N° 743

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2024,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 3
Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL

Rapporteurs spéciaux : MM. Christian KLINGER et Victorin LUREL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson,
rapporteur général ;
MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet,
M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel,
Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient,
Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1285, 1492 et T.A. 138

Sénat : 718 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Depuis 2023, le niveau constaté de dépenses de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) connaît une relative stabilité : 4,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en 2023 et 4,5 milliards d'euros en 2024, après deux années consécutives de hausse importante des crédits dépensés (714 millions d'euros supplémentaires entre 2020 et 2021 puis 1 milliard d'euros supplémentaires entre 2021 et 2022).

2. Toutefois, pour la première fois en cinq ans, l'exécution des crédits est, en 2024, globalement conforme aux prévisions : en effet, contrairement aux exercices précédents, les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2024 (5,338 milliards d'euros en AE et 4,747 milliards d'euros en CP) couvrent les dépenses effectivement exécutées (5,186 milliards d'euros en AE et 4,498 milliards d'euros en CP). La consommation réalisée s'établit à 97,1 % des AE et 94,8 % des CP ouverts en loi de finances initiale, à comparer aux deux années précédentes de surexécution budgétaire marquée (121 % des AE et 122 % des CP en 2023 et même 155 % des AE et 154 % des CP en 2022).

3. Pour autant, le satisfecit n'est pas de mise puisque l'exercice en question est une nouvelle fois caractérisé par de nombreux mouvements infra-annuels, limitant la lisibilité de l'exécution budgétaire pour 2024 (annulations de crédits en début d'exercice et en loi de finances de fin de gestion, reports de 2023 sur 2024, mouvements multiples au sein des programmes au grès des aléas).

4. S'agissant des aléas, plusieurs constats formulés les années précédentes demeurent : certaines contraintes non anticipées, du fait des aléas climatiques, d'une part, et des maladies animales d'autre part, ont imposé d'importantes ouvertures de crédits en cours de gestion, au détriment d'autres actions, posant une nouvelle fois la question de la sincérité des engagements initiaux et de la capacité gouvernementale à mieux anticiper des aléas dont la survenance est de plus en plus probable même si leur nature reste, par définition, imprévisible.

5. Afin d'améliorer la mesure de la performance, il serait nécessaire de mettre à jour une partie des indicateurs de la mission, certains d'entre eux paraissant particulièrement théoriques.

6. Enfin, les rapporteurs spéciaux se réjouissent du rapprochement entre le niveau constaté de recettes et le prévisionnel, s'agissant des crédits de paiement du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » (CASDAR). Le suivi de l'une de leurs préconisations, à savoir la hausse en 2024 de 20 millions d'euros du plafond autorisé de dépenses, constitue un progrès qui les incite à ne plus demander la rebudgétisation de ce CAS.

I. LA MISSION « AAFAR »

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) comprenait1(*), en 2024, quatre programmes budgétaires (par importance budgétaire décroissante) :

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » (2,57 milliards d'euros exécutés en crédits de paiement en 2024 contre 2,87 milliards d'euros en 2023) porte les dispositifs d'aide aux filières agricoles et forestières, et les financements attribués par l'État en cofinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (PAC) ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (870 millions d'euros exécutés en crédits de paiement en 2024 contre 770,29 millions d'euros en 2023) couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer la maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires affectant les animaux, les végétaux et les produits alimentaires, ne réservant qu'une faible partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments proprement dite ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (617 millions d'euros consommés en crédits de paiement en 2024 contre 593,5 millions d'euros en 2023) est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à la couverture des coûts de gestion des missions du ministère (hors éducation) ;

- le programme 381 « Allègements de cotisations et contributions sociales » (438 millions d'euros exécutés en crédits de paiement en 2024 contre 433 millions d'euros en 2023), créé par la loi de finances pour 2023, est doté par mesures de transfert (les dépenses objets du programme bénéficiaient antérieurement de l'affectation d'une part des recettes de la TVA).

