EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 18 juin 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale, sur le projet de loi (n° 729, 2024-2025) d'approbation des comptes de la sécurité sociales de l'année 2024.
M. Philippe Mouiller, président. - Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Placss) pour l'année 2024.
Ce texte a été rejeté l'Assemblée nationale en première lecture, le mardi 10 juin.
Je vais laisser la parole à nos rapporteurs en vous précisant que la rapporteure générale est, formellement, rapporteure de droit de ce texte. Néanmoins, chaque rapporteur de branche du PLFSS a souhaité tirer le bilan d'une mesure d'une récente loi de financement de la sécurité sociale qui concerne sa branche et nous le présentera brièvement.
Il s'agit là d'une démarche tout à fait dans l'esprit de la loi organique et de la loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale (Lacss). Je les remercie pour leurs travaux.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - C'est la troisième fois que nous faisons cet exercice depuis sa création. (Mme la rapporteure générale projette une présentation PowerPoint en complément de son propos.)
Les Placss sont issus d'une initiative de mon prédécesseur, Jean-Marie Vanlerenberghe, reprise par le rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Thomas Mesnier, qui a donné lieu à une loi organique votée en 2022. Le Placss doit être déposé au printemps, pour un examen en juin ou juillet.
Il s'agit de profiter de l'approbation des comptes pour susciter un « chaînage vertueux » entre les Placss et les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et questionner l'efficacité de la dépense. C'est pourquoi le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale (Ralfss) de la Cour des comptes, jusqu'alors publié à l'automne, l'est désormais lors du dépôt du Placss.
Le Placss doit être déposé avant le 1er juin. Une assemblée ne peut examiner le PLFSS avant d'avoir examiné le Placss. L'approbation de ce dernier n'est toutefois pas indispensable : son examen suffit. Ainsi, le Parlement a pu le rejeter en 2022 et 2023.
Le calendrier du Placss relatif à 2023 a évidemment été bouleversé par la dissolution qui, du fait de l'application du principe dit de la « table rase » a impliqué un second dépôt en juillet. Nous revenons cette année à un calendrier normal.
La date de production des comptes par les caisses ne permet pas au Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie de rendre son avis sur l'exécution de l'année en cours avant le 1er juin, comme il est censé le faire. Nous attendons ce nouvel avis ce jour.
Nous pourrions nous dire que les deux sujets n'ont rien à voir l'un avec l'autre. Mais la date de production des comptes par les caisses conditionne notamment la date de la première réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS), qui ne peut actuellement avoir lieu avant fin mai ou début juin. Or le rapport à la CCSS et l'avis du Comité d'alerte mettent à contribution les mêmes personnes : il s'agit du secrétaire général de la CCSS, un magistrat de la Cour des comptes, qui est de droit l'un des trois membres du Comité d'alerte dont il est chargé d'organiser les travaux. Et la direction de la sécurité sociale (DSS) est, bien sûr, sollicitée par le Comité d'alerte.
En pratique, le Comité d'alerte ne peut pas respecter l'échéance du 1er juin et, lors de l'examen du Placss, le Parlement peut donc ne pas être informé des perspectives d'évolution de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), ce qui est ennuyeux, sachant que l'examen du Placss est censé être l'occasion de se projeter dans l'avenir. La Cour des comptes, dans ses Ralfss 2024 et 2025, demande que la production des comptes soit anticipée de dix jours.
Afin que la discussion du Placss ne se réduise pas à l'approbation des comptes, nous sommes convenus que les rapporteurs de branche réaliseraient des contributions sur divers sujets. L'année dernière, le contexte n'était pas optimal. Nous pouvons espérer que ces contributions auront davantage d'échos cette année.
J'en viens à l'exécution 2024.
