirme l'exposé général des motifs du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, cette dégradation résulte à la fois de prévisions initiales trop optimistes liées à une prévision de croissance elle-même trop élevée et du résultat déjà dégradé en 2023 qui, par un effet de reprise en base, a pesé sur les résultats de 2024.

La moins-value de 39,4 milliards sur les prélèvements obligatoires s'explique ainsi, selon les réponses fournies par le ministère de l'économie et des finances au rapporteur général, par la combinaison de quatre facteurs principaux :

la reprise en base de l'exécution de l'année 2023 (- 17,8 milliards d'euros) ;

- un effet supplémentaire de l'exécution de l'année 2023 sur l'année 2024, notamment en raison des mécaniques spécifiques de certains impôts (- 10,9 milliards d'euros) ;

- la révision du scénario macroéconomique 2024, avec d'une part l'effet de la révision de la croissance de l'activité à élasticité unitaire (- 6,8 milliards d'euros) et d'autre part l'effet de la composition de la croissance qui se traduit en une élasticité plus basse qu'anticipé (- 9,0 milliards d'euros), soit un effet total de 15,8 milliards d'euros sur le solde ;

- la révision des mesures nouvelles (+ 5,1 milliards d'euros), sous l'effet notamment des événements postérieurs au PLF 2024 (anticipation de la remontée de la TICFE en sortie de crise énergétique du fait de la baisse plus rapide que prévu des prix de l'électricité).

Quel que soit le niveau d'administration affectataire, l'exécution des principales recettes fiscales nettes a été presque systématiquement inférieure aux niveaux prévus dans la loi de finances pour 2024, et de façon souvent très significative. Seules les recettes de droits de mutations à titre gratuit ont été supérieures à la prévision.

Ainsi, le rendement de l'impôt sur le revenu net s'est élevé à 88 milliards d'euros contre 93,4 milliards d'euros prévus dans la loi de finances (et 94,1 milliards dans le PLF pour 2024), soit une moins-value de 5,4 milliards d'euros. Selon le Gouvernement, cette révision s'explique par la reprise en base de la moindre exécution 2023, par des salaires réels 2023 moindres qu'attendu et un faible dynamisme des plus-values mobilières en 2023, et enfin par la révision à la baisse du prélèvement à la source, qui s'explique par un moindre dynamisme des assiettes contemporaines en lien avec le recul de la masse salariale 2024 et l'effet de l'actualisation des taux de prélèvement à la source en raison de salaires réels 2023 moindres qu'attendus.

Le rendement de l'impôt net sur les sociétés s'est élevé à 57,4 milliards d'euros contre 72 milliards d'euros, soit une moins-value de 14,6 milliards d'euros. Selon le Gouvernement, cette révision à la baisse s'explique pour - 11,7 milliards d'euros par des révisions du bénéfice fiscal (BFI) 2022 et surtout du BFI 23 (de 14 % à 1 %) suite à l'intégration des remontées comptables de l'acompte de décembre 2023 et du solde à l'été 2024. Ces révisions sont accentuées par la baisse du bénéfice fiscal 2024 (- 2,5 % contre + 4,0 % au PLF 2024) en lien avec l'environnement macroéconomique.

Les recettes nettes de TVA en comptabilité nationale se sont élevées en 2024 à 206,3 milliards d'euros, soit une révision à la baisse de 12,6 milliards d'euros par rapport à la prévision sous-jacente au PLF 2024. Désormais, seule une part minoritaire revient à l'État, puisqu'il a perçu, en comptabilité nationale, 96 milliards d'euros. Selon le Gouvernement, cette révision s'explique, comme pour d'autres impôts, par la reprise en base de l'exécution de l'année 2023, par la révision à la baisse des prévisions de croissance de l'activité, par des effets d'élasticité dont une part est liée à une croissance des emplois taxables moins dynamique que l'activité en valeur en raison d'une croissance davantage portée par les exportations (non soumises à la TVA) et dont une part résiduelle concerne le faible dynamisme des remontées comptables par rapport à l'assiette taxable estimée.

Bien que les cotisations sociales et les contributions aient respectivement augmenté de 4,2 % et 4,3 % en 202416(*), les cotisations sociales et prélèvements sociaux ont également été revus à la baisse depuis le PLF 2024 de 7,2 milliards d'euros. Cette révision s'explique, selon le Gouvernement, par la reprise en base du moindre dynamisme de la masse salariale privée et publique en 2023 par rapport à la prévision du PLF 2024, le changement de base des comptes nationaux qui acte la sortie de l'Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (Erafp) du champ des administrations publique, la révision de la prévision de croissance de la masse salariale pour 2024 ainsi que de moindres recettes de cotisations issues des régimes complémentaires quasi intégralement compensées par un ralentissement des allègements généraux plus forts que prévus lors du PLFSS 2024. Toutefois, plusieurs bonnes nouvelles d'exécution atténuent légèrement la dégradation résultant de ces facteurs, notamment sur les cotisations des indépendants et exploitants agricoles.

Les recettes nettes de droits de mutations à titre onéreux (DMTO) de 2024 ont été révisées à la baisse de 3,3 milliards d'euros par rapport à la prévision sous-jacente au PLF 2024, du fait, selon le Gouvernement, de la reprise en base de l'exécution de l'année 2023 et de la révision du scénario immobilier. Les DMTO confirment ainsi leur recul : ils ont diminué de 12,9 % en 2024 après - 22 % en 202317(*).

Parmi les principales recettes, les seules qui ont été plus élevées qu'attendu sont les droits de mutation à titre gratuit (DMTG), révisés à la hausse de 1,7 milliard d'euros par rapport à la prévision du PLF 2024 en raison, selon le Gouvernement, de la reprise en base partielle de l'exécution 2023 et de recettes très élevées sur les donations, qui pourraient s'expliquer partiellement par des effets comportementaux en réaction à l'instabilité politique (anticipation de potentielles mesures fiscales).

2. Des dépenses publiques rapportées à la richesse nationale qui ont légèrement augmenté

La dépense publique, rapportée à la richesse nationale, a été encore particulièrement élevée, et a augmenté de 62,8 milliards d'euros (+ 3,9 %) par rapport à 2023. Représentant l'équivalent de 57,2 % du PIB, soit 0,3 point au-dessus du niveau de 2022, elle s'est avérée très supérieure à ce qu'anticipait la loi de finances pour 2024 (55,3 %). Elle dépasse toujours largement le niveau de 55,3 % atteint en 2019, année précédant la crise sanitaire.

Décomposition de la hausse des dépenses publiques entre 2023 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2023

La dépense a été contenue du côté des administrations centrales (+ 5,8 milliards d'euros par rapport à 2023), l'extinction des boucliers énergétiques parvenant à faire plus que compenser la hausse marquée de la masse salariale et des prestations : sans la hausse modérée des intérêts et des investissements, la dépense des APUC aurait diminué en 2024. Au sein de ce périmètre, le ministère de l'économie et des finances précise que les prévisions de dépenses de l'État (au sens du périmètre de dépenses de l'État (PDE)) ont pu être minorées de plus de 7 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale, sous l'effet notamment des mesures de pilotage mises en oeuvre en gestion, notamment le décret d'annulation de 10 milliards d'euros de crédits publié en février 2024, dont l'effet sur la prévision de dépense en comptabilité nationale s'élève à 8,8 milliards d'euros.

La dépense des administrations locales a augmenté de 14 milliards d'euros. S'élevant à 329,7 milliards d'euros (contre 322 milliards anticipés dans le PLF 2024), elle a toutefois été légèrement plus dynamique que prévu du fait d'un fort investissement : estimée à + 6,4 % lors de l'examen du PLF 202418(*), la dépense d'investissement a finalement crû de 7,8 % par rapport à 202319(*), à l'approche des élections municipales de 2026. Augmentant à un rythme très légèrement supérieur aux prestations (+ 2,9 milliards d'euros), les rémunérations progressent de 3 milliards d'euros à la suite de la revalorisation du point d'indice de juillet 2023 et l'attribution générale de cinq points d'indice en janvier 2024. Comme l'indique le ministère des finances dans ses réponses au questionnaire du rapporteur général, le niveau de la dépense des collectivités locales pour 2024 a eu un effet négatif sur le solde public par rapport à la prévision du PLF de - 6,9 milliards d'euros, dont - 6,3 milliards d'euros au titre des dépenses de fonctionnement et - 500 millions d'euros pour l'investissement.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale, qui ont fortement progressé, à hauteur de 40,3 milliards d'euros, ont également été plus élevées que prévu : elles se sont élevées à 776,8 milliards d'euros contre 761,3 milliards d'euros initialement prévus lors de l'examen du PLF pour 2024. Cela s'explique notamment par le dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (Ondam) qui a augmenté de 3,3 % alors que la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2023 prévoyait une hausse de 2,9 %, soit un dépassement de 1,5 milliard d'euros, ainsi que par une hausse significative des prestations sociales, en particulier les retraites, qui ont augmenté de 6,9 %, principalement du fait de l'application des règles de revalorisation sur l'inflation passée. La hausse des dépenses d'assurance chômage liée notamment à un emploi moins dynamique qu'anticipé, pour un total de 3,3 milliards d'euros de dépenses supplémentaires, bien que modérée par les premiers effets de la réforme de l'assurance chômage de 2023, complète l'explication.

La part déterminante que représente la sécurité sociale dans la dépense publique s'observe également dans la décomposition de la dépense publique par fonction effectuée par l'Insee, d'après une nomenclature internationale des principales fonctions des administrations publiques, seulement disponible pour 2023. L'intervention de l'État en faveur des entreprises, retracée dans la catégorie « Affaires économiques », occupe également une place de choix dans le fléchage de la dépense publique.

Décomposition de la dépense publique par fonction en 2023

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2023

3. Un manque de volonté politique et une dissolution qui ont empêché de redresser la situation

Comme l'avait indiqué la commission des finances dans le rapport de novembre 2024 de la mission sur la dégradation des finances publiques, la tendance conduisant à des recettes plus faibles que prévu avait déjà été identifiée par le Gouvernement dirigé par Elisabeth Borne en décembre 2023, mais celui-ci n'est pas intervenu à la hauteur des enjeux pour redresser la situation. Rapidement, s'est imposé le constat que les dépenses seraient aussi globalement plus élevées mais, en lieu et place du projet de loi de finances rectificative demandé par la commission des finances du Sénat, qui aurait permis une action conséquente, le Gouvernement de Gabriel Attal s'est contenté, en février 2024, d'adopter un décret d'annulation des crédits à hauteur de 10 milliards d'euros, contournant de ce fait le Parlement sans régler le problème puisque, dans le même temps, un report de crédits de 16 milliards d'euros était pratiqué de 2023 vers 2024.

La suite est connue : avec la dissolution de l'Assemblée nationale décidée le 9 juin 2024 et la constitution du Gouvernement de Michel Barnier le 21 septembre 2024 seulement, un retard considérable a été pris. Faute de Gouvernement pendant l'été, aucun arbitrage conséquent n'a pu être pris pour l'année 2024 et les comptes n'ont pu être redressés.

B. UN DÉFICIT PUBLIC PLUS ÉLEVÉ QUE CELUI DE 2023 ET ENTRAÎNANT L'APPLICATION D'UN MÉCANISME DE CORRECTION DE FAIBLE PORTÉE

1. Un déficit public encore plus élevé que celui de 2023, pourtant déjà historique

Dès lors, le déficit public a atteint 168,6 milliards d'euros, soit 5,8 % du PIB, un niveau supérieur de 1,4 point à la prévision de la loi de finances pour 2024.

Hors période de crise (récessions de 1993, crise financière de 2008, covid-19), le déficit atteint en 2023 était le plus élevé sous la Vème République : ce triste record est d'ores et déjà battu par le déficit de 2024.

Évolution du solde public de la France entre 1959 et 2024

(en pourcentage du PIB)

Source : commission des finances, d'après les données de l'Insee

L'essentiel de l'écart entre prévision et exécution provient de la combinaison des erreurs de prévision susmentionnées. Non seulement l'effet des mauvais résultats de l'année 2023 s'est fait ressentir sur l'année 2024, mais l'erreur de prévision de croissance, ainsi qu'une prévision d'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB optimiste, fixée à 1,1 au lieu de 0,6 exécuté20(*), a achevé de noircir le tableau.

Comme l'indique le tableau suivant, le dérapage entre la loi de finances et l'exécution proviendrait uniquement du solde structurel puisque le solde conjoncturel a été plus élevé que prévu. Cette révision à la hausse du solde conjoncturel reflète la révision, également à la hausse, de la croissance passée opérée par l'Insee fin mai 2024. La croissance ayant été plus élevée que prévue en 2023, le solde conjoncturel, dans le cadre potentiel de la LPFP, a en fait été positif (0,3 % du PIB). Ainsi, l'écart de production en 2023 (mesuré dans le cadre potentiel de la LPFP) est estimé à -0,7 point, contre -1,2 point dans la LPFP21(*). Le PIB est donc, malgré une croissance plus faible que prévu en 2024, plus proche de son potentiel, ce qui explique que la part conjoncturelle du déficit est plus faible.

Décomposition du solde public en 2024

(en points de PIB)

 

LPFP

LFI

Exécution

Écart LPFP

Écart LFI

Solde structurel

- 3,7

- 3,7

- 5,2

- 1,5

- 1,5

Solde conjoncturel

- 0,6

- 0,6

- 0,5

0,1

0,1

Mesures ponctuelles et temporaires

- 0,1

- 0,1

- 0,1

0,0

0,0

Solde effectif

- 4,4

- 4,4

- 5,8

- 1,4

- 1,4

Source : commission des finances du Sénat, à partir de l'article liminaire du présent projet de loi

2. La mise en oeuvre, par le Haut conseil des finances publiques, d'un mécanisme de correction qui semble dépourvu de portée réelle

L'écart entre le solde structurel exécuté et celui prévu par la LPFP 2023-2027 s'établit à 1,5 point de PIB. Supérieur à 0,5 point de PIB, il s'agit donc d'un écart « important » au sens de l'article 62 de la loi organique relative aux lois de finances22(*). Dans ces conditions, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a déclenché le mécanisme de correction prévu par ce même article.

Comme le prévoit cet article, « lorsque l'avis du Haut Conseil identifie de tels écarts, le Gouvernement en expose les raisons et indique les mesures de correction envisagées lors de l'examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année par chaque assemblée ». Si les raisons de ces écarts sont bien mises en lumière par le Gouvernement dans l'exposé des motifs de la loi de résultats, il faut bien convenir que les mesures de correction envisagées ne sont pas de nature à « retourner aux orientations pluriannuelles de solde structurel définies par la loi de programmation des finances publiques », dont chacun s'accorde désormais à dire qu'elles sont inatteignables23(*). Il reviendra donc au rapport annexé au projet de loi de finances pour 2026, et prévu par l'article 62 de la LOLF, de justifier, le cas échéant « les différences apparaissant, dans l'ampleur et le calendrier de ces mesures de correction, par rapport aux indications figurant dans la loi de programmation des finances publiques ».

Ces considérations forcent à constater que la trajectoire de solde structurel de la LPFP ainsi que le mécanisme de correction qui l'accompagne prévus par la LOLF et requis par le traité sur la stabilité, la croissance et la gouvernance du 2 mars 2012, ne semblent pas disposer de la même portée que la trajectoire de dépense primaire nette désormais imposée par les nouvelles règles budgétaires européennes et contenue dans le plan structurel et budgétaire de moyen terme (PSMT), au risque même d'un certain manque de cohérence entre ces différentes règles.

Le ministère de l'économie et des finances estime pour sa part que les règles européennes issues de la réforme de la gouvernance d'avril 2025 et le mécanisme de correction ne sont pas contradictoires. Selon le ministère, dans la mesure où le HCFP a pu remplir son office en déclenchant le mécanisme de correction prévu dans la LOLF et où la France a adressé en parallèle à la Commission européenne son rapport d'avancement annuel dans le cadre du contrôle annuel du respect des règles européennes, ces deux procédures trouvent à s'appliquer conjointement.

Toutefois, le premier président de la Cour des comptes, lors de son audition du 30 avril 2024 par la commission des finances du Sénat, a bien résumé les problèmes soulevés par la situation actuelle. Selon lui, « les effets du mécanisme de correction risquent d'être artificiels, ce qui démontre une faille dans la gouvernance, ou s'ils sont effectifs, ils pèseront lourdement sur la croissance. Il serait utile, en théorie, que le Gouvernement présente une nouvelle loi de programmation, conforme à la trajectoire du PSMT. En effet, vous observerez qu'il existe en réalité deux trajectoires, celle de la LPFP et celle du PSMT, qui ne se rejoignent pas. Est-ce vraiment logique ? »

3. Malgré la dégradation de la situation financière des collectivités et des administrations de sécurité sociale, l'État est encore responsable de l'essentiel du déficit

En 2024, le déficit public a été principalement porté par les administrations publiques centrales, qui affichaient un solde de - 5,3 % du PIB, en légère amélioration de 0,1 point par rapport à 2023. Les administrations publiques locales, en revanche, accusent une dégradation de leur situation par rapport à 2023 de 0,3 point de PIB, avec un déficit de 0,6 % du PIB. L'excédent des administrations de sécurité sociale s'érode et passe de 0,4 % du PIB en 2023 à 0,1 % du PIB en 2024.

Depuis le début du premier quinquennat d'Emmanuel Macron, le déficit des administrations centrales a crû de près de 2 points de PIB et se trouve à l'origine de l'essentiel de la dégradation du déficit public. La légère amélioration observée en 2024, en points de PIB, constitue peut-être le début d'une amélioration, mais ne suffit pas encore, loin s'en faut, à effacer le quasi-doublement, en milliards d'euros, du déficit des administrations centrales depuis 201724(*). Ce mouvement doit, assurément, être poursuivi et, s'il est normal que les collectivités participent à l'effort de redressement des comptes publics, celui-ci doit venir prioritairement de l'État. Une telle répartition sera non seulement plus juste, mais également plus efficace.

Évolution du solde public et décomposition par catégorie d'administration
entre 2017 et 2024

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2024

C. LE CREUSEMENT DU DÉFICIT PUBLIC FAIT DANGEREUSEMENT DÉVIER LA TRAJECTOIRE D'ENDETTEMENT DE LA FRANCE

1. Après une décrue en 2023 essentiellement due à l'inflation, l'endettement public en 2024 est à son plus haut depuis la fin des années 1940 et continuera d'augmenter au moins jusqu'en 2027

Fin 2024, le niveau d'endettement public s'élevait à 113,2 % du PIB25(*), soit une augmentation de plus de 3 points par rapport à 2023, où la dette atteignait 109,8 % du PIB.

Évolution du ratio dette sur PIB entre 2017 et 2024

Note : le ratio d'endettement retenu est celui observé en fin d'année.

0

100

105

110

115

5

95

98,1

98,7

98,5

114,8

112,7

111,2

109,9

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de l'Insee

Ce niveau d'endettement reprend une trajectoire croissante à la suite d'une diminution liée à l'inflation, qui avait aboutit à gonfler le PIB nominal. En effet, le ratio dette sur PIB met en rapport des euros courants avec des euros courants.

Désormais, avec une inflation revenue à la normale, à hauteur de 2 % en 2024, l'effet « boule de neige », qui vient diminuer le ratio dette sur PIB lorsque la croissance nominale du PIB, de 3,5 % en 2024, est plus forte que le taux apparent de la dette, de 1,9 % en 2024, n'est plus assez puissant pour contrer l'ampleur du déficit primaire - c'est-à-dire avant paiement des intérêts - lequel s'élève à - 3,7 % du PIB en 202426(*).

La dette publique se répartit ainsi : celle de l'administration publique centrale représente 94,4 % du PIB, la dette des administrations publiques locales 9 % du PIB, tandis que celle des administrations de sécurité sociale représente 9,8 % du PIB. La part des administrations centrales dans la dette publique est donc prépondérante puisqu'elles représentent plus de 80 % de celle-ci.

Parts respectives des diverses catégories d'administration
dans la dette publique totale en 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'Insee

Si l'on analyse l'évolution de la dette publique administration par administration entre 2023 et 2024, on constate encore une fois que l'Etat est la catégorie d'administration qui a contribué le plus puissamment à l'augmentation de la dette publique.

Décomposition de l'évolution de l'endettement public
par catégorie d'administration

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'Insee pour 2024

La responsabilité de l'endettement incombe donc essentiellement à l'État, de même que l'effort à fournir pour mener la dette publique sur une trajectoire soutenable.

2. Une charge de la dette qui augmente fortement en 2024 après un ralentissement en 2023

En 2024, la charge de la dette a atteint, en comptabilité nationale, 60,2 milliards d'euros - 58 milliards d'euros hors frais bancaires27(*) - soit une hausse massive par rapport à 2023 où elle atteignait 52,9 milliards d'euros (50,6 milliards hors frais bancaires).

Cette hausse est imputable aux administrations centrales, dont la charge d'intérêts, hors frais bancaire, a augmenté de 12,8 % entre 2023 et 2024, pour atteindre 46,5 milliards d'euros. Les intérêts versés par les administrations publiques locales et de sécurité sociale ont crû plus vite, respectivement de 14,2 % et de 31,2 % mais n'atteignent respectivement que 6,1 milliards d'euros et 5,7 milliards d'euros28(*).

Cette dégradation devrait se poursuivre pour les années à venir malgré un effort de redressement très conséquent, ainsi que l'indique le PSMT pour 2025-2029

Évolution de la charge de la dette,
toutes administrations publiques confondues, entre 2020 et 2028

(en milliards d'euros)

Source : tome I du rapport général de la commission des finances du Sénat sur le projet de loi de finances pour 2025

DEUXIÈME PARTIE
LES COMPTES DE L'ÉTAT EN 2024

I. LE SOLDE BUDGÉTAIRE S'AMÉLIORE DE 17,0 MILLIARDS D'EUROS, TOUT EN DEMEURANT À UN NIVEAU PRÉOCCUPANT

A. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE EXÉCUTÉ EST SUPÉRIEUR DE 9,0 MILLIARDS D'EUROS À LA PRÉVISION DE LA LOI DE FINANCES INITIALE ET RESTE AU-DELÀ DU SEUIL DE 150 MILLIARDS D'EUROS

Le déficit budgétaire de l'État constaté, à un niveau de 155,9 milliards d'euros, est en dégradation de 9,0 milliards d'euros par rapport au montant de 146,9 milliards d'euros prévu en loi de financesf initiale pour 202429(*), mais en amélioration de 6,5 milliards d'euros par rapport à celui de 162,4 milliards d'euros prévu par la loi de finances de fin de gestion30(*).

Évolution des prévisions de déficit en 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'aggravation du déficit en loi de finances de fin de gestion, par rapport à la loi de finances initiale, résultait principalement d'une moins-value de 25,2 milliards d'euros sur les recettes fiscales nettes, dont - 14,3 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés, - 5,2 milliards d'euros sur l'impôt sur le revenu et la même moins-value sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Cette chute très importante des recettes fiscales par rapport aux prévisions, constatée au premier semestre, a suscité le lancement, par la commission des finances, de la mission d'information sur la dégradation des finances publiques précitée, qui a conduit un programme d'audition des responsables politiques et administratifs et a rendu ses conclusions en deux temps, au moins de juin puis de novembre 202431(*).

Cette moins-value considérable, voire historique, est toujours en cours d'analyse par le Gouvernement.

Dès le 12 juin 2024, la mission d'information constituée par la commission des finances recommandait de réaliser une étude interne pour comprendre les raisons des retards rencontrés dans le traitement des remboursements de TVA en 2023, qui étaient un élément important de la difficulté à suivre les recettes nettes de cet impôt. Lors de son audition le 17 mars dernier, soit neuf mois plus tard seulement, la ministre chargée des comptes publics a indiqué qu'une mission interne avait été lancée sur cette question. Une autre mission interne portait sur la prévision de l'acompte d'impôt sur les sociétés. Lors d'une nouvelle audition tenue le 17 juin 2025, elle a précisé qu'un bilan serait disponible en septembre prochain.

Facteurs d'évolution du solde entre la loi de finances initiale, la loi de finances de fin de gestion et le projet de loi relatif aux résultats de la gestion

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'exposé des motifs du projet de loi relatif aux résultats de la gestion

L'écart entre la prévision de dépenses et de recettes en fin de gestion et l'exécution est beaucoup moins important qu'en 2023. Cette année-là, la loi de finances de fin de gestion avait surestimé les dépenses du budget général, nettes de prélèvements sur recettes, de 7,7 milliards d'euros, et surestimé d'autant les recettes fiscales nettes.

L'écart de + 6,5 milliards d'euros sur le solde est toutefois significatif et témoigne d'une difficulté persistante à appréhender les résultats dans la loi de finances de fin de gestion, même si les facteurs vont cette fois dans le sens d'une amélioration de la plupart des facteurs : moindres dépenses (effet positif de + 2,9 milliards d'euros sur le solde), recettes fiscales nettes (+ 2,4 milliards d'euros) et solde des budgets annexes (+ 0,1 milliard d'euros) et des comptes spéciaux (+ 1,6 milliard d'euros), seules les recettes non fiscales connaissant une exécution moindre que prévu (- 0,5 milliard d'euros).

Cet écart s'inscrit dans une tendance, depuis 2017, à un écart beaucoup plus important qu'auparavant entre la prévision en fin d'exercice et l'exécution, l'écart plus faible de 2023 correspondant en fait à la compensation entre des écarts allant en sens contraire sur les dépenses et les recettes.

Si cette évolution peut s'expliquer en partie par l'avancée de la date de publication de la loi de finances de fin de gestion32(*), elle contribue aux interrogations sur la qualité de la prévision, aussi bien en dépenses qu'en recettes.

Écart entre le solde budgétaire prévu en fin d'exercice
et celui constaté en exécution

(en milliards d'euros)

Lecture : différence entre le solde budgétaire exécuté et le solde prévu dans le tableau de financement de la dernière loi de finances rectificative promulguée ou de la loi de finances de fin de gestion de l'exercice.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

B. LA PERSISTANCE D'UN DÉFICIT EXTRÊMEMENT ÉLEVÉ, MÊME EN AMÉLIORATION PAR RAPPORT À 2023, RENDRA PLUS DIFFICILE LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE

L'évolution pluriannuelle du déficit montre une amélioration réelle, surtout si on la corrige de l'effet de l'inflation, mais le niveau du déficit demeure historiquement élevé.

Avec un niveau de 155,9 milliards d'euros, le déficit budgétaire se réduit de 17,0 milliards d'euros par rapport à celui de 2023. Cette amélioration doit toutefois être fortement relativisée compte tenu du niveau très élevé, voire extrême, du déficit en 2023.

Elle résulte principalement d'une diminution des dépenses nettes du budget général de 13,0 milliards d'euros, complétée par une augmentation de 2,8 milliards d'euros des recettes fiscales nettes et une augmentation identique du solde des comptes spéciaux.

La diminution des dépenses, qui n'est toutefois que de 4,4 milliards d'euros sur le périmètre des dépenses de l'État (PDE), est présentée plus en détail infra, ainsi que l'augmentation des recettes fiscales qui, à un niveau de 2,8 milliards d'euros, soit + 0,9 %, a été inférieure à l'inflation au sens de l'indice des prix à la consommation, qui a été de 2,0 % en 2024.

Le seul facteur qui aggrave le solde est constitué par les recettes non fiscales, qui seraient toutefois en augmentation de 1,6 milliard d'euros en l'absence du facteur conjoncturel constitué par le versement européen au titre du plan de relance, en diminution de 3,5 milliards d'euros. S'agissant des prélèvements sur recettes, la création de nouveaux prélèvements en faveur des collectivités territoriales (voir infra) est compensée par une diminution de celui en faveur de l'Union européenne, lequel connaîtra toutefois une hausse inéluctable dans les années à venir, liée au cycle financier européen.

Enfin, l'amélioration du solde des comptes spéciaux, dont le déficit est de 2,3 milliards d'euros en 2024 contre 5,1 milliards d'euros en 2023, est principalement due à l'élément non reproductible que représente la décision de la Grèce de rembourser par anticipation les échéances au titre du capital de prêts qui lui ont été accordés par la France, dont les effets ont été pris en compte pendant l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion33(*).

Évolution du solde budgétaire entre 2023 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du présent projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes

En fin de compte, le déficit, tout en étant le plus bas depuis 2019, reste très supérieur au niveau constaté avant la crise sanitaire, lequel était pourtant déjà considéré comme élevé puisque le déficit public, dont le déficit budgétaire de l'État est le principal déterminant, n'a été inférieur à 3 % du produit intérieur brut qu'en 2018 et en 201934(*).

Évolution à moyen terme du solde budgétaire de l'État,
corrigée de l'inflation

(en milliards d'euros de 2024)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La lenteur de la décrue du déficit, après l'explosion de celui-ci causée par les mesures de restriction prises en 2020 pendant la crise sanitaire, contraste très fortement avec la rapidité avec laquelle le solde s'était amélioré après la crise financière de 2009-2010.

La gestion budgétaire depuis 2017 se caractérise donc toujours, malgré l'éloignement de la crise sanitaire, par un niveau de dépenses significativement plus important (+ 10,5 % en plus de l'inflation), alors que les recettes de l'État, elles, ont diminué de 8,6 % en euros constants.

Évolution, corrigée de l'inflation, des recettes et des dépenses
du budget général entre 2017 et 2024

(base 100 en 2017 pour les recettes)

Dépenses et recettes du budget général, nettes de remboursements et dégrèvements d'État. Données hors prélèvements sur recettes et hors fonds de concours. Montants corrigés de l'inflation et ramenés en basse 100 pour les recettes en 2017.

Source : calculs commission des finances, à partir des documents budgétaires

Loin d'adapter les dépenses au niveau des recettes, l'État a fait l'inverse : alors que les dépenses du budget général étaient supérieures de 28,0 % aux recettes en 201735(*), l'écart est aujourd'hui de 54,8 %. Pour un euro de recettes, l'État dépense plus de 1,50 euro.

C. LE RÉSULTAT COMPTABLE NE S'AMÉLIORE QUE TRÈS FAIBLEMENT, MALGRÉ LA SORTIE PROGRESSIVE DES BOUCLIERS TARIFAIRES

Mesuré en comptabilité générale, le résultat comptable de l'État s'améliore légèrement de 1,8 milliard d'euros par rapport à l'exercice 2023 et s'établit à - 123,7 milliards d'euros. L'écart avec le solde budgétaire (- 155,9 milliards d'euros) est notamment dû à des dépenses d'acquisition d'immobilisation (16,2 milliards d'euros), à la non prise en compte en comptabilité générale du « remboursement » de la dette Covid (6,5 milliards d'euros, voir infra), mais aussi des effets importants liés à la sortie des boucliers tarifaires électricité et gaz.

Cette quasi-stabilité résulte toutefois de deux mouvements contraires sur les charges, en particulier de fonctionnement, et les produits.

Les charges de fonctionnement nettes36(*) sont en augmentation de 19,1 milliards d'euros, dont + 6,9 milliards d'euros au titre des dotations et reprises, et + 10,8 milliards d'euros pour les charges de personnel, soit + 5,1 %. S'agissant des charges de fonctionnement hors personnel, en revanche, l'État contient mieux les dépenses : les charges liées aux achats37(*), par exemple, sont de 32,6 milliards d'euros, en augmentation de 0,5 milliard d'euros (+ 1,7 %, soit un peu moins que l'inflation qui a été de 2,0 %).

Les charges d'intervention nettes diminuent de 23,3 milliards d'euros, principalement à cause de la mise en extinction des boucliers tarifaires. Enfin, les charges financières augmentent de 10,2 milliards d'euros, dont + 5,6 milliards d'euros pour la charge nette de la dette négociable.

Évolution du résultat net entre 2022 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

Le bilan de l'État continue à se dégrader, signe que le déficit ne correspond pas à des investissements qui maintiendraient ou accroîtraient le patrimoine national.

En effet, l'actif n'augmente que de 19,1 milliards d'euros alors que le passif s'accroît de 137,8 milliards d'euros, ce qui explique une dégradation de la situation nette de 118,7 milliards d'euros.

Bilan : évolution de la situation nette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

L'augmentation du passif correspond à l'accroissement des dettes financières (+ 171,5 milliards), directement lié au financement du déficit budgétaire, tempéré par la réduction de certaines provisions pour charges.

S'agissant des actifs, ils bénéficient notamment d'une hausse de la valeur d'équivalence des titres EDF de + 10,7 milliards d'euros. Les immobilisations corporelles sont d'un montant net de 595,5 milliards d'euros, en augmentation de 3,4 milliards d'euros seulement, soit une augmentation de 0,6 %, très inférieure à l'inflation (2,0 %).

La dégradation du bilan, année après année, illustre le caractère non vertueux de l'endettement : l'État finance par l'emprunt ses dépenses ordinaires, alors que l'emprunt devrait être réservé à des investissements susceptibles, plus tard, de contribuer au remboursement de la dette.

D. LA MAÎTRISE DE NOS FINANCES PUBLIQUES IMPOSE LA REPRISE EN MAIN DE LA DÉPENSE DE L'ÉTAT

1. L'accumulation de la dette se combine à la hausse des taux pour accroître tendanciellement le poids de la charge de la dette

Le besoin de financement a été en 2024 de 305,7 milliards d'euros, en diminution de 8,9 milliards d'euros par rapport à 2023 (314,6 milliards d'euros). La baisse de 17,0 milliards d'euros du déficit ne s'est répercutée que partiellement sur le besoin de financement, en particulier parce que, dans le même temps, les emprunts à renouveler sont passés de 149,6 milliards d'euros à 155,1 milliards d'euros.

Malgré la diminution du besoin de financement, il avait été prévu, en loi de finances, d'emprunter à moyen et long termes 15 milliards d'euros de plus qu'en 2023, soit 285 milliards d'euros au total, ce qui permettait de faire moins reposer le financement du déficit par un endettement à court terme dont le stock avait fortement augmenté au cours des années précédentes.

Or le déficit à financer a été plus important que prévu (155,9 milliards d'euros, soit 9 milliards d'euros de plus qu'anticipé). En outre certaines ressources de trésorerie ont été moins élevées : en particulier, la hausse des taux d'intérêt a conduit à constater des décotes nettes importantes lors de l'émission de titres à moyen et long termes38(*). En conséquence, l'encours de titres d'État à court terme doit finalement augmenter de 31,9 milliards d'euros, contre + 5,2 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale.

Cette hausse de l'encours de dette à court terme conduit à reconstituer le niveau exceptionnel de dette à court terme qui avait été atteint au moment de la crise financière de 2009 et qu'il avait fallu une dizaine d'années pour faire diminuer progressivement.

Encours de BTF à début juillet

(en milliards d'euros)

Source : calculs commission des finances du Sénat, à partir de l'historique des adjudications de BTF publié par l'Agence France Trésor

L'impact de ce stock de dette à court terme devrait être mieux pris en compte, car il répercute les hausses des taux beaucoup plus rapidement sur la charge de la dette que la dette à moyen et long termes, pour laquelle l'État sert pendant toute la durée du titre le taux prévu à l'origine, sauf dans le cas des titres indexés sur l'inflation.

S'agissant de la dette à moyen et long terme, elle constitue un sujet toujours plus préoccupant car le refinancement des titres existants constitue une contrainte qui pousse la dette à s'auto-alimenter. Ainsi, on constate que, même les années où le déficit diminue légèrement, le volume de nouveaux emprunts reste constant, voire augmente. La principale raison est que ces emprunts financent tout autant la reconduction des emprunts existants que les déficits nouveaux.

Déficit à financer et amortissement de la dette à moyen et long termes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le caractère profondément stérile de la dette apparaît ainsi pleinement. La moitié des emprunts tendent à financer un déficit qui, portant sur les dépenses de fonctionnement, ne crée pas la richesse permettant de rembourser un jour les emprunts. L'autre moitié tend à permettre simplement le renouvellement de la dette existante.

La seule manière de sortir de ce cercle doublement vicieux sera de lancer un mouvement résolu de réduction des dépenses de l'État, portant en priorité sur les dépenses de fonctionnement.

2. Les restes à payer se maintiennent à un niveau extrêmement élevé qui engage les dépenses des années à venir

Les restes à payer correspondent à la différence entre, d'une part, les engagements juridiques réalisés et traduits comptablement par une consommation d'autorisations d'engagement et, d'autre part, les paiements déjà opérés pour satisfaire ces engagements, qui se traduisent par une consommation de crédits de paiement. Ils apparaissent par nature pour des projets pluriannuels, tels qu'un projet immobilier pour lequel l'autorité publique, en attribuant un marché public, s'engage à payer les intervenants au fur et à mesure de la réalisation du projet, qui peut s'étendre sur plusieurs années.

Les restes à payer correspondent donc à une dépense à peu près inéluctable, qui impactera l'équilibre budgétaire dans les années à venir : leur niveau devrait donc demeurer dans des limites raisonnables.

Toutefois, le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 », créé en 2022, a ouvert 165 milliards d'autorisations d'engagement présentées comme un engagement à rembourser la dette supplémentaire contractée pendant la crise sanitaire en 2020 et 2021. Les crédits de paiement correspondant ayant à vocation à être versés de manière très progressive pendant vingt ans, ce programme a accru le montant des restes à payer de manière très importante, mais tout à fait artificielle. La commission des finances a en effet démontré, dès sa création puis chaque année, l'inutilité de ce programme qui prétendait rembourser la dette avec des crédits budgétaires, alors que l'ouverture de ceux-ci nécessitait une émission de dette de même montant ; elle a finalement obtenu la suppression de ce programme dans la loi de finances pour 2025. Il revient désormais au ministère des finances d'annuler comptablement les autorisations d'engagement restantes, puisqu'elles n'ont plus d'objet, afin que la notion de restes à payer reprenne un sens au cours des prochaines années.

Toutefois, même sans prendre en compte ces restes à payer factices, le niveau des restes à payer a augmenté de près de 90 % entre 2017 et 2024, passant de 118,5 milliards d'euros à 222,9 milliards d'euros, même si leur niveau diminue légèrement entre 2023 et 2024 (- 3,5 milliards d'euros).

Évolution des restes à payer

(en milliards d'euros courants)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les principales hausses concernent naturellement les missions qui portent des programmes pluriannuels, comme la mission « Défense » (+ 1,8 milliard d'euros) et la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (+ 1,7 milliard d'euros). Les restes à payer de la mission « Défense » connaissent toutefois une décélération puisqu'ils avaient augmenté en 2023 de 6,5 milliards d'euros.

À l'inverse, les missions « Investir pour la France de 2030 » et « Plan de relance », qui ont consommé toutes leurs autorisations d'engagement lors leur création, voient leurs restes à payer diminuer au fur et à mesure que les crédits sont dépensés.

Ce niveau élevé des restes à payer constitue une contrainte manifeste pour les efforts de réduction du déficit budgétaire : plus de 220 milliards d'euros devront être décaissés dans les années à venir pour satisfaire les engagements pris.

3. Les lois de programmation, qui limitent encore les marges de manoeuvre futures en matière de maîtrise des dépenses, doivent être réinterrogées

De même que les restes à payer, et souvent en lien avec eux, les lois de programmation réduisent les marges de manoeuvre de l'État en décidant plusieurs années à l'avance l'évolution - généralement à la hausse - des crédits consacrés à certaines politiques publiques.

