B. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL RÉMI FÉRAUD SUR LES PROGRAMMES 151 ET 185

1. L'excédent de trésorerie des opérateurs du programme 185 appelle un suivi poussé qui ne doit toutefois pas obérer leurs capacités d'investissement

Le programme 185 regroupe les subventions pour charges de service public (SCSP) de l'ensemble des opérateurs relevant de la mission « Action extérieure de l'État » : l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), Campus France et l'Institut français. Ces trois opérateurs ont vu le niveau de leur trésorerie progresser depuis 2020.

La trésorerie élevée des opérateurs du programme 185 leur a permis d'absorber sans difficulté majeure les annulations de crédits opérées par le décret d'annulation de février 2024. Ce dernier avait en effet ponctionné la SCSP de l'AEFE de 3,1 millions d'euros, celle de Campus France de 1,4 million d'euros et celle de l'Institut français de 0,85 millions d'euros.

Évolution du niveau de trésorerie des opérateurs du programme 185 
entre 2020 et 2024

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

S'agissant de l'AEFE, la trésorerie s'élève en fin d'exercice 2024 à plus de 333,4 millions d'euros. Ce montant est largement supérieur (29 %) à celui initialement envisagé dans le budget initial de l'opérateur, qui visait un niveau de 257,8 millions d'euros. Il importe néanmoins de noter que la trésorerie de l'agence se décompose entre la trésorerie de ses services centraux (92 millions d'euros), directement mobilisable, et celle des établissements en gestion directe (241 millions d'euros). La trésorerie des EGD est plus difficilement exploitable, du fait de contraintes de mobilité des fonds depuis certains États. Il n'en reste pas moins que le niveau des réserves de l'opérateur est équivalent à 118 jours de fonctionnement.

L'AEFE explique la forte progression de sa trésorerie par différents facteurs :

- une sous-exécution des dépenses d'investissement, à hauteur de 19 millions d'euros, en raison du retard et de la reprogrammation de plusieurs opérations ;

- un retard de paiement de bourses d'aide à la scolarité, pour un montant de 14 millions d'euros, et de l'aide à la scolarisation des enfants en situation de handicap, du fait d'un changement du logiciel de paiement ;

- une sous-exécution des dépenses de fonctionnement des établissements en gestion directe (EGD), découlant d'une évolution des taux de change.

Évolution de la subvention pour charges de service public de l'AEFE

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Concernant Campus France, le niveau de la trésorerie a atteint 72,6 millions d'euros en exécution en 2024, soit un montant égal à treize fois la SCSP de l'opérateur.

Les documents budgétaires soulignent que ce montant est inférieur de 10,5 millions d'euros à la prévision inscrite en loi de finances initiale, du fait de l'identification par un groupe de travail dédié de près de 21 millions d'euros d'avances indues détenue depuis 2018 par l'opérateur pour le compte du ministère. L'amorce d'un apurement de cette somme a ainsi permis de limiter le montant de la trésorerie en fin d'exercice. Cependant, la Cour des comptes note que, correction faite de cet apurement, la trésorerie progresse encore de 5,6 millions d'euros entre 2023 et 2024.

Du côté de l'Institut français, la trésorerie s'élève à 29,9 millions d'euros en 2024, soit un montant équivalent à la SCSP annuelle de cet opérateur. Sur ce total, la trésorerie disponible représente 2,4 millions d'euros.

Conscientes de cet enjeu, la direction générale de la mondialisation, responsable du programme 185, la direction du budget et le contrôleur budgétaire et comptable ministériel travaillent depuis 2023 sur une méthodologie commune d'analyse de la trésorerie des opérateurs. Cette méthodologie commune, qui vise à identifier les marges de manoeuvre budgétaires des opérateurs, devrait à terme déterminer la trésorerie mobilisable par ces derniers.

Pour autant, le rapporteur spécial souligne que cette gestion plus fine ne doit pas obérer les capacités d'action des opérateurs de la mission « Action extérieure de l'État ». Il importe en effet de préserver leur potentiel d'investissement alors que des dépenses inéluctables devront être engagées dans les prochaines années. C'est tout particulièrement le cas de l'AEFE, dont les besoins d'investissement sont significatifs et devraient être précisés dans le futur schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) de l'agence.

2. Le programme 151 se caractérise par la multiplicité de ses canaux de financement

Le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » présente la spécificité de recevoir des contributions financières d'autres départements ministériels. Ainsi, ce programme reçoit :

- des contributions du ministère de l'intérieur, au titre de l'organisation des élections15(*) par les services consulaires (4,23 millions d'euros), d'une part, et au titre du remboursement des frais de justice liés au contentieux des décisions de refus de délivrance des visas (1,69 million d'euros ont ainsi été remboursés par Beauvau en 2024), d'autre part ;

- une contribution du ministère chargé de la santé pour financer les rapatriements sanitaires et les frais de santé des Français du Vanuatu (soit 576 000 euros en 2023 et au premier semestre 2024). Cette compétence a été transférée au ministère de l'Europe et des affaires étrangères en 2022 et relevait auparavant du ministère de la santé. Elle constitue l'application de la convention du 2 septembre 1982 signée entre le ministère des affaires étrangères, le ministère de la santé et le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relative à la prise en charge des Français établis au Vanuatu en Nouvelle-Calédonie ;

- une contribution de la délégation interministérielle à la transformation publique (DITP) et de la direction interministérielle du numérique (Dinum) pour le financement des grands projets de modernisation numérique du réseau consulaire.

Cette multiplicité de canaux de financement présente deux inconvénients majeurs. D'une part, l'équilibre financier du programme 151 est dépendant de versements issus d'autres départements ministériels que la direction responsable de ce programme. D'autre part, ces contributions traduisent un partage contestable de compétences entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères qui peut être source de difficultés dans la mise en oeuvre des actions financées.

En ce sens, la gestion du contentieux des visas a constitué pour le MEAE une difficulté croissante sur les deux derniers exercices. De fait, si la gestion pratique des contentieux est confiée au ministère de l'intérieur, le financement des frais de contentieux revient au Quai d'Orsay qui bénéficie en retour d'un remboursement de 50 % de leur montant. Les problématiques de coordination entre les deux départements ministériels et de transmissions des décisions de justice au MEAE conduisent toutefois à d'importants versements des frais irrépétibles aux justiciables, exposant l'État à des pénalités. Une rationalisation de l'organisation de cette compétence devrait être envisagée sur les prochains exercices.


* 15 L'année 2024 a été marquée par l'organisation des élections européennes et des élections législatives.

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