Le déficit, qui avait atteint 10,8 milliards d'euros en 2023, est reparti à la hausse, pour atteindre 15,3 milliards d'euros. En l'absence de nouvelles mesures, la situation continuera de se dégrader, même si l'on retient les hypothèses de croissance du Gouvernement. Il se présente donc un risque pour le financement de la sécurité sociale, d'autant que l'accumulation de la dette sociale à l'Urssaf Caisse nationale, anciennement Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), sans perspective d'amélioration du solde, suscite un risque de crise de liquidité susceptible d'empêcher la sécurité sociale de payer des prestations aussi fondamentales que, par exemple, les pensions. La commission des affaires sociales n'a cessé d'ailleurs d'alerter le Gouvernement sur ce sujet.
Dans le cadre des travaux que Raymonde Poncet Monge et moi-même menons pour la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), les responsables de l'Urssaf Caisse nationale nous ont indiqué que le besoin de trésorerie anticipée pour fin 2025, proche de son plafond de 65 milliards d'euros, la faisait entrer dans une zone de risque, et que la situation pourrait devenir critique en 2027, année où, du fait des déficits accumulés, le besoin de trésorerie devrait dépasser 100 milliards d'euros.
Il faut chiffrer les mesures nécessaires pour revenir à l'équilibre en 2029. La trajectoire figurant dans le rapport à la CCSS de juin 2025 suppose que l'Ondam augmentera bien de 2,9 % par an, ce qui, compte tenu d'une croissance spontanée d'environ 4,5 %, revient à prendre en compte près de 4 milliards d'euros de mesures d'économies sur l'Ondam chaque année, soit 15 milliards d'euros de 2026 à 2029.
La ministre chargée des comptes publics a déclaré à plusieurs reprises, notamment au Sénat, que l'objectif du Gouvernement était de ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre en 2029. Or, à cette date, le déficit devrait s'élever à près de 25 milliards d'euros.
Au total, les mesures d'amélioration du solde à prendre pour ramener la sécurité sociale à l'équilibre en 2029 s'élèveraient donc à environ 40 milliards d'euros - si l'on additionne les 25 milliards d'euros aux 15 milliards d'euros précédents -, soit 10 milliards d'euros par an, dont 4 milliards d'euros sur l'Ondam.
Entre 2023 et 2024, les dépenses ont été supérieures d'environ 13 milliards d'euros à ce qu'elles auraient été si elles avaient augmenté selon le même taux que le PIB potentiel, ce qui a contribué d'autant à l'aggravation du déficit. Ces 13 milliards d'euros s'expliquent pour moitié par la revalorisation importante des prestations indexées sur l'inflation - comme les retraites - en 2023, année de forte inflation. Mais ils s'expliquent aussi par le dynamisme des dépenses hors revalorisation, ce qui est plus préoccupant.
Du côté des recettes, de nouvelles mesures ont généré 4,7 milliards d'euros - dont le transfert de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) vers la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), pour 2,6 milliards d'euros. Le dynamisme spontané des recettes, plus précisément l'écart entre la croissance spontanée des recettes et celle du PIB potentiel, a également contribué à limiter l'aggravation du déficit.
La situation est très différente en 2024 de celle de 2023, où, du fait de la forte croissance des allégements généraux les recettes avaient été inférieures d'environ 10 milliards d'euros à ce qui aurait découlé d'une croissance spontanée au même taux que le PIB. En 2024, le dynamisme modéré des recettes vient, pour environ 2 milliards d'euros, du fait que les allégements généraux ont spontanément stagné, comme cela était logique. En effet, sous l'effet de l'inflation, le Smic a pris de l'avance par rapport aux autres salaires, ce qui a suscité une forte augmentation des allégements généraux. Désormais, ce sont les salaires supérieurs au Smic qui augmentent. Au lieu d'augmenter au même taux que le PIB, comme cela est habituellement le cas, les allégements généraux augmentent moins vite, d'où la stagnation que nous constatons.
Si l'on compare ensuite l'exécution 2024 aux prévisions, l'on observe que le déficit a été de 15,3 milliards d'euros en 2024, soit 4,8 milliards d'euros de plus que la prévision de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2024. Cela tient au fait que les dépenses ont été supérieures de 1,1 milliard d'euros aux prévisions, quand les recettes leur ont été inférieures de 3,7 milliards d'euros. Le dérapage des dépenses provient, comme d'habitude, essentiellement de la branche maladie, particulièrement de l'Ondam.
