N° 743 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025 |
RAPPORT FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 14 Rapporteur spécial : M. Olivier PACCAUD |
(1) Cette commission est composée de :
M. Claude Raynal, président ;
M. Jean-François Husson, |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138 Sénat : 718 (2024-2025) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. En 2024, les dépenses de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » se sont élevées à 86,56 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 86,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Les crédits sont très légèrement sous-consommés, à hauteur de 99,4 % en AE et de 99,3 % en CP.
2. Les crédits de la mission « Enseignement scolaire » ont subi une augmentation particulièrement forte de 5,6 % en exécution entre 2023 et 2024, soit une hausse de 4,4 milliards d'euros.
3. Près de 534 millions d'euros ont été annulés en gestion, dont 692 millions d'euros au titre du décret d'annulation du 21 février 2024, alors que des ouvertures ont été opérées.
4. Les dépenses de personnel en particulier ont augmenté de 8,3 % entre 2023 et 2024, en raison essentiellement de la revalorisation inconditionnelle des enseignants et des assistants d'élèves en situation de handicap (AESH), qui a occasionné une hausse des dépenses de 1,367 milliard d'euros.
5. Les crédits alloués à l'école inclusive ont augmenté de 11,1 % entre 2023 et 2024, et pour atteindre 2,92 milliards d'euros. Ils ont été multipliés par plus de trois en 10 ans, suscitant des interrogations sur la soutenabilité budgétaire de cette politique.
6. La sous-consommation des dépenses liées à la formation des personnels atteint 1,2 milliard d'euros. Un tel niveau interroge d'une part sur la sincérité de la programmation budgétaire, et d'autre part sur le sens d'une telle prévision.
7. Le Parlement ne dispose pas de suffisamment d'informations pour suivre la programmation et l'exécution par action de 10,3 milliards d'euros de dépenses.
La mission « Enseignement scolaire » comporte six programmes :
- le programme 140 - « Enseignement scolaire public du premier degré » ;
- le programme 141 - « Enseignement scolaire public du second degré » ;
- le programme 230 - « Vie de l'élève » ;
- le programme 139 - « Enseignement privé du premier et du second degrés » ;
- le programme 214 - « Soutien de la politique de l'éducation nationale » ;
- le programme 143 - « Enseignement technique agricole ».
I. UNE LÉGÈRE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2024
En 2024, en tenant compte de la contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions », les dépenses de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » se sont élevées à 86,56 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 86,40 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
A. UNE SOUS-CONSOMMATION DES CRÉDITS PAR RAPPORT À LA PRÉVISION EN LFI, EN RAISON DU DÉCRET D'ANNULATION
1. Près de 627 millions d'euros non consommés
À l'échelle de la mission, l'exécution est globalement conforme aux prévisions votées en loi de finances initiale (LFI). Les crédits semblent légèrement sous consommés, à hauteur de 99,4 % en AE et de 99,3 % en CP. La sous-exécution représente toutefois un montant élevé de 564 millions d'euros en AE et de 627 millions d'euros en CP, par rapport aux prévisions votées en LFI. En incluant les ouvertures et les annulations de crédits intervenues au cours de l'année, le taux de consommation de la mission « Enseignement scolaire » s'élève à 99,5 % en AE et à 99,9 % en CP.
Évolution des crédits de la mission « Enseignement scolaire » en 2024
(en millions d'euros et en pourcentage)
AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Comme les années précédentes, des disparités selon les programmes peuvent être observées. Le programme 230 « Vie de l'élève » fait l'objet d'une sous-consommation de ses crédits de 2,4 % en AE et de 2,1 % en CP. Contrairement aux années précédentes, le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale » est le plus largement sur-exécuté, à hauteur de 3,9 % en AE.
Ainsi, ce sont près de 194 millions d'euros en CP qui n'ont pas été consommés sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », 181 millions d'euros sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » et 167 millions d'euros sur le programme 230 « Vie de l'élève ».
Décomposition de la sous-consommation
de la mission « Enseignement scolaire » par programme
en 2024
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'exécution est également variable selon la nature des dépenses : les CP ont été consommés à 94,9 % sur les dépenses hors titre 2, et à 99,6 %1(*) sur les dépenses de titre 2. Les dépenses de personnel représentent toutefois 93 % des crédits de la mission.