En application de ces lois, les crédits de quatre missions augmenteraient de 14,2 milliards d'euros entre 2024 à 2027 et de 19,4 milliards d'euros jusqu'en 2029, ce qui accroît d'autant les économies à réaliser sur les autres politiques pour revenir à un ratio de déficit public par rapport au PIB de 3 % d'ici à cette date.

Dépenses supplémentaires prévues par les lois
de programmation sectorielle par rapport à 2024

(en milliards d'euros)

Source : calculs commission des finances, à partir des lois de programmation sectorielles

Ces lois de programmation tracent une orientation politique mais, en application du principe d'annualité budgétaire, la trajectoire financière qu'elles présentent peut toujours être remise en cause en cas d'évolution de la situation. Il n'est d'ailleurs de bonne pratique ni budgétaire, ni politique, de voter des trajectoires de programmation irréalistes qui doivent ensuite être remises en cause lorsque la réalité budgétaire s'impose.

La persistance d'un déficit public, et notamment d'un déficit budgétaire de l'État, très supérieur au niveau qui permettrait de stopper la croissance de la dette doit en effet conduire à réexaminer chaque dépense, y compris pour certaines des politiques couvertes par une loi de programmation.

II. LES RECETTES DE L'ÉTAT ONT CONNU EN 2024 UN NOUVEAU « TROU D'AIR » PAR RAPPORT AUX PRÉVISIONS

Le montant net des recettes du budget général est en 2024 de 289,5 milliards d'euros, contre 286,4 milliards d'euros en 2023, soit une augmentation de 3,1 milliards d'euros.

Ce montant, y compris les recettes issues de fonds de concours, comprend les recettes fiscales brutes nettes des remboursements et dégrèvements et les recettes non fiscales, desquelles sont soustraits les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

Recettes brutes, nettes et prélèvements sur recettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats et portant approbation des comptes de l'année 2024

A. LES RECETTES FISCALES DE L'ÉTAT AUGMENTENT EN 2024 MAIS SONT, UNE NOUVELLE FOIS, INFÉRIEURES À LA PRÉVISION

Les recettes fiscales nettes ont été en 2024 de 325,7 milliards d'euros, égales aux recettes fiscales brutes d'un montant de 467,2 milliards d'euros, dont sont retirées 141,5 milliards d'euros de remboursements et dégrèvements d'État39(*), provenant de chacune des cinq grandes catégories d'impôts.

Passage des recettes fiscales brutes aux recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

IR : impôt sur le revenu. IS : impôt sur les sociétés. TICPE : taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. TVA : taxe sur la valeur ajoutée. R&D : remboursements et dégrèvements d'État.

Source : commission des finances, à partir de l'annexe 1 au projet de loi et des données communiquées par le Gouvernement. Seule la part revenant à l'État est comptabilisée pour les impôts partagés entre plusieurs entités (TVA, TICPE)

1. Une légère augmentation des recettes fiscales nettes ne compense pas la diminution rencontrée en 2023

Les recettes fiscales nettes sont en augmentation de 2,8 milliards d'euros par rapport à 2023, soit une augmentation de + 0,9 % qui est inférieure à l'inflation et ne compense pas la diminution de 7,4 milliards d'euros connue en 2023.

En outre, cette légère hausse masque une évolution spontanée négative (- 0,8 milliard d'euros, soit - 0,2 %) en 2024, malgré une hausse du PIB en valeur de + 3,5 %.

Par conséquent, la hausse des recettes en 2024 provient des mesures nouvelles, c'est-à-dire de hausses d'impôt, qui accroissent les recettes de 6,4 milliards d'euros, tandis que les mesures de transfert de fiscalité les réduisent de 2,8 milliards d'euros. La principale mesure est la sortie progressive des boucliers tarifaires sur l'électricité et le gaz, qui s'est traduite par un relèvement des tarifs normaux d'imposition de l'énergie.

Sur le moyen terme, depuis 2017, les recettes fiscales nettes ont diminué en valeurs corrigées de l'inflation, en raison des transferts successifs de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en faveur des administrations de sécurité sociale, des collectivités territoriales et de l'audiovisuel public. Ce phénomène est l'une des raisons pour lesquelles l'État peine à voir l'effet de la croissance économique dans ses recettes fiscales, car la TVA est l'impôt dont le produit reflète celle-ci le plus fidèlement.

Évolution des recettes fiscales nettes en euros constants de 2012 à 2024

(en milliards d'euros de 2024)

Source : commission des finances, calculs à partir des lois et projets de loi de règlement

Hors TVA, en revanche, les recettes ont augmenté de 73,0 milliards d'euros, soit + 46,9 % en euros courants et + 25,1 % en plus de l'inflation. Cette augmentation concerne l'impôt net sur les sociétés (+ 21,7 milliards d'euros), l'impôt net sur le revenu (+ 15,0 milliards d'euros), mais aussi les effets de la réforme de la fiscalité locale qui, en 2021, a réduit de manière importante les remboursements et dégrèvements.

2. Les prévisions de recettes fiscales ont été démenties en exécution

Prévues à un niveau de 348,5 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2024, puis révisées en forte baisse à 323,3 milliards d'euros en loi de finances de fin de gestion, les recettes fiscales, avec un niveau de 325,7 milliards d'euros en exécution, subissent une forte moins-value de 22,8 milliards d'euros par rapport à la prévision initiale.

Les motifs de cette moins-values ont été expliqués lors de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion40(*), car elles étaient déjà connues à ce moment-là. La première raison est une estimation du produit de l'impôt sur les sociétés faite à un niveau beaucoup trop élevé de 72,0 milliards d'euros, alors qu'il a finalement produit 57,4 milliards d'euros (- 14,6 milliards d'euros). L'impôt sur le revenu (- 5,4 milliards d'euros) et la TVA (- 4,0 milliards d'euros) ont également été nettement en-deçà des prévisions.

Ces moins-values ne sont pas normales : si le produit de l'impôt sur les sociétés est difficile à prévoir parce qu'il porte sur le bénéfice, un écart de presque 15 milliards d'euros, alors que l'année n'a pas connu de crise économique majeure, est le signe d'une prévision incorrecte. Les écarts sur l'impôt sur le revenu et la TVA, quoique moindre, reste notables car le produit de ces impôts, lié plus directement à la situation économique, est plus facile à prévoir.

3. Des évolutions contrastées pour les grands impôts
a) L'impôt sur les sociétés : une forte sous-exécution due à une révision des bénéfices et une autolimitation des acomptes

Les recettes nettes d'impôt sur les sociétés ont légèrement augmenté de + 0,6 milliard d'euros (+ 1,1 %) pour atteindre 57,4 milliards d'euros en 2024.

Selon les éléments communiqués au rapporteur général, cette croissance, qui est d'ailleurs très mineure compte tenu de la volatilité du produit de cet impôt, est imputable à une forte progression des recouvrements sur prise en charge et d'écritures pour ordre (+ 0,7 milliard d'euros, passant de 2,2 milliards d'euros à 2,9 milliards d'euros), c'est-à dire d'opérations comptables internes qui ne reflètent pas nécessairement une hausse de l'activité économique ou des bénéfices des entreprises.

Le principal fait n'est donc pas l'évolution par rapport à 2023, mais l'écart majeur de - 14,6 milliards d'euros des recettes constatées par rapport à la prévision de la loi de finances initiale 2024 (72,0 milliards d'euros).

La surestimation en loi de finances initiale a porté sur deux éléments :

- l'estimation de la croissance du bénéfice fiscal en 2023, qui a un impact sur les recouvrements de solde en 2024 : alors que la loi de finances initiale pour 2024 estimait cette croissance à + 14 %, elle est désormais estimée à + 1,0 % seulement ;

- l'estimation de la croissance du bénéfice fiscal en 2024, qui se répercute sur le montant des acomptes versés au cours de cette année : alors qu'elle était prévue à + 4 % en début d'exercice, l'observation au mois de décembre 2024 d'un cinquième acompte dégradé, signe d'une dégradation de la conjoncture économique, conduit le Gouvernement à l'estimer plutôt à - 2,5 %. Bien que l'exercice 2024 soit à présent clos, le montant exact n'est pas encore connu, dans l'attente du dépôt des liasses fiscales.

L'écart entre la prévision et l'exécution est regrettable car il a pour conséquence d'éclairer insuffisamment le Parlement lors du vote de la loi de finances.

Il est toutefois important de noter que, contrairement à 2023, le Gouvernement a pris conscience dès le début de l'automne 2024 de l'impossibilité d'atteindre les cibles visées par la loi de finances initiale.

Alors que, en 2023, la loi de finances de fin de gestion avait encore surestimé de 4,4 milliards d'euros le produit de l'impôt net sur les sociétés, l'écart en 2024 avec l'estimation en loi de finances de fin de gestion pour 2024, également présentée lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025, a été de 0,3 milliard d'euros seulement.

Évolution des estimations d'impôt sur les sociétés net en 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des éléments recueillis par la mission d'information

b) La taxe sur la valeur ajoutée : une légère progression masquant un poids affaibli par les transferts

La TVA nette revenant à l'État a augmenté de + 1,6 milliard d'euros (+ 1,7 %) pour atteindre 96,8 milliards d'euros en 2024.

Elle présente toutefois un écart négatif de - 4,0 milliards d'euros par rapport à la prévision de 100,8 milliards d'euros sous-jacente à la loi de finances initiale pour 2024.

En effet, l'évolution spontanée a été de + 0,9 % alors que la loi de finances initiale attendait une progression de + 4,0 %. Le Gouvernement explique ce moindre produit par une moindre croissance de l'activité en valeur, du fait d'une inflation plus faible : la hausse des emplois taxables a été de + 1,9 %, contre une prévision de + 3,8 %. En outre, la croissance a été tirée par le commerce extérieur, alors que la TVA dépend de la demande intérieure.

Par rapport à la loi de finances de fin de gestion, le produit de TVA nette revenant à l'État est plus élevé de 1,1 milliard d'euros, ce que l'exposé général du projet de loi explique par des reversements moins élevés que prévu aux organismes de sécurité sociale et aux collectivités locales.

La part de la TVA revenant à l'État, parmi la TVA nette totale, a ainsi légèrement augmenté en 2024, pour la première fois depuis 2016, mais cette part reste nettement inférieure à 50 %, confirmant la dépendance du budget de l'État à des ressources moins stables et prévisibles comme l'impôt sur les sociétés.

Évolution de la répartition des recettes de TVA nette
entre les différentes catégories d'administrations

(en proportion des recettes fiscales nettes)

Source : commission des finances, à partir des données de l'Assemblée nationale41(*)

Pour mémoire, l'affectation d'une fraction de TVA aux organismes d'audiovisuel public n'a pu être maintenue que par une modification de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) l'autorisant spécifiquement42(*).

Cette modification, survenue au mois de décembre, était nécessaire parce que l'article 2 de la LOLF, dans sa rédaction entrant en vigueur au 1er janvier 202543(*), prévoit qu'une imposition ne peut être affectée à un tiers que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées, ce qui n'est pas le cas de la TVA par rapport aux organismes d'audiovisuel public.

c) La diminution du produit de l'impôt sur le revenu est liée à l'indexation du barème sur l'inflation de l'année précédente

L'impôt sur le revenu net a diminué de - 0,6 milliard d'euros (- 0,7 %) pour s'établir à 88,0 milliards d'euros en 2024.

Malgré une hausse de 2,2 milliards d'euros des assiettes prises en compte pour le prélèvement à la source et le prélèvement forfaitaire obligatoire, le produit de l'impôt a souffert de l'indexation du barème sur la forte inflation de l'année précédente, qui a limité son rendement, ainsi que d'un moindre solde versé en 2024 au titre des revenus de 2023. Il est notamment signalé un recours plus important à des dispositifs de réduction et crédit d'impôt.

En outre les plus-values mobilières sont en diminution (impôt en baisse de 0,4 milliard d'euros) tandis que les crédits d'impôts sont en hausse de 0,5 milliard d'euros, ainsi que les dépenses exceptionnelles liées à l'exit tax (0,5 milliard d'euros).

Comme les autres grands impôts, l'impôt sur le revenu affiche une moins-value notable par rapport à la prévision en loi de finances initiale (- 5,4 milliards d'euros).

La prévision en loi de finances initiale était en effet particulièrement élevée, en comparaison des années passées, prévoyant une hausse de près de 5 milliards d'euros qui ne s'est pas réalisée.

Produit de l'impôt sur le revenu net

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Selon les éléments apportés au rapporteur général, il apparaît que, parmi les facteurs de hausse et de baisse de l'impôt sur le revenu évoqués supra, seuls les facteurs de hausse avaient été anticipés par la loi de finances initiale.

Comme pour l'impôt sur les sociétés et la TVA, la moins-value avait été constatée dès le début de l'automne et incorporée dans les prévisions de la loi de finances de fin de gestion.

d) Les accises sur les produits énergétiques et autres recettes fiscales sont impactées par la fin des boucliers tarifaires et une volatilité persistante

Le produit de la taxe intérieure sur les produits énergétiques ou TICPE (en fait, désormais, la fraction « produits énergétiques » de l'accise sur les énergies) nette est en 2024 de 16,0 milliards d'euros, en diminution de 0,8 milliard d'euros par rapport à 2023, tandis que les autres recettes fiscales nettes sont de 67,5 milliards d'euros, en augmentation de 2,0 milliards d'euros.

S'il est de tradition de séparer ces deux catégories dans les documents budgétaires, la hausse de certaines de ces autres recettes fiscales, dont le produit tend à rejoindre celui de la TICPE, justifie désormais de réunir l'ensemble des « petits impôts ». Le caractère obsolète de la TICPE, depuis la création de l'accise sur les énergies, pourrait donner une raison supplémentaire au Gouvernement de revoir la présentation de ces impôts dans les documents budgétaires.

Évolution comparée de la TICPE et des autres recettes fiscales
depuis 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La diminution de la TICPE perçue par l'État en 2024 est principalement due à un transfert supplémentaire d'une part du produit de cet impôt au profit des régions (- 0,7 milliard d'euros).

S'agissant des autres recettes fiscales nettes, leur hausse par rapport à 2023 n'a a été que partiellement anticipée en cours d'année et leur estimation a été heurtée : 66,9 milliards d'euros en loi de finances initiale, 65,1 milliards d'euros lors de la présentation, début octobre, du projet de loi de finances pour 2025, 65,9 milliards d'euros dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion et enfin 67,5 milliards d'euros en exécution.

Certaines recettes ont varié assez fortement entre l'estimation de fin d'année et l'exécution, en particulier les droits de mutation à titre gratuit (+ 0,5 milliard d'euros).

Les évolutions par rapport à 2023 sont fortement influencées par la sortie progressive des boucliers tarifaires sur l'électricité et le gaz naturel, qui a entraîné un relèvement des tarifs (+ 5,9 milliards d'euros). L'évolution spontanée, à législation constante, aurait en effet conduit à une diminution de ces recettes de 1,6 %, avec notamment une diminution de 3,9 % des droits de succession, due à la contraction du marché de l'immobilier et à la baisse de la mortalité en 2023.

B. LES RECETTES NON FISCALES NE DIMINUENT QU'À CAUSE DE LA BAISSE DU VERSEMENT EUROPÉEN AU TITRE DU PLAN DE RELANCE

Les recettes non fiscales sont en baisse de 1,9 milliard d'euros par rapport à 2023 pour atteindre 23,2 milliards d'euros en 2024, mais sont supérieures de 0,5 milliard d'euro au niveau prévu en loi de finances initiale pour 2024.

Évolution des recettes non fiscales entre 2023 et 2024

(en milliards d'euros)

FRR : Facilité pour la reprise et la résilience (fonds de relance européen).

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

En particulier, les produits de la vente de biens et services, au lieu d'augmenter de 0,4 milliard d'euros comme le prévoyait la loi de finances initiale, sont finalement en diminution de 0,6 milliard d'euros. À l'inverse, les dividendes et recettes assimilées connaissent une hausse de 0,9 milliard d'euros en exécution, alors qu'une baisse de 0,7 milliard d'euros était prévue.

La plupart de ces évolutions avaient été anticipées dès la loi de finances de fin de gestion.

La principale composante des recettes non fiscales, depuis 2022, est le versement de l'Union européenne au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Hors cette ressources, les recettes non fiscales sont en augmentation de 1,4 milliard d'euros.

Ce versement correspond à un remboursement progressif d'une partie des sommes consacrées au plan de relance lancé à l'été 2020, pour un montant total de 40 milliards d'euros. Après un versement initial de 5,1 milliards d'euros en 2021 au titre du préfinancement des aides, deux versements ont eu lieu en 2022 pour un montant de 7,4 milliards d'euros, puis en 2023 pour un montant de 10,3 milliards d'euros. En 2023, ce versement a été complété de 0,6 milliard d'euros au titre du préfinancement du mécanisme RepowerEU, qui a complété le plan de relance après l'invasion de l'Ukraine et la crise de l'inflation des produits énergétiques. Après avoir atteint le plafond de l'échéancier en 2023, le paiement pour le PNRR en 2024 est de 7,5 milliards d'euros et devrait diminuer de moitié en 2025.

La catégorie la plus importante de recettes non fiscales, hors versement FRR, est celle des dividendes et recettes assimilées. Après une recette de 3,9 milliards d'euros en 2023, la loi de finances initiale pour 2024 prévoyait un résultat inférieur de 3,2 milliards d'euros. Cependant, le montant des dividendes a enregistré une hausse de 24 % en cours d'exécution. Le produit final est de 4,8 milliards d'euros.

La Banque de France n'a pas versé de dividende en 2024, car l'exercice 2023 avait eu un résultat nul, l'établissement ayant dû puiser dans un fonds de réserve pour absorber une perte de 12,4 milliards d'euros liée à la hausse des taux d'intérêt. Elle a toutefois versé un montant de 844 millions d'euros correspondant à un excédent de la caisse de réserve de ses employés, ce qui n'avait pas été prévu.

La Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui avait versé à l'État 2,2 milliards d'euros en 2022 et 1,5 milliard d'euros en 2023, n'a versé que 1,4 milliard d'euros en 2024, ce qui constitue toutefois un niveau de versement important par rapport aux années antérieures à 2022, où le montant était inférieur à 1 milliard d'euros.

Enfin, les dividendes payés par des entreprises non financières ont été de 2,5 milliards d'euros en 2024, contre 2,2 milliards d'euros en 2023.

C. UNE AUGMENTATION DES RECETTES DE FONDS DE CONCOURS ET D'ATTRIBUTIONS DE PRODUITS

Les recettes de fonds de concours et d'attributions de produits ont augmenté de 1,8 milliard d'euros (+ 27,7 %) pour atteindre 8,3 milliards d'euros en 2024 (contre 6,5 milliards d'euros en 2023).

Cette progression s'explique notamment par la hausse de 1,0 milliard d'euros des contributions au programme 203 « Infrastructures et services de transports » par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et SNCF Réseau.

Elle est également due au décalage en 2024 des versements liés aux plans régionaux d'investissement dans les compétences (+ 0,5 milliard d'euros) alimentés par France compétences.

D. LES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES REPRÉSENTENT UNE PRESSION SUPPLÉMENTAIRE SUR LE BUDGET

Les prélèvements sur recettes (PSR) sont d'un niveau de 67,7 milliards d'euros en 2024, dont 45,5 milliards d'euros à destination des collectivités territoriales et 22,28 milliards d'euros à destination de l'Union européenne.

Les PSR à destination des collectivités territoriales sont en augmentation de 1,2 milliard d'euros (+ 2,7 %) par rapport à 2023. Ils sont au nombre de trente, dont cinq créés en 202444(*). Celui au titre de la dotation globale de fonctionnement représente 27,2 milliards d'euros à lui seul.

Le PSR à destination de l'Union européenne est en diminution de 1,6 milliard d'euros, baisse conjoncturelle liée à la position dans le cycle du cadre de financement pluriannuel (CFP) 2021-2027. Ainsi, le niveau de crédits de paiement du budget européen attendu est en net recul pour 2024 par rapport au budget exécuté en 2023. Il est supérieur de 0,6 milliard d'euros à la prévision faite en loi de finances initiale ; cet écart, qui n'est pas inhabituel45(*), est expliqué par les retards de l'exécution de la programmation, notamment pour la politique de cohésion, et par l'actualisation des clés de contribution.

Sur le moyen terme, les PSR à destination des collectivités territoriales se sont stabilisés en euros constants depuis 2018, après avoir connu une forte baisse (- 28,0 %) entre 2014 et 2018.

Les PSR à destination de l'Union européenne, en revanche, connaît une hausse tendancielle : sur les quatre premières années d'exécution du CFP 2021-2027, l'augmentation est, en euros constants, de + 14,3 % par rapport aux quatre premières années du CFP 2014-2020.

Évolution des prélèvements sur recettes depuis 2014 
en euros constants

(en milliards d'euros de 2024)

PSR : prélèvement sur recettes. Montants actualisés selon l'indice des prix à la consommation harmonisé.

Source : commission des finances, à partir des annexes aux projets de loi de règlement et de résultats de la gestion

Le prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne pourrait toutefois connaître une hausse plus importante encore dans les années à venir.

En effet, le remboursement de l'emprunt contracté au titre du plan de relance européen, doté de 750 milliards d'euros, repose sur des ressources propres nouvelles qui ne sont pas encore définies. En l'absence d'accord, la hausse de la contribution due par la France au titre du revenu national brut (RNB) serait de 2,5 milliards d'euros à compter de 2028, pour un total de 75 milliards d'euros. Or la hausse des taux d'intérêts observée depuis le lancement du plan renchérit le coût du plan46(*). La Commission estimait en juin 2023 que la charge d'emprunt pourrait doubler entre 2025 et 2027.

III. LES DÉPENSES ONT CONNU UNE DIMINUTION SUBIE ET NON CHOISIE

A. LA DÉPENSE DE L'ÉTAT A DIMINUÉ DE 4,4 MILLIARDS D'EUROS EN 2024

Sur le périmètre des dépenses de l'État défini par la loi de programmation des finances publiques47(*), le montant des dépenses a été de 484,7 milliards d'euros en 2024, contre 489,1 milliards d'euros en 2023.

Avec une sous-exécution de 6,3 milliards d'euros, l'exercice 2024 confirme une trajectoire de dépenses plus modérée que celle prévue par la loi de programmation des finances publiques.

Périmètre des dépenses de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de la LPFP et des projets de loi relatifs aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes. LPFP : loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Le montant net des dépenses du budget général, y compris les fonds de concours, a été en 2023 de 443,4 milliards d'euros, soit une diminution de 11,2 milliards d'euros par rapport à 2023 (- 2,5 %).

1. La réduction de la dépense a été plus forte que prévu en loi de finances initiale

La loi de finances initiale prévoyait un niveau de dépenses sous norme de 491,9 milliards d'euros, légèrement supérieur à la trajectoire de la loi de programmation.

S'agissant des dépenses nettes, la prévision était de 453,2 milliards d'euros et la sous-exécution est de 9,8 milliards d'euros.

Cette sous-exécution porte notamment sur les dispositifs MaPrimeRénov' et chèque énergie, sur les aides au logement, sur l'aide publique au développement et sur les montants consacrés aux dispositifs de formation professionnelle.

Par rapport à 2023, la baisse des dépenses est surtout portée par un programme budgétaire unique (cf. ci-après).

Évolution des dépenses des missions du budget général
entre 2023 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données publiées par la direction du budget. Crédits de paiement consommés

La hausse des dépenses de la mission « Enseignement scolaire », qui est de 5,3 %, comprend l'effet en année pleine de la revalorisation salariale décidée en 2023, mais aussi des dépenses liées à l'école inclusive.

Les remboursements et dégrèvements augmentent encore de 4,1 milliards d'euros. Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État poursuivent une trajectoire de hausse très importante, soit + 41,7 % par rapport à 2017 et + 109,7 % par rapport à 2007, signe de l'émiettement de plus en plus prononcé du système fiscal : les crédits et réductions d'impôt s'ajoutent, côté dépenses, aux affectations de taxes à d'autres administrations ou à des opérateurs, côté recettes.

La mission « Défense », pour sa part, applique la trajectoire de hausse des dépenses prévue par la loi de programmation qui couvre ce secteur48(*).

S'agissant des diminutions de dépenses, la sortie progressive des boucliers tarifaires mis en place pour faire face à la hausse des prix de l'énergie fait diminuer les dépenses du programme 345 « Service public de l'énergie » de 23,7 milliards d'euros en 2023 à 5,2 milliards d'euros seulement en 2024, ce qui explique la chute importante des dépenses de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Ce montant demeure relativement élevé, car ce programme dépensait de l'ordre de 3 milliards d'euros, ou moins, avant 2021.

La charge de la dette, telle que mesurée par les crédits consommés sur le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État », a diminué de 4,6 milliards d'euros pour s'établir à 49,3 milliards d'euros. Cette diminution est provisoire, car elle provient de la diminution de l'inflation qui réduit les intérêts des obligations indexées. Une forte hausse de cette charge est prévue pour les années à venir avec l'augmentation des taux d'intérêt qui renchérit le coût des emprunts souscrits ces derniers années.

Le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » de la même mission a consommé 6,5 milliards d'euros. Comme indiqué supra, ce programme disparaît en 2025 et ne représentera donc plus, à l'avenir, de consommation de crédits de paiement.

Enfin la mission « Plan de relance », mise en place pour relancer l'économie en sortant des périodes de confinement de 2020, n'a consommé que 2,2 milliards d'euros en 2024. Elle poursuit donc son extinction après avoir été l'un des postes de dépenses importants du budget général (18,8 milliards d'euros de crédits de paiement en 2021, 11,6 milliards d'euros en 2022 et encore 4,1 milliards d'euros en 2023). En 2025, le programme 364 « Cohésion » a disparu de la maquette budgétaire, mais les deux autres programmes de la mission, qui n'ont pas reçu de crédits nouveaux en loi de finances initiale, devraient poursuivre leur exécution avec des crédits non consommés au cours des années précédentes et reportés à l'année en cours.

2. Cette diminution conjoncturelle ne suffit pas à annuler la très forte augmentation des dépenses de l'État depuis 2019

Malgré la baisse des dépenses en 2024, le montant des dépenses est toujours supérieur de 88,5 milliards d'euros (+ 24,9 %) à celui de 2019.

En euros constants, la hausse des dépenses a été de + 9,1 % sur cette période.

Évolution des dépenses nettes du budget général en euros constants

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : calculs commission des finances, à partir des lois et projets de loi de règlement. Dépenses du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, y compris fonds de concours. Actualisation par la moyenne annuelle de l'indice des prix à la consommation, hors tabac

La relative maîtrise des dépenses en 2024 ne saurait donc s'analyser comme le résultat d'un effort suffisant, mais comme une simple étape dans le rétablissement des comptes, qui ne vaudra que si elle est suivie d'autres marches encore plus importantes.

3. L'absence de maîtrise est évidente et dommageable s'agissant des dépenses de personnel qui représentent 35 % des dépenses nettes et augmentent de près de 8 milliards d'euros, loin de l'objectif de stabilité de la loi de programmation

Le nombre des emplois a augmenté de 6 728 équivalents temps plein (ETP) en 2024. Tous les ministères voient leurs effectifs augmenter, sauf le ministère du travail et de l'emploi (- 123 ETP).

Principales variations par ministère des schémas d'emplois

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes

La situation est très contrastée par rapport à 2023.

Alors que les ministères de l'intérieur et de la justice avaient déjà entamé un programme de recrutement qui se poursuit en 2024, le ministère des armées, lui, avait connu une diminution de ses emplois en 2023 (- 2 515 ETP) et entame donc en 2024 une augmentation (+ 479) qui est appelée à se poursuivre avec la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire.

Pour le ministère de l'éducation nationale, la hausse de 2023 (+ 6 027 ETP), qui faisait suite à une année 2022 marquée par des difficultés de recrutement, laisse la place à une augmentation plus limitée de 839 ETP en 2024. Le niveau de celle-ci doit être relativisée, s'agissant d'un ministère qui rassemble plus de la moitié des effectifs de la fonction publique de l'État.

Ces évolutions sont globalement conformes aux prévisions en loi de finances initiale, mais celle-ci n'avait pas fixé d'objectif de limitation de l'emploi. La loi de finances initiale, promulguée le 29 décembre 2023, avait en effet prévu une augmentation de + 6 695 ETP alors même que la loi de programmation des finances publiques, promulguée 11 jours plus tôt, prévoyait la stabilité du schéma d'emploi sur la période 2023-2027.

La répartition par ministère est également proche de la prévision initiale. La principale différence porte sur le ministère de l'éducation nationale, qui devait recruter seulement 560 personnels en loi de finances initiale, et, en sens inverse, le ministère du travail et de l'emploi dont le schéma d'emploi prévu était légèrement positif (+ 7 ETP).

Les dépenses de personnel du budget général de l'État sont de 152,8 milliards d'euros en 2024, contre 144,8 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de 7,9 milliards d'euros ou + 5,5 %.

En soustrayant les contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions », la masse salariale dépasse pour la première fois le seuil de 100 milliards d'euros avec un niveau de 105,9 milliards d'euros, en hausse de 6,6 milliards d'euros, soit + 6,7 % par rapport à 2023.

Cette évolution s'inscrit dans un mouvement de hausse importante de la masse salariale, qui a augmenté de 17,2 milliards d'euros depuis 2019, soit + 19,4 %, alors que l'inflation n'a été, sur cette période, que de 14,5 %.

Évolution de la masse salariale depuis 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion

Il ne sera pas possible de réduire durablement le déficit public sans reprendre la maîtrise des dépenses de personnel. Elles font en effet partie des postes du budget qui ont le plus d'impact sur l'avenir : les personnels recrutés restent en poste très longtemps et leur masse salariale augmente mécaniquement avec le temps, se prolongeant après leur retraite sur les crédits affectés au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Or l'évolution des dépenses de personnel en 2024 montre que cette maîtrise est encore inexistante. Si les dépenses de personnel sont plus difficiles à piloter que d'autres dépenses, force est de constater que l'augmentation de 6,6 milliards d'euros en 2024 résulte pour plus de la moitié de mesures catégorielles (3,7 milliards d'euros), c'est-à-dire de choix faits dans les ministères d'accorder des augmentations de rémunérations à certaines catégories de personnel.

Il est vrai que les mesures catégorielles accroissant la masse salariale en 2024 sont souvent la conséquence d'engagements pris au cours des années précédentes, voire l'effet en année pleine d'augmentations mise en oeuvre en 2023, et qu'elles ne sauraient donc être entièrement imputées aux différents Gouvernements qui se sont succédé au cours de l'année 2024, mais laisser un tel mouvement de hausse se poursuivre au cours des années à venir ne serait pas compatible avec la volonté affirmée de réduire le déficit budgétaire.

B. CETTE DIMINUTION RÉSULTE DE MESURES DE RÉGULATION TRÈS FORTES, AVEC LA PERSISTANCE DE MODALITÉS DE GESTION BUDGÉTAIRE D'EXCEPTION

1. Des mesures de régulation très fortes ont rendu l'exécution budgétaire plus difficile qu'à l'habitude

Comme l'a déjà indiqué la mission d'information sur la dégradation des finances publiques, la constatation, dès le mois de février 2024, d'une situation budgétaire dégradée, qui modifiait de manière importante l'équilibre économique et financier défini par la loi de finances initiale, aurait dû conduire le Gouvernement à présenter un projet de loi de finances rectificative.

Ayant refusé cette voie, il a été réduit à mettre en oeuvre des expédients pour tenter de limiter la dégradation des comptes par rapport à la loi de finances.

Il a pris le 21 février 2024 un décret annulant 10 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 10,2 milliards d'euros en crédits de paiement49(*). Avec une telle mesure, unique par son montant, il faisait preuve d'un manque de prudence en réduisant ses marges de manoeuvre : si une crise spéciale était survenue au cours des dix mois suivants, nécessitant une ouverture de crédits en urgence, il n'aurait pu prendre un décret d'avance qu'à hauteur de 2 milliards d'euros seulement50(*).

Ce décret a été largement présenté par le ministre de l'économie et des finances de l'époque comme une mesure permettant de limiter les dépenses.

Or, cette réduction des crédits de 10,2 milliards d'euros a pourtant été plus que compensée, quelques jours plus tard, par l'ouverture de crédits nouveaux par voie de report pour un montant de 16,1 milliards d'euros sur le périmètre du budget général. Le montant total des crédits ouverts était donc supérieur, et non pas inférieur au montant prévu en loi de finances initiale.

L'annulation de crédits n'était pas, pour autant, neutre pour les ministères car annulations et reports ne portent pas nécessairement sur les mêmes programmes budgétaires.

Comme le décret d'annulation avait largement réduit la réserve de précaution à laquelle sont soumis les crédits de la plupart des programmes budgétaire, cette réserve a été restaurée dans les jours qui ont suivi par une mesure de « surgel » d'un montant de 11,7 milliards d'euros.

Réserve de précaution, gel, dégel et surgel

La réserve de précaution correspond, pour chaque programme budgétaire, à un certain montant de crédits bloqué par le ministère des finances en début d'exercice (gel) afin de faire face aux aléas de gestion. Elle peut être mise à disposition (dégel) en cours d'exercice ou, au contraire, être rehaussée (surgel).

Elle ne fait pas l'objet d'un vote par le Parlement, mais son taux est indiqué dans l'exposé général du projet de loi de finances51(*). En l'occurrence, le taux de mise en réserve initial était de 0,5 % sur les dépenses de personnel et sur certains programmes portant des dépenses de prestation sociale et de 4 % sur les autres programmes. Les programmes des missions « Plan de relance » et « Investir pour la France de 2030 » étaient exonérés de mise en réserve.

Source : commission des finances

Ces mesures de court terme ont occasionné des difficultés de gestion certaines dans les ministères, qui ont été très peu associés à leur définition. Si elles ont contribué à limiter la dérive des comptes en 2024, il est nécessaire de favoriser désormais des mesures d'économie véritables, présentées et documentées en loi de finances.

2. Les reports de crédits perdurent sur certaines missions pourtant en extinction...

En application du principe d'annualité budgétaire, l'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit dans son premier alinéa que « les crédits ouverts et les plafonds des autorisations d'emplois fixés au titre d'une année ne créent aucun droit au titre des années suivantes ». En conséquence, les crédits non consommés pendant un exercice devraient être annulés, la loi de finances de l'année suivante ouvrant les crédits nécessaires. Ce n'est qu'à titre de dérogation que, sur un programme budgétaire donné, les crédits de paiement autres que de personnel peuvent être reportés à hauteur de 3 % des crédits initiaux.

Depuis la crise sanitaire, les gouvernements successifs ont pris l'habitude de reporter un montant très élevé de crédits. Le budget 2024 a ainsi été complété par le report de 23,5 milliards d'euros de crédits de paiement, dont, comme indiqué supra, 16,1 milliards d'euros sur le budget général.

Les reports de crédits non consommés 2024 vers 2025 ont encore été de 11,5 milliards d'euros sur le périmètre du budget général. Toutefois, hors mission « Plan de relance », programme 367 (qui porte des crédits destinés au financement d'acquisitions patrimoniales, mais rarement utilisés) et reports de fonds de concours (ces derniers sont de droit), les reports généraux ne sont plus que de 2,6 milliards d'euros.

Crédits reportés depuis l'exercice précédent

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des arrêtés de report

La forte diminution des reports généraux en 2025, alors qu'ils avaient atteint leur niveau le plus élevé en 2023 et 2024, est le signe d'un retour vers de meilleures pratiques budgétaires, qui devra se prolonger par un abandon intégral des reports anormaux en 2026.

Les crédits non utilisés depuis plusieurs années sur le programme 36752(*) ne devront pas être reconduits une fois de plus et la suppression de la mission « Plan de relance » devra s'accompagner de l'inscription en loi de finances pour 2026 des crédits éventuellement nécessaire à l'achèvement des projets en cours.

Si ce n'était pas le cas, il serait nécessaire que le Gouvernement présente pour la bonne information du Parlement, conjointement au projet de loi de finances pour 2026, un état, pour chaque programme, du montant de crédits qu'il prévoit de reporter.

3. ... et ont pour effet une forte sous-consommation des crédits

De 2020 à 2023, l'écart entre les crédits ouverts en cours d'année et les crédits effectivement consommés, qui était auparavant de l'ordre de 2 à 6 milliards d'euros, s'est fortement accru pour dépasser très nettement 20 milliards d'euros. Cet écart s'est quelque peu résorbé en 2024 à un niveau de 16 milliards d'euros.

Si l'écart a été largement dû, en 2020, à l'ouverture de crédits considérables au titre du plan d'urgence, dont une partie n'a pas été utilisée, ce phénomène s'est poursuivi les années suivantes malgré la réduction progressive des programmes d'urgence qui aurait dû entraîner une normalisation de la gestion budgétaire.

En 2024, les principales sous-consommations concernent les programmes 362 « Écologie » (2,5 milliards d'euros) et 363 « Compétitivité » (1,2 milliard d'euros) de la mission « Plan de relance », le programme 367 précité (1,8 milliard d'euros) de la mission « Économie », le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » (1,5 milliard d'euros) et le programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Travail et emploi » (1,4 milliard d'euros).

Comparaison des crédits ouverts et des crédits consommés

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des annexes aux projets de loi de règlement ou relatifs aux résultats de la gestion

Si certaines sous-consommations de crédits « frictionnelles » correspondent classiquement à des retards pris dans des opérations d'investissements (travaux immobiliers, chantiers informatiques), ce n'est pas le cas de la plupart des sous-consommations décrites, qui résultent directement de la pratique des reports de crédits.

Cet écart, qui correspond à peu près au montant des crédits reportés, s'entretient d'une année à la suivante tant que les crédits non consommés sont reportés, créant ainsi des poches de budgétisation à la disposition des gestionnaires de programmes, tout particulièrement sur des missions telles que « Plan de relance » où un seul programme recouvre de nombreux dispositifs différents.

TROISIÈME PARTIE
LE SUIVI DE LA PERFORMANCE
DE LA DÉPENSE DE L'ÉTAT

L'introduction dans le droit budgétaire d'une démarche de performance est une des principales innovations de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1er août 200153(*). Cette démarche d'évaluation, qui vise à lier les crédits votés en loi de finances aux résultats de l'action publique, s'inscrit dans une perspective de pilotage par la performance des dépenses de l'État.

Cette démarche de performance est en particulier consacrée dans la loi organique par les articles 51 et 54 de la LOLF qui prévoient respectivement l'obligation pour le Gouvernement de joindre au projet de loi de finances transmis au Parlement, pour chaque programme, un projet annuel de performances (PAP) qui précise « les objectifs poursuivis » et « les résultats obtenus et attendus » mesurés au moyen « d'indicateurs précis » et l'obligation de joindre au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, pour chaque programme, les rapports annuels de performances (RAP) rendant compte des résultats obtenus aux regards des objectifs fixés.

Pour autant, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF pour l'exercice budgétaire de l'année 2006, il y a dix-neuf ans, le suivi de la performance de la dépense publique n'a pas produit les résultats espérés en matière de rationalisation voire de pilotage par la performance des dépenses de l'État.