Les 3,7 milliards d'euros de recettes manquantes par rapport aux prévisions viennent essentiellement des impôts et taxes, notamment de la TVA. Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) souligne que le Gouvernement avait retenu une hypothèse optimiste pour sa prévision de recettes de TVA, comme nous l'avions d'ailleurs relevé, suivant laquelle les recettes augmenteraient plus vite que leur base taxable, ce qui ne s'est pas produit.
J'en viens au respect des obligations organiques.
La Cour des comptes avait refusé de certifier les comptes de la branche famille et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) pour l'exercice 2022. L'année dernière, nous avons pu constater un « progrès » : elle s'est déclarée seulement dans l'impossibilité de les certifier. Elle ne disait donc plus que les comptes étaient faux, mais qu'elle n'était pas en mesure d'affirmer qu'ils étaient justes. Il en va de même pour l'exercice 2024.
Le principal motif de ce refus, puis de cette impossibilité de certifier, est le suivant : les erreurs de paiement de la branche famille neuf mois après le paiement sont égales à 11,7 % du montant des prestations. Or, vingt-quatre mois après le paiement, elles équivalent encore à 8 % de ce montant, ce qui est assez perturbant. En outre, la situation s'est dégradée en 2024 par rapport à 2023. En 2023, l'indicateur à 24 mois s'améliorait, quand celui de neuf mois se dégradait. En 2024, les deux indicateurs se sont dégradés.
On observe une dégradation inquiétante de la qualité des comptes sociaux depuis 2020, les refus ou impossibilités de certification étant nombreux.
Dans le cas du Placss 2022, les indicateurs des rapports d'évaluation des politiques de sécurité sociale (Repss), qui présentent les objectifs et les résultats des politiques menées par les différentes branches, étaient à jour en moyenne pour 2020, soit deux ans avant l'exercice concerné par le Placss - nous l'avions alors signalé au Gouvernement. Pour les Placss 2023 et 2024, la situation n'est toujours pas optimale, néanmoins nous relevons une amélioration par rapport au Placss 2022.
Ainsi, pour le Placss 2024, les indicateurs s'arrêtent en moyenne en 2023, ce qui correspond à un retard ramené à un an, ce qui constitue un progrès. Nous pouvons nous interroger sur la signification d'indicateurs datant de 2017 ou 2018. Toutefois, il est normal que certains indicateurs ne soient actualisés que de manière périodique, comme c'est le cas, par exemple, pour les données épidémiologiques. Faire en sorte que la majorité des indicateurs s'arrête l'année concernée par le Placss aurait forcément un coût important.
J'aborde à présent une arlésienne : l'évaluation de l'efficacité des niches sociales. Selon la loi organique, l'annexe sur les niches devrait comprendre chaque année l'évaluation d'un tiers de celles-ci. Mais, s'appuyant sur un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF) de 2023, le Gouvernement considère que les seules vraies évaluations, dites « approfondies », ne doivent concerner que 82 niches sur 120. Cela n'est pas absurde en soi, toutefois, même en la limitant ainsi, l'obligation d'évaluer un tiers des niches tous les ans est loin d'être respectée.
Lors du dépôt du Placss 2023, 20 % des niches correspondant à 28 % de leur montant total avaient été évaluées. L'objectif d'évaluation d'un tiers des niches n'était donc pas atteint. Mais le rapport Bozio-Wasmer sur les allégements généraux a été rendu public à l'automne, avant l'examen du Placss 2023 en commission. Le nombre de niches évaluées n'a presque pas augmenté, mais, comme les allégements généraux coûtent très cher, les niches évaluées ont bondi à 92 % du montant total des niches. Dans le cadre du Placss 2024, la situation a de nouveau évolué, mais plus lentement. Il faut poursuivre ce travail d'évaluation. Près de 34 % des niches ont été évaluées jusqu'à présent, correspondant à 96 % du montant total.
