B. HORS BÉNÉFICIAIRES DE LA PROTECTION TEMPORAIRE, UNE SOUS-EXÉCUTION DES CRÉDITS INITIAUX
Comme en 2022 et 2023, l'année 2024 est marquée par une sur-exécution des crédits par rapport aux crédits votés en loi de finances, de l'ordre de 5,9 % en AE (+ 104 millions d'euros) et de 1,6 % en CP (+ 34 millions d'euros).
Le niveau d'exécution de l'exercice 2024 doit néanmoins, comme en 2022 et en 2023, être replacé dans un contexte particulier. En effet, la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 20016(*) prévoit la possibilité, à l'échelle européenne, de mettre en place une « protection temporaire » en cas d'afflux massif de personnes qui fuient des zones de conflit ou de violences. Ce mécanisme a été activé - pour la première fois - par la décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 20227(*), dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine lancée par les forces armées russes, le 24 février 2022, et prorogé jusqu'au 4 mars 2026.
Dans ce cadre, les personnes déplacées sont libres d'accéder à l'État de l'Union de leur choix. La directive du 20 juillet 2001 ne prévoyant pas de procédure d'octroi de la protection temporaire, ce sont les États qui sont compétents en la matière. En France, elles ont été fixées par une instruction ministérielle initiale8(*), puis plusieurs textes de nature réglementaire9(*).
Les bénéficiaires de la protection temporaire (BPT) se voient remettre une autorisation provisoire de séjour (APS) d'une durée de 6 mois. Cette autorisation est renouvelée de plein droit pendant toute la durée de validité de la décision du Conseil de l'UE actionnant la protection temporaire. Les BPT ont en principe accès à un hébergement s'ils n'en disposent pas à titre personnel. En outre, ils peuvent percevoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) pendant la durée de leur protection s'ils satisfont à des conditions d'âge et de ressources.
Le coût associé a représenté 231 millions d'euros en 2024 (dont 98 millions d'euros pour l'hébergement, 131 millions d'euros pour l'allocation, et 1 million d'euros pour les accueils de jour), contre 322 millions d'euros en 2023 et 482 millions d'euros en 2022.
Or, alors que le caractère certain de la dépense apparaissait clairement pour 2024, le projet de loi de finances pour 2024 n'en couvrait pas le financement, pour la troisième année consécutive10(*), le financement ayant été prévu en exécution11(*). Une telle situation est apparue doublement inopportune : d'une part, elle prive le Parlement d'un droit de regard éclairé au moment du vote du budget ; d'autre part, elle a induit une pression budgétaire indue et perturbatrice sur les gestionnaires de programme, qui ont été obligés de dégager des économies significatives en cours d'année pour financer provisoirement les dépenses en lien avec la protection temporaire, jusqu'à l'ouverture des crédits en loi de finances de fin de gestion.
Au total, hors dépenses d'accueil des bénéficiaires de la protection temporaire, non budgétées initialement, les crédits de paiement affichent une sous-consommation effective de 197 millions d'euros en 2024, soit - 9,1 %, par rapport à la LFI 2024.
* 6 Directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l'octroi d'une protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
* 7 Décision d'exécution UE n° 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 constatant l'existence d'un afflux massif de personnes déplacées en provenance d'Ukraine, au sens de l'article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d'introduire une protection temporaire.
* 8 Instruction NOR : INTV2208085J du 10 mars 2022 du ministre de l'intérieur, du ministre des solidarités et de la santé, de la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement et de la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, chargée de la citoyenneté.
* 9 Notamment circulaire n° 6355-SG du 22 juin 2022 portant orientations nationales pour l'hébergement et le logement des déplaces en provenance d'Ukraine et circulaire n° 6406-SG du 23 juin 2023 portant orientations pluriannuelles pour l'accueil et l'insertion des personnes déplacées en provenance d'Ukraine.
* 10 Cet écueil a été corrigé dans le cadre de la loi de finances pour 2025.
* 11 Voir infra.