N° 745

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière,

Par M. Francis SZPINER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Première lecture : 1751, 2104 et T.A. 234

Deuxième lecture : 157, 1354 et T.A. 128

Première lecture : 308, 442, 443 et T.A. 101 (2023-2024)

Deuxième lecture : 681 et 746 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

Adoptée en première lecture par le Sénat il y a plus d'un an, la proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière, déposée par plusieurs députés, a été adoptée en deuxième lecture avec modification par l'Assemblée nationale le 3 juin 2025.

* * *

En mars dernier, le Sénat avait d'emblée souscrit à la démarche des députés et des associations de victimes soutenue par le Gouvernement. Le caractère involontaire de l'homicide par véhicule terrestre à moteur est en effet difficilement audible par les familles dès lors que chaque mort sur la route est évitable. Afin de garantir la qualité de la loi, le Sénat avait adopté une démarche constructive tendant à aller au bout de la logique de la proposition de loi, en consacrant dans le code une nouvelle forme d'homicide et d'atteinte à l'intégrité physique aux personnes, susceptible de fonder les notions d' « homicide routier » et de « blessures routières », et en les insérant dans la structure actuelle du code pénal.

La commission des lois déplore donc que le soutien du Gouvernement à ce texte ne l'ait pas conduit à engager la procédure accélérée qui aurait permis la réunion d'une commission mixte paritaire il y a un an, ni à trouver le temps d'inscrire plus tôt le texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Celle-ci a fait le choix en deuxième lecture de rétablir intégralement son texte, considérant que celui-ci répondait mieux aux attentes des associations de victimes.

Ainsi l'article 1er crée au sein au sein du titre II du code pénal relatif aux atteintes à la personne humaine un nouveau chapitre regroupant les atteintes du fait du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur, désormais dénommées « homicide routier » et « blessures routières ».

Il reprend sous ces nouvelles dénominations l'homicide involontaire aggravé et les atteintes involontaires aggravées à l'intégrité des personnes causés par un conducteur. Il préserve tant leur caractérisation que les peines encourues. Il énumère également les éléments spécifiques susceptibles de constituer ces infractions.

L'article 1er bis A, introduit à l'initiative du Sénat et modifié en séance publique par l'Assemblée nationale, tend à renforcer l'information et la participation des parties civiles au procès.

L'article 1er bis tend à élargir la liste des délits pouvant être considérés, au regard de la récidive, comme une même infraction, afin de réprimer plus sévèrement la conduite sans permis et le refus de se soumettre à un dépistage d'un état alcoolique ou de l'usage de stupéfiants.

L'article 1er ter tend à prévoir qu'en cas d'atteintes volontaires, la durée de la suspension et de l'annulation pouvant être prononcées par le juge à titre de peine complémentaire est de dix ans au plus.

L'article 1er quater, dont le Sénat avait estimé qu'il relève du pouvoir réglementaire, tend à créer un module spécifique de lutte contre la récidive en matière de violence routière.

L'article 1er quinquies tend à transformer en délit la contravention de cinquième classe sanctionnant le fait, pour tout conducteur d'un véhicule à moteur, de dépasser de 50 km/h ou plus la vitesse maximale.

L'article 3 prévoit l'obligation d'un examen médical pour tout conducteur impliqué dans un accident de la route ayant causé un homicide routier ou des blessures routières avec une interruption de temps de travail supérieure à trois mois.

L'article 2 procède à des coordinations.

* * *

Soucieuse de ne pas prolonger inutilement les débats, la commission des lois a, à l'initiative du rapporteur, décidé d'adopter conforme ce texte.

En effet, cette proposition de loi est attendue par les associations de familles de victimes, qui refusent que les homicides résultant d'un accident de la route soient qualifiés d'involontaires et qui souhaitent une prise de conscience pour mettre fin aux décès sur la route. La commission rappelle que 3 167 personnes ont perdu la vie sur les routes de France métropolitaine en 2023 et que chacune de ces morts était évitable.

La commission des lois souhaite que la question de l'articulation entre l'intentionnalité d'une infraction et la mise en danger délibérée de la vie d'autrui mais aussi celle de la mise en cohérence des dispositions du code pénal, nécessaire à l'exercice d'une bonne justice, soient traitées dans un cadre dédié et serein, indépendamment des attentes formulées par les parties prenantes.

Source : Observatoire national interministériel de la sécurité routière

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 18 JUIN 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport de notre collègue Francis Szpiner sur la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière.