Ce constat est partagé de longue date par la Cour des comptes. Dès 2011, un rapport mentionnait que « cinq ans après la mise en oeuvre de la LOLF, la mesure des résultats [...] ne rend pas compte aujourd'hui de la qualité de service perçue par les citoyens »54(*). Aucune amélioration de fond n'a eu lieu depuis. La démarche de performance n'a pas été suffisamment améliorée et un rapport publié par la Cour des comptes en décembre 2023 dresse le même constat en estimant que la présentation des crédits budgétaires par destination « assortie d'objectifs et d'indicateurs de performance n'a pas permis d'orienter les discussions budgétaires vers l'efficacité voire même l'efficience des services et dispositifs financés »55(*).

Pour l'exercice 2024, le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année et les données transmises au rapporteur général56(*) viennent ajouter des arguments en faveur de ce constat. Sur les 1 970 sous-indicateurs57(*) de performance existants, seuls 1 331 sont exploitables au regard de l'incomplétude des données relatives à la performance. Par surcroît, et malgré un niveau limité d'ambition dans la fixation de ces sous-indicateurs, seulement 648 des cibles exploitables ont été atteintes par l'administration. Il est donc regrettable que l'architecture actuelle de construction du budget ne permette pas de mieux tenir compte de la performance dans le pilotage des dépenses publiques.

I. LE SUIVI DE LA PERFORMANCE NÉCESSITE UNE RÉFORME PROFONDE CAR IL EST AUJOURD'HUI INEXPLOITABLE

A. LE NOMBRE PLÉTHORIQUE D'INDICATEURS ET LE MANQUE DE PERTINENCE DE CERTAINS D'ENTRE EUX RENDENT LE DISPOSITIF DE SUIVI DE LA PERFORMANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE ILLISIBLE

En prévision de l'entrée en vigueur de la LOLF, la direction du budget, la Cour des comptes et les commissions des finances des deux assemblées parlementaires avaient élaboré un cadre commun de suivi de la performance et de définition des indicateurs associés, présenté dans le « guide de la performance » publié en juin 2004. Ce cadre commun prévoyait notamment des critères pour la conception des indicateurs de performance qui doivent être pertinents, utiles, solides et vérifiables. Il prévoyait également de distinguer trois catégories d'indicateurs :

- les indicateurs socio-économiques, qui mesurent la performance du point de vue du citoyen, c'est-à-dire la capacité à atteindre un objectif d'intérêt général ;

- les indicateurs de qualité de service, qui mesurent la performance du point de vue de l'usager du service publique ;

- les indicateurs d'efficience, qui mesurent la performance du point de vue du contribuable, c'est-à-dire la capacité à réduire les coûts associés à une activité donnée.

Les différents travaux d'examen global de la démarche de performance consacrée par la LOLF, menés notamment par la Cour des comptes58(*) et la commission des finances du Sénat59(*), convergent pour dresser le constat d'un trop grand nombre de sous-indicateurs budgétaires. En effet, le foisonnement des indicateurs fait obstacle à un pilotage stratégique des dépenses de chaque programme et une démarche de réduction du nombre de sous-indicateurs est nécessaire pour resserrer le dispositif de suivi de la performance et renforcer sa portée stratégique.

Pour l'exercice 2024, le nombre de sous-indicateurs60(*) est de 1 970, soit vingt-neuf de plus par rapport à l'exercice précédent. L'évolution du nombre de sous-indicateurs depuis 2021 témoigne d'une hausse qui se déploie dans le temps long. Cette croissance est totalement antinomique de la nécessité de réduire significativement le nombre de ces indicateurs pour resserrer le dispositif de suivi de la performance autour d'objectifs stratégiques susceptible de servir d'instrument de pilotage de la dépense de l'État.

Nombre total de sous-indicateurs de performance

Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire

Il est par surcroît à relever que certains indicateurs de performance retenus par les responsables de programme ne permettent de mesurer l'efficacité des dépenses du budget de l'État.

Le rapporteur souligne que plusieurs sous-indicateurs ne sont pas pertinents pour évaluer l'efficacité de la dépense dès lors qu'ils mesurent des résultats sans lien direct avec le montant des crédits votés.

Par exemple, le sous-indicateur 2.1.1 « Évolution des mandats des opérations de maintien de la paix (OMP) » du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État » mesure le rapport entre le nombre de mandats d'opérations de maintien de la paix (OMP) clôturés ou dont le nombre de personnels en uniforme est en baisse et le nombre de mandats d'OMP nouveaux ou renouvelés au cours de l'exercice budgétaire. À l'évidence, l'évolution du nombre d'OMP dans le monde est un phénomène dont les causes d'évolution sont multifactorielles et qui résulte à la fois de l'évolution du contexte géostratégique mondial et d'éléments conjoncturels liés aux équilibres régionaux et diplomatiques. Par conséquent, il est illusoire d'espérer un pilotage budgétaire stratégique des crédits du programme 105 « Action extérieure de l'État » fondé sur l'évolution de cet indicateur. Il conviendrait de modifier ce sous-indicateur au bénéfice d'un autre permettant de mesurer l'efficacité des dépenses publiques financées par le programme, voire de le supprimer.

Le sous-indicateur 1.4 du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » constitue un autre exemple d'indicateur qui ne permet pas de mesurer l'efficacité de la dépense de l'État. En effet, ce dernier est fondé sur le rapport entre le volume des prélèvements de bois effectués et le volume de bois produit biologiquement par la forêt française métropolitaine. Or, comme l'indique d'ailleurs le rapport annuel de performances (RAP) de la mission correspondante, la production biologique connaît une baisse nette et constante depuis 2016, du fait des effets du changement climatique, qui provoque des sécheresses et des canicules d'intensités inédites. Par conséquent, l'indicateur progresse nécessairement puisque le dénominateur se réduit, sans qu'il soit révélateur d'un quelconque effet des politiques publiques. Dans cette perspective, le volume récolté seul aurait davantage de sens, en cohérence avec les indicateurs forêt bois de la future stratégie nationale bas carbone (SNBC).

Un dernier exemple d'indicateur qui n'apporte pas satisfaction est l'indicateur 1.1 du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». Cet indicateur, nommé « réduction de la dette des entités entrant dans le périmètre des administrations publiques », correspond au montant des crédits budgétaires affectés à la diminution de la dette des administrations publiques en France. La cible correspond chaque année au montant que le gouvernement propose dans la loi de finances initiale pour le programme 732 : il ne mesure donc en rien la performance mais constitue un simple constat de la dépense publique affectée au remboursement de la dette.

Enfin, il est à relever que le dispositif de suivi de la performance des dépenses de l'État mis en place dans le cadre de la procédure budgétaire est insuffisamment articulé avec d'autres dispositifs mis en place par le gouvernement dans le but de mesurer l'efficacité de l'action publique et de rendre des comptes sur l'utilisation des deniers publics.

En premier lieu, le budget de l'État finance 434 opérateurs, c'est-à-dire des organismes ayant une activité de service public, majoritairement financés par l'État et sur lesquels l'État exerce un contrôle direct. Ce contrôle direct de l'État se traduit pour un nombre important d'opérateurs par la signature entre l'opérateur et son ministère de tutelle d'un contrat d'objectifs et de performance (COP) qui intègre des indicateurs de performance relatifs à l'activité de l'opérateur.

Les recommandations formulées dans le Guide de la performance61(*) publié par la direction du budget indiquent que « tout objectif et tout indicateur présent dans un projet annuel de performances et porté par un opérateur doit être intégralement repris dans le contrat d'objectifs de l'opérateur concerné ». Or, le rapporteur général constate que l'exercice de fixation des indicateurs de performance des opérateurs est insuffisamment articulé avec l'exercice de fixation des indicateurs de performance du budget de l'État.

Par exemple, alors que la politique de la transition énergétique est mise en oeuvre par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), largement financée par le programme 181 « Prévention des risques » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », aucun des indicateurs de ce programme et du contrat d'objectifs et de performance (COP) État-ADEME 2024-2027 ne correspondent entre eux.

En second lieu, les gouvernements successifs ont chacun créé de nouveaux outils sensés mettre en avant la progression de la qualité de l'action publique, sans coordination avec les indicateurs retenus dans les lois de finances. Ces dispositifs réduisent d'autant la lisibilité de l'action de l'État en créant des doublons, ou en attirant l'attention sur des priorités de l'action gouvernementale dont la progression, à l'inverse, n'est parfois pas documentée.

Ainsi, Elisabeth Borne avait dressé le 19 septembre 202262(*), en tant que Première ministre, une liste de soixante politiques prioritaires, et avait consacré un principe de transparence relatif aux objectifs et aux résultats de ces politiques publiques. Le suivi de ces politiques prioritaires du Gouvernement (PPG) reposait sur la publication et la mise à jour régulière d'un « baromètre de l'action publique ». Or, le suivi des PPG constitue un référentiel supplémentaire qui vient s'ajouter aux indicateurs des programmes budgétaires et aux contrats d'objectifs et de performance (COP) des opérateurs publics, sans coordination. Le tableau de bord spécifique à l'axe de priorité « Planifier et accélérer la transition écologique » prévoit un objectif « Valider 5,2 millions de dossiers MaPrimRénov' », qui est purement quantitatif, n'est pas borné dans le temps et fait fi des enjeux que connaît ce guichet d'aide :

- la nécessité de contrôler la fraude, alors que Tracfin a détecté 398 millions d'euros de mouvements suspects en 2023 ;

- la nécessité de monter en gamme dans les rénovations en développant des parcours accompagnés à plusieurs gestes, qui sont plus efficaces mais prennent plus de temps à être mis en oeuvre.

Les documents budgétaires du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » de la mission « Cohésion des territoires » ne font d'ailleurs aucunement mention de cet objectif63(*).

Cette initiative s'est doublée de deux initiatives des derniers ministres de la Transformation et de la Fonction Publique. Amélie de Montchalin a ainsi lancé en janvier 2021 un premier « baromètre des résultats de l'action publique64(*) », qui permet en temps réel d'accéder à la mise en oeuvre des objectifs prioritaires du gouvernement. Ces objectifs concordent rarement avec des indicateurs budgétaires.

Très récemment, Laurent Marcangeli, ministre de l'Action publique, de la Fonction publique et de la Simplification, a initié une nouvelle démarche, nommée « baromètre des services publics ». Initié le 2 juin 2025, ce dispositif tend à sonder les Français sur leur perception de l'efficacité de l'action publique, en interrogeant un échantillon statistique sur la facilité d'accès aux services publics, la simplicité des démarches ou encore la satisfaction des délais de traitement.

Non seulement cette innovation s'ajoute aux dispositifs existants, mais elle n'est pas fondée sur des objectifs recensés par ailleurs dans les documents budgétaires. Par exemple, alors qu'est examiné le délai de réponse aux dossiers du Pass Culture, aucun indicateur dans le rapport annuel de performances de la mission « Culture » n'en porte la trace. D'autres indicateurs liés à cette même politique existent néanmoins : le taux d'inscription au Pass Culture par exemple, indicateur 2.1. du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Cette existence de doublons non coordonnés montre l'absence de cohérence du dispositif.

Le rapporteur général remarque par ailleurs le manque de pertinence des indicateurs liés au Pass Culture, qui ne se concentrent que sur le taux d'inscription : or, le dispositif est critiqué justement pour les effets d'aubaine qu'il crée et son coût, ce que le dépassement de la cible d'inscription montre. Ainsi, la « cible atteinte » pour cet indicateur 2.1. du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est plus le signe d'une gabegie que d'une véritable réussite. Le rapporteur général s'étonne ainsi que le gouvernement n'ait pas proposé la suppression de ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2025, au regard des critiques nombreuses qu'il connaissait. Les indicateurs de performance sur ce dispositif sont en outre incapables d'évaluer son efficience.

Finalement, le manque de coordination entre les différents dispositifs de suivi de la performance des dépenses de l'État induit une complexité croissante qui risque de faire advenir la « bureaucratie lolfienne »65(*) que craignait le président Arthuis.

B. LA PORTÉE DU SUIVI DE LA PERFORMANCE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EST LARGEMENT RÉDUITE PAR LE NOMBRE IMPORTANT D'INDICATEURS INEXPLOITABLES

Pour l'exercice 2024, le dispositif de suivi de la performance des dépenses de l'État reposait sur 88166(*) indicateurs et 1 970 sous-indicateurs recensés dans les rapports annuels de performances (RAP) du budget général et des budgets annexes de l'État. Cependant, un nombre important de ces sous-indicateurs sont neutralisés soit par l'absence de fixation de cible quantitative avant le début de l'exercice, soit par l'absence de données à jour pour exploiter les cibles fixer et confronter les objectifs fixés aux résultats obtenus. Sur les 1 970 sous-indicateurs pour l'exercice 2024, seul 1 513, soit 77 % se sont vus fixer une cible quantitative. Sur ces 1 513 sous-indicateurs avec une cible quantitative, 1 331 sont exploitables aux regards des données disponibles. Par conséquent, seulement 1 331 sous-indicateurs disposent de cibles exploitables pour 2024, soit 68 % du nombre total de sous-indicateurs figurant dans les rapports annuels de performances (RAP) présentés avec le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024. Il s'agit d'une statistique en diminution par rapport à 2023, où le nombre de sous-indicateurs exploitables était de 1 354 et le taux de 70 %.

En premier lieu, pour qu'un sous-indicateur puisse mesurer la performance des dépenses de l'État, il est nécessaire qu'au moment de l'élaboration du budget une cible soit fixée au responsable de programme. En effet, le dispositif des indicateurs de performance ne peut servir de support à des décisions stratégiques d'allocation des ressources que dans la mesure où le gouvernement et le Parlement peuvent mettre en regard les objectifs fixés à un service public et les résultats qu'il a atteint. Il est par conséquent nécessaire que la documentation budgétaire annexée au projet de loi de finances fixe, pour chaque sous-indicateur de performance, une cible au risque de neutraliser toute utilité de l'indicateur et de priver de tout effet le travail effectuer pour élaborer cet indicateur et suivre ses données d'exécution. Il est également nécessaire que cette cible soit définie avec clarté et précision, c'est-à-dire qu'il s'agisse d'une cible quantitative.

Si, pour certaines, cibles il est compréhensible de fixer un intervalle, ce qui continue de constituer une cible quantitative claire et précise sous réserve d'une amplitude raisonnable de l'intervalle, la fixation d'une cible non quantitative constituée par des mentions imprécises comme « hausse » ou « stabilité » ne répond pas aux exigences d'un dispositif de suivi effectif de la performance de la dépense publique.

Sur l'ensemble du dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État en 2024, le rapporteur général relève que 457 sous-indicateurs ne disposent pas d'une cible quantitative, en nette hausse par rapport à 2023 où ce nombre atteignait 392. Partant, ce défaut de conception neutralise la portée de 23 % des sous-indicateurs, soit près d'un sur quatre.

Par exemple, dans le cadre du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi », l'indicateur 4.4 « taux de sorties positives six mois après la fin de la formation » ne s'est vu fixer aucune cible ni pour 2024, ni pour 2025. Le rapporteur relève que la justification mise en avant par l'administration relative à la complexité du dispositif de suivi ne suffit pas à expliquer qu'aucun suivi statistique ne soit proposé pour cet indicateur depuis 2021. Au regard de l'importance des dépenses de l'État dans ce domaine - le programme représente un montant de crédits de paiement consommés de 13 569 millions d'euros en 2024 - il est incompréhensible que le gouvernement et les parlementaires ne puissent pas s'appuyer sur des données précises pour éclairer le choix fait au moment du vote annuel des crédits.

Part des sous-indicateurs dotés d'une cible quantitative fixée en 2024

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

En second lieu, tous les indicateurs avec une cible quantitative ne peuvent pas être exploités dans le cadre du suivi de la performance de la dépense de l'État. En effet, l'appréciation des résultats des politiques publiques concernées suppose de disposer en temps utile des données nécessaires à l'exploitation de ces sous-indicateurs.

Il est à relever à cet égard que la disponibilité des données et la difficulté éventuelle à les recueillir dans les temps fait partie des contraintes dont l'administration doit tenir compte dès le stade de l'élaboration des indicateurs de performance inscrits dans la documentation budgétaire. À ce titre, l'existence d'un nombre important d'indicateurs avec une cible quantitative inexploitable du fait du manque de disponibilité des données ne reflète pas uniquement la difficulté à recueillir ou à tenir à jour des données d'exécution mais également un défaut de conception de ces indicateurs. Celle-ci aurait dû tenir compte de cette difficulté au moment de leur inscription dans la maquette de performance des programmes concernés.

En 2024, sur les 1 513 sous-indicateurs dotés d'une cible quantitative, 1 331 sont exploitables. Les 182 autres ne le sont pas du fait de l'indisponibilité des données.

Par exemple, dans le cadre du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », l'indicateur 3.1 « Émissions de gaz à effet de serre par habitant » ne dispose pas d'une donnée de réalisation pour 2024. Le rapport annuel de performances (RAP) du programme ne prend même pas la peine d'indiquer pourquoi les données 2024 ne sont pas connues. Dans le cas où il serait récurrent et prévisible qu'il soit difficile d'actualiser les données de l'année précédente avant la publication des rapports annuel de performances, l'administration devrait prendre les mesures nécessaires pour que cet indicateur ne soit pas systématiquement neutralisé. Il pourrait s'agit d'une réforme dans la procédure de collecte des données pour permettre une consolidation en temps utile avant le dépôt du projet de loi relatif aux résultats de la gestion, ou bien plus encore d'une modification de l'indicateur.

Part des sous-indicateurs dotés d'une donnée d'exécution
parmi ceux dotés d'une cible quantitative en 2024

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

En conclusion, sur les 1 970 sous-indicateurs de performance du dispositif, 32,4 % d'entre eux ont été privés de portée en 2024 soit parce qu'aucune cible quantitative n'avait été fixé préalablement à la dépense soit parce que les données disponibles ne permettent pas de confronter les objectifs fixés et les résultats atteints.

Le rapporteur général relève que ces 639 sous-indicateurs neutralisés dans le cadre de l'exercice 2024 constituent un exemple préoccupant du risque de transformation de l'exercice de suivi de la performance en « bureaucratie de la performance », ces indicateurs ayant nécessité des travaux importants d'élaboration et de suivi sans résultat concret pour le pilotage de la dépense de l'État.

Le rapporteur général relève en outre une hausse préoccupante du nombre des indicateurs inexploitables : ces derniers n'étaient que 587 en 2023. L'instabilité gouvernementale ne saurait être la seule explication de cette hausse de 9 % de ces indicateurs inutilisables : il convient par conséquent au gouvernement de reprendre un suivi plus sérieux de la performance de son action, ou de réviser et supprimer les indicateurs mal calibrés.

II. MALGRÉ DES CIBLES PEU AMBITIEUSES RETENUES POUR L'EXERCICE 2024, LA DÉPENSE DE L'ÉTAT TÉMOIGNE D'UNE FAIBLE EFFICIENCE

A. MOINS DE LA MOITIÉ DES CIBLES FIXÉES SONT ATTEINTES EN 2024, CE QUI INDIQUE UNE EFFICACITÉ LIMITÉE DE LA DÉPENSE PUBLIQUE

Pour l'exercice 2024, d'après les données publiées par la direction du budget, les cibles quantitatives ont été atteintes pour 648 sous indicateurs, soit 11 de moins qu'en 2023. Partant, les cibles atteintes en 2024 représentent 33 % de l'ensemble des sous-indicateurs du dispositif de performance et 49 % des sous-indicateurs avec une cible quantitative exploitable.

Cibles atteintes pour les sous-indicateurs
dotés d'une cible quantitative exploitable en 2024

Source : commission des finances, d'après les données de la direction du budget

Étant donné la création et la suppression de sous-indicateurs à chaque exercice budgétaire, comme en témoigne l'évolution du nombre de sous-indicateurs entre 2021 et 2024 avec une augmentation de 98 du nombre de sous-indicateurs, les comparaisons dans le temps du taux d'atteinte des cibles des sous-indicateurs de performance ne peuvent pas être effectuées à périmètre constant et doivent par conséquent être appréhendées avec recul.

Sous réserve de l'évolution de périmètre qui a été rappelée, le taux d'atteinte des cibles pour les sous-indicateurs avec une cible quantitative exploitable est stable depuis 2021, puisqu'il est passé de 50 % pour l'exercice 2021 à 49 % pour l'exercice 2024.

Dans l'absolu, le rapporteur estime qu'un taux d'atteinte de moins de 50 % n'est pas satisfaisant, alors même que le dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État a été créé il y a dix-neuf ans. Après un recul de près de vingt ans sur le dispositif de suivi de la performance, il est inexplicable d'une part que 587 sous-indicateurs soit exclus du périmètre de suivi de la performance du fait d'un manque d'anticipation de l'administration sur la fixation des cibles ou l'exploitation des données et d'autre part que la cible ne soit pas atteinte pour 683 sous-indicateurs ayant pour objectif de mesurer l'efficacité de la dépense de l'État.

Par exemple, dans le cadre du programme 162 « Intervention territoriale de l'État » de la mission « Cohésion des territoires », le sous-indicateur 4.1.2 « Fréquentation des équipements culturels : Micro-folies » vise à rendre accessible la visite de certains musées à la population guyanaise en organisant des visites virtuelles. La fréquentation a été de 5 573 personnes en 2024 alors que la cible avait été fixée à 8 000 personnes, soit une sous-exécution de plus de 30 % par rapport à la cible fixée. Il est incompréhensible, dans ce contexte, que la cible pour 2025 ait été portée à 12 000 personnes alors que, comme l'indique le PAP pour le projet de loi de finances pour 2025, « le manque de succès du projet est imputable à l'absence de couverture internet dans tout le territoire de la Guyane ».

B. L'ABSENCE D'UN VÉRITABLE PILOTAGE STRATÉGIQUE DE L'ACTION PUBLIQUE AU MOYEN DES INDICATEURS DE PERFORMANCE

1. La définition des indicateurs et de leurs cibles ne fait pas l'objet d'une justification spécifique

Le pilotage de l'action publique par la performance se fonde sur la fixation d'indicateurs et, pour ces indicateurs, de cibles que l'administration cherche à atteindre. Or, si les indicateurs peuvent, depuis le projet de loi de finances pour 202367(*), faire l'objet d'amendements de la part des parlementaires, les cibles sont encore intégralement fixées par le gouvernement et les administrations, parfois sans aucune justification.

Par exemple, l'indicateur 3.1. « Efficience numérique » du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » connaît des cibles qui semblent évoluer sans lien avec les résultats obtenus et de façon très arbitraire. Le RAP ne produit ainsi aucune justification sur le maintien de la cible de 25 heures d'indisponibilité des applications numériques en 2025 alors que, depuis 2022, la réalisation n'a jamais dépassé 15h30. De même, les indicateurs des écarts budgétaires et calendaires retracés convergent vers une même cible en 2025 sans justification alors que la réalisation est loin de se rapprocher.

De même, dans le cadre du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » de la mission « Défense », le sous-indicateur 1.2. « Taux de renouvellement des emplois primo-contractuels - Armées / Marine - Total » mesure la fidélisation des militaires de la Marine en suivant le taux de premiers contrats dans la Marine qui sont renouvelés lorsque ce renouvellement est souhaité par l'autorité militaire.

Les cibles fixées sur cet indicateur, de 94 % en 2022, puis 85 % en 2023, puis un relèvement à 92 % en 2024 et un maintien à 92 % en 2025, ne sont pas justifiées dans le projet annuel de performances (PAP). Or, ces évolutions sont d'autant plus étonnantes que la réalisation est parfaitement stable, le taux étant de 85 % en 2022, 2023 et 2024. Par conséquent, le relèvement de la cible à 92 % pour les exercices 2024 et 2025 témoigne d'une gestion conjoncturelle des cibles de performance qui ne permet pas au Gouvernement et au Parlement de s'appuyer sur les résultats pour prendre des décisions stratégiques d'allocation des ressources.

En outre, il est fréquent que les cibles pour l'exercice budgétaire suivant soient fixées au même niveau que la réalisation observée pour l'exercice en cours. Sur les 683 cibles quantitatives atteintes en 2024, il est à relever que 60 d'entre elles, soit 9 %, avaient été fixées à un niveau strictement équivalent à la réalisation de 2023.

Si dans certains cas il est tout à fait justifié de se fixer pour objectif la stabilité d'un indicateur, par exemple quand un taux de mise en oeuvre atteint 100 %, l'analyse des sous-indicateurs pour l'exercice 2024 fait apparaître que la fixation de cible égale à la réalisation de l'année précédente ne fait pas systématiquement l'objet d'une justification.

Par exemple, l'indicateur 1.2. « Nombre de schémas d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) mis en oeuvre » du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » a fait en 2024 l'objet d'une cible égale à la réalisation 2023 sans aucune justification, et ce alors qu'en 2025 l'objectif est rehaussé au vu du dépassement de la cible 2024. Ce manque d'ambition dans la définition des cibles de performance est ainsi dommageable pour l'efficience du budget de l'État.

2. Le suivi de la performance tel qu'il est exécuté semble perdre de son sens après presque vingt ans de mise en oeuvre de la LOLF et doit être réformé

En raison notamment de l'incomplétude des données et du nombre trop important d'indicateurs de performance, le dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État n'est pas utilisé, contrairement à l'objectif poursuivi au moment de l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), comme un outil de pilotage de la dépense publique.

Il en ressort qu'après près de vingt ans de mise en oeuvre de la LOLF, la perte de sens du dispositif de suivi de l'action publique par la performance est visible. Conçus pour permettre une meilleure efficacité de la dépense publique, les indicateurs constituent aujourd'hui une masse d'information difficilement exploitable et dont la pertinence globale est faible.

La dégradation continue des finances publiques et son accélération marquée au cours de l'année 2024 met en évidence l'absence d'efficacité du suivi de la performance.

Le rapporteur général, dans ce contexte, porte alors deux pistes principales.

D'une part, il convient de rationaliser drastiquement le nombre d'indicateurs et de ne conserver que ceux qui sont véritablement pertinents pour évaluer l'efficience de la dépense de l'État. Les indicateurs qui se bornent à retracer quantitativement un résultat doivent être abandonnés au profit d'autres qui permettent d'évaluer la capacité des administrations à atteindre, pour un budget donné, des objectifs. La procédure actuelle de préparation du budget de l'État doit être une occasion de réviser ces indicateurs afin de « débureaucratiser » cette politique publique. En effet, comme le relève la Cour des comptes dans son rapport de décembre 2023, les conférences de performances qui se tiennent chaque année en avril et en mai en présence de la direction du budget et des différents ministères donnent lieu à des discussions sur les objectifs et indicateurs de performance indépendantes des discussions sur les crédits des programmes budgétaires68(*). La fixation des cibles, la justification de ces dernières et de leur atteinte ou non doit en outre faire l'objet d'un soin bien plus approfondi par l'administration.

D'autre part, il convient de mettre en cohérence les indicateurs et leurs cibles avec les objectifs politiques de long-terme que s'est fixée la France. Dans la période récente, il apparaît que la priorité de la direction du budget a été d'intégrer aux conférences de performances deux nouveaux éléments de suivi de la dépense : la mise en place d'indicateurs relatifs à la dépense fiscale et les exercices de cotation des crédits budgétaires au regard des objectifs du gouvernement en matière environnementale et d'égalité femmes-hommes. Ces évolutions doivent être portées non par une direction d'administration centrale mais par le gouvernement, qui devrait s'emparer bien plus de ces indicateurs comme gage de l'efficacité de leur politique. Par exemple, sur le volet de la transition écologique, il est souhaitable que la mobilisation importante des services pour la réalisation du « budget vert » soit coordonnée avec le déploiement d'indicateurs plus tournés vers ce changement systémique nécessaire.

Il est aujourd'hui urgent d'engager une réflexion quant à une réforme structurelle du dispositif de suivi de la performance de la dépense de l'État, qui n'est utilisé ni par l'administration ni par le gouvernement comme un outil de pilotage stratégique de la dépense publique. La mise en oeuvre d'un pilotage par la performance des dépenses de l'État implique le déploiement d'un dispositif renouvelé, resserré sur des objectifs stratégiques et coordonné avec les dispositifs complémentaires de suivi des opérateurs publics et des politiques prioritaires du gouvernement.

C'est seulement ainsi que les indicateurs de performance pourraient éclairer les décisions d'arbitrage de crédits entre politiques dans le cadre de la procédure de préparation du budget de l'État.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Solde structurel et solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2024

Conformément à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le présent article renseigne un certain nombre d'indicateurs de finances publiques concernant l'année 2024. Pour chacun d'eux, il met en avant l'écart entre l'exécution pour cette année et ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027. Le solde public, qui s'est établit à - 5,8 % du PIB, est ainsi supérieur de 1,4 point à l'objectif de la LPFP. S'agissant du solde structurel, l'écart à l'objectif, qui est de 1,5 point, est qualifié d'« important » au sens de la LOLF et donne dès lors lieu à l'application du mécanisme de correction.

L'article 1 I de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances69(*), dans sa rédaction issue de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques70(*), prévoit que « la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année comprend un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l'année à laquelle elle se rapporte :

1° Le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution ; 2° Les dépenses des administrations publiques résultant de l'exécution, exprimées en milliards d'euros courants, ainsi que l'évolution des dépenses publiques sur l'année, exprimée en volume ; 3° Les prélèvements obligatoires, les dépenses et l'endettement de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution, exprimés en pourcentage du produit intérieur brut ». Il prévoit également que l'article liminaire présente, « pour l'année en question, les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d'investissement » et que, « le cas échéant, l'écart par rapport aux prévisions de soldes de la loi de finances de l'année et de la loi de programmation des finances publiques est indiqué. Il est également indiqué, dans l'exposé des motifs du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer, pour cette même année, dans le cadre de la loi de finances de l'année et dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques ».

L'article liminaire contient donc un tableau retraçant les informations suivantes :

Article liminaire du projet de loi relative aux résultats de la gestion
et portant approbation des comptes pour 2024

(en % du PIB, sauf mention contraire)

 

Exécution 2024

LFI 2024

LPFP 2023-2027 pour l'année 2024

Ensemble des administrations publiques

Prévision

Écart

Prévision

Écart

Solde structurel (1)

- 5,2

- 3,7

- 1,5

- 3,7

- 1,5

Solde conjoncturel (2)

- 0,5

- 0,6

0,1

- 0,6

0,1

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3)

- 0,1

- 0,1

0,0

- 0,1

0,0

Solde effectif (1+ 2+ 3)

- 5,8

- 4,4

- 1,4

- 4,4

- 1,4

Dette au sens de Maastricht

113,0

109,7

3,3

109,7

3,3

Taux de prélèvements obligatoires (y.c. UE, nets des crédits d'impôt)

42,8

44,1

- 1,3

44,1

- 1,3

Dépense publique (hors CI)

56,4

55,4

1,0

55,4

1,0

Dépense publique (hors CI, en Md€)

1 650

1 624

26

1 624

26

Évolution de la dépense publique hors CI en volume ( %)71(*)

2,0

0,7

1,3

0,7

1,3

Principales dépenses d'investissement (en Md€)72(*)

26

30

- 4

30

- 4

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour 2024

Les données figurant au présent article font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport, à laquelle le lecteur est invité à se reporter. On signale en particulier que l'écart de solde structurel par rapport à la loi de programmation des finances pour 2023-2027 s'est traduit par le déclenchement du mécanisme de correction prévu par l'article 62 de la LOLF73(*). À noter que certaines données, notamment celle du niveau d'endettement qui serait non pas de 113 % du PIB mais de 113,2 % du PIB, ont été révisées par l'Insee depuis le dépôt du projet de loi.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE PREMIER

Résultats du budget de l'année 2024

Cet article arrête le résultat budgétaire de l'État et le montant définitif des recettes et des dépenses en 2024.

Conformément au I de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances74(*), le présent article « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ».

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État, hors opérations avec le Fonds monétaire international (FMI)75(*), à la somme de - 155,9 milliards d'euros.

Le II détaille le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Le résultat budgétaire résulte principalement du solde des recettes et des dépenses du budget général, car les budgets annexes représentant un montant de crédits réduit et les comptes spéciaux sont proches de l'équilibre.

Construction du solde budgétaire

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi. Dépenses et recettes du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, hors fonds de concours (égaux en dépenses et en recettes).

L'analyse des principaux déterminants du solde budgétaire figure dans l'exposé général du présent rapport.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 2

Tableau de financement de l'année 2024

Cet article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2024.

Conformément au II de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, cet article « arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année correspondante, présenté dans un tableau de financement ».

Le tableau de financement qui y figure arrête à 305,7 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre.

Ce besoin de financement résulte quasiment à parts égales de la nécessité de rembourser les titres de dette arrivant à échéance (155,1 milliards d'euros) et de celle de financer le du déficit de l'année (155,9 milliards d'euros) décrit à l'article premier.

Il est diminué de 8,1 milliards d'euros par la neutralisation de la provision annuelle pour indexation du capital des titres indexés sur l'inflation, qui ne sera décaissée que lors du remboursement de chacun de ces titres.

La principale ressource mobilisée pour satisfaire le besoin de financement est l'émission de nouvelle dette à moyen et long terme, pour un montant de 285 milliards d'euros en 2024, soit le montant prévu en loi de finances initiale, supérieur de 15 milliards d'euros au montant émis en 2023.

Pour la troisième année consécutive, une ressource est affectée à la Caisse de la dette publique et consacrée au désendettement, à hauteur de 6,5 milliards d'euros, contre 6,6 milliards d'euros en 2023. Ce montant provient, pour la dernière fois puisque la loi de finances pour 2025 a supprimé ce programme, d'une ouverture de crédits sur le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » de la mission « Engagements financiers de l'État », qui est versée en recette sur le 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

L'encours des titres d'État à court terme augmente de 31,9 milliards d'euros. Le complément du besoin de financement est donc comblé par la variation des dépôts des correspondants (- 5,9 milliards d'euros), par la variation des disponibilités du Trésor à la Banque de France et des placements de trésorerie de l'État (- 3,4 milliards d'euros) et par les autres ressources de trésorerie (- 8,4 milliards d'euros) ; ce dernier poste est constitué principalement par le solde des primes et décotes à l'émission, qui est négatif (décotes) après plusieurs années de primes à l'émission.

Évolution des principales ressources de financement de 2017 à 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'exposé général du présent rapport comprend des éléments détaillés d'analyse du financement de l'État.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 3

Résultat de l'exercice 2024 - Affectation au bilan
et approbation du bilan et de l'annexe

Cet article approuve le compte de résultat de l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes.

Conformément au III de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le présent article approuve le compte de résultat de l'exercice établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation, ainsi que son annexe. Le contenu de chacun de ces états et documents est précisé par la norme n° 1 « Les états financiers » du recueil des normes comptables de l'État.

Le I approuve le compte de résultat de l'État. Le résultat comptable s'établit à - 123,7 milliards d'euros, soit la différence entre les produits régaliens nets, qui s'élèvent à 323,4 milliards d'euros, et les charges nettes, d'un montant de 447,1 milliards d'euros.

Le II affecte le résultat comptable de l'exercice 2024 au bilan à la ligne « Report des exercices antérieurs ».

Le III établit le bilan, qui se compose au 31 décembre 2024 d'un actif net total de 1 317,9 milliards d'euros et d'un passif, hors situation nette, de 3 305,1 milliards d'euros. La situation nette s'établit donc à - 1 987,2 milliards d'euros.

La ligne « Report des exercices antérieurs » vaut - 1 924,1 milliards d'euros dans le compte général de l'État. Par affectation du résultat comptable, soit - 123,7 milliards d'euros, elle prend la valeur de - 2 047,8 milliards d'euros en application du présent III.

L'affectation du résultat comptable de l'exercice à la ligne « Report des exercices antérieurs » par le II du présent article constitue donc l'une des rares dispositions qui ne soit pas de pure constatation dans le projet de loi de résultats, même si sa portée en est surtout comptable, puisque la modification de cette ligne n'est pas possible en l'absence de publication de la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'exercice.

Le rejet successif des projets de loi de règlement pour 2021, 2022 et 2023 a en effet empêché d'affecter au report à nouveau le résultat comptable de ces trois exercices, soit - 142,1 milliards d'euros au titre de 2021, - 160,0 milliards d'euros au titre de 2022 et - 125,0 au titre de 2023. En conséquence de ces rejets, l'administration a décidé de rajouter, dans le bilan, une ligne intitulée « Solde des opérations d'exercices antérieurs en attente d'affectation », qui comprend la somme de ces résultats comptables non affectés, soit - 427,1 milliards d'euros. Cette présentation comptable n'a pas de conséquence sur la situation nette en 2024.

Le IV approuve l'annexe du compte général de l'État de l'exercice, qui consiste en un commentaire détaillé de chacun des postes du bilan et du compte de résultat, ainsi qu'une présentation des engagements hors bilan et des règles et méthodes d'évaluation comptables76(*).

L'exposé général du présent rapport contient des développements plus détaillés sur les comptes de l'État présentés en comptabilité générale.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 4

Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Cet article ajuste et arrête, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses réalisées au titre de l'année 2024.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit, au 2° du IV de son article 37, que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

Le I du présent article arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur le budget général à un montant de 575,1 milliards d'euros, ouvre des autorisations d'engagement complémentaires à hauteur de 1,1 milliard d'euros et annule 8,7 milliards d'euros d'autorisations d'engagement non consommées et non reportées.

Le II du présent article arrête le montant des dépenses relatives au budget général à hauteur de 585,0 milliards d'euros, ouvre des crédits de paiement complémentaires pour 1,1 milliard d'euros et annule 4,5 milliards d'euros de crédits de paiement non consommés et non reportés.

Les crédits complémentaires ouverts, tous égaux en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, sont uniquement imputés sur des programmes dotés de crédits évaluatifs, à savoir le programme 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État » (1,1 million d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) et le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » (1 690 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement).

Les annulations de crédits sont réparties sur de nombreux programmes du budget général. Les plus importantes concernent la mission « Remboursements et dégrèvements » (1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement), la mission « Plan de relance » (1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement également), la mission « Engagements financiers de l'État » (0,8 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, presque intégralement au titre de la charge de la dette) et trois missions pour lesquelles les annulations portent principalement sur les autorisations d'engagement : « Justice » (0,7 milliard d'euros), « Aide publique au développement » et « Sécurités » (0,6 milliard d'euros).

Les dépenses exécutées sur les missions du budget général sont analysées dans le tome I du présent rapport et dans les contributions des rapporteurs spéciaux.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 5

Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

Cet article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées, des dépenses et des recettes de ces budgets au titre de l'année 2024.

Le présent article, comme le précédent pour le budget général, applique, s'agissant des budgets annexes, le 2° du IV de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoit que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

La révision de la LOLF du 28 décembre 202177(*) a modifié la présentation des dépenses effectuées par les budgets annexes en prévoyant que seules les opérations budgétaires seraient prises en compte pour déterminer les soldes des budgets annexes. Avant cette révision, les remboursements en capital des emprunts faisaient partie des crédits budgétaires des budgets annexes, alors que pour le budget général les opérations qui concernent le capital de la dette sont considérées comme des opérations de trésorerie non budgétaires.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées, soit 2 318,5 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 141,4 millions d'euros pour le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Le montant des annulations d'autorisations d'engagement non engagées et non reportées est de 7,5 millions d'euros pour le premier budget annexe et de 5,9 millions d'euros pour le second.

