N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11c
Écologie, développement et mobilité durables

(Programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie »)

BUDGET ANNEXE : CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS

Rapporteur spécial : M. Vincent CAPO-CANELLAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En France, l'évolution du trafic aérien est marquée par une forte disparité entre les vols internationaux dont le trafic a dépassé le niveau constaté en 2019 et les vols intérieurs pour lesquels le trafic reste atone et 20 % inférieur à son niveau d'avant crise. Les difficultés rencontrées par le trafic intérieur et la desserte des territoires risquent d'être amplifiées par l'augmentation massive et inédite de la fiscalité sur le transport aérien appliquée depuis le mois de mars 2025.

2. En 2024, les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) ont poursuivi leur progression à la faveur de la reprise du trafic pour atteindre le niveau record de 2,5 milliards d'euros, en hausse de 8 % par rapport à 2023 et supérieur de 15 % par rapport à la situation d'avant-crise.

3. À la faveur d'un niveau de recettes historique, en 2024, la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a été en mesure d'accélérer son désendettement.

4. Le nouveau protocole social de la DGAC contribue déjà à accroître le montant des charges de personnel du BACEA.

5. Si le rapporteur s'était résolu par pragmatisme à soutenir la conclusion du dernier protocole social de la DGAC malgré son coût significatif, il souligne à quel point sa mise en oeuvre sera déterminante et devra éviter les habituels blocages s'agissant du volet performance et productivité. À plus long terme une réflexion visant à mettre en oeuvre une réforme plus structurelle de la DGAC et du contrôle aérien français devra permettre d'éviter la lourdeur des processus actuels et donner de l'agilité aux contrôleurs, aux électroniciens et permettre une meilleure performance dans la gestion du trafic aérien.

6. Tumultueuse, coûteuse et sans fin, la modernisation de la DSNA est à nouveau compromise par un conflit social regrettable sur le site du centre en-route de la navigation aérienne (CRNA) de Bordeaux. Il est urgent que la situation de blocage actuelle soit résolue tant elle menace de paralyser l'indispensable rattrapage technologique du contrôle aérien français, principal pourvoyeur de minutes de retard de vols en Europe. La crédibilité de la DSNA, y compris auprès des décideurs politiques, tout particulièrement en cette période de très forte contrainte budgétaire, souffrirait immanquablement d'une nouvelle dérive de la modernisation du contrôle aérien.

7. Afin de pouvoir tirer profit des profondes restructurations qu'il a réalisé, Météo-France a besoin de stabilité.

8. L'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est englué dans une crise budgétaire à l'issue incertaine. Le financement de ses missions de base souffre d'un déficit structurel de 15 millions d'euros.

9. Alors que la pérennité financière de l'opérateur était menacée à court terme et que ses tutelles ne parvenaient pas à résoudre la situation, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, par souci de responsabilité, le rapporteur, en concertation avec sa collègue Christine Lavarde, a trouvé le moyen de financer une hausse de 5 millions d'euros de la subvention pour charges de service public (SCSP) 2025 de l'IGN par une mesure d'économies réalisée sur le programme 345 « Service public de l'énergie ».

10. Pour autant, la situation de l'opérateur est encore loin d'être stabilisée et une réflexion plus structurelle sur la viabilité économique à long terme de son modèle doit absolument être conduite avec ses tutelles. Il est regrettable qu'une telle initiative n'ait pas été prise plus tôt. Il n'est pas acceptable que sur ce dossier, chaque année, jusqu'aux ultimes discussions relatives à l'examen de la loi de finances, tous les acteurs se retrouvent « au pied du mur » à se regarder « en chiens de faïence ».

11. Si le Cerema semble bénéficier d'une nouvelle dynamique en lien notamment avec son nouveau statut de quasi-régie conjointe entre l'État les collectivités, des menaces sérieuses pèsent sur sa soutenabilité budgétaire.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » (BACEA) EN 2024

A. LES RECETTES DU BACEA ONT ATTEINT UN NIVEAU HISTORIQUE DANS UN CONTEXTE D'ÉVOLUTION CONTRASTÉE DU TRAFIC AÉRIEN

1. Une évolution du trafic aérien contrastée et une desserte des territoires menacée par une hausse inédite de la fiscalité

D'après les données de l'association du transport aérien international (IATA), en 2024, au niveau mondial, le trafic aérien a dépassé de 3,8 % son niveau de 2019 situation de référence qui prévalait avant le déclenchement de la crise sanitaire de la COVID 19.

En France, le trafic a presque retrouvé en 2024 son niveau de 2019 (à 99 %). Cependant, cette analyse globale cache des disparités importantes et notamment les difficultés structurelles rencontrées par les vols intérieurs dont le trafic reste en 2024, très inférieur à son niveau d'avant crise (80 %). La baisse de trafic la plus prononcée concerne les liaisons radiales entre Paris et les aéroports de province. En effet, sur ces lignes, le niveau de trafic constaté en 2024 ne représente que 72 % de celui observé en 2019.