L'exécution 2024 a certes été perturbée, comme les années précédentes, par les effets de crises agricoles, principalement sanitaires et, dans une moindre mesure, climatiques ainsi que par les diverses campagnes nationales de vaccination, mais ces éléments avaient été davantage anticipés en prévision que lors des exercices précédents, ce qui constitue un point de satisfaction. Les rapporteurs spéciaux dénonçaient l'an dernier l'absence d'anticipation de crises pourtant devenue récurrentes, générant des besoins colossaux de financement en cours d'exercice. L'absence de loi de finances rectificative en cours de gestion avait nécessité des transferts au sein des programmes, principalement pour éviter un risque de rupture de trésorerie pour le programme 206 : cette situation ne s'est pas reproduite en 2024.

Dépenses exécutées pour chacun des quatre programmes
de la mission AAFAR en 2024

(en millions d'euros arrondis à l'entier le plus proche)

Source : Commission des finances du Sénat

Pour autant, les rapporteurs spéciaux sont loin de décerner un satisfecit. Non seulement, la meilleure correspondance entre les crédits ouverts et les crédits exécutés s'est, une nouvelle fois, faite au prix de nombreux mouvements infra-annuels qui complexifient la lecture budgétaire d'ensemble mais de surcroît le niveau des crédits ouverts en LFI 2024 a connu une forte hausse, ce qui ne sera pas durablement tenable dans le contexte budgétaire.

Évolution des crédits ouverts en loi de finances initiale

Programme

Autorisations d'engagement
en LFI 2024

Évolution
par rapport
à la LFI 2023

Crédits
de paiement
en LFI 2024

Évolution
par rapport
à la LFI 2023

Programme 149

3 177

+ 51 %

2 736

+ 30 %

Programme 206

1 035

+ 57 %

905

+ 38 %

Programme 215

702

+ 2 %

682

+ 1 %

Programme 381

423

- 1 %

423

- 1 %

Total

5 337

+ 37 %

4 746

+ 23 %

Source : Commission des finances du Sénat

Cette hausse sans précédent, principalement au titre de la mise en oeuvre de la planification écologique, a en réalité rapproché les crédits ouverts de l'exécution budgétaire de 2022 et 2023, au cours desquelles la surconsommation par rapport aux crédits initiaux avait été respectivement de 36 % et de 20,5 %.

A. UNE EXÉCUTION BEAUCOUP PLUS PROCHE DES PRÉVISIONS INITIALES QUE LORS DES CINQ PRÉCÉDENTS EXERCICES

1. Une exécution des crédits pour 2024 sans que soient dépassées les prévisions : une première depuis 2020

Jusqu'en 2023, exercice après exercice, le même constat pouvait être dressé : les ouvertures de crédits en loi de finances initiale étaient légèrement supérieures à celles de l'exercice précédent, tandis que les dépenses l'étaient bien davantage. Les crédits de paiement consommés, après avoir augmenté de 30 % entre 2021 et 2022, ont globalement connu la stabilité entre 2022 et 2023 (4,7 milliards d'euros en 2023 contre 4,6 milliards d'euros un an plus tôt).

En 2024, pour la première fois depuis 2020, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement exécutés sont inférieurs, respectivement de 3 % et de 5,5 %, à la programmation initiale (contre tout de même 20,5 % de dépassement en AE comme en CP en 2023).

Avec une consommation des crédits de 5,2 milliards d'euros en AE et 4,5 milliards d'euros en CP, les dépenses constatées ont connu des chemins contrastés : une hausse de 10,4 % des AE et une baisse de 4,48 % des CP. Malgré cela, on peut souligner le fait que l'exécution 2024 correspond globalement aux crédits ouverts sur l'année, lesquels s'inscrivent donc dans la lignée de la dépense constatée au cours des deux exercices précédents. Toutefois, comme chaque année, ces dépenses ont toutefois connu des dynamiques différentes entre programmes.