Le II ajuste et arrête les dépenses et les recettes des deux budgets annexes, soit :

- 2 221,0 millions d'euros de dépenses et 2 531,5 millions d'euros de recettes pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », 18,5 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés ;

- 138,7 millions d'euros de dépenses et 194,6 millions d'euros de recettes pour le budget « Publications officielles et information administrative », 4,7 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés.

Aucun crédit complémentaire n'est ouvert.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 6

Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés.
Affectation des soldes

Cet article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2024, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2024 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2025.

Le présent article, comme les deux précédents pour le budget général et les budgets annexes, applique, s'agissant des comptes spéciaux, le 2° du III de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoit que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

Il applique également les 3°, 4° et 5° du même III, aux termes desquels la même loi majore, pour chaque compte spécial concerné, le montant du découvert autorisé au niveau du découvert constaté, arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant et apure les profits et pertes survenus sur chaque compte spécial.

Le I et le II du présent article ajustent et arrêtent respectivement le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consommés sur les comptes spéciaux.

Les comptes d'affectation spéciale ont consommé 80,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et dépensé le même montant, pour des recettes de 75,5 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés de 1,9 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Les comptes de concours financiers ont consommé 141,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et ont dépensé le même montant, pour des recettes de 142,9 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés à hauteur de 6,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 6,4 milliards d'euros en crédits de paiement.

Aucun crédit complémentaire n'est ouvert pour les comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers.

Les comptes de commerce ont des dépenses de 69,6 milliards d'euros et des recettes de 61,0 milliards d'euros.

Les comptes d'opérations monétaires ont des dépenses de 1 185,3 millions d'euros et des recettes de 494,3 millions d'euros. Les montants relatifs au compte des opérations avec le Fonds monétaire international (soit 1 021,0 millions d'euros de dépenses et 248,2 millions d'euros de recettes) ne sont pas pris en compte dans le solde budgétaire de l'État tel que défini à l'article premier.

Cette ligne supporte en outre une majoration du découvert de 18,0 milliards d'euros correspondant, comme chaque année, à la quote-part de la France au capital du Fonds monétaire international (FMI) et des prêts effectués dans le cadre de cet organisme.

Le III arrête, à la date du 31 décembre 2024, les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2025, et qui sont reportés à la gestion 2025 par le IV, à l'exception :

- d'un solde débiteur de 377,7 millions d'euros concernant les comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers », en raison notamment de remises de dette à des pays étrangers réalisées entre 2021 et 2024 ;

- d'un solde débiteur de 24,0 millions d'euros concernant le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », concernant un abandon de créance ;

- d'un solde créditeur de 211,9 millions d'euros concernant le compte de commerce « Opérations commerciales des domaines », ces crédits étant proposés à l'annulation ;

- d'un solde créditeur de 395,3 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Émission des monnaies métalliques », solde jugé sans signification parce qu'il mêle des opérations budgétaires classiques (droit de seigneuriage en recettes, frais de fabrication en dépenses) et des opérations de bilan (variation de la circulation monétaire) ;

- d'un solde débiteur de 141,1 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change », soldé chaque année en application de la loi n° 49-310 du 8 mars 1949 relative aux comptes spéciaux du Trésor.

Ces soldes correspondent pour une large partie au report du solde des mêmes comptes spéciaux effectué chaque année depuis 2022, car le rejet des projets de loi de règlement ou relatifs à la gestion successifs n'a pas permis de mettre en oeuvre les clauses de non-report de solde prévues par ces textes. L'article 20 de la LOLF prévoit en effet que, sauf dispositions contraires prévues par une loi de finances, le solde de chaque compte spécial est reporté sur l'année suivante.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 7

Affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2021 au report
des exercices antérieurs du bilan de l'État

Cet article affecte de manière définitive le résultat patrimonial de 2021 au report des exercices antérieurs du bilan de l'État, dans un objectif de meilleure lisibilité des comptes de l'État.

Chaque projet de loi de règlement (jusqu'à l'exercice 2022) ou chaque projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année (depuis l'exercice 2023) contient un article qui constate le résultat patrimonial de l'exercice et approuve le bilan.

Cet article doit notamment, en application du III de l'article 37 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), affecter au bilan le résultat comptable de l'exercice.

Cette exigence est satisfaite dans le projet de loi par une clause de l'article 3 prévoyant que le résultat comptable de l'exercice est affecté au bilan à la ligne « Report des exercices antérieurs ».

Le rejet des projets de loi de règlement pour 2021, 2022 et 2023 n'a pas permis d'effectuer cette affectation. Face à cette situation inédite, le choix a été fait d'enregistrer le résultat patrimonial non approuvé sur un compte spécifique et imputé sur une ligne spécialement créée à cet effet, intitulée « Soldes des opérations d'exercices antérieurs en attente d'affectation ».

L'article 3 du présent projet de loi ne traite pas de l'affectation du résultat comptable des exercices 2021, 2022 et 2023. En conséquence, le présent article prévoit l'affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2021, qui s'élève à - 142,1 milliards d'euros, au report des exercices antérieurs du bilan de l'État. Les articles suivants portent des mesures analogues pour les exercices 2022 et 2023. L'objectif de cette modification est d'améliorer la lisibilité des comptes de l'État.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 8

Affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2022 
au report des exercices antérieurs du bilan de l'État

Cet article affecte de manière définitive le résultat patrimonial de 2022 au report des exercices antérieurs du bilan de l'État, dans un objectif de meilleure lisibilité des comptes de l'État.

Le présent article est, comme le précédent, pris en conséquence du rejet des projets de loi de règlement pour 2021, 2022 et 2023.

Pour les raisons exposées lors de la présentation du précédent article, le présent article prévoit l'affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2022, qui s'élève à - 160,0 milliards d'euros, au report des exercices antérieurs du bilan de l'État. L'objectif de cette modification est d'améliorer la lisibilité des comptes de l'État.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 9

Affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2023 
au report des exercices antérieurs du bilan de l'État

Cet article affecte de manière définitive le résultat patrimonial de 2023 au report des exercices antérieurs du bilan de l'État, dans un objectif de meilleure lisibilité des comptes de l'État.

Le présent article est, comme l'article 6 et l'article 7, pris en conséquence du rejet des projets de loi de règlement pour 2021, 2022 et 2023.

Pour les raisons exposées lors de la présentation de l'article 6, le présent article prévoit l'affectation du résultat patrimonial de l'exercice 2022, qui s'élève à - 124,9 milliards d'euros, au report des exercices antérieurs du bilan de l'État. L'objectif de cette modification est d'améliorer la lisibilité des comptes de l'État.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 10

Règlement du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

Le présent article prévoit que le solde créditeur du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce », clos au 1er janvier 2023, soit arrêté au montant de 799,8 millions d'euros. Il se borne à appliquer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant.

Initialement prévue par l'article 7 du projet de loi de règlement 2022, cette opération n'a pu être réalisée en 2023 en raison de la non-adoption de cette même loi. Également prévue par l'article 9 du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023, elle n'a pu être effectuée en 2024 du fait de la non-adoption de ce dernier texte.

I. LE DROIT EXISTANT : UN COMPTE CRÉÉ EN 2012 ET PROLONGÉ JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2022 POUR SOUTENIR, SOUS CONDITIONS, LE DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

A. UN COMPTE CRÉÉ EN 2012 POUR TRACER LE REVERSEMENT À LA GRÈCE DES REVENUS PERÇUS SUR SES TITRES SOUVERAINS

En réponse à la crise des dettes souveraines de 2010-2012, les ministres des finances de la zone euro avaient pris l'engagement de reverser à la Grèce les revenus perçus par leurs banques centrales sur les obligations souveraines grecques détenues pour compte propre, dites ANFA78(*), ou rachetées dans le cadre du securities market program (SMP)79(*).

Ces revenus correspondaient à la part des dividendes versées aux États membres par leurs banques centrales au titre de leurs bénéfices résultant, d'une part, des intérêts des obligations grecques et, d'autre part, des éventuelles plus-values constatées au remboursement de ces obligations.

Ce reversement des revenus perçus sur les titres souverains grecs visait à aider la Grèce à réduire son besoin de financement et à participer au rétablissement de la soutenabilité de la dette publique grecque.

En conséquence, le I de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 201280(*) avait traduit budgétairement cet engagement politique en ouvrant un compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce ». Le recours à un CAS était motivé par deux raisons :

- d'une part, une raison juridique, tenant à l'interdiction faite aux banques centrales nationales de l'Union européenne de financer les États membres de la zone euro (article 123 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) ;

- d'autre part, une raison budgétaire, découlant de la nécessité d'isoler les flux concernés au sein du budget de l'État, lequel n'est que le vecteur de l'opération de reversement.

Le CAS devait être ouvert à partir du 1er septembre 2012 jusqu'au 31 décembre 2020.

Les recettes du compte étaient constituées du produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France au titre de la restitution des revenus qu'elle percevait sur les titres souverains grecs détenus en compte propre. Quant aux dépenses du compte, elles correspondaient respectivement aux programmes 795 « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs » et 796 « Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France ».

Les engagements de la France au titre du désendettement de la Grèce se composaient :

- d'une part, de 753,4 millions d'euros au titre des revenus perçus par la banque centrale sur les obligations grecques détenues pour compte propre (ANFA) sur la période 2012-2020 (sur un total de près de quatre milliards d'euros d'engagements de reversement pour l'ensemble des États membres de la zone euro) ;

- d'autre part, de 2,06 milliards d'euros au titre de la quote-part de la France dans le cadre du programme SMP sur la période 2013-202581(*). Le versement de ces revenus a fait l'objet d'une convention entre la Banque de France et le ministère de l'économie et des finances et devait s'opérer par tranche annuelle.

B. UN COMPTE PROLONGÉ JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2022 POUR TENIR COMPTE DU RETARD PRIS DANS LE VERSEMENT DES REVENUS PERÇUS SUR LES OBLIGATIONS GRECQUES

À la suite de l'arrivée au pouvoir d'Alexis Tsipras en Grèce le 25 janvier 2015 et sous la direction du ministre des finances de l'époque Yanis Varoufakis, les autorités grecques ont longuement négocié, avec leurs créanciers publics, divers aménagements sur leur dette, dont la soutenabilité était remise en question.

Face au refus de la Grèce d'accepter les réformes imposées par la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) en échange du déblocage de la dernière tranche d'aide de son deuxième programme d'assistance financière, l'Eurogroupe avait décidé de suspendre le processus de reversement des revenus perçus au titre des obligations grecques ANFA et SMP à compter du 30 juin 2015, date d'expiration de ce deuxième programme d'assistance.

Dans le cadre d'un accord entre l'Eurogroupe et la Grèce trouvé en juin 2018 lors de la dernière évaluation du troisième programme d'ajustement économique de la Grèce, la reprise de la rétrocession des revenus perçus par les banques centrales nationales sur les titres grecs a été actée. Il a ainsi été décidé de ne pas procéder aux restitutions prévues en 2015 et en 2016, mais que soient rétrocédés les profits correspondant aux obligations grecques SMP au titre de l'année 2014 ainsi que les profits correspondant aux obligations grecques SMP et ANFA à partir de l'année 2017, sous réserve du respect par la Grèce des conditions fixées sur la période post-programme d'ajustement.

Pour tenir compte de ces reports et de la reprise des rétrocessions, l'article 91 de la loi de finances pour 202082(*) a modifié l'article 21 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 de façon à prolonger la durée d'ouverture du CAS jusqu'au 31 décembre 2022.

Le CAS a donc été clôturé au 1er janvier 2023. À cette date, le solde des opérations antérieurement enregistrées sur ce compte a été affecté au budget général de l'État.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ARRÊTER LE SOLDE DU COMPTE À 799,8 MILLIONS D'EUROS

Si la diminution du solde cumulé sur le compte était mécanique, les reversements ayant vocation à s'éteindre, celui-ci n'était pas nul au moment de sa clôture, au 31 décembre 2022, et s'élevait à 799,8 millions d'euros. Ce solde positif à la clôture s'explique essentiellement par le non-reversement des revenus perçus sur les obligations grecques au titre des années 2015 et 2016, respectivement pour 432,5 millions d'euros83(*) et 325,6 millions d'euros84(*) en crédits de paiement.

Le compte ayant été clôturé, il n'est pas possible de reporter ce solde sur les exercices ultérieurs, lequel est reversé au budget général.

Aux termes du 4° du IV de l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances85(*), la loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes « arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant ».

C'est ainsi que l'article 7 du projet de loi de règlement 2022 (PLR 2022) prévoyait que le solde du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » soit arrêté à 799,8 millions d'euros. Or cette loi n'ayant pas été adoptée, cette opération n'a pu être réalisée en 2023.

De même, elle n'a pu être effectuée en 2024 du fait de la non-adoption du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 (PLRG 2023), dont l'article 9 reprenait les dispositions de l'article 7 du PLR 2022.

Aussi le présent article reprend à l'identique le contenu des articles précités.

Exécution des crédits du compte d'affectation spéciale
« Participation de la France au désendettement de la Grèce » en 2021
et en 2022 (deux derniers exercices d'ouverture du compte)

(en millions d'euros)

 

 

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

[795] Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

AE

0,00

0,00

0,00

CP

209,3

98,9

132,8

[796] Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France

AE

0,00

0,00

0,00

CP

0,00

0,00

0,00

Total des dépenses

AE

0,00

0,00

0,00

CP

209,3

98,9

132,8

Recettes 

132,8

0

0

Solde annuel

- 110,4

- 98,9

- 132,8

Solde cumulé

932,6

833,7

799,8 / 0*

* Pour 2022, le solde cumulé est de 799,8 millions d'euros avant reversement de ces sommes au budget général.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI NE PRÉSENTE PAS DE DIFFICULTÉ

Le présent article se borne à appliquer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.

Comme en 2023 et en 2024, dans le cadre, respectivement, de l'examen du PLR 2022 et du PLRG 2023, la commission tient à rappeler le bien-fondé des reversements effectués par la France à la Grèce par l'intermédiaire de ce compte, qui aura manifesté la solidarité de notre pays auprès d'un État européen en difficulté.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission propose de ne pas adopter cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. PIERRE MOSCOVICI, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES ET PRÉSIDENT DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (30 AVRIL 2025)

Réunie le mercredi 30 avril 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, sur le budget de l'État en 2024 et sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024, ainsi que sur les avis du Haut Conseil des finances publiques sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 et sur le rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029

M. Claude Raynal, président. - Nous procédons ce matin à l'audition de M. Pierre Moscovici, tant en sa qualité de Premier président de la Cour des comptes que de Président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), puisqu'il vient nous présenter deux rapports de la Cour des comptes - l'un sur le budget de l'État en 2024 et l'autre sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024 - et deux rapports du HCFP, l'un sur le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, connu sous l'ancien terme de « loi de règlement », et l'autre sur le rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) 2025-2029. Autant dire que cette audition sera substantielle !

Monsieur le Premier président, s'agissant du rapport sur le budget de l'État (RBDE), vous revenez sur le niveau massif du déficit budgétaire en 2024, lié, selon vous, à des prévisions optimistes sur les recettes, à un manque d'ambition sur les dépenses et à l'ombre portée des très mauvais résultats de 2023, ce que nous avions cherché à mettre en avant dans nos travaux sur la dégradation des finances publiques.

Nous avions aussi dit et répété au printemps dernier qu'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) était nécessaire, avant d'identifier, dans le cadre de nos travaux, que l'absence de PLFR avait été l'une cause du niveau désastreux du déficit en 2024. Je me réjouis que vous rejoigniez nos analyses.

Je me permets de vous citer longuement : « Il eût été logique qu'une fois connus ces résultats [ceux de 2023] un PLFR soit soumis au Parlement en février ou en mars 2024 pour en tirer les conséquences et, par de nouvelles mesures en recettes comme en dépenses, essayer de préserver la crédibilité de l'objectif de déficit qui venait d'être adopté. Le Gouvernement ayant fait le choix de ne pas déposer un tel PLFR pendant l'hiver 2024 s'est privé du seul vecteur qui eût permis un ajustement des recettes et a déployé, à défaut, une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères. » Le constat est sévère, mais juste, et le résultat de cette mauvaise gestion réside dans l'augmentation de l'encours de dette de l'État.

Il faut bien sûr remédier à cette situation : vous évoquez quelques pistes en matière de prévisions des recettes fiscales, vous recommandez encore de limiter les reports de crédits et, de façon nouvelle, d'indiquer au niveau de chaque mission les montants respectifs de l'évolution tendancielle des dépenses, des dépenses nouvelles et des économies proposées dans le cadre du projet de loi de finances (PLF). Vous nous direz plus largement quelles solutions vous identifiez pour améliorer la gestion des finances de l'État, anciennes comme nouvelles, et si celles que vous prônez de longue date ont, ou non, été suivies.

Vous nous présenterez également le rapport de certification des comptes de l'État, sur lesquels vous émettez une opinion « avec réserve » justifiée par cinq anomalies significatives et l'absence d'éléments probants pour fonder votre opinion sur onze postes des états financiers.

Enfin, vous nous présenterez les avis du HCFP sur la loi de règlement pour 2024 et sur le rapport d'avancement annuel 2025.

Le HCFP, dans son avis sur la loi de règlement 2024, identifie un écart « important » de 1,5 point de PIB entre la prévision de solde structurel de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et son exécution. Dès lors, vous avez déclenché le mécanisme de correction. Vous pourrez peut-être nous rappeler précisément les conséquences de ce mécanisme de correction.

Du fait de la nouvelle mouture de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), vous rendez également pour la première fois un avis sur les écarts entre les prévisions macroéconomiques de recettes et de dépenses de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) et leur réalisation. La loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques confère par ailleurs au HCFP le pouvoir d'examiner, tous les quatre ans, s'il existe une importante distorsion affectant les prévisions macroéconomiques sur une période d'au moins quatre années consécutives. À cet égard, sur la période que vous étudiez (2004-2024), vous observez, hors crise, un biais optimiste en faveur de la croissance en volume de 0,4 point en moyenne - 0,5 point avant la création du HCFP et 0,3 point après. En incluant l'inflation, vous obtenez un écart moyen de 0,3 point sur la croissance en valeur.

Vous invitez dans ce cadre le Parlement et le Gouvernement à « considérer toute disposition complémentaire permettant d'assurer l'absence de biais dans l'établissement des prévisions » et, à défaut, à « renforcer l'accès à l'information et à détendre les délais d'instruction » fixés au HCFP, « ainsi qu'à étudier la mise en place effective d'un mécanisme de type "appliquer ou expliquer" ».

Vous semblez donc appeler de vos voeux une révision de la Lolf, dont vous nous direz peut-être ce qu'elle pourrait contenir selon vous.

Enfin, vous nous présenterez l'avis du HCFP sur le premier exemplaire du rapport d'avancement annuel, issu de la réforme du pacte de stabilité et de croissance entrée en vigueur l'an dernier. Ce rapport vise à assurer le suivi du plan budgétaire et structurel de moyen terme 2025-2029 que nous avions déjà étudié en octobre dernier. Votre analyse est bien moins sévère que celle qui portait sur le dernier programme de stabilité (PStab), même si vous soulignez des conditions de saisine dégradée. Vous notez, dans le langage propre au HCFP, que la prévision de croissance « n'est pas hors d'atteinte » et que la prévision de déficit public pour 2025 « peut être tenue, mais est loin d'être acquise ».

Avant de vous céder la parole, je rappelle que cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques. - Les différents travaux que je m'apprête à vous présenter ont été publiés le 16 avril dernier et ont tous en commun d'expliquer la situation de nos finances publiques et leurs perspectives. La publication de ces rapports est chaque année un moment important pour nous et un moment significatif dans le débat public et citoyen sur les finances publiques. Cependant, le contexte international et la dégradation sévère des finances publiques donnent un caractère particulier à notre discussion cette année.

Il y a deux semaines, le ministre de l'économie a annoncé une révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2025, passant de 0,9 point à 0,7 point de PIB. Les turbulences au niveau international pourraient engendrer de nouvelles évolutions, comme l'a signalé le Premier ministre. Ces éléments s'ajoutent aux fragilités initiales de notre trajectoire de moyen terme, déjà soulignées par la Cour, le HCFP et votre commission. Cependant, il est impératif de respecter le PSMT, à commencer par l'objectif de réduction du déficit à 5,4 % du PIB en 2025. C'est une question fondamentale de soutenabilité, de crédibilité et de souveraineté.

Je souhaite remercier les artisans de ce très gros travail, notamment la présidente de la première chambre de la Cour des comptes, Carine Camby, les rapporteurs généraux du rapport sur l'exécution du budget de l'État, Lionel Vareille et Claire Falzone, le rapporteur pour la certification des comptes, Emmanuel Giannesini, le rapporteur général Denis Soubeyran et leurs équipes qui ont travaillé sur les 61 notes d'analyse de l'exécution budgétaire, les fameuses NEB, qui accompagnent le RBDE. Je remercie également Nicolas Carnot, le nouveau rapporteur général du HCFP, ainsi que les membres du Haut Conseil et la petite équipe qui compose son secrétariat : ils produisent des travaux de grande qualité dans des conditions qui ont tendance à se dégrader.

Je commencerai par vous présenter le rapport sur le budget de l'État en 2024.

Avant toute chose, je voudrais rappeler que, comme son titre l'indique, ce rapport analyse uniquement le budget de l'État. Son champ est donc plus étroit que celui des rapports de la Cour consacrés aux finances publiques dans leur ensemble, comme le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques (RSPFP), qui intègre aussi les finances des administrations de sécurité sociale et celles des administrations publiques locales. Cette distinction est d'autant plus importante que ces trois niveaux d'administration publique ne présentent pas les mêmes dynamiques de recettes et de dépenses au cours des dernières années, en particulier en 2024.

En février dernier, je vous avais présenté un rapport sur la situation d'ensemble des finances publiques, qui qualifiait l'année 2024 comme celle d'une « dérive inédite des finances publiques », principalement en raison d'une forte dynamique des dépenses des collectivités locales, et aussi des dépenses sociales, le propos étant plus nuancé au sujet des dépenses de l'État, du fait des efforts fournis ces dernières années, ce que nous confirmons aujourd'hui.

Le RBDE revient sur le déficit budgétaire toujours très élevé de l'État, qui accroît le besoin de financement et la dette au terme d'un exercice 2024 que je qualifierai de « chaotique ». Dans ce contexte, le déficit budgétaire de l'État a atteint 156 milliards d'euros en 2024. C'est un mauvais résultat, qui est supérieur de 9 milliards d'euros à l'objectif fixé en loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Le montant du déficit s'améliore certes de 17,1 milliards d'euros par rapport à 2023, mais de manière très minimale, puisque la quasi-extinction des mesures exceptionnelles prises pour faire face à la hausse des prix de l'énergie représente une moindre dépense de 17 milliards d'euros. Le niveau du déficit reste par ailleurs très éloigné de celui d'avant la crise sanitaire, à hauteur de 92 milliards d'euros en 2019. Il est aussi supérieur à celui de l'année 2022, qui a pourtant été marquée par le déclenchement de la guerre en Ukraine et la montée de l'inflation. Le plateau reste très haut, et sans doute donc beaucoup trop haut.

Ce niveau de déficit toujours élevé a plusieurs causes, mais il est principalement imputable à la conception même du projet de loi de finances pour 2024, établi sur des bases peu réalistes, comme j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises.

En effet, lorsque je vous avais présenté l'avis du HCFP, à la fin de l'année 2023, nous avions jugé la prévision initiale de croissance de 1,4 % élevée, le consensus des économistes estimant alors la croissance à 0,8 % du PIB. Cet écart est en réalité considérable. La partie de la LFI portant sur les recettes reposait sur cette prévision de croissance, qui a été abaissée de 0,4 point dès février 2024. Le Parlement a donc voté un projet de loi de finances en décembre 2023 avec une prévision de croissance qui a été révisée deux mois après, ce qui est pour le moins chaotique. En outre, les prévisions élaborées à l'été 2023 étaient nettement trop optimistes quant à l'évolution spontanée des grands impôts, créant un écart majeur avec la réalisation.

La LFI manquait également d'ambition dans sa partie consacrée aux dépenses. Hormis l'extinction de quelques mesures exceptionnelles, elle ne prévoyait aucune réforme structurelle, en dépit des revues de dépenses qui avaient commencé dès le début de l'année 2023.

À ces deux faiblesses de la LFI s'est ajoutée l'ombre portée des très mauvais résultats de l'exercice 2023. La dégradation de 2023 n'a été pleinement mesurée qu'en toute fin d'année, ce qui explique que l'effet de base qu'elle a engendré ne pouvait être que partiellement anticipé. Cela a eu un effet clair : les objectifs de la LFI pour 2024 sont devenus inatteignables avant même que commence l'exercice.

Dans ces conditions, il eût été non seulement logique, mais même nécessaire, de prévoir une loi de finances rectificative en février ou en mars 2024 pour tirer les conséquences des résultats de 2023 et « sauver », en quelque sorte, le solde de 2024, ainsi que la crédibilité de notre trajectoire. Le Gouvernement, en faisant le choix de ne pas déposer de projet de loi de finances rectificative, s'est privé du seul vecteur qui eût permis un ajustement des recettes. À la place, il a mis en oeuvre une stratégie de gestion serrée et sous tension des crédits des ministères, notamment en annulant 10 milliards d'euros de crédits en février 2024 et en reportant 16 milliards d'euros de crédits en mars 2024 - deux décisions contradictoires.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous considérons que l'année 2024 se caractérise par une « gestion erratique » et un « pilotage à vue » en matière de crédits budgétaires - je ne fais que reprendre les termes du rapport sans céder au goût de la formule. Par la suite, la succession de reports, de gels, de surgels et de coups de rabot a permis d'obtenir des résultats visibles en matière de maîtrise de la dépense publique, mais in fine l'économie réalisée n'est pas pérenne. Il s'agit de mesures de gestion au fil du temps.

Le maintien d'un déficit élevé entraîne un besoin de financement important, avec une dette de l'État qui continue d'augmenter et atteint un niveau toujours plus préoccupant. Le besoin de financement de l'État s'élève à 305 milliards d'euros en 2024, soit 85 milliards d'euros de plus qu'avant la crise sanitaire.

Dans ce contexte, l'encours de la dette de l'État continue mécaniquement d'augmenter, atteignant 2 602 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Cela représente une progression de 1 075 milliards d'euros en dix ans, dont près de 780 milliards d'euros depuis 2019. Il est vrai que nous n'avons pas eu de budget en équilibre depuis cinquante ans, ce qui explique cette augmentation de la dette. Mais il y a eu des phases de relatif ralentissement et des phases de forte accélération, et nous sommes actuellement dans un cycle long de très forte accélération, comme le montrent les chiffres.

Au second semestre 2024, l'instabilité gouvernementale a été sanctionnée par les marchés, avec une augmentation des intérêts décaissés de près de 5 milliards d'euros pour atteindre 46,5 milliards d'euros. Je rappelle à cet égard que la dernière mesure des taux français à dix ans était de 3,23 % et que le spread avec l'Allemagne atteint toujours près de 72 points de base, alors que nos voisins allemands ont pourtant renoncé au frein à la dette ce qui entraîne un relâchement budgétaire. J'y insiste : nous ne sommes plus dans la décennie miraculeuse des années 2010, 2012, ou 2019, quand les taux baissaient tellement que la dette augmentait sans que son coût se ressente. C'est tout l'inverse aujourd'hui et cela risque d'aller en s'accélérant. D'ici à 2030, l'État devra avoir renouvelé 50 % de son encours de dette, soit 1 300 milliards d'euros, avec un taux d'intérêt très supérieur à celui auquel il a été émis dix ans plus tôt. L'effet de rebond sera très marqué.

Notre rapport analyse ensuite plus finement les composants de ce solde. Les recettes fiscales augmentent légèrement en 2024, mais sont très inférieures aux prévisions. Les dépenses sont en diminution, mais sans que soient engagées des économies structurelles et pérennes.

Après avoir diminué de plus de 7 milliards d'euros en 2023, les recettes augmentent légèrement en 2024, à hauteur de 325,7 milliards d'euros, mais cette progression reste très modeste et même inférieure à la croissance du PIB. Elle est tirée uniquement par des hausses d'impôts et pas par une dynamique d'ensemble. L'évolution spontanée des prélèvements obligatoires les tire même plutôt à la baisse. En réalité, aucun des grands impôts n'a été dynamique en 2024, malgré une croissance positive, maintenue de manière assez convenable, Jeux Olympiques aidant, à 1,1 % du PIB pour l'année.

Au-delà de cette relative progression par rapport à 2023, les recettes fiscales en 2024 sont très nettement inférieures aux prévisions de la loi de finances. Depuis cinq ans, des écarts importants sont constatés entre prévision et exécution des recettes fiscales. Les mauvaises surprises en matière de recettes ont été très marquées lors de ces deux dernières années.

Lorsque je vous avais présenté le RBDE l'an dernier, j'avais précisé que l'écart de 5,3 milliards d'euros entre la prévision et l'exécution de recettes en 2023 était « extraordinairement rare ». Or, cet écart en 2024 est plus de quatre fois plus élevé que l'an dernier.

Les recettes fiscales sont inférieures en exécution de 22,8 milliards d'euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale. Cet écart, considérable en 2024, provient de multiples facteurs. Il s'explique, pour deux cinquièmes, par l'effet de base des mauvais résultats de 2023 et, pour les trois cinquièmes restants, par l'optimisme des prévisions pour 2024. L'évolution spontanée, plus faible que prévu, a pesé sur la recette fiscale nette à hauteur de 19,2 milliards d'euros, dont 10,2 milliards d'euros sur le seul impôt sur les sociétés.

Encore une fois, il est inconcevable de conserver de telles incertitudes dans les prévisions qui sous-tendent la trajectoire des finances publiques. Il faut impérativement revoir notre façon d'élaborer les prévisions, parce que nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir de tels écarts, qui nous mènent dans un mur. Une exigence de réalisme doit guider les prévisions macroéconomiques. Nous n'avons plus de marge pour absorber les mauvaises surprises. C'est une question de lucidité et de volonté politique.

La volonté politique semble avoir fait défaut pour réduire durablement les dépenses de l'État en 2024. La normalisation du contexte économique à l'automne 2023 aurait dû conduire à une action résolue pour retrouver des marges de manoeuvre budgétaires. Elle aurait dû intégrer des économies structurelles inspirées par la revue de dépenses commandée par le Gouvernement, mais il n'en a rien été.

Les dépenses de l'État ont certes diminué de 11,3 milliards d'euros en 2024, pour s'établir à 444,3 milliards d'euros, mais cette baisse s'explique principalement par la résorption du dispositif exceptionnel de soutien pour faire face à la hausse des prix de l'énergie - pour 17,3 milliards d'euros - et par de bonnes surprises, notamment sur la charge de la dette, qui diminue facialement grâce à la baisse de l'inflation. En parallèle, les autres dépenses ont augmenté de 10,6 milliards d'euros, soit presque autant qu'en 2023, dont 8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires pour le personnel.

Au-delà de ces grandes masses, le pilotage à vue et la gestion erratique des dépenses ont permis d'annuler 17,8 milliards d'euros de crédits, mais ces annulations ont en partie servi à compenser le dépassement de certaines dépenses, à hauteur de 8 milliards d'euros. Seule la différence, soit près de 10 milliards d'euros, a permis de limiter l'ampleur du dérapage sans toutefois pouvoir l'empêcher. Surtout, les économies réalisées correspondent à des solutions ponctuelles qui sont peu ou pas reproductibles sur les années suivantes.

Ces décisions ont d'ailleurs été difficiles à comprendre pour les usagers, comme pour les ministères. Il faut trouver d'autres outils que la tronçonneuse ou le rabot pour parvenir à faire des économies intelligentes. Par exemple, sur les 37 programmes qui ont bénéficié d'une ouverture de crédits en loi de finances de fin de gestion pour un total de 4,7 milliards d'euros, 31 programmes avaient subi une annulation au mois de février précédent pour un total de 3,4 milliards d'euros. Autrement dit, il y a eu un stop-and-go qui est incompatible avec l'exigence d'une dépense de qualité et avec des économies de long terme.

L'ensemble de nos analyses converge donc vers un impératif, toujours le même, que je ne cesserai de marteler et de répéter jusqu'à ce qu'il soit pris en compte. Il est urgent que l'exercice de revue de dépenses engagé en 2023 prenne enfin l'ampleur et la portée nécessaires pour enclencher une véritable révolution de la dépense publique. Cela permettra de renforcer la qualité de la dépense, et la quantité en découlera. Dans notre rapport, nous recommandons, dans le contexte du plan d'action pour améliorer le pilotage des finances publiques annoncé par le Gouvernement en mars, d'inclure dans les documents budgétaires, pour chaque mission, un tableau récapitulant l'évolution de la dépense entre la loi de finances initiale et le projet de loi de finances pour l'année suivante, en tenant compte de l'évolution tendancielle des dépenses, des dépenses nouvelles et des économies proposées.

J'en viens au rapport sur la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2024. Cette mission, qui nous a été confiée dans le cadre de la Lolf, consiste pour la Cour à émettre une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes. Il s'agit d'une prérogative de puissance publique qui est déterminante pour apprécier la situation financière réelle de l'État et de la sécurité sociale. Je présenterai d'ailleurs prochainement les résultats de la certification sociale à vos collègues de la commission des affaires sociales. La Cour consacre des moyens significatifs à cette mission, qui donne l'assurance au Parlement et, plus largement, à l'ensemble de nos concitoyens que les comptes de l'État sont réguliers, sincères et fidèles, comme l'exige l'article 47-2 de la Constitution.

Sans exprimer ma colère aussi vivement que je l'ai fait à l'Assemblée nationale, je suis désolé et agacé de constater que, pour la dix-neuvième année consécutive, les comptes de l'État ne sont pas en mesure d'être certifiés sans réserve très significative. Notre rapport mentionne cinq anomalies significatives - des points sur lesquels nous estimons que les comptes sont surévalués ou sous-évalués à hauteur de plusieurs milliards d'euros - et onze insuffisances d'éléments probants, de sorte que, sur certains points, il n'est pas possible de réconcilier les chiffres qui figurent dans les comptes et ce que nous savons par ailleurs des finances de l'État. Deux incertitudes ont disparu par rapport à 2023, mais deux nouvelles sont apparues, ce qui explique le même nombre de points de réserve.

Ces points peuvent se répartir en deux catégories : ceux pour lesquels la fiabilisation des chiffres requiert d'importants travaux de l'administration et ceux qui correspondent à un refus persistant de l'administration d'appliquer les principes et les normes comptables communément acceptés. Il est compréhensible que l'administration ne puisse pas mener de front tous les travaux importants qui permettent d'améliorer la fiabilité des chiffres. Mais il est anormal qu'elle se refuse à corriger des anomalies de comptabilisation qui sont relevées depuis plusieurs années par la Cour. J'ai exprimé ma mauvaise humeur, voire ma très mauvaise humeur, à ce sujet. Les réserves formulées par la Cour ne sauraient être prises à la légère ou contestées ; elles devraient au contraire faire l'objet de toute l'attention de l'administration pour les faire disparaître.

J'ai d'ailleurs écrit au ministre pour lui dire que la Cour s'interrogeait sur la possibilité de faire évoluer sa position pour la certification des comptes de 2025. Si un plan n'est pas engagé pour résorber les réserves que la Cour a exprimées, celle-ci pourrait en tirer les conséquences dans son opinion, en cohérence avec les normes d'audit auxquelles elle se réfère, c'est-à-dire qu'elle pourrait ne pas certifier les comptes de l'État. Imaginez une entreprise dans laquelle le commissaire aux comptes viendrait dire que les comptes ne sont pas certifiés, ou certifiés avec réserve, et où la gouvernance répondrait : « On s'en fiche ! ». C'est un peu ce que fait l'État, et ce n'est pas acceptable.

Après avoir vivement exprimé ma colère à l'Assemblée nationale, j'ai eu quelques échanges avec les ministres concernés et il me semble que nous devrions parvenir à un plan raisonné de résorption des réserves de la Cour, mais j'attends de voir. L'administration semble avoir pris conscience qu'il fallait lever les points sur lesquels elle refusait jusque-là d'avancer. J'espère revenir devant vous l'an prochain avec un acte de certification qui marquera des progrès résolus. Si ce n'est pas le cas, je reviendrai avec un refus de certification.

J'en viens maintenant à la présentation des avis du HCFP en commençant par l'avis relatif au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.

Trois messages se distinguent particulièrement dans cet avis. Premièrement, l'aggravation très préoccupante de nos finances publiques en exécution 2024 après une très mauvaise année 2023. J'ai qualifié ces années 2023-2024 d'« années noires » pour nos finances publiques. Nous avons rarement vécu deux années avec de telles conséquences pour l'avenir, dans un contexte qui était pourtant hors crise, sans inflation, sans crise sanitaire ni financière et avec une croissance convenable. Deuxièmement, le déclenchement du mécanisme de correction prévu par la Lolf, et je reviendrai sur ce point. Troisièmement, certains biais optimistes de prévision, notamment sur la croissance, qui doivent nous conduire à renforcer et à modifier la gouvernance de la provision.

L'ampleur de la dégradation des comptes publics de 2024 est préoccupante. Le déficit, non pas de l'État, mais de toutes les administrations, a continué de se creuser l'année dernière, augmentant de 0,4 point de PIB par rapport à 2023, pour s'établir à 5,8 % du PIB, soit presque 170 milliards d'euros à la fin de l'année 2024. Pour mémoire, il était de 5,4 % en 2023 et de 2,4 % du PIB avant la crise sanitaire en 2019. Logiquement, nous aurions dû sortir du « quoi qu'il en coûte » et, depuis la fin de la crise covid, les déficits devraient se réduire fortement, mais ils ne cessent d'augmenter. Nous subissons donc une évolution contracyclique par rapport à nos partenaires.

Les dépenses publiques ont connu une hausse de 3,9 % en valeur et la croissance des prélèvements obligatoires de 2,4 % est moins forte et moins rapide que la croissance du PIB. In fine, la dette augmente de 3 points, pour s'établir à 113 % du PIB, alors qu'elle diminue chez nos partenaires. Notre alerte, car c'en est une, tient en quelques mots : le PLF 2024, qui avait vocation à commencer d'amortir cette dégradation, est une cible manquée. Encore une fois, l'année 2024 n'est pas une année blanche, ou une année perdue, mais une année noire où le solde public a été dégradé de 1,4 point de PIB par rapport à la prévision de la LFI 2024, et tout cela hors crise !

Le Haut Conseil a examiné les différents facteurs qui expliquent cet écart considérable. Celui-ci tient d'abord et avant tout aux prélèvements obligatoires.

