II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
A. LES ANNULATIONS DE CRÉDITS LIÉES AUX MESURES DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES ONT CONTRAINT LES RESPONSABLES DE PROGRAMME À AFFINER LEUR GESTION BUDGÉTAIRE
La mission « Conseil et contrôle de l'État » a été impactée par les annulations de crédits résultant des mesures transversales de redressement des finances publiques décidées en 2024.
Le décret d'annulation du 21 février 20244(*) a annulé 14,9 millions d'euros en AE et en CP, dont :
- 12,9 millions d'euros sur le programme 165 ;
- 1,2 million d'euros sur le programme 164 ;
- 0,75 million d'euros sur le programme 126.
La loi de finances de fin de gestion (LFFG) pour 20245(*) a en outre annulé 8,3 millions d'euros en CP sur le programme 165, ainsi que 2,11 millions d'euros en CP sur le programme 164. Elle a également ouvert une enveloppe de 2 millions d'euros sur le programme dédié au CESE.
Les annulations de crédit décidés en 2024 n'ont pas fragilisé la soutenabilité budgétaire de la mission. Elles ont néanmoins, pour reprendre une formulation de la Cour des comptes, « asséché la réserve de précaution6(*) », ce qui a contraint les responsables de programme à un pilotage fin des crédits. Ainsi, plus de 99 % des 867 millions d'euros de crédits finalement disponibles ont été consommés.
La mission « Conseil et contrôle de l'État » de la LFI à l'exécution
(en millions d'euros et en CP)
Source : commission des finances, d'après la documentation budgétaire
B. UNE MAITRISE DES DÉLAIS DE JUGEMENT DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES SATISFAISANTE PERMISE PAR L'ALLOCATION DE MOYENS BUDGÉTAIRES ADAPTÉS
Le principal enjeu de la mission « Conseil et contrôle de l'État » demeure l'adéquation des moyens du programme 165 avec la croissance continue du contentieux administratif, en particulier pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui a été intégrée au périmètre de la mission depuis la LFI pour 2024.
Délai moyen constaté de jugement par
niveau de juridiction administrative,
y compris procédures
d'urgence
2022 réalisation |
2023 réalisation |
2024 cible |
2024 réalisation |
|
Conseil d'État |
7 mois et 14 jours |
7 mois et 8 jours |
9 mois |
7 mois et 8 jours |
Cours administratives d'appel |
11 mois et 18 jours |
11 mois et 16 jours |
11 mois |
11 mois et 12 jours |
Tribunaux administratifs |
9 mois et 20 jours |
9 mois et 20 jours |
9 mois et 15 jours |
9 mois et 29 jours |
CNDA - procédures ordinaires |
7 mois et |
6 mois et 26 jours |
5 mois et 15 jours |
5 mois et 23 jours |
CNDA - procédures accélérées |
5 mois et |
4 mois et 29 jours |
6 semaines |
4 mois et 11 jours |
Commission du contentieux du stationnement payant |
19 mois et 26 jours |
20 mois et 18 jours |
26 mois et 9 jours |
24 mois et 5 jours |
Source : Commission des finances du Sénat, d'après le RAP « Conseil et contrôle de l'État » annexé au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024
Le délai moyen constaté de jugement des affaires en 2024 est de 7 mois et 8 jours pour le Conseil d'État (stable par rapport à 2023). Le respect, par le Conseil d'État, de délais moyens constatés inférieurs à la cible définie dans les projets annuels de performances (PAP) pour les trois dernières années est notamment lié à la progression des référés sur lesquels le juge statue dans des délais courts. Par ailleurs, les cours administratives d'appel (CAA) et les tribunaux administratifs (TA) parviennent à stabiliser, voire à réduire légèrement, les délais de jugement, alors même que les premières sont ralenties par le traitement de dossier lourds et anciens comme ceux concernant l'urbanisme, et que les seconds composent avec une forte augmentation des dossiers enregistrés.
Concernant la CNDA, en l'espace d'une dizaine d'années, le nombre de recours portés devant la juridiction du droit d'asile a plus que doublé, s'élevant à plus de 60 000 par an depuis 2021. Pour faire face à cet afflux, le rapporteur spécial a pu constater, à l'occasion de son contrôle budgétaire sur la CNDA7(*) de 2024, que la Cour a augmenté ses capacités de jugement grâce, notamment, à des recrutements importants, à la professionnalisation des juges de l'asile soumis à une norme élevée, à un rythme soutenu du traitement des affaires, à la dématérialisation des procédures, complétée par des audiences foraines en outre-mer afin de résorber les stocks. Ainsi, depuis 2021, la Cour a un taux de couverture excédentaire, c'est-à-dire qu'elle juge plus d'affaires que le nombre de recours introduits sur l'année.
Le délai moyen global constaté à la CNDA s'est sensiblement amélioré. Il s'établit à 5 mois et 23 jours pour 2024, contre 6 mois et 26 jours en 2023. Comme exposé à l'occasion du contrôle budgétaire sur la CNDA susmentionné, le rapporteur spécial considère par ailleurs qu'un allongement du délai cible à trois mois pour les procédures accélérées serait plus réaliste. Le rapporteur spécial tient à souligner l'importance de la maîtrise de ces délais, dès lors qu'une réduction d'un mois du délai de jugement peut produire une économie de 91 millions d'euros, qui correspond au coût mensuel de la prise en charge des demandeurs d'asile, hors dépenses de santé et d'éducation.
Enfin le délai moyen de jugement de la CCSP s'élève à 24 mois et 5 jours, soit une durée inférieure à celle fixée dans la documentation budgétaire. Le rapporteur spécial alerte toutefois sur la dynamique d'augmentation de ces délais, qui s'élevaient à 19 mois et 26 jours en 2022 et 20 mois et 18 jours en 2023, qui résulte en grande partie du sous-dimensionnement des effectifs de cette juridiction8(*).
Le rapporteur spécial se félicite de ces résultats globalement satisfaisants, favorisés notamment par le renforcement des effectifs des juridictions administratives en 2024 (+ 44 ETP). Il souhaite toutefois de nouveau9(*) alerter sur les risques d'allongement des délais de jugement que fait peser la stabilisation des effectifs du programme dans la LFI 2025. Ce gel des effectifs est justifié à court terme par le contexte budgétaire difficile, mais n'en est pas moins préoccupant compte tenu de l'augmentation de la pression contentieuse qui pèse sur les juridictions administratives.
* 4 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 5 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024.
* 6 Cour des comptes, Note d'analyse sur l'exécution budgétaire 2024 - Mission « Conseil et contrôle de l'État ».
* 7 La Cour nationale du droit d'asile : une juridiction qui s'adapte sans cesse aux « chaos du monde », Rapport d'information n° 604 (2023-2024) de M. Christian Bilhac, fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 15 mai 2024.
* 8 Sur ce point, voir les développements du rapport général n° 144 (2024-2025), tome III, annexe 7, déposé le 21 novembre 2024.
* 9 Ibid.