Alors qu'il avait contribué à une très grande part de l'augmentation des crédits exécutés pour la mission entre 2021 et 2022, le programme 149 a de nouveau été, en 2024, moins consommateur de crédits de paiement que l'année précédente, comme en 2023, quand le programme 206 a pour sa part été plus dépensier que l'an passé en AE comme en CP.

Les dépenses des programme 215 et 381 augmentent pour leur part, en AE comme en CP mais dans des proportions très mesurées.

Données relatives à l'exécution des crédits de la mission en 2024

(en millions d'euros)

Programmes

 

Exécution 2023

Crédits ouverts en LFI 20242(*)

Total des crédits ouverts en 2024

Exécution 2024

Variation exécution 2024/2023

Écart exécution 2024/LFI 2024

Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt »

AE

2 866

3 177

3 146

3 060

+ 6,77 %

+ 194

CP

2 908

2 736

2 897

2 573

- 11,52 %

- 335

Programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

AE

804,7

1 036

1 152

1 072

+ 33,22 %

+ 267

CP

770,3

906

1 000

870

+ 12,94 %

+ 100

Programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

AE

593,5

702

705

616

+ 3,8 %

+ 23

CP

597,4

682

627

617

+ 3,28 %

+ 20

Programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) »

AE

433

423

438

438

+ 1,15 %

+ 5

CP

433

423

438

438

+ 1,15 %

+ 5

Total Mission

AE

4 697,6

5 338

5 511

5 186

+ 10,4 %

+ 488,4

CP

4 709

4 747

4 962

4 498

- 4,48 %

- 211

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données du RAP 2024 

2. Des modifications budgétaires, en cours d'exercice, de nouveau substantielles

Bien qu'au global les ouvertures de crédits aient permis de couvrir les besoins effectifs, l'année 2024 n'a pas échappé à l'une des caractéristiques intangibles de la mission AAFAR : les modifications infra-annuelles y sont très présentes, voire trop.

En premier lieu, les rapporteurs spéciaux dénoncent le niveau particulièrement important des annulations de crédits (cf. infra), d'autant que cette tendance s'est poursuivie en loi de finances de fin de gestion.

En second lieu, les rapporteurs spéciaux constatent un mouvement inverse de reports et de transferts nets qui a contribué à soutenir les différents programmes mais qui ne facilite pas, une nouvelle fois, la lisibilité de l'exécution budgétaire.

Les reports de 2023 sur 2024 s'élèvent au total à 304 millions d'euros en AE et à 322 millions d'euros en CP, un niveau supérieur à l'an passé en AE et à peu près similaire en CP mais qui demeure élevé (cf. infra).

58 % des reports en AE et 60 % des reports en CP sont venus abonder le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (une partie des crédits de vaccination de 2023 n'ont en réalité été engagés qu'en 2024).

Le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » a pour sa part été destinataire de 39 % des reports en crédits de paiement ainsi que de 83 % des transferts. Sur ce programme, il s'est agi principalement d'intervenir pour compenser l'impact sur la filière agricole de crises survenues au cours de l'année : indemnisation économique liée aux crises sanitaires, ainsi que de nouvelles difficultés connues par les professions agricoles incluant les soutiens à la filière viticole ; en particulier du fait d'épisodes de gel, du soutien à la filière biologique particulièrement touchée par de nouveaux comportements des consommateurs au regard d'une inflation accrue, etc. Ces facteurs exogènes ont d'ailleurs grandement contribué au cantonnement du revenu des agriculteurs.