En effet, l'écart avec la prévision en matière fiscale est de 40 milliards d'euros, dont plus de 20 milliards d'euros pour les recettes fiscales nettes de l'État. Il est particulièrement marqué pour l'impôt sur les sociétés, à hauteur de 15 milliards d'euros, et pour la TVA, à hauteur de 12 milliards d'euros. Ces écarts reflètent en partie des hypothèses de départ trop optimistes. L'ampleur du recul de l'impôt sur les sociétés pouvait difficilement être anticipée. En revanche, le HCFP avait alerté sur les hypothèses optimistes en matière de TVA. Il avait aussi alerté sur le caractère très élevé de l'hypothèse de croissance et des hypothèses en matière de consommation des ménages. Cela fait des années que l'on nous annonce que la croissance va bénéficier de l'augmentation de la consommation des ménages et que notre taux d'épargne va reculer. Or nous constatons tout le contraire, année après année.

Le second facteur d'explication tient aux dépenses plus élevées qu'anticipées, avec un écart de plus de 13 milliards d'euros par rapport au PLF 2024. Sur cet écart, plus de 7 milliards d'euros de dépenses résultent du dynamisme des collectivités locales et sont en grande majorité des dépenses de fonctionnement. Le Haut Conseil souligne à nouveau la difficulté des administrations publiques locales à tenir des objectifs en dépenses, en l'absence de mécanisme incitatif ou contraignant.

Sur l'écart restant de 6 milliards d'euros, 5 milliards d'euros découlent des dépenses de l'assurance chômage ou de l'assurance maladie, les dépenses de l'État restant contenues dans l'ensemble.

En résumé, nous constatons une aggravation très préoccupante de nos finances publiques qui nous retarde dans le redressement de notre trajectoire, malgré la gravité de la situation et l'entrée de la France en procédure pour déficit excessif au titre de l'année 2023.

Venons-en au déclenchement du mécanisme de correction prévu dans la Lolf. Lorsque le déficit structurel au cours de l'exercice est supérieur de plus de 0,5 point de PIB à la cible prévue par la LPFP, l'écart est considéré comme important au sens de la Lolf et le mécanisme de correction doit être activé. Cela a été le cas pour l'exercice 2024, puisque l'écart entre le déficit structurel réalisé, à 5,2 points de PIB potentiels, et le déficit structurel prévu dans la LPFP, à 3,7 points de PIB, s'élève non pas à 0,5 point, mais à 1,5 point.

Par ailleurs, en 2024, les circonstances exceptionnelles reconnues par le pacte de stabilité et de croissance qui prévalaient post-crise ne s'appliquaient plus, ce qui explique que la France soit entrée en procédure pour déficit excessif en 2023. Dès lors, nous devions déclencher le mécanisme de correction.

L'activation de ce mécanisme contraint en théorie le Gouvernement à présenter des mesures pour réduire de façon significative le déficit structurel et pour revenir aux objectifs de la LPFP. Cependant, la trajectoire de la LPFP est devenue obsolète dès sa première année d'entrée en vigueur. Depuis cinq ans que je viens devant vous, le feuilleton des LPFP a été pour le moins intéressant : faut-il qualifier leur trajectoire de virtuelle, d'optionnelle ou rapidement d'obsolète ? En tout cas, il faut une sémantique particulière.

Les effets du mécanisme de correction risquent d'être artificiels, ce qui démontre une faille dans la gouvernance, ou s'ils sont effectifs, ils pèseront lourdement sur la croissance. Il serait utile, en théorie, que le Gouvernement présente une nouvelle loi de programmation, conforme à la trajectoire du PSMT. En effet, vous observerez qu'il existe en réalité deux trajectoires, celle de la LPFP et celle du PSMT, qui ne se rejoignent pas. Est-ce vraiment logique ?

Enfin, le HCFP a examiné pour la première fois la présence de biais dans la prévision macroéconomique et dans la prévision des finances publiques. Notre premier constat a porté sur l'existence d'un biais positif dans les prévisions de croissance du Gouvernement ainsi que dans celles qui portent sur la consommation des ménages. En moyenne, si l'on exclut les années de crise en 2009, 2020 et 2021, la prévision de croissance du Gouvernement est supérieure de 0,4 point de PIB à la croissance réalisée. Ce biais est réduit depuis 2014, grâce à la création du HCFP, mais la prévision du Gouvernement reste quand même légèrement optimiste, en moyenne. On ne peut donc pas en rester là.

Pour les années 2021 à 2024, le HCFP observe que la prévision de croissance a tendance à excéder les réalisations, mais avec des différences, puisque le début de la période a été marqué par la crise sanitaire, puis par la crise énergétique, qui justifiaient le maintien de la clause exceptionnelle. Nous n'en sommes plus là.

Les prévisions en matière de finances publiques montrent des écarts moins marqués avec la réalisation sur la longue durée. Les prévisions de solde public du Gouvernement se situent en moyenne à un niveau proche de la réalisation hors années de crise. Si on les inclut, l'écart moyen correspond à 0,6 point de PIB.

Face à ces constats, nous devons être plus lucides, plus responsables et plus réalistes dans l'établissement des prévisions. L'exercice est difficile, mais nous devons ouvrir le capot des mécanismes utilisés et nous interroger sur leur performance et leur adaptation au contexte particulier des dernières années.

Il faudrait engager rapidement des études pour consolider les modèles de prévision, non seulement en matière d'impôt sur les sociétés, d'impôt sur le revenu et de TVA, mais aussi sur les autres recettes fiscales de l'État. Cependant, les améliorations techniques ne suffisent pas, et pour le dire comme je le pense, l'indépendance des prévisions en France doit être mieux garantie, de manière systémique, pour éviter le volontarisme excessif du Gouvernement, quel qu'il soit. Nous rendrons ainsi à l'administration sa capacité à travailler de façon sereine et objective.

À l'échelle de l'Union européenne, cette tâche relève des institutions budgétaires indépendantes. En France, il revient au HCFP de garantir la qualité des prévisions et de les tenir éloignées de l'« hubris du politique », qui reste toujours une tentation plus ou moins forte. Je préconise donc de renforcer le rôle et le mandat du HCFP pour rendre ses avis plus effectifs et contraignants. Un éventail de solutions existe. Je reste convaincu qu'il faut instaurer un processus de validation des prévisions macroéconomiques et de finances publiques du Gouvernement par le HCFP, qui fonctionnerait selon le mécanisme du « appliquer ou expliquer » (« comply or explain ») pour permettre au Gouvernement de rectifier ses prévisions ou d'expliquer pourquoi il ne les modifie pas, en cas de réserve émise par le Haut Conseil. Le processus devra être compatible avec le débat parlementaire, le HCFP exerçant en l'occurrence une fonction d'information et d'éclairage du débat parlementaire.

Par exemple, si le Gouvernement prévoit un taux de croissance à 1,4 %, alors que le consensus des économistes se prononce plutôt pour 0,8 %, le HCFP fixera la prévision à 1 %. Soit le Gouvernement révise sa prévision à 1 %, ce qui évitera de le faire deux mois après que la loi aura été votée, soit il maintient sa prévision à 1,4 %, mais alors, il devra expliquer les arguments sous-jacents, et cela sera difficile parce que le sous-jacent est politique.

On pourrait même envisager de confier au HCFP un rôle direct dans la réalisation de certaines prévisions macroéconomiques, voire de finances publiques, utilisées dans les textes financiers, comme c'est le cas dans de nombreux grands pays, comme le Royaume-Uni, l'Autriche ou la Belgique.

En tout état de cause, il est impératif d'améliorer les conditions de fonctionnement du HCFP, en particulier en matière d'accès à l'information. En effet, il ne va pas de soi, aujourd'hui, que le Haut Conseil puisse demander des informations en dehors de la période très courte des saisines. Il convient aussi de supprimer son interdiction d'auto-saisine et de lui laisser des délais plus raisonnables, qui peuvent être actuellement réduits à cinq ou six jours ce qui est trop peu, pour rendre ses avis.

Je plaide, par ailleurs, depuis plusieurs années, pour étendre le mandat du HCFP à une compétence d'analyse de la soutenabilité de la dette, ce qui contribuerait à renforcer la crédibilité du cadre des finances publiques.

Je termine par notre quatrième publication du 16 avril. Le HCFP a été saisi pour la première fois du rapport d'avancement annuel du plan budgétaire et structurel à moyen terme 2025-2029, qui a été adopté par le Conseil de l'Union européenne le 21 janvier 2025, le PSMT ayant remplacé l'ancien PStab. Je salue le choix du Gouvernement d'avoir saisi le Haut Conseil pour avis sur ce rapport, car les règles européennes ne l'imposaient pas. C'est un progrès, notamment en matière de transparence.

Toutefois, je regrette les conditions dégradées dans lesquelles nous avons été sollicités pour rendre cet avis, le délai ayant été réduit à six jours, avec des changements de calendrier de dernière minute, ce qui a fragilisé l'exercice du mandat du Haut Conseil, pourtant crucial pour la transparence de nos finances publiques.

Avant d'aborder les messages du Haut Conseil dans cet avis, je veux rappeler les principales différences entre le PSMT et le PStab. Tout d'abord, l'indicateur de suivi utilisé dans le cadre du PSMT est la trajectoire des dépenses primaires nettes, alors que le PStab recourait à différents indicateurs. Ensuite, le PSMT fixe cette trajectoire pour toute la période 2025-2029, contrairement aux programmes de stabilité qui entérinaient année après année les déviations constatées, ce qui nuisait à leur crédibilité.

Notre avis s'articule autour de quatre grands messages. Premièrement, la prévision de croissance à 0,7 % du PIB n'est pas hors d'atteinte dans un environnement macroéconomique international incertain, même si nous soulignons l'accumulation de risques à la baisse. Le réalisme des prévisions du Gouvernement doit bien évidemment être apprécié au regard du haut niveau d'incertitude pour 2025, en raison notamment des annonces tarifaires du président des États-Unis et de l'escalade possible entre la Chine et les États-Unis. Les effets de ces mesures commerciales sont estimés par le Gouvernement à un recul de 0,3 point de PIB pour la croissance en France en 2025, ce qui apparaît plausible.

Dans ce contexte, le Gouvernement a révisé sa prévision de croissance pour 2025 à la baisse, à 0,7 % contre 0,9 % précédemment, en tenant compte de la conjoncture internationale. Cela dépasse les prévisions de certains organismes, comme Rexecode ou l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ainsi que celles du consensus des économistes qui sont plutôt à 0,5 % ou 0,6 %. Ce matin, l'Insee a publié les chiffres du premier trimestre, où la croissance atteint 0,1 % du PIB, ce qui, sans être élevé, indique un acquis de croissance de 0,4 %. Atteindre la cible de 0,7 % n'est pas hors de portée mais la croissance est un peu languissante.

Notre deuxième message porte sur les prévisions de finances publiques pour 2024. Le HCFP estime que l'objectif de dépenses publiques à 5,4 % du PIB, s'il peut être tenu, est loin d'être acquis.

En ce qui concerne les prélèvements obligatoires, le Gouvernement prévoit une hausse de recettes de 2,1 points en 2025, qui repose pour près de la moitié sur des mesures nouvelles, instaurées cette année, à hauteur de 23 milliards d'euros, mais dont certaines sont réputées temporaires. L'autre moitié de cette hausse repose sur une prévision d'évolution spontanée des recettes un peu élevée et sur l'abandon de certaines hypothèses de prudence concernant le rendement de certains prélèvements.

Les marges de prévision en recettes sont donc limitées et le rendement des prélèvements obligatoires serait directement exposé en cas de concrétisation des risques macroéconomiques ou de mauvaise surprise.

Quant à la prévision de dépenses, elle table sur une progression de 1,3 % en volume, moins élevée qu'en 2024, qui ne permettrait pas de réduire le poids des dépenses publiques dans le PIB. Les dépenses ne seraient réellement contenues que pour l'État et les administrations publiques centrales à 0,5 % en volume, avec un effet renforcé de 5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances avec de nouvelles mesures de gel puis d'annulation de crédits. Mais l'ajustement du déficit de 5,8 % à 5,4 % du PIB requiert une stricte maîtrise des dépenses directement pilotables par l'État et des dépenses sociales. Il impose aussi de trouver des moyens pour que le ralentissement observé des dépenses locales se poursuive.

En conséquence, la dette publique augmenterait encore de 3 points de PIB en 2025 pour atteindre un ratio de plus de 116 % du PIB, dépassant ainsi le point haut atteint lors de la crise sanitaire. Le niveau du ratio pourrait même être plus élevé que ce que prévoit le Gouvernement.

Dans un troisième message, le HCFP souligne le non-respect de la trajectoire de croissance de la dépense primaire nette, prévue à 0,9 % en 2025, alors que le Conseil de l'Union européenne l'avait plafonnée à 0,8 % du PIB.

Enfin, le Haut Conseil a examiné les trajectoires prévues par le PSMT et le rapport d'avancement pour les années 2026-2029, malgré des informations limitées. Compte tenu des incertitudes que j'ai mentionnées, l'exercice de projection pour les prochaines années appelle à la modestie, et cela est encore plus vrai pour un horizon fixé à moyen terme. Le scénario d'une augmentation potentielle du PIB de 1,2 point jusqu'en 2028 et de 1 point en 2029 apparaît raisonnable, à condition - et c'est crucial - que les réformes favorables à la croissance et au plein emploi soient suivies.

Nous n'avons d'ailleurs pas le choix. Ces réformes sont la condition de certaines flexibilités dont la France bénéficie pour son PSMT actuel, notamment la période étendue à sept ans pour lisser les efforts à fournir. À plus court terme, l'hypothèse de croissance retenue pour 2026 est abaissée de 0,2 point par rapport au PSMT pour être fixée à 1,2 %. Là encore, c'est possible, surtout si la situation internationale se stabilise. Mais cela suppose une nette accélération de la dépense privée qui n'est pas acquise, compte tenu des effets de contraction liés à l'ajustement budgétaire.

S'agissant du scénario de finances publiques, le déficit continuerait de baisser jusqu'à moins de 3 % du PIB en 2029. En revanche, le ratio d'endettement continuera de s'accroître en 2026 et 2027, avant de commencer à s'infléchir en 2028. Ce scénario prévoit les conditions minimales qui nous permettront de maintenir le contrôle des finances publiques tout en finançant les investissements prioritaires, sans affecter notre potentiel de croissance. Cela signifie que les marches à franchir dans les années à venir seront plus élevées que celle de cette année. Notre déficit passera, si tout va bien, de 5,8 % à 5,4 % du PIB. Pour rester sur la piste des 3 % du PIB, il faudrait atteindre un taux de 4,6 % l'an prochain.

Le HCFP réitère donc ses alertes pressantes. Les mesures nécessaires pour atteindre cet objectif restent à préciser et à crédibiliser. Étant donné l'ampleur des économies nécessaires, les efforts doivent être continus et renouvelés chaque année. Ils porteront sur l'ensemble des administrations. Je le répète et je le martèle : nous n'avons pas le choix. Cette trajectoire est exigeante et fragile, mais elle est le résultat d'une accumulation et d'une superposition de difficultés. Les années 2023 et 2024 ont plus que doublé l'effort à faire pour atteindre l'objectif d'un déficit public à 3 % de PIB. Telle est la réalité. L'effort à fournir est passé de 50 milliards d'euros à 110 milliards d'euros, ce qui justifie que je parle d'« année noire ». Notre dette totale est de plus de 3 300 milliards d'euros, la dette de l'État est de plus de 2 600 milliards d'euros et la charge de la dette a presque triplé depuis 2021. Elle va continuer d'augmenter pour dépasser vraisemblablement 100 milliards d'euros, ce qui risque de poser un problème de souveraineté, car nous n'aurons alors plus d'argent pour investir dans la transition écologique, dans la défense ou l'innovation.

Nous sommes en démocratie et ce n'est pas à une institution indépendante comme la nôtre de fixer les objectifs, les voies et les moyens, mais c'est à vous de le faire. Toutefois, je voudrais rappeler quelques principes qui devraient guider notre action collective.

Tout d'abord, nous devons faire preuve de lucidité sur la situation. Le HCFP a pour mission non pas de porter des jugements, de perturber ou de critiquer, mais de garantir une certaine lucidité. Ensuite, la nécessaire volonté politique de traiter la situation doit être confirmée. La pédagogie est indispensable pour guider les efforts d'économies. Il faut allier le réalisme et la prudence en matière de prévisions économiques. Enfin, une révolution de la dépense publique s'impose, qui requiert des économies intelligentes et structurelles, sans coups de rabot, car ceux-ci sont rarement efficaces et jamais constructifs, comme nous l'avons encore constaté en 2024.

M. Claude Raynal, président. - Nous vous remercions de ce rapport très complet.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Le Premier président de la Cour des comptes est un président révolutionnaire !

Je salue vos équipes, notamment le nouveau rapporteur général et je lui souhaite d'être à la fois une force d'analyse et de proposition dans le travail qu'il aura à mener.

À vous entendre, monsieur le Premier président, la Cour des comptes est la chambre d'écho des travaux que la commission des finances du Sénat mène depuis quelques années - ou l'inverse d'ailleurs. Quoi qu'il en soit, nous souscrivons en grande partie aux analyses et au diagnostic que vous venez de faire sous la forme d'une alerte solennelle au sujet d'un état d'extrême urgence. Vous avez employé à dessein des formules fortes en mentionnant « une gestion erratique » et « un pilotage à vue ». Il y a treize mois seulement, je m'étais permis de faire une visite à Bercy. En vous écoutant égrener les rapports, les difficultés et les alertes, j'ai presque eu l'impression que vous faisiez le bilan du quinquennat présidentiel. Tout cela donne le vertige.

Vous avez rappelé à juste titre que la loi de programmation des finances publiques était déjà presque obsolète un an après avoir été votée. Il faudrait tirer la sonnette d'alarme. En effet, nos concitoyens perçoivent que la situation est intenable, mais tout comme les élus et un certain nombre d'entre nous - personne n'y échappe -, ils ont développé une capacité de résistance qui leur fait refuser que l'on touche à leur budget. Au gré des renoncements, la dégradation de la situation se poursuit. L'un des moyens dont l'exécutif et le Parlement pourraient se saisir serait de prévoir une nouvelle LPFP. Cela aurait le mérite de tirer les conséquences de la situation passée et d'en établir un bilan clair. Pour que nos concitoyens acceptent de participer à l'effort pour redresser la situation alarmante et dramatique de nos comptes publics, il faut avoir un point d'appui solide.

Vous défendez l'idée que le HCFP, qui est une autorité indépendante, soit saisi en matière de prévisions. J'ai bien entendu votre démonstration, pour ne pas dire votre plaidoyer, mais nous avons entendu en audition, dans le cadre de nos travaux sur la dérive des comptes publics, l'ancien ministre de l'économie et des finances, qui nous a affirmé que, s'agissant des prévisions, jamais le politique n'intervenait. Selon lui, l'étanchéité est totale. Je ne sais donc plus qui croire, même si je vous accorde ma confiance et que nous avons émis quelques doutes en entendant ces propos du ministre - je le dis avec une certaine ironie.

Il y a quelques jours, le Premier ministre faisait sien le slogan selon lequel « la vérité permet d'agir ». J'espère que quand nous aurons établi la vérité, nous pourrons agir, car nous avons le devoir de le faire.

Sur le RBDE et les notes d'exécution budgétaire, il est vrai que, à peine la loi de finances votée, il y a eu des annulations de crédits. Nous avons dit à la ministre des comptes publics combien cette situation était désagréable, car cela revient à piétiner les décisions issues du travail parlementaire, en concertation d'ailleurs avec le Gouvernement. Or l'objectif est que ce travail soit fluide et constructif.

En comparant les annulations de crédits par le décret de février 2024 et les ouvertures de crédits dans la loi de finances de fin de gestion à l'automne 2025, vous avez parlé de « stop and go incompatible avec l'impératif d'une dépense de qualité ». Diriez-vous la même chose de l'exercice en 2025, même si les montants sont certes moins élevés ?

Sur la certification des comptes de l'État, nous sommes dans le même dilemme que vous. Vous exprimez une insatisfaction, et même un agacement, face aux nombreuses réserves que le Gouvernement n'a pas levées concernant la qualité des comptes. Quelles pourraient être les conséquences d'une non-certification ? Ne faudrait-il pas donner une plus grande portée juridique à la non-certification des comptes de l'État ou des administrations de sécurité sociale par la Cour des comptes ?

M. Claude Raynal, président. - Je vous propose, monsieur le Premier président, de répondre de manière synthétique aux questions du rapporteur général. Pourquoi vouloir qu'une autorité indépendante étudie les prévisions macroéconomiques alors que l'administration est censée travailler de manière indépendante ?

M. Pierre Moscovici. - J'ai occupé le poste de ministre des finances il y a une douzaine d'années et, pendant deux ans, j'ai eu la responsabilité de préparer le budget. Puis, pendant cinq ans, à la Commission européenne, j'ai été chargé de suivre les budgets nationaux. Je ne sais pas si le ministre a vraiment utilisé le mot d'« étanchéité totale ». Si c'est le cas, soit les choses ont énormément changé, soit je suis devenu amnésique. En effet, l'exercice de prévision n'est jamais totalement soustrait aux politiques, sans être non plus totalement politique. C'est une interaction entre l'administration et le politique. Il n'est pas exact de dire que la décision n'est pas in fine politique. Le politique peut être plus ou moins réaliste, ou prudent, mais la tentation de l'hubris existe toujours. C'est la raison pour laquelle je propose de changer cet état de fait.

Le HCFP est une institution budgétaire indépendante. J'étais ministre des finances à l'époque de sa création et nous avions pris la décision, qui s'est révélée sage, de le rattacher à la Cour des comptes. Il est composé du Premier président, de membres de la Cour des comptes et d'économistes indépendants, ce qui garantit une grande pluralité.

Il faut à la fois empêcher la tentation de l'hubris et rendre à l'administration sa sérénité, et pour cela, il est nécessaire de recourir à un tiers. C'est le sens du mécanisme « comply or explain » : je vous ai expliqué qu'il devrait fonctionner en interaction avec le Parlement, puisque c'est vous qui trancherez le débat entre le HCFP et le Gouvernement. Le Gouvernement devra expliquer ses choix non pas devant le HCFP, mais au fil du débat parlementaire. Cela permettra d'éviter le genre de situation absurde que nous avons connue en 2024, où une prévision de croissance a été modifiée de 0,4 point de PIB en février, alors que le PLF avait été voté au mois de décembre. Encore une fois, il aurait fallu un PLFR pour rétablir la situation.

Voilà pourquoi j'ai fait cette proposition qui, loin d'être pro domo, est surtout très pragmatique. D'autres solutions sont possibles, plus ambitieuses : ainsi, au Royaume-Uni, l'Office for Budget Responsibility est chargé d'établir les prévisions. C'est un peu plus lourd et ne correspond pas forcément à notre tradition : je ne le demande pas, même si cela peut être envisagé pour avoir des prévisions de recettes et de dépenses publiques plus solides. Mais il est indispensable de soustraire l'exercice des prévisions au seul dialogue entre le politique et l'administration. Car pour l'instant, c'est ainsi que cela fonctionne : c'est une vérité objectivement établie.

J'ai lu le plan d'action pour améliorer le suivi et la transparence des prévisions de finances publiques et l'ai trouvé bienvenu, car cela permettra à Bercy de mieux fonctionner. Mais l'ouverture sur l'extérieur reste faible et il faut aller plus loin. Il ne peut s'agir que d'une première étape.

Il est trop tôt pour parler de 2025. Nous avons rendu un avis sur ce qui pourrait se passer. Quelques leçons semblent avoir été tirées de 2024. Certains risques sont à la baisse et quelques prévisions ne sont pas hors d'atteinte. Nous n'avons pas l'impression que l'exercice soit aussi irréaliste ou volontariste que celui de 2024 qui a entraîné un résultat catastrophique. Le Gouvernement semble tenir compte des enseignements de ce dérapage massif de 2024 dans les décisions qu'il prend et dans les prévisions qu'il établit. Est-ce que cela se vérifiera in fine ? L'exercice le dira. Mais il n'y aura pas eu les mêmes erreurs de conception initiale, car en 2024, le ver était dans le fruit.

Sur la certification, ma réponse sera à double détente. Premièrement, si aucun effort n'est fait pour améliorer les réponses à nos demandes en matière de certification, je n'hésiterai pas à proposer à la Cour des comptes de refuser de certifier le budget des comptes de l'État en 2025. Je l'ai écrit au Gouvernement et j'espère que celui-ci a reçu le message. Deuxièmement, les conséquences seront réputationnelles. Cela changerait le regard que l'on porte sur la France si la Cour des comptes refusait de certifier les comptes de l'État, et ce serait très malvenu, car la France est observée, notamment à Bruxelles et sur les marchés, par ses créanciers qui analysent la qualité de notre gestion publique, ou encore par les agences de notation.

Faudrait-il aller plus loin ? Je vous laisse apprécier cela dans le cadre des discussions que vous pourrez avoir sur l'évolution de la Lolf.

M. Vincent Delahaye. - La présentation de quatre rapports aussi importants aurait mérité qu'on y consacre plusieurs réunions, car les sujets abordés sont fondamentaux, de sorte que nous devrions prendre le temps d'en débattre.

Je ne suis pas opposé au dialogue entre le politique et l'administration, mais l'urgence pour nous, c'est la transparence et la prudence. La transparence nécessite que les prévisions soient documentées, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Les documents dont nous disposons, en tant que parlementaires, sur les prévisions de recettes sont indigents. Quant à la prudence, elle est nécessaire, car mieux vaut avoir de bonnes surprises que de mauvaises.

Les prévisions de recettes dans la loi de finances de 2025 me semblent optimistes, même si vous considérez qu'elles sont raisonnables. Il me semble qu'elles sont basées sur la loi de finances initiale de 2024, sans reprise des réalisations de 2024. Par conséquent, ne risquons-nous pas d'avoir la même surprise en 2025 que celle que nous avons eue en 2024 ?

De plus, quelque 53,5 milliards d'euros de crédits sont inscrits pour les intérêts de la dette en 2025 alors que, en 2024, ils ont coûté 57 milliards d'euros et que l'on estime aujourd'hui qu'ils représentent entre 63 milliards et 67 milliards d'euros. Est-ce qu'il manque dans le budget de la France 10 milliards d'euros de crédits, ou un peu plus, pour couvrir les intérêts de la dette en 2025 ?

Enfin, on nous annonce que le gel des crédits portera sur un montant de 8 milliards d'euros, qu'il y aura 5 milliards d'euros d'annulations de crédits et qu'il faudra prévoir 40 milliards d'euros d'économies, mais nous ne savons pas comment ces montants sont calculés. La Cour des comptes le sait-elle ? Si je demande des détails à la ministre chargée des comptes publics ou au ministre des finances, ils répondront certainement que c'est pour atteindre l'objectif d'une réduction du déficit à 5,4 % du PIB. Certes, mais que l'on nous donne le détail de l'addition ! Quels sont les facteurs qui nous empêchent de parvenir à remplir cet objectif ? S'agit-il de mauvaises surprises concernant les recettes, ou bien les dépenses ? Pourquoi faut-il prévoir un gel de crédits portant sur 8 milliards d'euros et pas sur 20 milliards ou 15 milliards d'euros ? Et comment sont calculés les 40 milliards d'économies à réaliser que l'on nous annonce ?

M. Thierry Cozic. - Vous avez évoqué la possibilité d'externaliser les prévisions. Vous avez également eu des mots forts devant nos collègues députés, à l'Assemblée nationale, sur le dérapage du déficit public.

Vous préconisez que le HCFP, qui est une autorité indépendante, ait des pouvoirs élargis. Est-ce que cet élargissement doit se faire uniquement sur les prévisions ou bien le Haut Conseil devrait-il avoir un pouvoir contraignant sur le Gouvernement en cours d'exercice budgétaire ?

M. Grégory Blanc. - Vos constats sont clairs, précis et dramatiquement lucides. Ils correspondent à ceux que nous avons pu faire également au sein de cette commission.

Vous avez mentionné le fait que le Gouvernement, en refusant de prévoir une loi de finances rectificative, s'était mis dans l'impossibilité de tenir la trajectoire de 2024. Par conséquent, nous sommes confrontés à un contournement de l'esprit du fonctionnement de nos institutions.

L'an dernier, vous nous disiez que si, sans loi de finances rectificative, il y avait impossibilité de tenir la trajectoire, alors il faudrait que l'on soit capable de qualifier cela d'insincérité budgétaire. Autrement dit, s'il y a sans doute un travail à conduire sur la justesse de la prévision, il est également nécessaire de poser des actes de contrôle eu égard au respect de la loi budgétaire de façon à ce que nous puissions contraindre le Gouvernement à remettre sur le chantier le budget.

Par ailleurs, le Gouvernement a publié un PSMT qui n'est pas documenté, ou très peu. Cela correspond au principe de ce texte qui vise à garder le plus de souplesse possible. N'y figurent donc que quelques annonces d'axes de réforme. Or depuis l'adoption du PLF, nous constatons l'absence de réformes structurelles, le maintien d'un pilotage à vue et le manque de mesures de correction significatives autres que la technique du rabot.

Le PMST est examiné par la juridiction financière en France, mais c'est aussi un engagement vis-à-vis de l'Europe. Par conséquent, comment la Cour des comptes ou le HCFP pourraient-ils travailler davantage avec les institutions indépendantes à l'échelle européenne ?

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Vous avez évoqué à juste titre la question de l'exercice de prévision. Avant d'envisager l'intervention d'un tiers de confiance dans l'élaboration de l'exercice, ne faudrait-il pas s'interroger sur l'exercice même de la construction des prévisions ?

Il fut un temps où cette construction obéissait au principe du contradictoire, puisque deux exercices de prévision concomitants étaient menés. L'un - voire deux à l'époque où la direction de la prévision n'avait pas été absorbée par la direction du Trésor - était basé sur des données macroéconomiques et l'autre, indépendant du premier, reposait sur des approches microéconomiques à la main des directions concernées (direction du budget, direction générale des finances publiques et direction de la sécurité sociale). Ces deux exercices de prévision étaient construits sur des approches différentes et aucun n'était juste à 100 %. On organisait donc ensuite un débat contradictoire entre ces deux exercices.

Cette dimension contradictoire est, à mon avis, indispensable pour garantir la qualité des prévisions. Est-ce-que ces méthodes se sont bien maintenues, même depuis que la direction du Trésor a le monopole de l'exercice de prévision ?

Il serait opportun de se réinterroger sur la construction même des exercices de prévision en organisant l'indépendance, au sein même de l'État, de plusieurs logiques de prévision. Cela éviterait des erreurs importantes comme celles que nous avons connues, notamment en 2024.

M. Vincent Capo-Canellas. - Vous avez fait preuve d'un sens de la formule remarquable et d'une certaine alacrité dans votre analyse de l'exercice 2024, dont vous avez dit qu'il se caractérisait par une exécution « chaotique », par une « gestion erratique » des dépenses, un « pilotage à vue » et des prévisions de croissance surestimées.

Lorsque j'examine l'avis du Haut Conseil sur 2025, je reste dubitatif. En effet, le sens de la litote et de la prudence ainsi que les talents de rédaction diplomatique font perdre la teneur du propos. Ainsi, quand je lis que « la prévision de croissance pour 2025 n'est pas hors d'atteinte, malgré l'accumulation de risques à la baisse », et que « cette prévision est en ligne avec celles présentées par certains organismes, mais dépasse celles avancées par d'autres », je ne perçois plus le message d'alerte qui est le vôtre. Par conséquent, je m'interroge : est-ce que le HCFP valide la prévision ? La valide-t-il avec réserve ? En demande-t-il une autre ? En établit-il une autre ou bien établit-il une fourchette ? Pour que le propos soit efficace, pourriez-vous formuler une alerte claire ?

En outre - je vous pose cette question avec infiniment de respect - n'est-il pas difficile, dans la mesure où vous devrez aussi juger l'exécution 2025, de porter les deux casquettes de Premier président de la Cour des comptes et de président du HCFP ?

Pour en revenir à l'exercice 2025, la question que nous nous posons tous est de savoir si nous parviendrons à tenir l'objectif d'un déficit à 5,4 % du PIB et s'il faudra un projet de loi de finances rectificative. En effet, vous nous avez dit que, l'an dernier, la correction de la prévision de croissance à hauteur de 0,4 point de PIB le justifiait. Or nous sommes déjà à 0,2 point de PIB de correction de croissance, avant l'effet des taxes Trump. La Banque de France se prononcera sur le sujet en juin, ainsi que les différents instituts, mais je crains que l'on n'atteigne 0,4 point de PIB de correction de croissance. Faudra-t-il donc élaborer rapidement un projet de loi de finances rectificative ?

M. Christian Bilhac. - Monsieur le Premier président, nous nous doutions que les nouvelles de ce matin ne seraient pas réjouissantes et nous n'avons pas été déçus. Toutefois, je vous trouve presque optimiste. Car si vous avez expliqué que les marches à franchir seraient plus élevées dans les années à venir, vous avez évoqué la nécessité d'abandonner le rabot pour une révolution de la dépense publique. Est-ce une idée que vous jugez réalisable ou un voeu pieux ? À ce stade, je n'en vois pas l'ébauche.

L'élaboration du PLF 2025 a été particulièrement ardue. Nous avons adopté le volet recettes en novembre selon les prévisions de croissance de l'époque. Lorsque nous avons examiné les dépenses, après les divers épisodes politiques qu'a connus le pays, ces prévisions étaient tout à fait différentes, mais nous n'avons pas pu revenir sur les recettes.

Il est question de réduire nos dépenses de 40 milliards d'euros. Mais nous savons très bien que les économies risquent d'entraîner une raréfaction des recettes. Par exemple, si nous réduisons les dotations du ministère du logement, qui a un effet de levier très fort sur la vie économique du pays, nous nous priverons de cotisations et de recettes fiscales importantes. Il en va de même pour les collectivités locales. Celles-ci représentant 70 % de l'investissement public, une baisse de leurs dotations entraînerait une baisse de l'investissement, une baisse de l'activité et une baisse de la fiscalité des entreprises. Et cela, nous ne le mesurons jamais ! Aussi allons-nous, me semble-t-il, au-devant de graves désillusions.

Monsieur le Premier président, nous devrions goûter le bonheur qui est actuellement le nôtre, parce que nous allons certainement passer à plus de 4 000 milliards d'euros de dette avant la fin du PSMT 2025-2029. Pensez-vous que nous pouvons inverser la tendance avant d'atteindre les 5 000 milliards d'euros ?

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le président, je me permets de vous poser à mon tour quelques questions.

La première a trait à la précaution dont il convient de faire preuve lorsque l'on fait des prévisions. Sur certains sujets, on ne sait pas sur quoi celles-ci se fondent. Je pense notamment au cinquième acompte de l'impôt sur les sociétés, ou à la demande de remboursement de TVA par les entreprises, qui peut être plus ou moins forte et a été très amplifiée en 2024.

J'ai tendance à dire que, par prudence, il vaut mieux ne rien prévoir lorsque l'on ne sait pas. Dans la mesure où notre déficit est très élevé, pourquoi ne pas nous fonder sur des valeurs nulles, notamment pour le cinquième acompte ? De la sorte, si celui-ci nous apportait des recettes supplémentaires, ce serait une bonne nouvelle et nous pourrions les mobiliser pour alléger notre dette. On me répond qu'en faisant cela, nous manquerions de sincérité, car nous ne ferions plus de prévisions. Mais est-il plus sincère d'effectuer des prévisions sur des choses que nous ne connaissons pas ? J'estime que nous devrions être beaucoup plus précautionneux sur les prévisions.

Concernant les remboursements des entreprises, comme nous connaissons le montant maximal que celles-ci pourraient être amenées à demander, nous pourrions nous fonder sur une valeur maximale. J'ai conscience que cela limiterait un peu la marge de manoeuvre pour élaborer le budget, mais cela ferait du bien par la suite. Lorsque je dis cela, je ne suis bien reçu ni par l'administration ni par les ministres, qui estiment que cela reviendrait à mentir que de se fonder sur une prévision fausse. Quel est votre avis sur cette question ?

Par ailleurs, ne serait-il pas plus sincère de nous fournir un montant prévisionnel de consommation des crédits reportés dès la loi de finances initiale ? Cette suggestion ne suscite pas non plus un grand enthousiasme au sein d'une certaine administration que vous avez bien connue.

Enfin, la ministre chargée des comptes publics a publié samedi dernier un décret d'annulation de crédits. Elle explique que les montants annulés étant mis en réserve en début d'exercice et donc non disponibles, cette annulation ne remet pas en cause l'exercice des politiques publiques tel que présenté lors de l'examen du budget. Dès lors, le montant de la réserve de précaution ne devrait-il pas être indiqué pour chaque programme dans les documents budgétaires du PLF ? S'il n'y a pas de conséquences sur l'exécution des crédits, pourquoi s'en priver ? Cela nous offrirait une vision plus claire des politiques publiques qui doivent être menées. D'un côté, on annule des crédits, c'est-à-dire qu'on supprime des politiques publiques, et d'un autre côté on nous dit que ce n'est pas le cas car on a indiqué que les politiques publiques en question étaient rabotées dès le départ.

M. Pierre Moscovici. - Monsieur Delahaye, je suis moi aussi respectueux du dialogue entre l'administration et les responsables politiques. Quand je parle de tiers de confiance, il s'agit de faire en sorte d'éclairer et d'objectiver ce dialogue.

En ce qui concerne le dérapage des recettes, il n'y a pas de garantie que les recettes pour 2025 soient tout à fait alignées sur les prévisions, mais nous ne sommes pas pour autant dans la situation de 2024. Vous voyez, monsieur le sénateur, Nicolas Carnot vient de l'Insee, il n'a pas été recruté au sein du Quai d'Orsay, car il n'y a pas de diplomates au HCFP. Aussi, lorsque nous n'avons pas envie d'être diplomates, nous ne le sommes pas !

Lorsque je suis venu vous présenter notre avis sur le programme de stabilité 2024-2027 il y a un an, nous l'avons qualifié d'incohérent et de non crédible. Quand nous devons être sévères, nous le sommes ! Le message pour 2025 est centré sur la situation actuelle. Oui, le Gouvernement actuel a tenu compte de la situation de 2024. Cela écarte-t-il totalement les mauvaises surprises ? Non. Notre expression modérée correspond très exactement à ce que nous pensons et à ce que nous observons.

Il en va de même pour les recettes. Certains facteurs doivent être pondérés. Le point de départ est moins dégradé qu'en 2024. Les hypothèses économiques sont certes un peu élevées, mais, je le redis, elles ne sont pas hors d'atteinte. Si nous ne savons pas ce qu'il va se passer dans le monde, à l'heure où je vous parle, une croissance de 0,7 % en 2025 n'est pas hors d'atteinte, alors que les 1,4 % anticipés pour l'année dernière n'ont jamais été crédibles. C'est une très grosse différence !

Enfin, les hypothèses concernant le rendement de certains prélèvements sont à peu près « centrées », pour employer un vocabulaire propre aux finances publiques. C'est pourquoi nous jugeons cohérentes les prévisions de prélèvements obligatoires, bien qu'un peu élevées. Nous estimons qu'il n'y a pas de risque de dérapage massif, alors que nous l'avions anticipé pour 2023 et 2024.