En excluant les dépenses liées au CAS « Pensions », les dépenses s'élèvent en 2024 à 64,3 milliards d'euros en AE et à 64,1 milliards d'euros en CP. Ce sont 187 millions d'euros qui ne sont pas consommés en AE et 250 millions d'euros en CP. La contribution au CAS « Pensions » a été surestimée en LFI 2024 de 377 millions d'euros.
2. L'annulation de 534 millions d'euros en gestion
a) Des mouvements de gestion particulièrement importants, contrairement aux années précédentes
Comme beaucoup de missions du budget de l'État, la mission « Enseignement scolaire » a subi des mouvements règlementaires d'annulation ayant eu lieu en 2024, compte tenu de la dégradation des finances publiques. Le décret2(*) d'annulation du 21 février 2024, ainsi que la loi3(*) de finances de fin de gestion de 2024, ont conduit à l'annulation de 534 millions d'euros en CP au total.
Il s'agit d'une différence par rapport aux années précédentes, les mouvements de gestion étant généralement faibles sur la mission « Enseignement scolaire ». Ils s'étaient ainsi élevés à 255,9 millions d'euros en CP, soit 0,3 % des crédits de la mission, en 2023.
Décomposition des mouvements de gestion
de la mission « Enseignement scolaire » en
2024
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La loi de finances de fin de gestion, en particulier, a supprimé près de 128 millions d'euros, dont 112 millions d'euros sur les dépenses de personnel du programme 141 « Enseignement scolaire du second degré ».
La sous-consommation des crédits par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale est due dans une large mesure à la sous-exécution des dépenses de formation, comme développé plus bas dans le rapport, ainsi qu'à la sous-exécution du schéma d'emplois de 2024. La sous-consommation des mesures du Pacte enseignant est également pour partie responsable de la sous-exécution des crédits.
De tels niveaux de sous-consommation sont inacceptables et témoignent de l'insincérité des prévisions budgétaires présentées aux Parlementaires en loi de finances initiale.
b) Près de 692 millions d'euros annulés par décret
Le décret4(*) du 21 février 2024 en particulier a entrainé l'annulation de 692 millions d'euros sur la mission enseignement scolaire, soit 0,8 % des crédits de la mission, CAS « Pensions » inclus.
Répartition des annulations de
crédits opérés par le décret d'annulation
entre
les programmes de la mission « Enseignement
scolaire »
(en millions d'euros, en pourcentage et en CP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les annulations ont porté à 37,8 % sur le programme 230 « Vie de l'élève », pour un montant de 262 millions d'euros, à 20 % sur le programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », représentant 138 millions d'euros, et à 17,9 % sur le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré », représentant 123 millions d'euros.
Toutefois, concernant le programme 230 « Vie de l'élève », grâce à la loi de finance de fin de gestion précitée, près de 139 millions d'euros en AE et en CP ont été ouvertes sur les dépenses de titre 2 sur la période, tandis que 299,43 millions d'euros ont été annulés sur les dépenses hors titre 2, portant le total des annulations sur le programme 230 « vie de l'élève » à 167 millions d'euros.
Les crédits annulés par le décret précité portent essentiellement sur les dépenses de personnel, à hauteur de 69,2 %.
Répartition des annulations de
crédits opérés par le décret d'annulation
par
titre de la mission « Enseignement scolaire »
(en pourcentage et en CP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
L'annulation de 692 millions d'euros sur la mission « Enseignement scolaire » deux mois après le vote de la loi de finances initiale au Parlement n'est pas acceptable interroge sur les prévisions initiales de dépenses. Une annulation de cette ampleur aurait dû faire l'objet d'un vote au Parlement, par exemple au moyen d'une loi de finances rectificative.
Par ailleurs, il faut noter que malgré ces annulations, les crédits de la mission ont quand même été sous-exécutés de 93 millions d'euros en CP, malgré des réouvertures de crédits en gestion. Au total, ce sont 534 millions d'euros qui n'ont pas été consommés par rapport aux prévisions en loi de finances initiale. On peut donc en déduire qu'il existe des marges d'économies sur la mission « Enseignement scolaire », puisque le Gouvernement a pu opérer ces annulations. Dans un contexte contraint pour les finances publiques, des pistes d'économies peuvent être explorées.
* 1 Par rapport aux prévisions en LFI.
* 2 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 3 LOI n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 4 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.