Par ailleurs, la Cour des comptes souligne dans la note d'analyse précitée le fait que les responsables de programme ont remonté, en cours de gestion, 228 millions d'euros de crédits non utilisés par les opérateurs, dont 217 millions d'euros sur le seul programme 149. La direction du budget, en lien avec le MASA, a ainsi pu identifier une trésorerie considérée comme « inactive » au sein de l'Agence de services et de paiement (ASP) et de FranceAgriMer (FAM) ce qui ne manque pas d'interroger les rapporteurs spéciaux, en particulier s'agissant de l'ASP, compte tenu des retards signalés dans le versement de certaines aides, pour ne pas parler de défaillances, à propos desquelles ils prendront prochainement l'attache de l'organisme.

Du fait des nombreux mouvements dans les deux sens, le total de crédits ouverts est porté à 5,5 milliards d'euros en AE et 4,96 milliards d'euros en CP, soit une augmentation respective de 2 % et de 4,5 % des crédits ouverts en LFI.

Ce montant ouvert est historiquement élevé. À défaut d'être pleinement satisfaisante au regard du contexte budgétaire, cette situation a néanmoins permis de rapprocher fortement l'exécution du prévisionnel. Ainsi, l'écart entre la loi de finances initiale et le montant exécuté n'est pas aussi important qu'en 2022 et en 2023, où il avait atteint des niveaux sans précédent3(*).

Mouvements infra-annuels de crédits sur les différents programmes
de la mission en 2024

(en millions d'euros)

 

P149

P206

P215

P381

Total Mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

3 177

2 736

1 036

906

702

682

423

423

5 338

4 747

Fonds de concours et attribution de produits

1

1

35

35

13

13

0

0

49

49

Reports de 2023

83

126

177

194

44

2

0

0

304

322

Annulations

0

0

- 10,51

- 10,51

- 60,01

- 60,01

0

0

- 70,52

- 70,52

Autres mouvements de crédits

2,69

16,03

- 7,29

- 1,13

4,48

5,64

0

0

- 0,12

20,54

dont Avances

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

dont Virements

9

3

- 10

- 4

6

6

0

0

5

5

dont Transferts

- 6

13

3

3

- 1

0

0

0

- 4

16

Loi de finances de fin de gestion

- 118

18

- 79

- 124

1

- 16

15

15

- 181

- 107

Total des crédits ouverts

3 146

2 897

1 152

1 000

705

627

438

438

5 511

4 962

Crédits consommés

3 060

2 573

1 072

870

616

617

438

438

5 186

4 498

Source : commission des finances du Sénat à partir de la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2024 de la Cour des comptes

Par rapport aux seuls crédits ouverts en loi de finances initiale, il ressort une sous-consommation de 152 millions d'euros en AE et 249 millions d'euros en CP. Ce dernier montant peut certes paraître encore insatisfaisant, mais il est à rapprocher de l'écart constaté en 2023 où, à l'inverse, les crédits consommés avaient dépassé de près de 1,27 milliard d'euros les prévisions de la LFI.

Au total, en tenant compte des mouvements de gestion, les crédits ouverts durant l'exercice 2024 ont excédé de 325 millions d'euros en AE et 464 millions d'euros en CP le total des crédits consommés.

Cette sous-consommation, qui représente tout de même 9,35 % des CP ouverts (contre 8,3 % en 2023) est en particulier marquée, comme lors des années précédentes, pour les dépenses d'investissement. Cette sous-consommation des dépenses d'investissement explique en grande partie le niveau proportionnellement important de crédits non consommés du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (130 millions d'euros de crédits de paiement non consommés sur 1 milliard d'euros ouverts, soit 13 %).

Le tableau ci-après récapitule le niveau de sous-consommation pour chacun des quatre programmes de la mission.