Bien heureusement, les différentes alertes, qu'elles soient formulées par vous, mesdames, messieurs les sénateurs, par nous, ou par des tiers, ont été entendues par le Gouvernement, ce dont je me réjouis.

Pour ce qui est des intérêts de la dette, il s'agit d'une conséquence technique de la prise en compte non plus de la dette du seul État, mais de celle de toutes les administrations publiques (APU) confondues. Ainsi, si les intérêts de la dette de l'État représentent plus de 50 milliards d'euros, ils s'élèvent toutes APU confondues à 67 milliards d'euros en 2025, et ce chiffre pourrait atteindre les 100 milliards d'euros dans quelques années.

En ce qui concerne la double casquette Cour des comptes et HCFP, elle ne me semble pas problématique, car il s'agit de deux institutions différentes. Le HCFP est présidé ès qualités par le président de la Cour des comptes, celui-ci incarnant une institution respectée dans le débat public, mais il est également composé d'économistes et s'appuie sur un secrétariat qui fournit un travail technique. Cela donne, croyez-moi, des débats très vivants, et je joue avant tout un rôle de porte-parole, bien que mon rôle ne se limite pas à cela.

Vous m'avez posé une excellente question sur le tendanciel. Les 40 milliards d'euros d'économies dont il est question sont chiffrés par rapport à du tendanciel, ce qui implique que l'exercice est ambigu et non documenté. Lorsque j'ai présenté mon avis sur le PLF 2025 version Barnier, le Gouvernement disait vouloir réaliser un effort de 60 milliards d'euros, dont les deux tiers reposeraient sur des économies et l'autre tiers sur les prélèvements. Nous indiquions pour le ratio inverse : un tiers d'économies et deux tiers de prélèvements. Si la base n'est pas claire, cela ne peut pas fonctionner. Je me demande toujours pourquoi nous ne prenons pas des indicateurs un peu plus simples, par exemple une croissance en volume des dépenses, qui est un chiffre assez stable. Cela donnerait une référence plus éclairante que celles qui sont actuellement mises en avant.

Cela rejoint l'une de vos questions, monsieur le président de la commission. En effet, il serait souhaitable de simplifier les documents pour faire figurer pour chaque mission le tendanciel, les mesures nouvelles et les économies prévues. Sinon, les chiffres que nous donnons sont à la fois extrêmement anxiogènes - 40 milliards d'euros ! - et pas forcément exacts.

Monsieur Cozic, je préconise en effet que le HCFP joue un rôle dans l'élaboration des prévisions. Je vais même plus loin, et je réponds par là même à la question de Mme Carrère-Gée : la version basse de ce que nous proposons, c'est le principe du « comply or explain », appliquer ou expliquer ; la version haute, c'est de confier les prévisions à un HCFP redimensionné. Pour cela, il faudrait sortir de la direction générale du Trésor ce qui fut la direction de la prévision et confier sa mission à un organisme externe, à l'image de l'Office for Budget Responsibility britannique.

Je comprends que cette seconde option heurte notre tradition administrative. En revanche, le comply or explain est un minimum ! Dès lors, il convient, monsieur Blanc, d'améliorer nos conditions de fonctionnement. L'accès à l'information doit être développé ; nous devons pouvoir nous autosaisir ; il faut nous laisser des délais plus raisonnables ; et je plaide pour que nous ayons une compétence d'analyse de la soutenabilité de la dette et un accès plus réaliste aux prévisions en matière de recettes et de dépenses publiques.

En réalité, en demandant que le Haut Conseil soit correctement dimensionné, je préconise tout simplement qu'il ait un mandat comparable aux organismes similaires d'autres pays de l'Union européenne.

Pour ce qui est de nos engagements européens, nous relevons que l'évolution de la dépense primaire nette en 2025 serait légèrement supérieure à celle qui est requise : le plafond est à 0,8 %, nous sommes à 0,9 %. Le Gouvernement devrait respecter strictement la limite d'évolution annuelle en 2025 en s'octroyant un léger dépassement prévisionnel. Alors que cette évolution a déjà été assouplie, il réduit sa marge de précaution à l'égard de nouvelles règles.

De manière générale, l'ensemble des prévisions du Gouvernement pour 2025 sont, comme le diraient des psychanalystes, borderline : elles ne sont pas hors d'atteinte, mais le risque d'un léger dérapage existe. Nous sommes loin de la chronique d'une catastrophe annoncée, par vous comme par nous, l'année précédente, mais le Gouvernement ne s'est pas doté d'une marge de précaution.

Nous avons des échanges techniques avec la Commission européenne, qui devrait tenir compte de nos avis dans ses recommandations. Les institutions budgétaires indépendantes sont d'ailleurs une création européenne, à l'image du European Fiscal Board (EFB).

Le déficit public risque-t-il de déraper comme cela a été le cas en 2023-2024 ? Selon nous, l'objectif n'est pas impossible à atteindre, mais il n'est pas acquis. Nous penchons toutefois plutôt pour l'hypothèse d'un léger dérapage que pour celle d'une amélioration substantielle.

Faut-il un projet de loi de finances rectificative en 2025 ? Le PLF 2024 n'intégrait pas les mauvais résultats de 2023. La situation actuelle est différente. D'une certaine façon, le projet de loi de finances ayant été voté plus tard, il intègre de fait les résultats de 2024. Il y a donc objectivement moins de risques de dérapage. Aussi, sans parler du fond, que je n'ai pas à commenter, un pilotage des crédits paraît à ce stade plus adapté qu'un PLFR. Si une guerre commerciale devait nous percuter, peut-être que la donne changerait, mais nous n'en sommes pas là.

Monsieur le président, il faut bien sûr être prudent. Vos propositions me semblent pertinentes mais je ne peux y répondre à brûle pourpoint. Elles rejoignent, me semble-t-il, celles que nous avons formulées dans notre rapport sur le budget de l'État. Il convient avant tout de nous montrer réalistes, c'est-à-dire d'écarter tout optimisme, même léger. Comme le disent les techniciens, il faut être centré. Nous le sommes davantage en 2025 que nous ne l'étions en 2024, mais nous pouvons aller encore plus loin.

En ce qui concerne le cinquième acompte d'impôt sur les sociétés, la Cour des comptes a demandé dès 2024 que l'administration contacte les grandes entreprises, ce qui a été repris dans le plan d'action du Gouvernement.

Sur les crédits de TVA, de nombreux mouvements sont liés à des besoins de trésorerie. À cet égard, le plan d'action gouvernemental est plutôt bienvenu, car nous avions perdu le contact avec nos recettes. Nous ne voyions plus comment évoluaient nos impôts.

Monsieur Bilhac, je ne sais pas si nous pouvons éviter d'atteindre les 4 000 milliards d'euros de dette, mais j'ai envie de dire que nous n'atteindrons pas les 5 000 milliards d'euros. En effet, l'alternative qui se présente aux responsables politiques est extrêmement claire : faire des efforts maintenant ou subir l'austérité plus tard. Pour ma part, j'ai toujours été hostile à l'austérité, car il s'agit de mesures extraordinairement brutales, aux effets destructeurs sur la qualité de l'action publique, qui peuvent nous être imposées par l'extérieur.

Vous vous demandez si une révolution de la dépense publique est possible. Objectivement, je ne la vois pas se dessiner moi non plus. J'ai le sentiment, après avoir pris du recul par rapport à l'action publique et politique, dont j'ai été un acteur pendant trente ans, que nous manquons de bon sens, voire que nous marchons sur la tête. En effet, nous ne sommes pas en train de traiter les vraies questions.

Pourtant, nous disposons de nombreuses marges de manoeuvre sur les dépenses publiques. Les revues de dépenses qui ont été faites tant par les inspections que par la Cour des comptes le montrent bien. Nous avons récemment montré comment nous pouvions économiser 20 milliards d'euros en cinq ans sur l'assurance maladie, de manière relativement indolore. Les assurés ne seraient touchés qu'à hauteur de 300 millions d'euros, pour les cures thermales. Si elles sont précieuses, nous sommes presque les seuls en Europe à les rembourser...

Nous sommes face à un choix : engager cette révolution des dépenses en faisant dès maintenant des efforts volontaires, intelligents et raisonnés, ou subir l'austérité plus tard. La situation de la France n'est pas catastrophique. Nous sommes bien loin d'une mise sous tutelle. Néanmoins, il ne faut pas aller trop loin. Certains scénarios pessimistes montrent que nous pourrions aisément atteindre 120 % ou 130 % de dette publique. Si nous allons trop loin dans cette direction, la confiance en la France finira par s'effriter et l'austérité nous sera imposée de l'extérieur.

Voilà pourquoi je pense que nous ferons en sorte de ne pas atteindre les 5 000 milliards d'euros de dettes. L'austérité nous ferait beaucoup de mal, et c'est quelqu'un qui a été commissaire européen chargé du suivi du programme grec pendant cinq ans qui vous le dit.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le Premier président, je vous remercie de vos réponses, et je remercie également ceux qui vous accompagnent, madame la présidente de la première chambre, mesdames, messieurs les conseillers maîtres et membres de la Cour des comptes.

II. AUDITION DE MME AMÉLIE DE MONTCHALIN, MINISTRE AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, CHARGÉE DES COMPTES PUBLICS (17 JUIN 2025)

Réunie le mardi 17 juin 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes pour l'année 2024 ainsi que sur l'exécution 2025.

M. Claude Raynal, président. - Madame la ministre, nous vous entendons cet après-midi pour évoquer les résultats de l'année 2024, dans le cadre de l'examen du projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, mais également, et peut-être surtout, pour évoquer l'exécution de la loi de finances sur l'année 2025.

L'année 2024 a été marquée par une nouvelle dégradation du déficit public par rapport à l'année 2023, où il avait déjà atteint un niveau inédit, hors période de crise, dans l'histoire de la Ve République. En 2024, le déficit public a donc atteint 5,8 % du PIB. Notre commission a cherché, dans un rapport publié en novembre 2024, à en déterminer les causes, tant politiques qu'économiques.

Nous attendons donc de votre présentation que vous reveniez sur ces résultats, et en particulier que vous vous concentriez sur les raisons de l'écart massif entre la prévision de déficit public de 4,4 % du PIB contenue dans la loi de finances de 2024 et le résultat final de 5,8 %, soit un écart de près de 40 milliards d'euros.

Le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 montre également un écart de solde structurel de 1,5 point entre ce que prévoyait la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 et l'exécution : il s'agit donc d'un écart « important » au sens de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), en vertu duquel le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) a déclenché le mécanisme de correction. Vous nous direz ce que l'application de ce mécanisme, prévu par la Lolf et le traité sur la stabilité, la coordination et gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) de 2012, signifie concrètement. Le Premier président de la Cour des comptes, lorsque nous l'avons entendu sur la loi relative aux résultats, craignait que les effets de ce mécanisme ne deviennent au fil du temps artificiels. Vous nous direz ce que vous en pensez.

Cette audition sera également l'occasion d'aborder les sujets relatifs à l'exécution du budget 2025. Tout d'abord, nous serions tous intéressés de connaître les conséquences concrètes de l'absence de budget en janvier et de la mise en oeuvre de la loi spéciale et des services votés. Ensuite, nous souhaitons savoir si l'objectif d'un déficit public de 5,4 % du PIB est, selon vous, toujours atteignable, s'il y a lieu de s'alerter, comme en 2023 et 2024, sur le niveau de perception des recettes, et où en sont les mesures annoncées au moment de l'adoption du décret d'annulation du 25 avril dernier - vous évoquiez en particulier une mise en réserve complémentaire se traduisant par des mesures de surgel, adossée le cas échéant à des mesures de maîtrise plus ciblées.

Sans plus attendre, je vous laisse la parole, en rappelant que cette audition fait l'objet d'une retransmission sur le site internet du Sénat.

Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics. - Je vous remercie de me permettre de vous présenter formellement ce projet de loi de règlement, et c'est aussi l'occasion de revenir sur l'exécution 2025. Il est très important à mes yeux que nous puissions vous en rendre compte, puisque ce budget 2025 est particulier, issu d'un compromis parlementaire, et soumis à de forts aléas dans un contexte macro-économique, géopolitique et commercial particulièrement agité.

Le contexte valide notre décision, avec Éric Lombard, de tenir chaque trimestre le comité d'alerte - le prochain se réunira le 26 juin - lors duquel nous faisons toute la transparence sur l'intégralité de nos dépenses, de nos recettes et de nos décisions garantes du compromis parlementaire et des fameux 5,4 % de déficit.

Ce projet de loi est un texte technique à vocation d'abord comptable, mais il est essentiel puisqu'il rend compte des résultats de la gestion et met en évidence, plus que jamais, l'impérieuse nécessité de redresser nos finances publiques. Même s'il concerne le passé, il est essentiel pour préparer l'avenir sur la base d'un constat partagé et indiscutable. L'objectif est que nous puissions mieux nous projeter.

Ce projet de loi est un prérequis du débat budgétaire de l'automne. Bien que son équivalent ait été rejeté ces trois dernières années, et qu'il ait lui-même été rejeté la semaine dernière sans débat à l'Assemblée nationale, il me semble néanmoins essentiel que nous puissions l'examiner en détail et assurer ainsi la parfaite transparence de la gestion de nos comptes publics.

Ce texte rappelle ce qui s'est passé en 2024, une situation que vous connaissez mieux que moi puisque je n'ai pris mes fonctions que le 23 décembre dernier.

Le déficit final est donc de 5,8 % du PIB pour 2024, contre 4,4 % prévus en loi de finances initiale. Les écarts de prévision qui s'ajoutent à ceux constatés en 2023 reflètent les aléas qui ont marqué ces deux dernières années. Ils ne sont pas satisfaisants et appellent une nouvelle méthode. C'est pourquoi nous avons changé notre façon de suivre les recettes, les dépenses et l'exécution afin que, si de tels écarts venaient à advenir, nous le sachions vite, le disions vite et agissions vite.

Cependant, si la dégradation a été réelle en 2024, l'effort en gestion sur les dépenses de l'État l'a été également, avec une forte activité budgétaire : décret d'annulation dès le mois de février ; plafonds de dépenses ministériels inférieurs aux crédits disponibles ; surgel à l'été 2024. La fin de l'année a été marquée par la préparation de l'entrée inédite dans la gestion 2025 en régime de services votés, avec l'adoption d'une loi spéciale.

Nous connaissons tous la gravité de la situation. Le déficit public s'est établi à 5,8 %, très loin des 4,4 %. Vous l'avez dit, monsieur le président, comme l'écart de solde structurel est supérieur à 0,5 point de PIB par rapport à la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, il est constaté par le Haut Conseil des finances publiques que cet écart est « important ». Nous avons donc présenté dans ce projet de loi les raisons de l'écart entre la prévision et l'exécution ainsi que les mesures de correction, tant budgétaires que méthodologiques, envisagées pour y remédier.

L'économie a subi de très grands chocs, notamment en termes d'inflation, qui ont fortement pesé sur les recettes, avec une élasticité particulièrement faible, deux années de suite. Les mesures de modération des dépenses sur le périmètre de l'État ont partiellement compensé cette dégradation des recettes, puisque l'exécution des dépenses sur le périmètre de l'État a été inférieure de 7 milliards d'euros à la loi de finances initiale (LFI) de 2024, s'établissant à 485 milliards d'euros, contre 492 milliards d'euros ouverts en LFI.

En 2025, nous produisons un effort courageux de redressement de nos finances publiques, validé par la commission mixte paritaire. C'est un compromis qui nous oblige.

La nouvelle méthode est le « quoi qu'il arrive », avec une gestion renforcée. Les reports de crédits ont été divisés par deux sur les périmètres ministériels, à hauteur de 4 milliards d'euros début 2025, contre près de 8 milliards d'euros en 2024.

Nous avons aussi créé une réserve de précaution réellement interministérielle, pilotée par la direction du budget et non plus par chaque ministère, ceux-ci considérant qu'in fine cet argent pouvait être totalement dépensé.

Nous avons aussi inclus une véritable réserve de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), à hauteur de 1,1 milliard d'euros. Nous avons procédé à une première annulation de cette réserve, pour un montant de 2,5 milliards d'euros, associée à un surgel de même montant.

Le comité du 26 juin sera l'occasion d'un point d'étape sur l'exécution à mi-année. Nous vous ferons part de toutes les remontées comptables dont nous disposerons la semaine prochaine et présenterons tous les aléas macroéconomiques et toutes les incertitudes que nous affrontons, ainsi que les mesures prudentielles que nous prenons pour tenir nos objectifs, en particulier de dépenses, d'ici à la fin de l'année.

Le comité d'alerte inclut les collectivités, les partenaires sociaux et les acteurs de la sécurité sociale pour que nous nous rappelions bien que le déficit public est celui de la Nation, et non pas seulement celui de l'État.

Nous avons révisé le taux d'inflation de 1,8 % à 1,4 % lors de notre rapport annuel d'avancement. Cependant, nous constatons une grande volatilité assortie de deux risques contradictoires : d'un côté, depuis quelques mois, une baisse des prix de l'énergie, en particulier du pétrole, qui a ralenti l'inflation, laquelle s'est établie autour de 0,6 % à 0,8 % en rythme annuel ; de l'autre, depuis quelques jours, une très forte hausse de certains prix de l'énergie, qui pourraient pousser à la hausse des risques inflationnistes modérés, plutôt baissiers. Nous avons là une très forte incertitude. J'ai réuni les prévisionnistes publics et privés à Bercy : ils n'ont pas dégagé de consensus sur les prévisions relatives aux prix du pétrole.

La dernière prévision de croissance de la Banque de France est proche de celle du Gouvernement, à 0,6 % contre 0,7 %. Notre acquis de croissance s'est établi à 0,3 % à la fin du premier trimestre. Atteindre les 0,7 % nécessite 0,2 point de croissance par trimestre, ce qui est tout à fait possible.

Le chômage reste proche de son point bas, à 7,4 %. Le taux d'emploi a de nouveau atteint un record au premier trimestre. C'est très positif puisque la France a un enjeu en termes d'emploi des jeunes et des seniors.

Deux signaux positifs : le rebond des permis de construire, de 4,9 % au premier trimestre, et un frémissement de reprise des transactions immobilières.

J'en viens aux dépenses. Dans la sphère sociale, le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie rendra son avis dans les prochaines heures. Je peux déjà vous annoncer une forte dynamique de la dépense hospitalière en début d'année, en raison notamment d'une épidémie de grippe plus aiguë et plus tardive. En outre, la dépense des soins de ville est dynamique, portée notamment par la hausse du nombre des arrêts maladie, sujet sur lequel nous sommes très engagés : nous veillerons à ce que les prochaines lois de financement de la sécurité sociale incluent des mesures d'encadrement et de meilleur pilotage des arrêts maladie.

Du côté de l'État, nous avons pris, en avril dernier, des mesures de ralentissement de la dépense avec le décret d'annulation et les surgels. Nous sommes particulièrement vigilants sur les risques de dépenses en matière de logement, de travail et de défense. Certaines dépenses sont pilotables, en revanche nous n'avons pas toujours les outils pour limiter les dépenses de guichet à très court terme.

Du côté des collectivités territoriales, nous observons une baisse de la dynamique des dépenses de fonctionnement et d'investissement : la croissance est un peu moins forte qu'au cours des derniers trimestres. Nous restons toutefois très attentifs, car, bien qu'autonomes en matière de gestion, les collectivités territoriales participent à notre dynamique de dépenses publiques.

Notre approche reste inchangée : identifier les aléas et lorsqu'ils se transforment en risques, prendre les mesures nécessaires pour ralentir la dépense. C'est notre devoir afin de conserver notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens, des parlementaires et surtout des contribuables.

Vous, parlementaires, avez la primauté de la construction et de la validation de nos budgets, mais c'est bien par un esprit de dialogue, de transparence, de confiance et de responsabilité que nous pourrons, collectivement, mieux prendre en compte nos différentes contraintes et surtout tenir nos engagements, afin d'aborder sereinement les débats en vue du budget pour 2026.

Notre priorité est de tracer une trajectoire commune, prévisible et pluriannuelle, réaliste au vu des incertitudes macroéconomiques et juste en termes de redressement des finances publiques. Certains peuvent penser que c'est impossible. Il me semble que c'est tout l'inverse. C'est un enjeu démocratique en termes de crédibilité et de sérieux qui nous anime et, je crois, nous réunit. J'ai une grande confiance dans notre capacité à poser les bons diagnostics et à prendre les bonnes décisions.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Madame la ministre, pour 2024, vous avez parlé d'une « impérieuse nécessité de redresser nos finances publiques » et de chiffres qui posent la « gravité de la situation ».

Il y a un an, à la même époque, ces chiffres étaient déjà préoccupants, mais on nous assurait alors que le navire avançait sereinement en eaux calmes et que l'horizon s'annonçait radieux. Dès lors, madame la ministre, il me semble que le recul dont vous disposez désormais permet d'identifier les causes de cette dégradation : entre la conjoncture économique et les choix politiques opérés, où se situent les responsabilités respectives ? Ce travail de clarification permettra tant au Parlement qu'au Gouvernement de mieux préparer les Français à l'exercice budgétaire qui s'annonce.

S'agissant de l'exécution budgétaire pour 2024, notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023 avait, dans ses premières conclusions, attiré l'attention sur le rythme de traitement des remboursements de TVA, lequel a pesé significativement sur le suivi des recettes nettes de cet impôt. Lors de votre audition le 17 mars dernier, vous aviez indiqué le lancement de deux missions internes : l'une sur la gestion des remboursements de TVA, l'autre sur les prévisions de l'acompte d'impôt sur les sociétés. Ces deux missions ont-elles rendu leurs conclusions ? Et, si tel est le cas, quelles leçons en tirez-vous ?

En ce qui concerne maintenant l'exécution budgétaire 2025, le 2 juin dernier, l'Assemblée nationale a adopté en première lecture une proposition de loi visant à rétablir les plafonds de la franchise en base de TVA, en vigueur avant le 1er mars de cette année. Quelle est la position du Gouvernement sur ce texte ? Quelles sont ses intentions ? Je rappelle que nous avions déjà alerté l'exécutif et appelé à une forme de sagesse sur ce sujet.

Le Gouvernement estimait, dans son rapport annuel d'avancement pour 2025, que la hausse des droits de douane imposés par les États-Unis risquait de grever la croissance de 0,3 point. Les économistes que nous avons entendus sur le sujet estiment que l'impact sur le solde public devrait se limiter à 0,1 point de PIB. Chaque dixième de point ayant son importance dans le contexte actuel, pouvez-vous nous indiquer si, à ce stade, votre appréciation s'est précisée ?

Dans son avis rendu le 16 avril dernier, le HCFP estime que l'objectif d'un déficit public à hauteur de 5,4 % du PIB en 2025 « peut être tenu mais est loin d'être acquis ». Quelle est, selon vous, la solidité de la trajectoire budgétaire prévue pour 2025 au regard de cet objectif ? D'autres mesures de gestion sont-elles envisagées pour parvenir à l'atteindre ?

Qu'en est-il des dépenses militaires ? Au-delà de la progression déjà actée dans la loi de programmation militaire (LPM), d'éventuelles hausses supplémentaires sont-elles à prévoir ?

Où en est-on sur le guichet MaPrimeRénov' ? En tant que ministre chargée des comptes publics, vous êtes bien placée pour nous apporter des précisions à ce sujet.

Un an après sa création, quel est le bilan de l'Office national antifraude (Onaf), venu remplacer le Service d'enquêtes judiciaires des finances (SEFJ) ? Des résultats concrets ont-ils été obtenus en matière de lutte contre la fraude ?

S'agissant de 2026, la trajectoire des finances publiques de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) est définitivement hors d'atteinte. Le Gouvernement envisage-t-il de présenter une nouvelle LPFP, correspondant à la trajectoire financière effective de notre pays ?

Pouvez-vous nous expliquer de quelle façon vous avez construit le chiffre de 40 milliards d'euros d'économies prévus en 2026 ? En regardant simplement l'écart entre le déficit public prévu pour 2025 et celui prévu pour 2026, soit une amélioration de 0,8 point, on parvient plutôt à 25 milliards d'euros. Comment le Gouvernement justifie-t-il donc le passage à 40 milliards d'euros ?

Enfin, madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que les montants des crédits votés par le Parlement, notamment en commission mixte paritaire, au bénéfice des collectivités locales, ont bien été respectés ? Je citerai trois dispositifs majeurs : la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), et le fonds vert. Les crédits ont-ils été effectivement alloués, dans leur intégralité, à la gouvernance des préfectures départementales ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je m'efforcerai d'être aussi claire, synthétique et transparente que possible sur les nombreuses questions que vous me posez. C'est, en général, dans cet esprit que nous progressons sur le chemin du redressement, que j'aborde avec une grande lucidité quant au constat actuel et une forte volonté pour l'avenir. Je ne consacre pas de temps excessif à l'analyse du passé : l'urgence commande de concentrer nos efforts sur le présent et sur l'avenir.

S'agissant des remboursements de TVA et de la prévisibilité de leur dynamique nette, nous avons lancé une mission d'audit, fin avril, au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), qui s'articule autour de trois volets.

Premièrement, il s'agit de mieux comprendre le comportement des entreprises, afin de le rendre plus prévisible, notamment en identifiant les motifs ponctuels de gestion de trésorerie susceptibles d'induire des variations de comportement.

Deuxièmement, un audit complet du processus de traitement des demandes a été engagé. L'augmentation du nombre de demandes a, en effet, entraîné une croissance du stock de dossiers de remboursement à traiter. Il convient de passer en revue chaque étape du circuit et les délais associés pour garantir un dispositif à la fois agile, efficace et sécurisé face aux risques de fraude.

Troisièmement, nous avons entrepris de mieux documenter les hypothèses retenues pour le niveau des remboursements de crédit de TVA (FCTVA) et leur évolution au fil des exercices budgétaires. Ce poste constitue, en effet, un élément central des mécanismes de dégrèvement.

Nous disposerons d'un bilan en septembre, qui nous permettra, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026, de bâtir des hypothèses les plus solides possible.

Concernant l'impôt sur les sociétés, la question du cinquième acompte est complexe, car celui-ci génère une forte volatilité en toute fin d'exercice. Il demeure difficile à modéliser, car les décisions des entreprises sont volatiles, individualisées et non publiques. Toutefois, nous avons contacté, la semaine dernière, un millier d'entreprises afin de recueillir, en amont, leurs estimations sur le montant du cinquième acompte. Nous leur avons demandé de nous transmettre ces données d'ici au début du mois d'octobre. L'objectif est de disposer de tous les éléments nécessaires à une discussion budgétaire éclairée.

Je rappelle que ce cinquième acompte est versé le 15 décembre, soit généralement après le vote du budget pour l'année suivante. Il est donc utile d'en anticiper la dynamique en amont. C'est le sens de la démarche engagée.

Nous avons privilégié une approche partenariale et volontaire, qui respecte le secret fiscal. L'Association française des entreprises privées (Afep), le Mouvement des entreprises de France (Medef) ainsi que les acteurs du secteur bancaire et assurantiel ont pleinement compris l'enjeu collectif auquel nous faisons face.

S'agissant de la TVA et de la franchise en base, qui avait été fixée à 25 000 euros dans le texte initial issu des travaux de la commission mixte paritaire, j'ai pris la décision de suspendre cette mesure jusqu'à la fin de l'année 2025. Cette décision est cohérente avec le vote intervenu à l'Assemblée nationale sur la proposition de loi déposée par le groupe Ensemble pour la République. Le sujet pourra être réexaminé à l'occasion du projet de loi de finances pour 2026.

Le travail de concertation mené par Mme Véronique Louwagie a révélé un point important, que je tiens à porter à votre connaissance en vue d'éventuels débats à l'automne : un secteur professionnel s'est montré favorable à une réduction du seuil de franchise, celui du bâtiment.

Il s'agit, premièrement, de protéger l'action de certains opérateurs économiques français face à la concurrence d'intervenants européens bénéficiant de franchises bien plus basses, voire inexistantes, et pouvant désormais exercer en France. Ainsi, en Espagne, la franchise n'existe pas et la TVA s'applique dès le premier euro. Ce différentiel incite un certain nombre d'acteurs étrangers, notamment dans le secteur du bâtiment, à venir opérer sur le territoire français afin de bénéficier du régime plus favorable qui y prévaut. Le second enjeu est celui de la concurrence loyale et de la qualité. Le secteur du bâtiment a en effet signalé plusieurs distorsions induites par ces écarts de régime.

Telles sont les conclusions issues de la concertation qui a été menée à l'Assemblée nationale. Ce sujet pourra être réexaminé, le cas échéant, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2026. En tout état de cause, la mesure est suspendue jusqu'à la fin de l'année 2025.

S'agissant de la loi spéciale, monsieur le président Raynal, il s'agit là d'une question complémentaire. Le régime des services votés s'est révélé particulièrement rudimentaire et, en réalité, peu adapté à la gestion d'un pays. Fort heureusement, ce régime n'a duré que six semaines. À la mi-février 2025, les autorisations d'engagement affichaient une baisse de 46 % par rapport à l'année 2024, tandis que les crédits de paiement étaient en retrait de près de 8 %, ce qui était conforme à nos prévisions. Durant cette période, nous avons veillé à piloter les dépenses essentielles afin que le pays ne soit pas à l'arrêt. Néanmoins, nous avons aussi tenu à éviter toute accélération après le retour à un fonctionnement budgétaire normal.

Autrement dit, nous avons refusé une gestion de « douze mois en dix » pour privilégier, dans la mesure du possible, un rythme de « dix mois en dix » dans plusieurs périmètres.

Concernant l'impact économique des droits de douane, monsieur le rapporteur général, j'entends que certains considèrent cet effet comme moins préoccupant et j'en prends note. Dans la loi de finances initiale pour 2025, nous avions intégré un aléa international représentant 0,1 point de PIB. Cet aléa a été porté à 0,3 point, ce qui explique la révision à la baisse de notre prévision de croissance. Celle-ci s'établit désormais à 0,7 %. Si jamais l'impact était moins marqué, cela pourrait signifier in fine que notre scénario de croissance présente un potentiel de révision à la hausse. Ce serait une bonne nouvelle. Quoi qu'il en soit, nous présenterons un nouveau scénario macroéconomique dans le cadre du projet de loi de finances à venir.

Nos services de prévision, quant à eux, actualisent en continu les modèles en fonction des données disponibles, des décisions politiques prises et des aléas extérieurs. Ces derniers jours, les prix de l'énergie ont connu une inflexion brutale : alors que nous étions dans une tendance nettement baissière, nous sommes désormais confrontés à une dynamique haussière marquée.

Vous m'interrogez sur la soutenabilité du déficit à 5,4 % du PIB. Le Haut Conseil des finances publiques s'est exprimé à ce sujet dans des termes choisis, variés, mais clairs. L'objectif est « atteignable », mais il demeure « exigeant ». Cette formule résume assez fidèlement ma lecture de la situation. À ce stade, nous ne disposons pas d'éléments indiquant un décalage majeur qui rendrait cet objectif hors de portée. Nous présenterons d'ailleurs un point précis sur ce sujet lors de notre communication du 26 juin.

Il est vrai que ce pilotage infra-annuel est devenu essentiel. Il a fait cruellement défaut en 2023 et 2024, dans un contexte mondial marqué par une forte volatilité. C'est précisément pourquoi nous devons aujourd'hui nous ajuster. Nous pouvons le faire dans les limites de la Lolf grâce aux instruments qui sont à notre main. En cas de dépassement des plafonds autorisés, un projet de loi de finances rectificative (PLFR) serait requis. Pour l'heure, les écarts constatés ne justifient pas un tel recours.

S'agissant des dépenses militaires, je rappelle qu'au cours des derniers exercices, la fin de gestion a fréquemment donné lieu à des ouvertures de crédits conséquentes, atteignant parfois 1 milliard, 1,5 milliard, voire 2 milliards d'euros. Nous avons toujours eu l'obligation constitutionnelle de couvrir les coûts liés aux opérations extérieures. Nous avons également le devoir de poursuivre les engagements que nous avons pris auprès de nos partenaires, notamment l'Ukraine.

Avec le ministre des armées, M. Sébastien Lecornu, nous menons un travail exigeant de maîtrise de la dépense. Notre objectif est de garantir que les financements soient consacrés à ce qui est strictement nécessaire et essentiel. Nous ne remettons en cause ni notre effort de défense ni notre sécurité nationale, et nous veillons au respect scrupuleux des engagements inscrits dans la loi de programmation militaire. Comme le rappelle souvent le ministre des armées, cette loi doit être exécutée « à l'euro près ». C'est dans cet esprit que nous agissons. À ce stade, je ne dispose d'aucun signal indiquant que la fin de gestion 2025 s'écarterait radicalement des schémas observés les années précédentes.

S'agissant du guichet MaPrimeRénov', je tiens à souligner le lien étroit entre ce dispositif et les enjeux de lutte contre la fraude, notamment dans le cadre de l'action conduite par l'Onaf. L'an dernier, 20 % des montants versés au titre de MaPrimeRénov' ont fait l'objet de fraudes avérées. Soit les devis étaient artificiellement gonflés, conduisant à des restes à charge nuls, voire à des situations où des particuliers se retrouvaient subventionnés au-delà du montant réel des travaux effectués ; soit des mécanismes élaborés relevant de la criminalité organisée ont été mis en place : plusieurs centaines de millions d'euros ont ainsi quitté le territoire national sans qu'aucun ménage français en ait effectivement bénéficié. Enfin, dans un nombre significatif de cas, la qualité des travaux réalisés était très inférieure à celle promise.

Grâce à votre soutien, un nouvel outil législatif est désormais à notre disposition, après l'examen de la proposition de loi contre toutes les fraudes aux aides publiques, dite Cazenave. L'article 1er de cette loi, qui sera promulguée dans les prochaines semaines, prévoit de suspendre le versement d'une aide publique dès lors qu'il existe une suspicion de fraude.

Dans ce contexte, sous l'autorité du Premier ministre, nous avons décidé, avec Éric Lombard et Valérie Létard, de mettre en pause le guichet de dépôt des dossiers relatifs à la rénovation globale, car il s'agit du segment le plus touché par la fraude. À l'inverse, les opérations dites « monogestes », de nature forfaitaire, présentent un plus faible risque de fraude. L'objectif est d'utiliser les dispositions de la loi Cazenave pour instruire et purger tous les dossiers présentant une suspicion de fraude. Si la suspicion de fraude est levée, les aides seront naturellement versées. Durant cette phase, notre priorité sera de consacrer les 3,6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement consenties par la collectivité aux ménages « honnêtes » ayant constitué des dossiers complets et légitimes.

Tous les dossiers complets et conformes bénéficieront du versement des aides d'ici à la fin du mois de septembre. Les dossiers frauduleux, eux, seront mis de côté. La réouverture du guichet interviendra une fois ce travail de vérification accompli.

Un point essentiel à retenir est que la gestion de ce dispositif repose sur une enveloppe fermée. Nous disposons de 3,6 milliards d'euros de crédits d'engagement et nous entendons consacrer l'intégralité de cette enveloppe aux ménages éligibles, et non à des réseaux frauduleux. Je crois que cet objectif fait consensus.

Votre question sur l'Onaf, monsieur le rapporteur général, est particulièrement bienvenue. Je m'entretenais encore, il y a deux heures, avec le directeur de l'Office. C'est un sujet que je suis de manière extrêmement attentive.

L'année dernière, nous avons encaissé 13 milliards d'euros au titre de la lutte contre la fraude, soit davantage que le budget du ministère de la justice. Nous avons, dans le même temps, détecté 20 milliards d'euros de fraudes, un montant presque équivalent à celui du budget du ministère de l'intérieur. Un écart subsiste, naturellement, entre les montants détectés et ceux effectivement recouvrés. Toutefois, la tendance est claire : nous détectons de mieux en mieux et nous recouvrons de plus en plus efficacement.

L'Onaf joue un rôle déterminant. Grâce à ses actions, notamment dans le domaine du blanchiment douanier et des dispositifs fiscaux, 600 millions d'euros de saisies ont pu être réalisés. À ce jour, 360 enquêtes ont été confiées à l'Office, dont 40 % par des juridictions spécialisées dans la lutte contre la criminalité et la fraude. C'est une réintégration de l'Onaf dans le périmètre de la lutte contre la criminalité organisée, et cette organisation fonctionne de manière très satisfaisante. Deux tiers des effectifs de l'Office proviennent des douanes et un tiers des services fiscaux. Nous étudions désormais la possibilité d'étendre son périmètre d'action à la fraude aux aides publiques, notamment à des fraudes sociales et fiscales plus larges. Plusieurs travaux convergent pour montrer que l'Onaf pourrait jouer un rôle d'appui majeur dans des domaines relevant davantage de la sphère de la sécurité sociale. C'est un axe sur lequel je travaille activement avec Mme Catherine Vautrin.

Il est évident que les outils fiscaux, notamment en matière de gel et de saisie, produisent d'excellents rendements. Or ces instruments ne sont pas encore pleinement mobilisés dans le champ social. Cela explique, notamment, que les Urssaf détectent un volume important de fraudes, mais disposent d'une capacité de recouvrement plus limitée. Nous travaillons très activement sur ce sujet.

Quant à la nouvelle loi de programmation des finances publiques, le Premier ministre présentera, à la mi-juillet, un plan global pluriannuel de retour à l'équilibre des comptes publics. Sur le texte en tant que tel, je n'exclus pas une approche différente de celle consistant à rédiger un projet de loi de A à Z. Dans le contexte politique actuel, où il nous est déjà difficile de réunir une majorité sur un texte de constat comme le projet de loi de règlement, il n'est pas certain que ce soit la voie la plus pragmatique. Mieux vaut inscrire dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 des trajectoires allant jusqu'en 2028 ou 2029 sur le plus grand nombre d'objets possible. Ce n'est pas le même outil et cela n'a pas la même portée, mais c'est une réponse pragmatique que je propose.

Écrire une nouvelle loi de programmation est techniquement faisable. En revanche, la faire adopter est une tout autre affaire et la faire respecter est un défi. Vous pouvez constater, monsieur le rapporteur général, que je m'emploie avec détermination à ce que les engagements pris soient tenus dans toute la mesure du possible.

Vous me demandez comment l'objectif des 40 milliards d'euros d'économies a été fixé. Vous le savez, toute la construction des budgets repose sur l'analyse de ce que l'on appelle la « tendance », c'est-à-dire l'évolution spontanée de la dépense publique si aucune mesure nouvelle n'était prise. Cette projection tient compte de la démographie, des paramètres, des enjeux de guichet ainsi que de l'évolution des politiques publiques.

Par exemple, dans le champ de la sécurité sociale, la définition du rythme naturel de croissance de la dépense donne lieu à de nombreux débats. La loi de programmation des finances publiques actuellement en vigueur a fixé une tendance de 2,9 % de croissance par an pour la progression des dépenses de santé. Toutefois, certains experts, y compris au sein d'administrations spécialisées, comme celle qui suit la dépense hospitalière, estiment que le rythme naturel se situe plus vraisemblablement autour de 4,5 %. D'autres avancent même un chiffre proche de 5 %, compte tenu du vieillissement de la population, de la hausse des maladies chroniques et du coût croissant des médicaments innovants.