M. Francis Szpiner, rapporteur. - Il y a un an et trois mois, je vous présentais mon rapport en première lecture, sur la proposition de loi créant l'homicide routier et visant à lutter contre la violence routière. Il s'agit d'un texte transpartisan, qui était défendu à l'époque, à l'Assemblée nationale, par une rapporteure du groupe Renaissance et un rapporteur du groupe Les Républicains, M. Pauget. Plusieurs vicissitudes politiques sont intervenues depuis lors, l'Assemblée nationale a été dissoute, et M. Pauget est désormais seul rapporteur du texte à l'Assemblée nationale.

Ce texte vise à répondre à une commande du Gouvernement. Le comité interministériel de la sécurité routière (CISR) avait, en effet, recommandé de créer une qualification d'homicide routier. Il souhaitait « renforcer la valeur symbolique de l'infraction d'homicide dit involontaire commis à l'occasion de la conduite d'un véhicule terrestre à moteur et permettre une meilleure acceptation sociale d'une telle qualification ».

Les associations de familles de victimes admettent mal que les accidents mortels résultant d'un accident de la route provoqué par des violations délibérées aux obligations de sécurité - conduite sans permis de conduire, en état d'ivresse, sous l'effet de produits stupéfiants, etc. - soient qualifiés d'involontaires. Je rappelle que 3 167 personnes ont perdu la vie sur les routes de France métropolitaine en 2023.

La proposition de loi répond étroitement à la commande du Gouvernement. L'article 1er vise ainsi à qualifier d'« homicide routier » les homicides et les atteintes involontaires résultant d'un manquement délibéré à une « obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Ces manquements, je le souligne, sont déjà réprimés par le code pénal, sous la qualification d'homicide volontaire aggravé. Le changement de dénomination juridique aurait un caractère symbolique. Il s'agit de mieux prendre en compte le caractère délibéré, volontaire, des comportements ayant conduit au drame, sans revenir sur le caractère involontaire de l'homicide.

Lors de l'examen du texte en commission à l'Assemblée nationale, plusieurs circonstances nouvelles ont été ajoutées à la liste des cas de manquement délibéré figurant déjà au sein du code pénal. L'Assemblée nationale a également renforcé la répression de l'excès de vitesse.

Pour ma part, j'ai toujours considéré que le comportement de celui qui prend le volant au mépris de toutes les obligations de prudence et de sécurité, alors qu'il est en état d'ivresse, sous l'emprise de stupéfiants, ou qu'il ne possède pas de permis de conduire, est criminel. Le code pénal dispose déjà que les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont punies de quinze ans de réclusion criminelle.

Même si je pense que ces chauffards ont un comportement criminel, je n'avais pas choisi, en première lecture, de retenir la qualification de criminelle, pour des raisons pratiques, afin d'éviter l'engorgement des tribunaux. Les procédures criminelles sont en effet très lourdes ; elles nécessitent des expertises nombreuses, des enquêtes de curriculum vitae, etc. Les parties ont la possibilité de faire appel devant la cour d'assises et de former un pourvoi en cassation. Finalement, les familles des victimes auraient dû attendre au moins cinq ans avant d'obtenir une décision de justice.

J'avais imaginé, afin que cette loi ne soit pas purement symbolique, de rétablir les peines planchers. Notre commission avait, dans un premier temps, soutenu cette position, mais elle avait changé d'avis par la suite. La proposition de loi finalement adoptée par le Sénat avait donc toujours une portée symbolique, mais elle avait le mérite d'être cohérente au regard de l'architecture du code de procédure pénale.

Le texte est revenu à l'Assemblée nationale, eu deuxième lecture. Le rapporteur tenait vraiment à conserver la rédaction adoptée par les députés. Il n'a donc absolument pas tenu compte du vote du Sénat.

Dès lors, soit nous adoptons des amendements cosmétiques, qui ne changeront rien sur le fond, la navette parlementaire se poursuivra et les familles des victimes devront attendre plus longtemps un texte visant à faire droit à leurs attentes, ceci alors même que sont sommes à l'été, période particulièrement mortelle sur les routes, soit nous votons ce texte, qui ne changera pas grand-chose, mais qui aura le mérite d'afficher que les accidents ayant lieu dans les circonstances que j'ai décrites ne sont pas une fatalité et qu'ils sont bien le résultat d'un homicide routier. Il nous sera toujours possible de légiférer de nouveau par la suite pour trouver une vraie solution, en nous interrogeant sur l'intérêt de retenir la qualification criminelle.

C'est pourquoi je vous propose, la mort dans l'âme, mais néanmoins avec enthousiasme, d'adopter sans modification le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 1er bis A

L'article 1er bis A est adopté sans modification.

Article 1er ter

L'article 1er ter est adopté sans modification.

Article 1er quater

L'article 1er quater est adopté sans modification.

Article 1er quinquies

L'article 1er quinquies est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

L'article 3 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

La réunion est close à 10 h 20.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-308.html

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