Crédits non consommés au sein de la mission AAFAR en 2024

(en millions d'euros)

 

Crédits ouverts

Crédits consommés

Sous-consommation constatée

Part des crédits non consommés (en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt »

3 146

2 897

3 060

2 573

86

324

2,73 %

11,18 %

Programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

1 152

1 000

1 072

870

80

130

6,94 %

13,00 %

Programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

705

627

616

617

89

10

12,62 %

1,59 %

Programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) »

438

438

438

438

0

0

0,00 %

0,00 %

Total

5 511

4 962

5 186

4 498

325

464

5,90 %

9,35 %

Source : commission des finances du Sénat à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

3. Un niveau de reports de crédits sans précèdent

La sous-consommation du total des crédits disponibles lors des derniers exercices se traduit pour partie par un niveau significatif de reports de crédits sur l'exercice suivant. Au cours des cinq derniers exercices, le volume de reports de crédits généraux d'une année sur l'autre a certes fluctué de manière importante, mais il s'établit en moyenne à 120 millions d'euros en AE et à 247 millions d'euros en CP. L'année 2024 bat tous les records sur ce plan avec des reports constatés de crédits, de 2023 sur 2024, qui avoisinent les 320 millions d'euros en CP (+ 158 %).

Comme chaque année, ils sont principalement imputables au décalage lié à une mise en oeuvre tardive de dispositifs de crises dont les crédits ont été autorisés en fin d'année civile. Soulignons, parmi tous les reports constatés, ceux relevant du programme 215, au sein duquel on constate une augmentation récurrente des reports qui sont passés de 1,4 million d'euros en 2021 à 41,7 millions d'euros en 2024. Ce niveau élevé résulte du retard pris sur différents projets, et en particulier sur le projet immobilier « Alfort » qui porte le déménagement, sur le site de l'école vétérinaire à Maisons-Alfort dans le Val-de-Marne, d'une partie des personnels du MASA, à une échéance de trois ans environ.

Rappelons toutefois que depuis le 1er janvier 2023, le régime de report des crédits est davantage encadré. La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques plafonne désormais le montant total des crédits de paiement reportés à 5 % des crédits ouverts, modifiant les conditions de report jusqu'alors fixées à l'article 15 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Bien que ces plafonds soient respectés, il serait plus respectueux des principes d'annualité et de sincérité budgétaires que le MASA ouvre les crédits pour les besoins du seul exercice en cours, et non pour des besoins prévisionnels de l'exercice à venir.

Au-delà des questions de principe, qui ne semblent pas entrer dans le champ des considérations retenues par les Gouvernements successifs quant à l'exécution budgétaire, les rapporteurs spéciaux constatent, que les reports de crédits sur l'année 2024 représentent trente fois le montant des reports constatés sur l'année 2020. La simultanéité entre, la même année, un niveau jamais égalé de crédits reportés et un niveau de crédits non consommés toujours substantiel constitue une tendance regrettable, qui ne saurait perdurer. C'est pourquoi ils plaident là aussi pour davantage de rigueur, bien que l'exercice 2024 ait par ailleurs donné lieu à des améliorations, dans le prévisionnel budgétaire du MASA.

4. Une forte hausse des dépenses d'investissement, même si elles demeurent proportionnellement marginales et sous-exécutées

Les dépenses d'investissement exécutées s'établissent à 62,09 millions d'euros en CP pour l'année 2024 (contre 50,7 millions d'euros en 2023) soit dix fois le montant de 2020. Malgré cette croissance notable, qui leur ont permis de peser 1,38 % des CP consommés de la mission contre 0,21 % en 2020, ces dépenses demeurent marginales par rapport au total des dépenses de la mission.

Évolution des dépenses de la mission, en CP consommés, par titre
entre 2020 et 2024

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

2023

2024

Variation 2024/2020 (en %)

Dépenses de personnel*

859,82

849,55

844,67

857,97

895,82

+ 4,19 %

Part des dépenses de personnel dans le total

29,79 %

23,60 %

40,57 %

18,22 %

19,91 %

 

Autres dépenses dont :

2 026,56

2 750,78

1 237,57

3 850,96

3 602,51

+ 77,76 %

Dépenses de fonctionnement

777,71

847,03

932,82

1 012,32

1 039,94

+ 33,72 %

Dépenses d'investissement

5,93

7,31

10,25

50,7

62,09

+ 947,05 %

Dépenses d'intervention

1 057,84

1 382,96

2 588,65

2 677,73

2 313,75

+ 118,72 %

Dépenses d'opérations financières

185,08

513,48

294,5

110,21

186,73

+ 0,89 %

Total

2 886,38

3 600,33

2 082,24

4 708,93

4 498,33

+ 55,85 %

*Incluant le compte d'affectation spéciale « pensions ».