Dès lors, lorsqu'il est question d'« économies » dans le champ de la santé, il ne s'agit pas d'une baisse absolue de la dépense, mais bien d'une réduction de l'Ondam par rapport à cette tendance naturelle. On appelle « économies » la différence entre les deux.

Du côté des dépenses de l'État, nous avons procédé à un examen poste par poste. Certaines dépenses sont incompressibles, comme la contribution française au budget de l'Union européenne, les engagements liés aux lois de programmation, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » ou encore des crédits résultant d'autorisations d'engagement antérieures, comme dans le cadre du dispositif MaPrimeRénov' : une part importante des crédits de paiement mobilisés en année n résulte des engagements pris en année n-1.

Ainsi, nous avons évalué, pour chaque programme, les dépenses à législation constante. Ce travail conduit à une projection de dépenses totales pour 2026 à hauteur de 1 750 milliards d'euros. Inversement, lorsque l'on fixe une cible de déficit, l'analyse conjointe de nos recettes et de nos dépenses nous conduit à constater que le niveau global des dépenses devrait s'établir à environ 1 710 milliards d'euros pour que cette cible soit atteinte. La différence entre les deux montants donne le fameux montant de 40 milliards d'euros.

Pour ma part, je préfère raisonner en termes de déficit, car la trajectoire tendancielle de la dépense publique est extrêmement sensible aux aléas extérieurs. L'inflation naturelle ou les règles d'indexation influent sur la tendance. Par exemple, une inflation prévue à 2 % génère une progression de la dépense plus forte qu'une inflation estimée à 1 %.

Dans le cadre collectif de notre réflexion, ce qui m'importe, c'est avant tout le rythme de croissance de la dépense publique et la manière dont nous parvenons à en ralentir la progression dans un certain nombre de secteurs. Par ailleurs, j'insiste sur la nécessité de se concentrer sur le déficit, c'est-à-dire sur l'équilibre entre les recettes et les dépenses, et pas seulement sur ces « milliards d'euros d'économies » que les Français ne pourront jamais observer dans leur vie quotidienne, puisqu'il s'agit d'un écart par rapport à une trajectoire qui n'est jamais advenue. Il ne s'agit pas d'une réduction de la dépense par rapport à l'année n-1, mais par rapport à un scénario contrefactuel qui, par définition, ne se produira jamais. C'est pourquoi il me semble plus lisible de parler en termes de déficit et de dynamique de dépense.

Enfin, vous m'avez interrogée sur les dotations aux collectivités territoriales, en particulier sur la DSIL, la DETR et le fonds vert. Je vous transmets, monsieur le rapporteur général, en temps réel et en continu, l'ensemble des décisions prises sur ces sujets. Je vous confirme donc qu'aucune mesure n'a été arrêtée de manière cachée ou subreptice qui empêcherait, par exemple, les préfets de tenir les commissions DETR ou DSIL comme prévu.

Quant au fonds vert, les crédits de paiement sont intégralement honorés. L'enjeu concerne les autorisations d'engagement. Là encore, des mesures de mise en réserve ont été prises. Je pourrai vous transmettre les éléments qui vous permettront de constater que nous ne remettons rien en cause sur le principe. Nous ne faisons qu'utiliser les outils qui sont à notre disposition dans le cadre du pilotage infra-annuel, uniquement dans les quantums qui sont autorisés par la Lolf et dans une transparence totale de ma part.

M. Dominique de Legge. - À la question du rapporteur général sur la LPM, je ne partage pas la réponse que vous avez apportée, madame la ministre. En effet, le budget de la défense participe largement au financement des surcoûts que vous avez évoqués. D'après les calculs que j'ai effectués, entre les gels, les suppressions de crédits et les dégels, il manquera 1 milliard d'euros à la fin de l'année.

Premièrement, s'agissant du report de charges, il s'élevait à 3,8 milliards d'euros en 2023 et a atteint plus de 8 milliards au début de l'année 2025. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour mieux piloter ce report de charges qui représente désormais 22 % du budget de la défense ?

Deuxièmement, le Gouvernement, par la voix de M. Jean-Noël Barrot, a affirmé, au mois de mai dernier, que l'objectif de consacrer 3 %, voire 3,5 %, du PIB à la défense était un objectif partagé par la France. Cela représenterait un effort supplémentaire d'au moins 25 milliards d'euros. Comment ce montant sera-t-il financé ?

Enfin, vous avez évoqué les dépenses dites « pilotables ». Or, nous étions nombreux hier au salon du Bourget. Plusieurs industriels nous ont confirmé que les commandes de l'État, en matière de défense, ne sont actuellement pas passées. Est-ce ainsi que le Gouvernement entend piloter les dépenses militaires ?

M. Michel Canévet. - Puisque nous abordons la loi de finances pour 2024, je tiens à souligner qu'elle constitue, pour les parlementaires que nous sommes, quasiment la pire année en période de crise. Le dérapage observé entre les prévisions de décembre 2023 et la réalisation en décembre 2024 est particulièrement préoccupant.

Nous avions formulé un certain nombre de propositions - vous avez évoqué l'Onaf et la lutte contre la fraude - pour rétablir la situation des comptes publics, en particulier dans le champ social, mais hélas, elles n'ont pas été retenues. J'espère que nous serons davantage entendus lors de l'examen du prochain projet de loi de finances. C'est absolument essentiel.

Nous sommes désormais à la moitié de l'exercice. Où en sommes-nous concrètement au regard des objectifs ? Vous avez mentionné un certain nombre de paramètres à prendre en compte. La prévision d'un déficit public à 5,4 % du PIB est-elle encore atteignable ?

Avec Raphaël Daubet, nous sommes rapporteurs spéciaux de la mission « Aide publique au développement ». La commission des finances a produit un rapport à la suite de l'enquête de la Cour des comptes sur les contributions multilatérales de la France. L'une des recommandations était de mettre en place un instrument de suivi de ces versements, afin de mieux anticiper et de rationaliser le processus. Cet instrument de pilotage sera-t-il opérationnel pour le projet de loi de finances pour 2026 ?

Par ailleurs, le fonds de solidarité pour le développement (FSD) qui était géré par l'Agence française de développement (AFD) a été rebudgété. Son affectation est principalement orientée vers les contributions multilatérales. Les crédits seront-ils en partie mis en réserve ou bien seront-ils, comme le Gouvernement l'a annoncé, strictement sanctuarisés ?

M. Bruno Belin. - Quel a été le coût, en milliards d'euros, de la loi spéciale, c'est-à-dire l'impact budgétaire de la censure ?

Ma deuxième question concerne la mission « Sécurités » dont j'ai la responsabilité. L'an passé, le budget de la gendarmerie s'est trouvé en grande souffrance au début du quatrième trimestre, notamment en raison de l'impact de la crise en Nouvelle-Calédonie et de l'engagement lors des jeux Olympiques. Cette situation a conduit à l'impossibilité de payer certains loyers. Les collectivités concernées en ont subi les conséquences : certaines d'entre elles se sont retrouvées avec des impayés à six chiffres. Qu'en sera-t-il en 2025 ?

M. Grégory Blanc. - Madame la ministre, j'ai écouté avec attention vos propos sur MaPrimeRénov'. Vous évoquez 20 % de fraude. Si tel est le cas, à quoi sert Mon accompagnateur Rénov' (MAR), dont la mission est d'accompagner, de structurer et de vérifier l'utilisation des fonds ? Ce dispositif a alourdi considérablement la procédure ; face à un tel niveau de fraude, comment comptez-vous le faire évoluer ?

Ma deuxième question concerne le pilotage. Les chefs d'entreprise ont besoin de stabilité et de visibilité sur les orientations. Or le Gouvernement semble avoir une idée par jour, et à la fin de la semaine, nous avons le tournis. Comment comptez-vous donner cette stabilité et cette visibilité aux acteurs économiques pour aborder au mieux la construction du budget 2026 ?

Ma troisième question porte sur 2024. Le HCFP, au vu de l'écart saisissant entre le prévisionnel et le réalisé, que nous avons tous constaté, évoque la nécessité de remettre sur l'établi la construction d'une loi de finances pluriannuelle conforme à la réalité des chiffres. Quelle est votre position sur ce point ? Nous ne savons plus quelle est la trajectoire pluriannuelle du pays, et il ne me semble pas vous avoir entendue sur ce sujet.

M. Pascal Savoldelli. - Madame la ministre, vous avez évoqué la question de la méthode. Le problème réside dans l'objet même de notre examen : les résultats de la gestion et l'approbation des comptes. Si une collectivité territoriale présentait un compte administratif comparable à celui que l'État nous présente, elle n'aurait plus de budget. Le moment est donc solennel.

L'écart sur le déficit public est énorme, avec un décret portant annulation de 10 milliards d'euros de crédits et un effondrement des recettes de 23 milliards d'euros, dont 14 milliards d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés. En dépit de raisonnements professoraux, et avec tout le respect dû à la pédagogie, l'exigence de visibilité s'impose, tant pour les parlementaires que pour nos concitoyens.

En tant que parlementaire, je m'interroge sur l'annonce d'une intervention du Premier ministre à la mi-juillet, qui se ferait en dehors de tout contrôle parlementaire. Après avoir assisté au débat sur la proposition de loi instaurant un impôt plancher de 2 % sur le patrimoine des ultrariches, la taxe Zucman, et entendu vos arguments, je souhaite que vous nous indiquiez quelles nouvelles recettes vous envisagez précisément d'introduire dans le projet de loi de finances pour 2026. Cette interrogation n'est pas personnelle ; elle est partagée par les Français, par les acteurs économiques et par les collectivités territoriales.

M. Pierre Barros. - Madame la ministre, vous parliez de transparence et de sincérité. Or la Cour des comptes a émis cinq réserves substantielles sur la certification des comptes, dénonçant des failles persistantes en matière de sincérité, d'exhaustivité et de régularité. Pire encore, les articles 7, 8 et 9 du projet de loi visent à réécrire rétroactivement les votes du Parlement sur les comptes de 2021, 2022 et 2023, en procédant à des affectations patrimoniales a posteriori pour, semble-t-il, effacer les rejets.

Comme l'évoquaient certains de mes collègues, si l'on fait l'analogie avec les procédures budgétaires des collectivités, qui s'appuient sur le compte administratif et le compte de gestion, un tel constat d'insincérité rendrait particulièrement délicat l'exercice de construction d'un budget.

S'agissant des collectivités, vous avez évoqué une stabilité des crédits de la DSIL et de la DETR. Ce n'est pourtant pas ce que j'entends des services de l'État dans mon département, où l'on observe un effondrement des crédits alloués aux collectivités pour accompagner des projets, souvent d'investissement, qui font tourner l'économie locale. Cette situation ne se limite malheureusement pas au seul Val-d'Oise. J'aimerais donc obtenir une confirmation de votre part sur ce point, car ces informations contredisent ce que nous entendons sur le terrain.

Ma dernière question portera sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), introduit en 2025, qui permet de récupérer 1 milliard d'euros, qui pèse pour 500 millions sur les communes, pour 210 millions sur les départements et pour 280 millions sur les régions.

À mi-année, parvenons-nous à en mesurer l'efficacité ? L'argent est-il rentré et dans quelles conditions ? Ce qui a été annoncé aux collectivités correspond-il à ce qui a été perçu ? Ce n'est pas si simple, car, lorsque nous discutons avec nos collègues élus, nous constatons que certaines collectivités assujetties n'en sont même pas informées.

Enfin, ce dispositif sera-t-il reconduit d'année en année ou s'agit-il bien, comme il a été conçu au départ, d'une mesure one-shot ?

M. Vincent Delahaye. - Madame la ministre, j'ai compris que vous n'étiez pas très enthousiaste au sujet du chiffre de 40 milliards d'euros, cité à de nombreuses reprises par le Gouvernement. Je souhaite que vous nous transmettiez une note expliquant la manière dont on parvient à cette somme.

De même, et c'est un minimum en matière de transparence, j'aimerais obtenir l'explication des 8 milliards d'euros de gel et des 5 milliards d'euros supplémentaires de surgel annoncés pour le début de 2025. Il importe que l'on nous expose comment ces montants sont calculés et pourquoi ces chiffres précis ont été retenus.

M. Thierry Cozic. - Madame la ministre, dans vos réponses au rapporteur général, vous avez fait état de votre volonté de ne pas seulement parler du passé, mais surtout de vous projeter vers le présent et l'avenir. Je souhaite donc revenir sur la taxe différentielle sur les hauts revenus, dont la mise en oeuvre constituait un engagement écrit du Premier ministre et aurait produit des recettes nouvelles pour le budget de l'État.

Je rappelle d'ailleurs les propos du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Éric Lombard, lors du débat budgétaire : « la pente naturelle du capitalisme, bien démontrée par Thomas Piketty, c'est que le capital s'accroît alors que la part qui va aux salariés n'augmente pas spontanément. » Il ajoutait que l'on n'y parvient pas si l'on ne baisse pas le rendement du capital. Des paroles aux actes, il me semble toutefois qu'il y a un monde.

Ma question est donc claire et fait écho à mon interpellation lors de l'examen de la proposition de loi sur la taxe Zucman : quelle suite comptez-vous donner aux dispositifs fiscaux sur lesquels le Premier ministre s'est engagé afin de rétablir plus de justice fiscale ? Quel en est le calendrier ? Si cet engagement n'était pas tenu, quel crédit accorder à la parole gouvernementale pour le prochain budget ?

M. Claude Nougein. - Ma première question concerne l'année 2024, qui a été marquée par une importante sous-exécution des crédits dédiés aux aides aux buralistes, de l'ordre de 25 %. La Cour des comptes a d'ailleurs souligné cette énorme erreur de prévision. Cette ligne budgétaire sera-t-elle mieux calibrée et plus en phase avec les estimations en 2025 ?

Ma seconde question porte sur la création de la foncière de l'État. La commission des finances du Sénat soutient ce projet, qui était inscrit dans le PLF pour 2025, mais a été censurée par le Conseil constitutionnel. Cette réforme nous permettait pourtant de réaliser 1 milliard d'euros d'économies chaque année par la réduction et l'amélioration des surfaces immobilières de l'État.

Que comptez-vous faire en 2025 ou en 2026 à ce sujet, sachant que des expérimentations ont été réalisées, notamment au ministère des finances ?

M. Hervé Maurey. - Madame la ministre, une commune de mon département m'a interpellé hier, car elle n'a pas obtenu le versement de la DSIL. Après m'être rapproché de la préfecture, il m'a été indiqué que Bercy n'aurait pas délégué les crédits nécessaires à la préfecture de région, ce qui empêcherait le préfet de département de répartir des fonds qu'il n'a pas reçus. Cette information est-elle exacte ? Si c'est le cas, que comptez-vous faire ? Cette situation place les communes et les entreprises dans une position très difficile.

Sur la préparation du budget 2026, lors de votre audition du 19 mars, vous aviez évoqué la nécessité de rechercher des économies par un examen, je vous cite, « ligne par ligne, budget base zéro ». Vous aviez conclu que cet « inventaire » permettrait de réaliser des économies. Peut-on savoir où en est cette démarche ? Nous n'avons aucune information sur le travail mené en la matière ; pouvez-vous lever le voile sur ce grand mystère ?

Toujours sur le budget 2026, le Premier ministre a semblé valider hier la proposition d'instaurer un dispositif proche de l'article 40 de la Constitution mais à destination des collectivités, qui interdirait de leur imposer de nouvelles normes sans ressources ni compensations. Cet engagement trouvera-t-il sa traduction dans le projet de loi de finances pour 2026 ?

Enfin, je réitère deux questions écrites restées sans réponse. La première, datant de décembre et adressée à votre prédécesseur, concernait l'Union des groupements d'achats publics (Ugap) qui, sur des marchés comme la plateforme Place (plateforme des achats de l'État), favorise les grandes entreprises au détriment de nos PME et de notre souveraineté. Un député a obtenu une réponse, mais j'attends toujours la mienne.

La seconde question, envoyée il y a quatre mois, porte sur le fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR). Des communes comme Ferrières-Haut-Clocher voient leurs contributions à ce fonds gelées sur la base de recettes passées de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (Ifer), recettes aujourd'hui disparues. Les compensations actuelles étant très loin du compte, pourra-t-on réexaminer ce sujet lors du PLF pour 2026 ?

M. Éric Jeansannetas. - Madame la ministre, je m'attarderai uniquement sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative », en évitant tout commentaire sur la gestion chaotique de ses crédits. Il s'agit de la plus petite mission en volume, mais elle a subi de fortes pressions en cette année olympique. Je n'évoquerai pas non plus le service civique, alors que le gel de 100 millions d'euros de crédits met en difficulté l'Agence nationale dédiée et oblige à réaffecter des crédits en projet de loi de finances pour assurer sa survie.

Je me concentrerai plutôt sur ce qui aurait pu constituer une source d'économies : le service national universel (SNU), pour lequel nous avions proposé la suppression de 100 millions d'euros. Ce dispositif mort-vivant revient régulièrement avec la perspective de sa généralisation, dont j'ai moi-même souligné la difficulté dans un rapport, sans même mentionner celui de la Cour des comptes, encore plus sévère sur sa quasi-inutilité.

Aucun des objectifs initiaux n'est atteint par ce dispositif très coûteux, dont les 100 millions d'euros serviraient bien plus utilement à des mécanismes qui fonctionnent, comme le service civique, lequel doit être ancré dans nos territoires et répond à une demande de la vie associative et sportive.

Ma question est donc simple : alors que 40 milliards d'euros d'économies sont recherchés, une réforme du SNU est évoquée. La généralisation serait abandonnée, mais un rapport de mai dernier mentionne un nouveau dispositif dont le coût passerait de 600 millions d'euros à 15 milliards d'euros. Qu'en est-il exactement ? Dans le contexte budgétaire serré qui est le nôtre, tout cela manque de lisibilité.

Mme Florence Blatrix Contat. - Je souhaite vous interroger sur le pilotage des crédits votés en loi de finances. L'exécution des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », dont je suis rapporteure spéciale, a été fortement perturbée par un décret d'annulation de 170 millions d'euros, compensé ensuite par des dégels de la réserve de précaution. Des nombreuses auditions que j'ai menées ressort un sentiment de gestion par à-coups, à la prévisibilité limitée, qui confère à l'exécution budgétaire pour 2024 des « aspects chaotiques ». Comment, à l'avenir, comptez-vous procéder pour assurer une exécution plus fluide et plus prévisible pour les administrations de l'État ?

Ma seconde interrogation porte sur le coût croissant des dépenses fiscales, estimé aujourd'hui à 83 milliards d'euros pour 2024, contre 70 milliards d'euros initialement. Cette orientation à la hausse est jugée alarmante par la Cour des comptes ; elle est d'autant plus préoccupante que des dispositifs importants comme le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ont disparu, ce qui laissait plutôt attendre une régression de ces dépenses.

Je rappelle les travaux d'Anne-Laure Delatte démontrant que, depuis 1979, la part des niches fiscales est passée de 1 % à 4 % du PIB, tandis que les subventions restaient stables à 2 %. Notre action publique a donc privilégié les exonérations fiscales au détriment des subventions, se privant ainsi d'un meilleur pilotage. Envisagez-vous d'agir sur ces niches fiscales ?

Mme Christine Lavarde. - Je reviens sur les travaux que nous avons menés concernant la réforme de la Lolf, adoptée en 2021. L'un de ses objectifs était de rendre l'ancienne loi de règlement plus lisible. Cet objectif ne me paraît pas atteint. En effet, sa rédaction, notamment celle de l'article liminaire, ne présente aucune donnée en valeur absolue, à l'exception de la dépense publique, mais uniquement des chiffres en pourcentage du PIB. Nos voisins européens procèdent différemment, en communiquant des données en masse, en milliards d'euros de déficit.

Par ailleurs, aucun tableau ne présente des résultats consolidés en double comptabilité, budgétaire et nationale, ce qui empêche toute comparaison aisée avec les chiffres de l'Insee. Pour autant, Eurostat et la Commission européenne fondent bien leur suivi financier des États membres sur la comptabilité nationale.

Enfin, l'article liminaire est le seul à donner une vision consolidée pour toutes les administrations publiques (toutes APU) ; la suite du texte n'offre qu'une vision à la maille de l'État. Dès lors, si ce format devait être conservé, il faudrait compléter l'article liminaire par des déclinaisons par blocs d'administrations publiques, à l'instar de ce que fait l'Insee. Cela permettrait des comparaisons utiles en comptabilité budgétaire et la lisibilité de l'ensemble en serait améliorée.

Mme Isabelle Briquet. - J'ai trois questions. La première concerne l'exercice 2025. Après la mise en réserve, le gel, le décret d'annulation et le surgel, un projet de loi de finances rectificative ne s'impose-t-il pas par souci de transparence ?

Ensuite, je partage les inquiétudes relatives aux dotations d'investissement pour les collectivités. Pouvez-vous nous assurer que la DETR, la DSIL bénéficieront bien aux collectivités et, singulièrement, que le fonds vert bénéficiera aux seules collectivités ? Selon mes informations, ce dernier dispositif, qui a pourtant été sensiblement réduit, ne leur serait pas entièrement affecté, alors que celles-ci étaient sa destination initiale. Une telle situation serait dommageable pour les investissements en matière de transition énergétique.

Enfin, l'éventualité d'une année blanche étant évoquée, j'aimerais savoir si cette mesure, si elle était retenue, s'appliquerait à la revalorisation des bases fiscales.

Mme Ghislaine Senée. - Il serait intéressant d'obtenir des réponses écrites à chacune de nos questions.

Vous concluiez votre propos liminaire en affirmant que poser les bons diagnostics permettait de prendre les bonnes décisions. Or vous avez omis de répondre à la première question du rapporteur relative aux responsabilités quant à la situation actuelle. Votre analyse m'intéresse, car un bon diagnostic permet précisément d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise.

Enfin, ma dernière question portera sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et à l'approbation des comptes de l'État. Ce texte fait apparaître en exécution une baisse de 4,2 milliards d'euros des dépenses ayant un impact favorable sur l'environnement et de 1,1 milliard d'euros de celles dont les impacts sont mixtes. Ne faut-il pas y voir un renoncement de notre pays à ses objectifs climatiques ?

M. Raphaël Daubet. - Je m'associe aux questions de mes collègues concernant la DSIL, au sujet de laquelle mon département est également dans l'expectative.

Concernant l'aide publique au développement (APD), sujet du rapport spécial que j'ai l'honneur de partager avec Michel Canévet, nous prenons acte que l'exécution de 2024 rend caduque la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui en fixait la trajectoire. Il apparaît donc nécessaire de la réactualiser en tenant compte de nos priorités stratégiques. Un débat sur ce sujet est-il envisagé ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - De nombreuses questions ont été posées. Il est très précieux pour moi de vous savoir dans ce rôle d'évaluation et de contrôle ; cela permet de rappeler à tous que la gestion de l'argent public impose de rendre des comptes.

Sur les enjeux de la défense, monsieur de Legge, je l'ai déjà indiqué, chaque année, en 2021, en 2022, en 2023 et en 2024, des crédits ont été ouverts en fin de gestion afin de tenir les engagements des lois de programmation, des opérations extérieures et les autres engagements pris par la défense. Je suis une ministre responsable, tout comme le ministre des armées, et nous faisons de notre mieux pour payer durant l'année les dépenses couvertes par les crédits déjà ouverts, tout en préparant cette fin de gestion dans un cadre budgétaire contraint. En temps voulu, je ferai preuve d'une totale transparence, mais nous ne renonçons à rien dans les lois de programmation comme dans les programmes.

Ce n'est pas parce que les commandes se feraient moins vite que prévu que nous pilotons la dépense. En revanche, les services votés ont causé du retard. J'ai procédé à un premier dégel de 650 millions d'euros à la fin du mois d'avril et au tout début du mois de mai, un autre devrait intervenir dans les prochaines semaines pour que les programmes se déploient. Nous ne pratiquons donc pas de pilotage caché pour limiter les dépenses ; les crédits du ministère de la défense sont connus, ils seront respectés et les engagements pris seront tenus.

Évidemment, il nous faut limiter les reports de charges. Le programme est très complexe, puisqu'il s'agit d'autorisations d'engagement qui conduisent ensuite à des crédits de paiement dont nous ne connaissons pas exactement la date de versement. C'est le seul programme qui est construit ainsi, car si l'État se pilote, pour le dire de manière triviale, comme un compte de trésorerie, avec des entrées et des sorties brutes, les armées établissent, quant à elles, une programmation pluriannuelle de très long terme.

Pour preuve, dans la loi de programmation militaire actuelle, le reste à payer à la fin de la programmation se chiffrera encore en plusieurs dizaines de milliards d'euros, ce qui montre que nous sommes engagés dans des trajectoires de très longue durée. Je veux vraiment vous rassurer : il n'y a pas d'agenda caché à Bercy. Au contraire, nous accompagnons les démarches pour que les crédits annoncés soient versés ; c'est un enjeu de souveraineté. Je me bats pour notre souveraineté financière ; il serait baroque que j'empêche notre souveraineté géopolitique et stratégique d'advenir.

Monsieur Canévet, j'ai déjà répondu sur le chiffre de 5,4 %. S'agissant du FSD, je peux vous confirmer que nous n'avons pas d'agenda caché visant à le raboter. Nous avions pris un engagement de rebudgétisation, puisque la Lolf ne nous permettait pas de continuer à affecter cette taxe comme elle l'était, mais nous n'avons pas prévu de réduire les montants qui lui sont alloués.

L'impact budgétaire de la censure s'élève d'abord à 6 milliards d'euros d'effets directs, dus à la chute de la croissance et à une moindre activité par manque de perspectives. À cela s'ajoutent 6 milliards d'euros de moindres économies. Certaines mesures que nous entendions prendre ne l'ont été que très tardivement, voire pas du tout, car elles sont tombées dans le cadre du processus, et un certain nombre de coûts n'ont pas pu être rattrapés. C'est pour cette raison que nous avons dégradé notre objectif, qui était initialement de 5 % de déficit, à 5,4 % : il était impossible, sur seulement dix mois d'année budgétaire, de compenser ces pertes sèches. On peut donc considérer, comme cela a été dit plusieurs fois, que le coût de la censure atteint 12 milliards d'euros.

L'incertitude qui a découlé de l'absence de majorité absolue est, en outre, l'un des éléments qui expliquent la hausse du taux d'épargne et le moindre investissement, mais les chiffres que je vous donne ici sont des coûts directs, que nous savons mesurer, et sont déjà très importants.

Les impayés de loyers relèvent de ce que j'appelle la sincérisation de l'exécution budgétaire. Nous avons divisé par deux les reports dans les ministères : ils s'élevaient à 8 milliards d'euros en entrée 2024, ils sont de 4 milliards d'euros en entrée 2025, et je souhaiterais qu'en 2026, nous les divisions à nouveau par deux. Je rappelle qu'avant la crise du covid, sur le strict périmètre des ministères, les reports étaient de moins de 1 milliard d'euros par an. Il me semble qu'il serait de bon aloi, y compris pour le suivi de l'exécution par les parlementaires, d'en revenir à ce niveau. Une manière de régler cet enjeu des reports est que les dettes soient payées par tous en temps et en heure.

Nous avons aussi beaucoup de dettes hospitalières vis-à-vis des Urssaf et des impôts. Tout cela n'est pas très sérieux. Nous essayons de rappeler à tous qu'il faut payer ses factures à temps, en particulier quand on les doit à d'autres acteurs publics. Nous pilotons cela très précisément.

La question de M. Blanc sur le dispositif MonAccompagnateurRénov est pertinente. Une solution a été apportée à un problème identifié, sans que l'on soit assuré qu'elle l'ait résolu. En effet, certains Accompagnateurs Rénov' adoptent des pratiques pour le moins étonnantes, se trouvant parfois à des centaines, voire à des milliers de kilomètres des chantiers qu'ils suivent. L'accompagnement effectif de terrain s'apparente donc dans certains cas à un simple effet d'annonce. Il s'agit de l'un des points sur lesquels Mme la ministre chargée du logement est susceptible de formuler des propositions dans notre plan de suivi.

Cela ne signifie pas que tous les accompagnateurs soient en cause. Comme dans tout domaine, certains professionnels accomplissent leur mission avec excellence, tandis que d'autres se montrent moins performants. Il importe de s'assurer que la dépense publique puisse être suivie, évaluée et, enfin, défendue.

Je partage pleinement votre exigence de clarté, de stabilité et de lisibilité pour les acteurs économiques. Certains points peuvent être affirmés sans détour : la surtaxe d'impôt sur les sociétés n'existera plus en 2026. Ce gouvernement n'a nulle intention de recourir à une baguette magique fiscale pour combler des écarts dont la cause est la hausse de la dépense, laquelle progresse à des rythmes très supérieurs à ceux de la croissance. Dépenser structurellement plus que sa croissance signifie dépenser structurellement plus que ses recettes. D'aucuns diront qu'il nous faut des recettes ; d'autres, dont je suis, estiment que l'on pourrait commencer par réduire la hausse de la dépense. Je le dis et le redis aux acteurs économiques, ce gouvernement entend préserver les facteurs qui concourent à la compétitivité, à l'innovation et à l'emploi ; en un mot, tout ce qui contribue à la croissance de notre PIB.

L'équation budgétaire s'améliore si notre taux d'emploi et notre productivité augmentent. Si le modèle économique de certains acteurs repose sur la subvention publique, sans productivité ni efficacité économique à la clé, leur inquiétude est légitime, toutefois, comme l'immense majorité d'entre eux opèrent avec des modèles économiques viables, notre but est de préserver et d'encourager cette viabilité, car ce sont nos emplois, notre compétitivité et nos exportations qui sont en jeu.

S'agissant de la loi de programmation des finances publiques, j'ai indiqué que le Premier ministre présenterait une trajectoire pluriannuelle. Nous disposons déjà, par ailleurs, d'une telle trajectoire, présentée à nos partenaires européens, qui vise un retour à 3 % de déficit en 2029. Celle-ci matérialise nos engagements, lesquels ne sont pas pris à la légère puisqu'ils le sont devant nos partenaires européens et, par conséquent, devant nos créanciers, la garantie de notre monnaie constituant un élément clé de notre crédibilité.

Monsieur Savoldelli, si votre manière de l'exprimer est personnelle, je vous rejoins sur un point essentiel : une collectivité ou un ménage qui se trouverait dans cette situation serait confronté à de très grandes difficultés, voire pourrait perdre sa capacité à décider par lui-même. Soit nous sommes capables de faire nos propres choix pour remettre notre pays sur la voie de la souveraineté et du contrôle budgétaire, par des décisions prises démocratiquement ; soit d'autres prendront les décisions à notre place, lorsque ceux qui nous financent, c'est-à-dire nos créanciers, l'imposeront. C'est d'ailleurs ce qui se produit pour un ménage surendetté : des tiers décident pour les adultes responsables du foyer de ce qu'il est possible de faire ou non.

Si nous ne sommes pas crédibles, ce ne sera plus le Parlement qui, de manière autonome, prendra des décisions et fera des choix ; ce seront la contrainte et la pression financières, c'est-à-dire nos créanciers extérieurs. Ce seront aussi les Français eux-mêmes, qui, je le rappelle, financent largement la dette via l'assurance vie.

Nous observons que dans des pays comme les États-Unis cette confiance est aujourd'hui mise à l'épreuve, alors que nous avons tous appris dans les livres que le dollar était une valeur refuge et que le marché obligataire américain était stable et profond. Nous l'avons constaté aussi au Royaume-Uni lors de la présentation des premiers budgets du gouvernement de Mme Truss. La situation est fragile. Je vous rejoins donc sur un point : nous devons être particulièrement déterminés à décider par nous-mêmes, afin de ne pas laisser la pression des marchés nous imposer des choix que nous ne voudrions pas faire.

Je fais le lien avec d'autres questions relatives aux recettes pour 2026. Je le rappelle, nos dépenses représentent l'équivalent de 57 % du PIB, pour 51,3 % de recettes. Ce taux de recettes est un majorant, voire un record en Europe. Chacun peut imaginer de nouvelles recettes, mais il me semble que cela nous placerait dans une situation où nous conserverions les dépenses les plus élevées, nous aurions peut-être davantage de recettes, mais nous maintiendrions notre déficit.

Mon intuition, et même ma conviction, est que, lorsque les recettes atteignent 51,3 % et les dépenses 57 %, on ne peut affirmer que la solution réside uniquement dans les recettes, et qu'il n'y a rien à faire du côté de la dépense, car un tel niveau me paraît trop lourd. Je le rappelle, le consentement à l'impôt des Français est aujourd'hui fragile. Accroître les recettes alors que le consentement à l'impôt est fragile reviendrait à s'assurer de sa disparition. Je ne souhaite donc pas que notre choix collectif se porte sur une hausse des impôts qui pèserait sur les PME, sur les classes moyennes ou sur les classes populaires.

Je souhaite toutefois avancer dans certains domaines, comme les petits colis asiatiques, qui nous coûtent des fortunes et dont 80 % sont non conformes. Cela a été annoncé. J'entends évidemment que toutes les plateformes respectent pleinement et entièrement nos règles et nos charges sociales et je souhaite renforcer la lutte contre la fraude. Ce sont là des sources de recettes. Vous êtes certes les législateurs, mais il ne me semble pas que notre pays ait besoin d'une potion fiscale transversale et massive qui serait, à mon sens, contre-productive.

Concernant la sincérité et la certification des comptes par la Cour des comptes, je vous confirme avoir lu très attentivement son rapport et j'ai rencontré son Premier président. Nous avons engagé un travail très approfondi avec le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) afin de nous accorder enfin avec la Cour sur la manière de comptabiliser les amortissements de matériel militaire et sur un certain nombre d'autres points qui sont en débat depuis des années.

Des enjeux de droit, de normes et d'application s'imposent ; je suis très sérieusement engagée sur ce sujet et j'ai demandé que nous ayons une vision claire des différends que nous pouvons résoudre dès cette année et, si ce n'est pas possible, que nous définissions la trajectoire pour ce faire. Il me semble que la certification de nos comptes par la Cour et la définition des bonnes méthodes pour y parvenir constituent un élément de confiance absolue.

S'agissant des collectivités, vous avez été nombreux à m'interroger. Je vous confirme qu'il n'y a aucun blocage de crédits par Bercy. Tous les crédits ont été délégués, à l'exception de la mise en réserve de 5,5 % sur les dépenses hors masse salariale et de 0,5 % sur la masse salariale. L'ensemble des crédits a été délégué aux ministères, qui les répartissent ensuite. Je ferai le point avec M. Retailleau pour comprendre comment, dans les circuits budgétaires du ministère de l'intérieur, les crédits ont été répartis avec la direction générale des collectivités locales (DGCL) et les services de l'administration territoriale de l'État. Vous savez que la DSIL a été ajustée au montant de l'année dernière retranchée des 145 millions d'euros qui ont été réaffectés à la dotation globale de fonctionnement (DGF), un choix confirmé par la commission mixte paritaire. Je n'ai cependant connaissance d'aucune révision majeure des montants. Une mise en réserve de ces sommes est toujours pratiquée, mais elle ne devrait nullement affecter ce que vous signalez, à savoir la capacité des communes à être suivies.

Le Dilico a été notifié et prélevé dans les différentes communes, sans que j'aie été informée de difficultés particulières. Nous avons pris l'engagement de communiquer aux collectivités les éléments pour les trois prochaines années. Il s'agit d'une forme de modération de la dépense qui, d'ailleurs, se traduisait par une moindre croissance début 2025 par rapport à fin 2024. Pour autant, nous n'avons pas encore validé la manière dont nous bâtirons le budget, notamment pour ce qui concerne les collectivités, pour 2026.

Monsieur Delahaye, je dis simplement que ces milliards d'euros sont des sommes que les Français ne peuvent pas toucher du doigt, liées à une dépense qui n'a jamais eu lieu. C'est pourquoi j'estime que, dans le débat public, il est préférable de parler en déficit, en écart d'une année sur l'autre en points de PIB. Il me semble que ce chiffre est mieux compris. Cela ne signifie pas que nous ne travaillons pas sur ces montants, mais ces 40 milliards d'euros ne correspondent, dans le débat public, à aucune mesure que les Français constateront. Entre nous, nous pouvons nous comprendre, mais un déficit de 4,6 %, qui évoque un étiage au niveau duquel la dette n'augmente plus constitue, à mon avis, la boussole que nous pouvons suivre.

Les 8 et 5 milliards d'euros d'annulation et de surgel correspondent à ce que nous faisons en comité d'alerte : nous identifions nos risques et nos aléas. Quand les aléas deviennent des risques avérés, nous prenons des mesures. La mise en réserve de 8 milliards d'euros correspond à l'application stricte de la règle des 5,5 % des crédits hors masse salariale et 0,5 % des crédits de masse salariale. Nous avons mis cette somme de côté. Ensuite, sur ces 8 milliards d'euros, nous en avons annulé 2,5 milliards en raison d'un risque avéré de dérapage d'une somme équivalente. Nous avons rechargé cette réserve du même montant après l'annulation. Le 26 juin prochain, nous présenterons de nouveau une vision claire de notre situation, des aléas et, par conséquent, des mesures que nous prenons.

Concernant les engagements qui ont permis cet accord collectif de non-censure, je peux vous assurer que le Premier ministre est un homme de parole. Le Gouvernement travaille et nous avons formulé un certain nombre de propositions qui sont soumises à son arbitrage et dont il pourra, le moment venu, présenter la mise en oeuvre de celles qu'il souhaite retenir. Plusieurs options sont possibles. Mon objectif n'est cependant pas de créer de nouveaux impôts ni d'augmenter les impôts des Français qui les paient conformément aux règles ; il est de combattre les suroptimisations volontaristes et abusives des revenus fiscaux de référence, via des mécanismes de mise de côté des revenus dans des holdings. Nous le savons, ceux-ci contribuent à une forme d'échappement à l'impôt, potentiellement sur de très longues années. Il en va de même des transmissions entre générations sans que des impôts soient payés. Lors des contrôles fiscaux, les contrôleurs observent un certain nombre de situations de ce type. Il existe plusieurs manières de traiter ce phénomène, le Premier ministre rendra ses arbitrages conformément aux engagements qu'il a pu vous présenter.

Monsieur Nougein, j'ai participé à distance au congrès des buralistes. J'y ai annoncé que les dispositifs seraient rendus pleinement efficaces. Nous avons rouvert un certain nombre de guichets pour que les intéressés puissent bénéficier des aides, soit à la conversion, soit à l'extension des dispositifs de soutien aux buralistes ayant une activité saisonnière. Nous allons mieux lisser les effets de seuil, relancer la campagne de déclaration et, en parallèle, lutter plus efficacement contre la contrebande.

Je vous invite, monsieur le sénateur, si vous le souhaitez, à venir jeudi prochain au ministère, j'y présenterai, en lien avec l'Onaf, les résultats de l'opération Colbert de lutte contre le trafic de tabac, qui sont importants en volumes et en montants. Les buralistes, du reste, soutiennent ce plan.