Le Sénat a adopté une motion de la commission tendant à opposer la question préalable aux Placss pour les exercices 2022 et 2023, car ces textes présentaient d'importantes lacunes, même si une amélioration avait été enregistrée en 2023 concernant notamment l'actualisation des indicateurs des Repss.
La situation est meilleure dans le cadre du Placss 2024, sous l'effet du rapport Bozio-Wasmer, grâce auquel la quasi-totalité des niches, en montant, ont été évaluées. Je vous suggère néanmoins de rejeter de nouveau le texte cette année, en raison de l'impossibilité de la Cour des comptes de certifier les comptes de la Cnaf et de la branche famille. Nous pourrons éventuellement reconsidérer notre position l'année prochaine, dans l'hypothèse où la Cour accepterait finalement cette certification.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - À l'occasion de l'examen de ce projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, j'ai souhaité approfondir la question des inégalités de pensions de retraite entre les femmes et les hommes. J'en ai eu l'idée après que la Cour des comptes a insisté, au terme de son rapport, sur les impacts du système de retraite sur la compétitivité et l'emploi, sur la nécessité de renforcer l'équité inter et intragénérationnelle dans les paramètres de notre système de retraite.
Les données dont disposent les administrations, dont certaines sont annexées au présent rapport, concernent les années 2021 et 2022 et ne permettent malheureusement pas de tirer des enseignements de la réforme des retraites menée en avril 2023.
Pour autant, le constat premier, dont je me félicite, est celui de la réduction progressive de l'écart de pension entre les hommes et les femmes : il était de 54 % pour la génération née en 1930, et de 37 % en 2021. Cette réduction est le fait d'une meilleure insertion des femmes sur le marché du travail et d'une hausse de leurs qualifications et de leurs rémunérations.
Derrière ces avancées, il apparaît toutefois que l'éducation des enfants incombe prioritairement aux femmes : sur la tranche d'âge comprise entre 25 et 49 ans, 90 % des pères sont en activité, et ce indépendamment du nombre d'enfants au foyer, contre 83,7 % des mères d'un enfant et 50,5 % des mères de trois enfants ou plus. En 2021, les femmes salariées étaient 39,7 % à recourir au temps partiel, ce qui s'explique notamment par leur rôle d'aidant familial.
Vous le savez, le niveau des pensions de retraite des régimes de base et du régime général dépend du revenu d'activité ainsi que de la durée d'assurance validée. Or, le recours au temps partiel atténue la durée de cotisation et amoindrit le revenu perçu, surtout lorsqu'il y est recouru en fin de carrière, là où il est le plus élevé. Nous le savons désormais, dans notre société vieillissante, le rôle d'aidant des femmes ne se limite pas à l'éducation des enfants, mais s'étend désormais à l'assistance aux aînés.
Ces réalités sociales expliquent qu'en 2021, les femmes représentaient 73 % des bénéficiaires du minimum contributif du régime général et 56 % des bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, deux mécanismes qui leur garantissent un revenu minimum. Les écarts de pension de retraite contribuent à la paupérisation des femmes, et nous ne pouvons nous en satisfaire.
Fort heureusement, il existe des mécanismes correcteurs de ces inégalités.
Le premier mécanisme est la pension de réversion, dont 88 % des bénéficiaires sont des femmes. Cela s'explique par leur plus grande longévité, mais aussi par le fait que les hommes veufs perçoivent des pensions de droit direct plus élevées ; or, le bénéfice de la pension de réversion est soumis à condition de ressources.
Le second mécanisme, qui prend la forme de droits familiaux visant à compenser l'éducation des enfants dans le calcul des pensions de retraite, bénéficie à 90 % des femmes retraitées. Ces droits consistent en l'attribution de trimestres de majoration de la durée d'assurance au titre de la maternité, de trimestres d'assurance vieillesse pour les parents au foyer ayant cessé partiellement ou totalement leur activité, ainsi qu'en la majoration de 10 % de la pension de retraite de l'un des parents d'une fratrie d'au moins trois enfants.