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2024

5. Une augmentation des dépenses de personnel

Après avoir régulièrement diminué entre 2020 et 2022 (845 millions d'euros en 2022, 850 millions d'euros en 2021 et 860 millions d'euros en 2020), les dépenses effectives de personnel augmentent cette année. Sur une année, leur part dans le total augmente également puisqu'elles ont progressé plus vite que les crédits de paiement dans leur ensemble, représentant 19,91 % du total des dépenses en 2024 contre 18,22 % en 2023. Elles demeurent toutefois contenues entre 850 et 900 millions d'euros selon les exercices.

Poids des dépenses de personnel dans le total des dépenses exécutées
(incluant le CAS « Pensions »)

Source : Commission des finances du Sénat

Au total, 11 813 ETPT ont été ouverts en LFI 2024 contre 11 834 ETPT en LFI 2023 et 11 714 ETPT en 2022, soit 21 ETPT en moins (- 0,18 %), après une hausse de 1,02 % en 2023 et de 1,9 % en 2022 qui faisait elle-même suite à deux années consécutives de baisse (- 1,4 % entre 2020 et 2021 et - 1,6 % entre 2019 et 2020).

Le plafond d'emplois 2024 est, comme en 2023, sous-consommé avec 204 ETPT (contre 258 ETPT en 2023) non pourvus. La sous-consommation est pour partie liée à des difficultés structurelles de recrutement, en particulier dans les abattoirs s'agissant du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ».

Sur le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », la sous-consommation des emplois s'explique de nouveau par le transfert du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) aux conseils régionaux depuis le 1er janvier 2023, qui entraîne progressivement la suppression à l'échelon ministériel 4(*) des emplois attachés à certains dispositifs (90 ETPT), alors qu'ils n'ont pas été déduits du plafond inscrit en LFI.

Enfin, les tensions dans le secteur agricole, qui se sont traduites par des mobilisations d'agriculteurs en début d'année 2024, ont incité le ministère à envisager des recrutements supplémentaires pour renforcer les équipes d'aides à l'instruction des dossiers d'aides de la PAC (239 ETP). Initialement prévus en juillet, ils ont dû être décalés au dernier quadrimestre de l'année, le ministère faisant entre temps appel à des intérimaires.


* 1 Après une seule année d'existence, le programme 382 « Protection animale » correspondant à un total de 330 000 euros exécutés a été supprimé en loi de finances initiale pour 2024 et les crédits correspondants ont depuis été intégrés au programme 206. Il était consacré aux soutiens aux associations de protection des animaux de toutes espèces (en complément d'une action déjà existante du programme 206).

* 2 Crédits ouverts en loi de finances initiale hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (AdP).

* 3 En 2022, les crédits ouverts en cours de gestion en 2022 avaient presque égalé les autorisations de la LFI, tant en AE qu'en CP, principalement du fait des ouvertures opérées en lois de de finances rectificatives (939 millions d'euros en CP), des reports de crédits (402 millions d'euros en CP), et plus marginalement de fonds de concours et attributions de produits (45 millions d'euros). En 2023, les autorisations d'engagement et les crédits de paiement exécutés ont été supérieurs de 20,5 % à la programmation initiale.

* 4 Depuis cette date, les dispositifs assis sur le FEADER, comme les aides à l'installation et à la transmission d'exploitations, sont gérés directement par les régions.

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