Votre autre question portait sur la foncière de l'État. Je défends pleinement ce projet ; j'ai d'ailleurs demandé aux équipes que nous en portions l'ambition un peu plus loin et que nous nous inscrivions dans une logique réelle de valorisation du patrimoine immobilier de l'État, mais aussi de celui des opérateurs, de la sécurité sociale, de certaines universités, et potentiellement de certaines collectivités qui le souhaiteraient.

Les Français, par leurs impôts, nous ont collectivement permis de nous constituer un patrimoine immobilier. Il me semble essentiel que celui-ci soit valorisé et produise un rendement. Nous devons faire de la promotion immobilière, de la construction de logements, en particulier pour les agents publics, sur le foncier de l'État. Dans vos départements, les cités administratives disposent souvent de grands parkings en centre-ville avec quelques bâtiments plus ou moins denses. Ces terrains peuvent, par exemple, faire l'objet de constructions pour loger nos jeunes agents publics, nos infirmières, nos aides-soignantes, nos pompiers, nos douaniers, nos policiers. C'est une manière utile de servir l'intérêt général, de participer au logement de nos agents publics, à la construction et à la meilleure valorisation du foncier public. J'y travaille avec une ambition élargie.

Monsieur Maurey, je l'ai indiqué, la délégation de crédits pour la DSIL a été effectuée. Je vais m'enquérir de la situation auprès du préfet, mais je n'ai donné aucune instruction budgétaire visant à ralentir quoi que ce soit en la matière. Des enjeux de répartition peuvent exister, mais il n'y a pas de blocage à ma connaissance.

Concernant les économies, je mène actuellement les entretiens budgétaires : je reçois tous mes collègues ministres pour dresser avec eux le bilan de l'ensemble de leurs politiques, pour déterminer ce qui est prioritaire, pour choisir ce qui doit être réformé et pour identifier les gisements d'économies pour 2026, ou pour la période 2026-2028. Comment nous réorganisons-nous, pour faire le lien avec la commission d'enquête présidée par le sénateur Barros et dont Mme Lavarde est rapporteure, afin d'avoir une organisation plus claire et de fournir les services publics aux Français de manière plus efficace ? Ce travail est en cours, et c'est sur cette base que je présenterai au Premier ministre, pour arbitrage, une méthode pour préparer le prochain budget et les budgets des années à venir.

Sur le fameux article 40 applicable pour le champ d'intervention des collectivités territoriales, je suis très favorable à une forme d'accord entre l'État et les collectivités : une moindre dynamique des recettes perçues par les collectivités doit s'accompagner d'une moindre dynamique de leurs dépenses contraintes par l'État. Boris Ravignon avait estimé ces dépenses peu utiles s'imposant à elles à plus de 7 milliards d'euros. Certaines normes ont déjà été supprimées et un travail très assidu est mené par Gilles Carrez au Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) ainsi que par Boris Ravignon ; il se poursuit.

Nous avons également observé des délais de mise en oeuvre parfois totalement illusoires, qui coûtent très cher, que personne ne peut financer et qui aboutissent à ce que tout le système s'effondre : comme les délais sont intenables, une opposition se manifeste, non plus au délai, mais à la mesure elle-même. J'estime qu'il vaut parfois mieux se donner un peu plus de temps et conserver la mesure, plutôt que de voir certains éléments disparaître purement et simplement du droit.

S'agissant de l'Ugap et de Place, nous allons vous répondre, monsieur le sénateur. J'ai pris des mesures fortes, au vu des éléments portés à ma connaissance, pour que nous rouvrions l'appel d'offres de ce segment, qui a fait beaucoup de bruit. Une mission de l'inspection générale des finances est en cours sur les coûts des centrales d'achat. Pour autant, notre droit de la commande publique permet d'acheter beaucoup de choses en dehors des règles formelles si le montant est inférieur à 40 000 euros pour les achats ou à 100 000 euros pour les travaux. Les petites collectivités se trouvent souvent très en deçà de ces montants. Nul ne les oblige, pour des achats du quotidien, à en payer deux ou trois fois le prix alors qu'elles n'encourent aucun risque juridique à procéder autrement.

Je souhaite que l'on soit également plus clair sur ce qu'est la commande publique et sur la protection qu'elle offre aux citoyens contre les risques de favoritisme, entre autres.

Le deuxième élément de votre question concerne les PME et la souveraineté. Je peux vous assurer que je travaille très activement avec la direction des achats de l'État pour que nous évoluions, en lien avec le droit européen. La France est en pointe pour le faire évoluer, en acceptant la préférence européenne et en introduisant des clauses pour les PME, avec une sorte de Small Business Act ou un Buy European Act, comme les Américains le pratiquent depuis longtemps sans être considérés comme des acteurs hostiles à la concurrence.

Je reviendrai en détail avec vous sur le FNGIR. Par définition, vous êtes souverains sur le budget, vous avez donc la capacité d'agir.

Concernant le SNU et le service militaire volontaire, j'admets que la lisibilité est faible. Que le Président de la République, en particulier dans le cadre de la loi de programmation militaire, remette en avant des mécanismes identifiés et fonctionnels d'engagement, de réserve, de mobilisation de la jeunesse et d'insertion me semble être une bonne chose. Nous y travaillons actuellement en interministériel et j'espère que nous pourrons présenter tout cela rapidement à l'ensemble des intéressés, et à la Nation entière.

Concernant la gestion par à-coups, madame Blatrix Contat, je suis entièrement d'accord avec vous, c'est pourquoi la préparation du budget 2025 a été très différente : nous avons demandé à chaque ministère de constituer une réserve connue, qui est devenue interministérielle et qui ne sera dépensée que si la conjoncture le permet ou si de réels aléas exigent qu'un ministère reçoive un supplément de crédits. En procédant ainsi, on évite de donner et de reprendre plusieurs fois dans l'année au risque de rendre le système illisible et, honnêtement, désespérant pour ceux qui le gèrent.

Concernant les dépenses fiscales, vous savez que j'ai annoncé une action portant en particulier sur deux types de dépenses fiscales, nous y travaillons avec des parlementaires.

Les premières sont les très petits montants, parfois plus coûteux à contrôler et à gérer qu'à verser. Quand j'étais députée, j'avais mené un travail sur les dépenses fiscales bénéficiant à moins de dix contribuables, que nous pourrions renouveler. Pour certaines très petites niches, il pourrait être pertinent de verser directement une subvention aux quelques acteurs concernés.

Le deuxième type de niches fiscales que j'examine concerne celles qui sont très dynamiques et dont la croissance excède largement la croissance économique ou celle des dépenses publiques classiques. Cela révèle un risque de manque de pilotage et de contrôle, et parfois de purs effets d'aubaine, très détachés des intentions initiales ayant présidé à la mise en place de ces dispositifs. Je souhaite étudier cela avec vous, parce que les dépenses fiscales sont souvent mieux étudiées par les parlementaires que par les ministères.

Madame Lavarde, je suis pleinement d'accord avec vous sur la manière de faire évoluer la présentation de ce projet de loi de résultats et je suis intéressée par toutes les évolutions concrètes que votre commission souhaiterait nous proposer. J'estime qu'il est préférable de parler en milliards d'euros et en éléments lisibles sur la dépense et de faire en sorte que les éléments exposés soient comparables. L'approche par la comparabilité entre dépenses budgétaires et comptabilité nationale me semble donc être une excellente idée.

Madame Briquet, s'agissant d'un éventuel projet de loi de finances rectificative (PLFR), nous en présenterions un si nous excédions les bornes fixées par la Lolf. Aujourd'hui, avec 2,5 milliards d'euros d'annulations et autant de surgel, nous sommes largement en deçà de ce seuil. Le but des comités d'alerte est que vous soyez associés, en toute transparence, à la visibilité de notre action. Tous les éléments sont transmis à votre président et à votre rapporteur général, qui sont des vigies exigeantes et précises, comme vous le savez, et qui s'assurent que nous restions bien dans l'étiage en question.

Sur le fonds vert, il y a eu une mise en réserve, comme partout ailleurs, mais nous finançons des objectifs, parfois via les collectivités, parfois via d'autres mécanismes. Là aussi, il n'y a pas d'agenda caché.

Sur l'année blanche, son sens éventuel, son application, son lien avec les bases fiscales relèvent de débats que les parlementaires alimentent. Certains d'entre eux nous ont demandé de chiffrer le bénéfice ou le coût de telle ou telle mesure. Si vous souhaitez que nous examinions ce que signifierait un gel des bases fiscales pour les différentes strates de collectivités, nous pouvons tout à fait le faire. Mon équipe et moi-même y sommes ouverts.

Non, madame Ghislaine Senée, nous ne renonçons aucunement à nos objectifs climatiques. Dans la construction du budget 2026 et dans les échanges que j'ai avec les ministres, je souhaite au contraire que nous soyons très clairs sur les dépenses dites « brunes » et « vertes ». Agnès Pannier-Runacher porte un projet que je trouve intéressant : comparer les recettes générées au titre des malus, par exemple, avec les dépenses engagées pour la transition écologique, afin de nous assurer d'une forme de comparabilité et de lisibilité. Je sais que Mme Lavarde y travaille activement, nous pouvons sans doute nous réunir largement sur cette question, qui concerne notre avenir en tant qu'êtres humains sur la planète.

Enfin, monsieur Raphaël Daubet, concernant l'aide publique au développement, la trajectoire doit évidemment être sincère et lisible. Cela fait partie du fameux cadre pluriannuel que je souhaite que nous présentions dans le projet de loi de finances pour définir des caps qui dépassent une seule année.

J'ai essayé de répondre de manière exhaustive, je vous remercie pour la précision de vos excellentes questions, qui montrent que nous pouvons répondre à l'exigence démocratique : rendre tout cela lisible pour ceux qui y travaillent toute la journée, c'est-à-dire pour vous, comme pour les Français, qui paient des impôts et qui attendent de nous que nous gérions bien la ressource publique.

M. Claude Raynal, président. - Merci de votre participation, madame la ministre.

III. EXAMEN EN COMMISSION (18 JUIN 2025)

Réunie le mercredi 18 juin 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.

M. Michel Canévet, président. - Nous examinons ce matin le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024 a été rejeté par l'Assemblée nationale pour la quatrième année de suite, mais à la différence de l'an dernier, nous pouvons l'examiner suffisamment tôt.

Je dirai d'abord un mot de la situation économique et des finances publiques dans leur ensemble.

La croissance de l'activité en France a diminué en 2024. Là où l'Insee l'estime à 1,4 % en 2023, elle est de 1,2 % en 2024. C'est un peu mieux que la prévision avancée par Bruno Le Maire en février 2024, mais moins bien que ce que prévoyait le Gouvernement dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 : 1,4 %. Cet optimisme concernant la prévision de croissance avait bien été souligné par notre commission, de même que son impact sur les recettes : « le plus probable », écrivions-nous alors, « est que la croissance soit inférieure à 1,4 % et que, conséquemment, les recettes soient également inférieures » aux prévisions.

C'est une performance supérieure à celle qui a été enregistrée au niveau de la zone euro dans son ensemble, qui est de 0,9 %. Mais il faut préciser que ce taux a fortement pâti de la récession allemande. L'Espagne, par exemple, a fait beaucoup mieux que la France, avec une croissance de 3,2 %.

L'activité a évolué sous l'influence de vents contraires.

D'une part, l'investissement a reculé sous l'effet de la contraction passée de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) et de la hausse du climat d'incertitude né de la dissolution de l'Assemblée nationale, tandis que la consommation des ménages, ralentie par le poids de l'inflation et la lenteur du rattrapage des salaires réels, a été peu porteuse. D'autres facteurs ont pesé, comme le mauvais niveau des récoltes, qui a affecté la croissance à hauteur de 0,2 point selon l'Insee.

L'activité a surtout été portée par la demande publique, c'est-à-dire largement, en pratique, le déficit, et par l'amélioration de la balance commerciale. Que la demande publique ait contribué à hauteur de 0,6 point à la croissance, en ces périodes de déficit élevé, ne peut manquer d'interroger. Par ailleurs, l'amélioration de la balance commerciale, même si elle est contrecarrée par un mouvement de déstockage des entreprises, est une perspective encourageante. Elle s'explique certes, pour une part, par une baisse des importations, qui est la contrepartie d'une consommation intérieure atone, mais pour une part plus importante encore par une hausse franche des exportations. J'attire votre attention sur un point : si la balance commerciale s'est améliorée, elle demeure déficitaire.

Une fois évoquées ces considérations relatives à l'activité en 2024, je reviens sur le trait marquant de cette année : après avoir enregistré en 2023 le niveau de déficit public le plus élevé de la Ve République hors période de crise, notre pays a battu ce triste record en 2024.

La prévision de déficit public était de 4,4 points de PIB lors de la loi de finances initiale (LFI) pour 2024. Elle est passée à 5,1 points lors de la présentation du programme de stabilité, puis à 6,1 points lors de l'examen du PLF de fin de gestion pour 2024, avant de passer à 6 points dans le PLF pour 2025. Finalement, le déficit exécuté s'est élevé à 5,8 points de PIB. Il s'agit donc d'un écart de 1,4 point de PIB par rapport à la prévision, soit environ 41 milliards d'euros...

Nous avons fourni des éléments d'explications de ce qu'on ne peut plus appeler un dérapage, mais plutôt une plongée en eaux troubles, dans les conclusions de notre mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023. Les facteurs sont multiples, mais j'en pointerai trois, que nous avons largement soulignés : un effet du dérapage de 2023 sur 2024 ; un optimisme des prévisions de croissance pour 2024 et des erreurs sur la composition de la croissance ; enfin, un manque de volonté politique tout au long de l'année 2024.

Ces facteurs ont eu des effets à la fois sur les recettes et sur les dépenses.

Je commencerai par les recettes.

D'abord, toutes administrations confondues, le faible niveau de recettes en 2023 s'est répercuté, par un effet de reprise en base, sur 2024, avec un effet de moins-value de 18 milliards d'euros selon le Gouvernement. Au-delà de cette reprise en base, les mécaniques spécifiques de certains impôts ont accentué l'effet de l'exécution de l'année 2023 à hauteur de 11 milliards d'euros.

Ensuite, la révision du scénario macroéconomique a eu un effet double. Selon le Gouvernement, la révision du niveau de croissance lui-même a entraîné une moins-value de 7 milliards d'euros sur les recettes, tandis que l'erreur de prévision sur la composition de la croissance s'est traduite par une élasticité des prélèvements obligatoires plus faible qu'anticipé, avec un effet de 9 milliards d'euros à la baisse.

Concernant les dépenses, par rapport à 2023, celles-ci ont été contenues du côté des administrations centrales grâce notamment à la disparition de mesures de crise. En particulier, les prévisions de dépenses entrant dans le périmètre de dépenses de l'État ont été minorées de plus de 7 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale. Elles ont en revanche été plus élevées que prévu pour les collectivités, avec 330 milliards d'euros, contre 322 milliards anticipés dans le PLF 2024.

Mais c'est la dépense des administrations de sécurité sociale qui a le plus augmenté par rapport à la prévision, avec 777 milliards d'euros au lieu de 761 milliards, en raison notamment du dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et de la revalorisation des retraites en fonction de l'inflation passée. La hausse des prestations et transferts versés par les administrations de sécurité sociale (Asso) représente ainsi plus de la moitié de la hausse de la dépense publique en 2024.

Ces données sont toutefois à mettre en parallèle avec celles relatives au déficit public, dont on voit bien qu'il continue d'être porté majoritairement par l'État. C'est d'ailleurs une constante depuis 2017. Et par rapport à 2019, c'est bien l'État qui est responsable de la dégradation de notre situation budgétaire.

À la différence de l'an dernier, ce déficit inédit a bien creusé le ratio d'endettement, qui repart à la hausse, avec 113,2 % du PIB en 2024. En effet, contrairement à ce qu'on observait en 2023, la croissance nominale, du fait d'une baisse de l'inflation, n'est plus suffisamment forte pour, par elle-même, faire diminuer ce ratio. Cet endettement est également principalement porté par l'État.

Concernant la situation des finances publiques dans son ensemble, je ne peux terminer sans dire un mot de la charge de la dette qui, dans le meilleur scénario - à savoir un respect de la trajectoire de finances publiques prévue par le plan structurel et budgétaire de moyen terme - tutoierait les 100 milliards d'euros en 2028.

Lorsque nous l'avons entendu sur la loi de résultats, le premier président de la Cour des comptes nous avait alertés à ce sujet : il suffirait d'un écart même faible avec ce scénario pour que la hausse de la charge de la dette augmente de façon importante. Je pense que cela doit tous nous préoccuper et nous conduire à aborder l'examen du budget 2026 avec la plus grande détermination.

J'en viens à présent aux comptes de l'État, dont l'approbation est, comme chaque année, l'objet principal du projet de loi que nous examinons.

Le déficit budgétaire constaté pour 2024 s'élève à 155,9 milliards d'euros, en amélioration de 17 milliards d'euros par rapport à 2023. Toutefois, il s'agit d'un niveau supérieur de 9 milliards d'euros au montant de 146,9 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale pour 2024, même si la loi de finances de fin de gestion avait anticipé un déficit encore plus élevé, à 162,4 milliards d'euros.

L'amélioration du solde entre 2023 et 2024 est d'abord due à une diminution des dépenses nettes de 13 milliards d'euros. Il est toutefois difficile de parler de bonne nouvelle, lorsque le déficit reste d'un niveau que je qualifie d'extrême depuis quelques années, car 150 milliards d'euros, c'est un seuil absolument considérable : imaginez que, même en supprimant « magiquement » toutes les dépenses de l'enseignement scolaire et des armées, le budget serait toujours en déficit.

L'examen de l'évolution du déficit budgétaire entre 2007 et 2024 souligne la lenteur de la décrue du déficit, après l'explosion de celui-ci qui a été causée par les mesures de restriction prises en 2020 pendant la crise sanitaire. Après la crise financière de 2009 et 2010, au contraire, la pente était remontée beaucoup plus vite.

Il ressort de l'évolution, corrigée de l'inflation, des recettes et des dépenses du budget général entre 2017 et 2024 que le budget est de plus en plus écartelé, comme dans un supplice raffiné, entre des dépenses qui ont augmenté de 10,5 % depuis 2017 et des recettes qui, elles, ont diminué de plus de 8 %. Toutes ces courbes sont exprimées en euros constants.

On ne peut donc pas opposer ceux qui disent que la dégradation vient de la baisse des recettes et des impôts et ceux qui affirment qu'elle résulte de la hausse des dépenses. Elle est, de manière factuelle, la résultante de ces deux mouvements parfaitement antagonistes. Loin d'adapter les dépenses au niveau des recettes, l'État a fait l'inverse : pour 1 euro de recettes, l'État dépense aujourd'hui plus de 1,50 euro.

Plusieurs phénomènes réduiront les marges de manoeuvre dans les années à venir. Je me limiterai ici à deux d'entre eux.

Le financement de la dette ne signifie pas qu'on emprunte chaque année des sommes égales au déficit, mais des sommes deux fois plus élevées : en effet, il faut renouveler le stock de dettes existant, et cela a représenté 155 milliards d'euros en 2024, exactement autant que le déficit. C'est ce qui explique que, même si le Gouvernement réussissait à diminuer le déficit dans les années à venir, la charge de la dette augmenterait par le simple renouvellement des emprunts à des conditions de taux moins favorables que par le passé.

Concernant les lois de programmation, on peut estimer leur impact, si elles sont maintenues, à + 19,4 milliards d'euros en 2027. Compte tenu de la situation financière très difficile dans laquelle se trouve notre pays, je crois indispensable d'en rediscuter, même s'il est difficile de nier la nécessité de préserver la plus importante, celle qui concerne les armées.

En 2024 comme en 2023, l'exécution budgétaire a été affectée par des moins-values importantes en recettes. Prévues à un niveau de 348,5 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2024, les recettes fiscales ont été de 325,7 milliards d'euros en exécution, soit un écart de 22,8 milliards d'euros.

L'impôt sur les sociétés, en particulier, a produit 57,4 milliards d'euros au lieu des 72 milliards attendus. Il faut bien constater, comme nous l'avons fait au cours de nos travaux l'an dernier, que les estimations présentées au Parlement en LFI étaient très exagérées, car aucune crise n'explique une telle évolution en cours d'année. Je noterai tout de même que, contrairement à ce qui s'était passé en 2023, le Gouvernement a pris acte, dès le début de l'automne, de cette moins-value : l'estimation donnée dans le projet de loi de fin de gestion était proche de l'exécution finale. Cela est vrai également pour la TVA et l'impôt sur le revenu, qui accusent respectivement des moins-values de 4 milliards et 5,4 milliards d'euros.

Sur le moyen terme, la diminution tendancielle des recettes fiscales en euros constants, que j'ai déjà évoquée, s'explique d'abord par le choix de l'État de financer les transferts de compétences à d'autres administrations non pas par des économies, mais par un transfert de parts croissantes de TVA. Sans ce choix, les recettes fiscales auraient augmenté de 25 % au lieu de diminuer de 10 %.

Lorsque les recettes sont insuffisantes, il faudrait réduire les dépenses. L'année 2024 a certes connu, ce qui est assez exceptionnel, une diminution des dépenses à hauteur de 11,2 milliards sur le budget général, mais son caractère conjoncturel impose de nouveaux efforts dès le prochain budget. En étudiant les évolutions des crédits entre 2023 et 2024, on voit en effet que la diminution des dépenses résulte d'un fait unique : la disparition progressive des boucliers tarifaires mis en place pendant la crise inflationniste, qui réduit les sommes dépensées au titre du service public de l'énergie.

Une autre baisse notable concerne la charge de la dette, car la diminution de l'inflation réduit la charge des obligations indexées : là encore, cette diminution est temporaire, car la hausse des taux entraînera mécaniquement une augmentation durable de la charge de la dette dans les années à venir, au fur et à mesure du remplacement des emprunts anciens, contractés à un taux très faible, par des emprunts soumis aux conditions actuelles.

Force est de constater que les dépenses ne sont toujours pas revenues au niveau antérieur à la crise sanitaire, signe que certaines dépenses présentées comme temporaires sont devenues définitives.

Ce constat est également valable pour les dépenses de masse salariale, qui font un véritable bond de 6,6 milliards d'euros en 2024. Cette augmentation est liée à des mesures catégorielles très importantes et nous indique où il faudra, aussi, porter l'effort : il n'est pas normal que ce poste de dépenses ait autant augmenté depuis 2019.

Les effectifs ont d'ailleurs augmenté de plus de 6 700 équivalents temps plein (ETP) en 2024. La loi de finances initiale, qui l'avait prévu, avait pourtant été promulguée onze jours seulement après une loi de programmation des finances publiques qui, elle, fixait comme objectif la stabilité des emplois sur la période 2023-2027. On s'y perd...

Pour terminer cette présentation, je dirai un mot sur le dispositif de suivi de la performance de la dépense publique. Nous fêterons l'an prochain les vingt ans de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Nous fêterons probablement, aussi, l'atteinte du chiffre de 2 000 sous-indicateurs de performance : triste réussite qui ne saurait réjouir que les bureaucrates les plus acharnés, amateurs d'une complexification décourageante pour tout un chacun !

Le constat que je fais depuis plusieurs années est le même : les indicateurs de performance sont, pour beaucoup, non pertinents. Je citerai pour exemple un indicateur pour lequel l'administration fixe une cible : le nombre d'auditions de la Cour des comptes au Parlement. Or c'est le Parlement qui invite la Cour...

En outre, ces indicateurs sont inexploitables pour près d'un tiers : soit leur cible n'est pas fixée, soit les données quant à l'atteinte de la cible n'ont pas été collectées en temps voulu par l'administration.

Enfin, ces indicateurs sont toujours plus nombreux, et différents dispositifs de suivi de la performance se chevauchent : le récent « baromètre des services publics », créé par le ministre de l'action publique, de la fonction publique et de la simplification, crée de nouveaux indicateurs de satisfaction des citoyens qui ne sont pas retracés dans les documents budgétaires.

La Lolf devait créer une saine gouvernance des finances publiques, en favorisant l'objectivation de l'efficience de la dépense. Nous nous retrouvons aujourd'hui avec un dispositif lourd, illisible et hors de contrôle. Je propose donc qu'une réforme d'ampleur soit entreprise pour réduire drastiquement le nombre d'indicateurs. Si j'étais iconoclaste, je me demanderais si ne nous pourrions pas aller jusqu'à supprimer le suivi de la performance au vu de son actuelle inefficacité et pour simplifier le travail de l'administration... Supprimer peut aussi être l'aboutissement de la simplification !

En conclusion, l'année 2024 a vraiment été l'annus horribilis des finances publiques pour notre pays : déficit historique hors période de crise, écart massif avec la prévision, mesures de régulation erratiques avec un décret d'annulation de 10 milliards d'euros de crédits le 21 février juste avant des reports d'un montant supérieur - 16 milliards d'euros - et, finalement, illisibilité totale de l'exécution budgétaire.

Pourtant, le Gouvernement - l'audition de Mme de Montchalin hier l'a confirmé - persévère dans l'aveuglement passé, en refusant de faire la lumière sur les motifs de cette dérive. Le titre de l'exposé des motifs du présent projet de loi est à cet égard assez éloquent : « Un résultat s'inscrivant dans une trajectoire de redressement des comptes publics et s'appuyant sur un pilotage renforcé de la dépense ».

Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose, comme l'an dernier, de rejeter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, tout en espérant vivement que l'exécution 2025 nous permette - enfin ! - de retrouver une gestion budgétaire saine et sereine.

M. Michel Canévet, président. - Il est toujours étonnant, presque remarquable, de constater la contribution positive des administrations de sécurité sociale au solde des comptes publics, alors même que la sécurité sociale, en elle-même, est en déficit...

M. Vincent Delahaye. - Je partage l'analyse du rapporteur général. D'ailleurs, si nous ne rejetions pas cette année le projet de loi d'approbation des comptes, nous ne le ferions jamais !

La Cour des comptes a de nouveau émis des réserves : est-ce que des améliorations sont tout de même apparues quant à celles qui avaient été formulées les années précédentes ?

Je partage l'idée que nous devrions supprimer les 2 000 indicateurs de performance : il est presque évident que personne ne s'en sert et qu'ils ont pour seul « intérêt » de faire travailler des fonctionnaires !

Hier, lors de l'audition de la ministre en charge des comptes publics, nous avons obtenu quelques éclaircissements en ce qui concerne les 40 milliards d'euros d'efforts projetés pour 2026. Cette somme représenterait la différence entre le tendanciel - 1 750 milliards - et le niveau de 2025 - soit 1 710 milliards d'euros. Or, dans ce projet de loi, on voit que les dépenses publiques s'élevaient à 1 670 milliards en 2024 : cela signifie-t-il qu'on augmenterait les dépenses publiques de 80 milliards d'euros en deux ans si l'on suivait le tendanciel en 2026 ? En tout cas, nous sommes bien loin de l'austérité décriée par certains !

Mme Isabelle Briquet. - Nous partageons le constat du rapporteur général sur les dysfonctionnements relevés en 2024, qui constituent vraiment une caricature de ce qu'il ne faut pas faire en termes d'exécution budgétaire. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera donc contre ce projet de loi.

Pour autant, nous divergeons, monsieur le rapporteur général, sur les solutions à apporter : s'il est nécessaire de maîtriser la dépense, n'envisager aucune recette nouvelle ne nous paraît pas soutenable. Nous en débattrons au moment du PLF.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'avis de la Cour des comptes est encore plus sévère cette année que l'an passé : la Cour a continué d'émettre des réserves et a menacé de ne pas certifier les comptes l'an prochain.

Je retiens la préoccupation d'Isabelle Briquet sur la nécessaire maîtrise de la dépense : c'est ce qui est à la fois le plus important et le plus difficile à réaliser, alors même que notre pays atteint les niveaux les plus élevés des pays de l'OCDE. Je fais d'ailleurs confiance à l'esprit de responsabilité des uns et des autres pour trouver les meilleures solutions. Le Sénat a déjà montré sa capacité à prendre des décisions.

M. Pascal Savoldelli. - Le groupe CRCE-K votera également contre le projet de loi. Cela ne signifie évidemment pas que nous soutenons l'argumentation du rapporteur général...

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024. En conséquence, elle a décidé de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl24-718.html


* 1 Projet de loi de finances pour 2024 : le budget de 2024 et son contexte économique et financier. Rapport général n° 128 (2023-2024), tome I, de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, déposé le 21 novembre 2023.

* 2 Données Insee.

* 3  Insee - Comptes nationaux trimestriels au quatrième trimestre 2024.

* 4 Note de conjoncture Insee du 17 décembre 2024 : « L'activité suspendue à un regain de confiance » - encadré « Le dynamisme économique espagnol depuis la crise sanitaire : miracle ou mirage ? ».

* 5 Pour reprendre une formule de l'Insee, dans sa note de conjoncture du 18 mars 2025 « Désordre mondial, croissance en berne ».

* 6 Les taux directeurs sont restés compris entre 5,25 % et 5,5 % jusqu'en septembre 2024 avant de décroître progressivement jusqu'à une fourchette de 4,25 % à 4,5 % en décembre 2024.

* 7  Rapport d'information n° 153 (2024-2025) du 19 novembre 2024 de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général : « Octobre 2023 - Septembre 2024 : une irresponsabilité budgétaire assumée, un Parlement ignoré ».

* 8 0,55 point pour être plus précis.

* 9 Ces dépenses sont catégorisées comme de la « consommation individualisable des administrations publiques ». En revanche, les prestations sociales sont des dépenses de transfert non comptabilisées dans la demande publique et donc comme contribution à la croissance, mais dans la demande privée au moment de leur utilisation sous forme de consommation ou d'investissement.

* 10 Note de conjoncture de l'Insee : « La croissance entre pouvoir d'achat et incertitudes », 10 octobre 2024.

* 11 Outre des effets psychologiques, l'inflation n'est pas la même selon les paniers de biens consommés par les différentes catégories de population, et elle se distingue également de l'inflation globale.

* 12  Données de l'Insee.

* 13  Rapport général n° 128 (2023-2024), tome I, de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général, déposé le 21 novembre 2023

* 14 Voir le rapport d'information n° 685 (2023-2024) du 12 juin 2024 de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général : « Dégradation des finances publiques : entre pari et déni », p. 27

* 15  Rapport d'information n° 153 (2024-2025) du 19 novembre 2024 de M. Jean-François HUSSON, rapporteur général : « Octobre 2023 - Septembre 2024 : une irresponsabilité budgétaire assumée, un Parlement ignoré ».

* 16 « Les recettes moins dynamiques que les dépenses, le déficit augmente », Insee Première n° 2054 - mai 2025.

* 17 Id.

* 18 Rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2024.

* 19 Note citée : Insee Première n° 2054 - mai 2025.

* 20 Réponses du ministère de l'économie et des finances au questionnaire du rapporteur général.

* 21 Réponses du

* 22 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 23 Voir notamment le compte rendu de l'audition de M. Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes et président du HCFP, sur le projet de loi.

* 24 En 2017, le déficit des administrations centrales s'élevait à 82 milliards d'euros. Il atteint 154 milliards d'euros en 2024.

* 25 Données de l'Insee au 28 mai 2025.

* 26 Données issues des réponses du ministère de l'économie et des finances au questionnaire du rapporteur général.

* 27 Ce qui représente 2 % du PIB.

* 28 Données du compte des administrations publiques de 2024 de l'Insee, hors frais bancaires.

* 29 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

* 30 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.

* 31  Mission d'information sur la dégradation des finances publiques depuis 2023, son suivi par l'administration et le Gouvernement et les modalités d'information du Parlement sur la situation économique, budgétaire et financière de la France.

* 32 Ou, avant 2022, de la dernière loi de finances rectificative de l'exercice.

* 33  Amendement 28 du Gouvernement relatif au projet de loi de fin de gestion, déposé au Sénat le 25 novembre 2024 et modifiant les prévisions de recettes.

* 34 Tableaux annexés au plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) 2025-2029, d'après les données Insee, base des comptes nationaux en 2020. S'agissant de 2019, le déficit public, mesuré à 3,0 % du PIB lors du règlement des comptes, a été révisé, de manière rétroactive, à - 2,4 % lors du passage des comptes en base 2020 réalisé par l'Insee en 2024, notamment en raison de l'avancement d'une année des dépenses de crédit d'impôt pour l'emploi et la compétitivité (voir Insee, Révision des ratios de finances publiques en base 2020, mars 2024).

* 35 Recettes nettes du budget général, minorées des prélèvements sur recettes.

* 36 Hors dotations aux amortissements, provisions et dépréciations.

* 37 Achats, variations de stocks et prestations externes.

* 38 L'Agence France Trésor, plutôt que de créer un nouveau titre à chaque émission de dette, a l'habitude d'émettre à nouveau sur une souche créée plusieurs mois ou années auparavant, donc à un taux qui est généralement différent du taux de marché actuel. À titre de compensation, l'État perçoit une prime s'ajoutant au prix auquel les prêteurs achètent le titre (si les taux ont diminué, ce qui était courant jusqu'aux dernières années) ou subit une décote (si les taux ont augmenté, ce qui est le cas désormais).

* 39 Depuis 2023, en application de la réforme de la loi organique relative aux lois de finances du 28 décembre 2021, les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux sont considérés comme des dépenses et ne sont donc plus retirés des recettes fiscales nettes.

* 40  Rapport n° 159 (2024-2025) de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances de fin de gestion, déposé le 21 novembre 2024.

* 41  Rapport n° 1492 de Charles de Courson, rapporteur général, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le présent projet de loi.

* 42 Loi organique n° 2024-1177 du 13 décembre 2024 portant réforme du financement de l'audiovisuel public, modifiant l' article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 43 Rédaction issue de la révision de la LOLF opérée par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 44 Compensation de la perte de produit de la taxe d'habitation sur les logements vacants (24,7 millions d'euros), incitation au regroupement des communes en des communes nouvelles (17,6 millions d'euros), compensation des pertes de recettes de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les collectivités confrontées à une fermeture d'entreprises sur leur territoire (3,3 millions d'euros), compensation des pertes de recettes de TFPB résultant de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (7 millions d'euros) et abondement du fonds de sauvegarde des départements (53 millions d'euros).

* 45 Sur les dix dernières années, l'écart entre prévision et exécution a varié de - 12,4 % en 2017 à + 10,3 % en 2020.

* 46 Le coût des emprunts de la Commission européenne est passé de 0,15 % au second semestre 2021 à 3,13 % au premier semestre 2024, après un sommet à 3,56 % au second semestre 2023.

* 47  Article 10 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Le périmètre des dépenses de l'État exclut notamment les dépenses liées à la dette ou au patrimoine de l'État ainsi que la plupart des comptes de concours financiers, mais inclut les prélèvements sur recettes et les impositions affectées faisant l'objet d'une mesure de plafonnement.

* 48 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 49  Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

* 50 Les articles 13 et 14 de la LOLF ne permettent d'annuler que 1,5 % des crédits ouverts en loi de finances, soit 12,2 milliards d'euros environ au total au cours de l'année 2024. En conséquence, seuls 2 milliards d'euros environ auraient pu encore être ouverts par la voie d'un décret d'avance, qui doit annuler un montant de crédits au moins équivalent à ceux qu'il ouvre.

* 51 Conformément au 4 bis de l'article 51 de la LOLF.

* 52 Un quart de ces crédits, soit 513 millions d'euros, ont d'ailleurs été annulés par le décret n° 2025-374 du 25 avril 2025 portant annulation de crédits.

* 53 Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 54 Cour des comptes, novembre 2011, La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles perspectives, p. 192.

* 55 Cour des comptes, décembre 2023, La préparation et le suivi du budget de l'État : redonner une place centrale à la maîtrise des dépenses, p. 48.

* 56 Réponses au questionnaire du rapporteur général.

* 57 Chaque programme budgétaire est doté d'objectifs qui sont ensuite déclinés au travers d'indicateurs de performance. La majorité des indicateurs se divise en sous-indicateurs, mais non pas tous. Afin d'éviter les doublons dans le décompte statistique, il est retenu la liste uniquement des sous-indicateurs. Dans les cas où un indicateur n'est pas décomposé en plusieurs sous-indicateurs, alors cet indicateur est comptabilisé comme un unique sous-indicateur.

* 58 Cour des comptes, novembre 2011, La mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : un bilan pour de nouvelles perspectives.

* 59 Sénat, commission des finances, n°220 (2004-2005), 2 mars 2005, Rapport d'information sur les objectifs et les indicateurs de performance de la LOLF, au rapport de M. Jean Arthuis.

* 60 Les données exploitées dans cette partie sont issues de la synthèse chiffrée publiée conjointement au projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2023 sur le site de la direction du budget.

* 61 Direction du budget, Guide de la performance, avril 2020.

* 62 Circulaire n°6373/SG du Premier ministre relatif aux politiques prioritaires du Gouvernement du 19 septembre 2022.

* 63 On retrouve le chiffre de 5,2 millions de logements dans le chapitre 6 du volume II du rapport du Comité d'évaluation du plan France Relance piloté par France Stratégie. Il ne concerne néanmoins que les « passoires thermiques », en contradiction avec l'indicateur développé qui compte tous les dossiers peu importe la qualité préalable de l'isolation du logement.

* 64 Direction interministérielle de la transformation publique, Baromètre des résultats de l'action publique, janvier 2021.

* 65 Sénat, commission des finances, n°220 (2004-2005), 2 mars 2005, Rapport d'information sur les objectifs et les indicateurs de performance de la LOLF, au rapport de M. Jean Arthuis.

* 66 852 en 2023.

* 67 Article 15 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 68 Cour des comptes, décembre 2023, La préparation et le suivi du budget de l'État : redonner une place centrale à la maîtrise des dépenses, p. 48.

* 69 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 70 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 71 À champ constant.

* 72 Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.

* 73 Voir l'exposé général du présent rapport pour plus de détails.

* 74 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 75 Les ressources mises à disposition du FMI et retracées, à titre d'information uniquement, dans le compte de commerce « Opérations avec le Fonds monétaire international » sont assimilées à un prêt, dont la créance est rachetée par la Banque de France. En conséquence, le solde de ce compte de commerce n'est pas inclus dans le solde budgétaire et il n'a pas non plus d'effet sur la trésorerie de l'État.

* 76 Les états financiers et l'annexe sont publiés dans un même document, intitulé « Compte général de l'État » et accompagné de présentations plus synthétiques, sur : https://www.budget.gouv.fr/documentation/comptes-de-letat.

* 77 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 78 Un accord sur les actifs financiers nets autorise les banques centrales nationales de l'Eurosystème à accroître leurs portefeuilles non liés à la mise en oeuvre de la politique monétaire dans des limites définies et revues chaque année par le conseil des Gouverneurs.

* 79 Communiqué de l'Eurogroupe sur le programme d'ajustement pour la Grèce, 21 février 2012 ( https://www.consilium.europa.eu/media/25716/128075.pdf) ; communiqué de l'Eurogroupe sur la Grèce, 27 novembre 2012 ( https://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/en/ecofin/133857.pdf).

* 80 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 81 Cette quote-part est calculée en s'appuyant sur la quote-part des banques centrales nationales au capital de la Banque centrale européenne, soit environ 20 % pour la Banque de France.

* 82 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 83 Rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015.

* 84 Rapport annuel de performance annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2016.

* 85 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

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