Comme il l'avait souligné lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2025, le rapporteur est très préoccupé par les conséquences potentiellement très néfastes sur le trafic intérieur, les aéroports de province et la desserte des territoires, notamment ultra-marins, de l'augmentation massive et inédite de la fiscalité sur le transport aérien appliquée depuis le mois de mars dernier. Plus globalement, cette augmentation massive des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), tout particulièrement ciblée sur les vols intérieurs et les billets en classes économiques, aura nécessairement des effets négatifs sur l'emploi, l'attractivité touristique du territoire et le tissu économique.

2. Le BACEA en 2024 : des recettes qui ont atteint un niveau inédit et des dépenses réduites en cours d'année pour participer à l'atténuation du dérapage massif des finances publiques

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2024

(en millions d'euros)

 

LFI 20241(*)

Reports entrants

Décret d'annulations

LFFG2(*)

FDC / ADP

Total crédits disponibles

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 559,8

4,8

- 10,0

- 18,0

0,2

1 536,7

1 517,1

98,7 %

612- Navigation aérienne

652,9

21,3

- 8,0

- 15,5

15,2

665,9

650,7

97,7 %

614 Transports aériens, surveillance et certification 

50,3

1,6

- 2,0

- 2,8

8,2

55,4

53,3

96,2 %

Total BACEA

2 263,0

27,7

- 20,0

- 36,3

23,6

2 258,0

2 221,0

98,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En loi de finances initiale (LFI) pour 2024 des crédits de 2,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 2,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) avaient été adoptés pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA). Ces montants ont été majorés d'environ 50 millions d'euros par des reports et l'attribution de crédits de fonds de concours.

Les dépenses du BACEA ont par ailleurs été réduites en cours de gestion pour 43,8 millions d'euros en AE et 56,3 millions d'euros en CP3(*) afin de contribuer à l'effort général d'atténuation de la dégradation inédite du déficit public.

Ainsi, le décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits a procédé à l'annulation de 20 millions d'euros de CP.

La loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 a mis en oeuvre une nouvelle annulation de crédits à hauteur de 23,8 millions d'euros en AE et 36,3 millions d'euros de CP.

Les annulations de dépenses effectives (crédits de paiement) en cours de gestion ont ainsi représenté 2,4 % du total des crédits ouverts en 2024. Elles ont principalement porté, pour 28 millions d'euros, sur le programme support 613. Le programme 612 qui porte notamment les crédits des programmes de modernisation des outils du contrôle aérien a quant à lui vu ses CP être réduits de 23,3 millions d'euros.

Au cours de la gestion, les taux de consommation des crédits se sont élevés à 92,2 % pour les AE et 98,4 % pour les CP.

Évolution des crédits du BACEA 2023-2024

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2023

LFI 20244(*)

Total crédits disponibles 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/2023

(en %)

612 « Navigation aérienne »

AE

610,3

836,2

912,5

729,3

+ 19,5 %

CP

608,4

652,9

665,9

650,7

+ 7,0 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

AE

1 455,5

1 566,5

1 550,2

1 534,5

+ 5,4 %

CP

1 447,7

1 559,8

1 536,7

1 517,1

+ 4,8 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

AE

52,3

48,5

56,8

54,7

+ 4,6 %

CP

49,1

50,3

55,4

53,3

+ 8,6 %

Total

AE

2 118,1

2 451,2

2 519,5

2 318,5

+ 6,3 %

CP

2 105,2

2 263,0

2 258,0

2 221,0

+ 5,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les recettes du BACEA ont poursuivi leur progression à la faveur de la reprise du trafic pour atteindre le niveau record de 2,5 milliards d'euros, en hausse de 8 % par rapport à 2023 et supérieur de 15 % par rapport à la situation d'avant-crise.

Recettes annuelles totales du BACEA5(*)
(2018-2024)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les redevances de navigation aérienne ont représenté 76 % des recettes du BACEA.

Principales recettes du BACEA en 2024

(en millions d'euros)

 

Exécution 2023

LFI 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/ LFI 2024

Variation exécution 2024 / exécution 2023

Redevances de route

1 518,8

1 554,0

1 592,9

+ 2,5 %

+ 4,9 %

RSTCA-M

227,4

252,8

248,3

- 1,8 %

+ 9,2 %

RSTCA-OM et redevance océanique

47,9

45,0

51,7

+ 14,9 %

+ 7,9 %

Redevances de surveillance et de certification

26,7

27,1

30,7

+ 13,3 %

+ 15,0 %

Taxe de l'aviation civile

484,6

511,3

542,7

+ 6,1 %

+ 12,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2024, les sommes perçues par le BACEA au titre des redevances de navigation aérienne ont augmenté de 6 % par rapport à 2023, pour s'établir à 1,9 milliard d'euros, soit un niveau supérieur de 21 % au montant constaté en 2019.

Variation du montant de redevances aériennes perçu par le BACEA
entre 2018 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rendement du tarif de l'aviation civile6(*) a quant à lui augmenté de 58 millions d'euros (+ 12 % en un an) pour atteindre 543 millions d'euros en 2024.

Évolution des rendements de taxe d'aviation civile entre 2009 et 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 1 Hors prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 2 Loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.

* 3 Soit 2,5 % de la totalité des CP ouverts en 2024.

* 4 Y compris prévisions de fonds de concours et attributions de produits.

* 5 Hors emprunts.

* 6 Ancienne taxe de l'aviation civile.

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