Si je me félicite de la réelle plus-value de ces mécanismes - à titre d'exemple, la pension de réversion a permis de réduire de 12 points l'écart de pension entre les hommes et les femmes au titre de l'année 2020 -, je rappellerai toutefois que les inégalités de carrière entre les sexes pénalisent les femmes dans l'accès à d'autres dispositifs que sont le départ en retraite anticipée pour carrières longues et le cumul emploi-retraite, qui ont tous deux été renforcés lors de la réforme des retraites du 14 avril 2023.
En effet, la carrière fragmentée des femmes constitue un obstacle pour la validation de la durée d'assurance légale qui ouvre droit au dispositif de départ en retraite anticipée pour carrières longues, et ce même si elles ont commencé à travailler tôt. Comme l'a également souligné la Cour des comptes dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, dont il nous a été rendu compte la semaine passée, les femmes sont surreprésentées parmi les retraités en situation de cumul emploi-retraite les plus modestes : elles représentent 87 % de ceux qui ont liquidé leurs pensions sans avoir atteint la durée d'assurance légale requise.
En ma qualité de rapporteur, je ne peux qu'encourager la poursuite des efforts afin d'atteindre l'objectif d'égalité entre les femmes et les hommes, qui s'étend, je le rappelle, aux retraites.
J'ai ainsi formulé trois propositions en ce sens. La première, qui reprend une recommandation de la Cour des comptes, consiste à privilégier le recours à la majoration de pension sur la validation de trimestres pour compenser les pertes de trimestres et de salaire liées aux interruptions de carrière. Les deux suivantes s'inscrivent dans une réforme du dispositif de départ en retraite anticipée afin que le temps partiel y soit mieux pris en compte, et que les trimestres de majoration pour l'éducation des enfants soient comptabilisés dans la durée d'assurance requise pour pouvoir bénéficier de ce dispositif.
Mme Corinne Imbert, pour la branche maladie. - Concernant l'Ondam, je souligne le montant atteint en 2024, s'élevant à 256,4 milliards d'euros, contre 247,8 milliards en 2023, soit une hausse de 56 milliards depuis 2019. Nous avions refusé de voter l'Ondam 2024, l'estimant ni crédible ni sincère au regard de la situation du système de santé.
Si le dépassement reste plus limité que les années précédentes, avec une hausse de 1,5 milliard d'euros, je constate néanmoins que, pour la cinquième année consécutive, l'Ondam voté en LFSS initiale a été dépassé.
Les résultats nous donnent donc une nouvelle fois raison et la Cour fait ainsi de l'année 2024, pourtant marquée par une inflation faible, « une occasion manquée de retour à une maîtrise de l'exécution de l'Ondam », et, plus particulièrement, à une maîtrise de l'exécution des dépenses de soins de ville.
Inlassablement, nous le répéterons : il nous faut disposer de prévisions plus solides. Ainsi à la suite du Comité d'alerte qui a appelé le 15 avril 2025 à « une vigilance renforcée sur l'évolution en 2025 des dépenses de soins de ville », nous ne pouvons que nous inquiéter d'ores et déjà des perspectives de dépassement important de l'Ondam pour 2025.
Par ailleurs, j'ai choisi de faire un point, à l'occasion de ce projet de loi d'approbation des comptes, sur la mise en oeuvre de la réforme des financements des activités de médecine, chirurgie et obstétrique dites « MCO » adoptée lors du PLFSS pour 2024.
Pour rappel, nous avions alors soutenu la mise en oeuvre de cette réforme qui vise à diminuer la part de la tarification à l'activité en créant un financement plus équilibré entre tarification, objectifs de santé publique et missions spécifiques sous la forme de dotations.
Toutefois, en l'absence de simulation des effets de la réforme et des besoins d'accompagnement financier, nous avions invité le Gouvernement à reporter son entrée en vigueur en 2028. Cette réforme, pertinente dans son principe, semblait alors largement cosmétique et insuffisamment préparée. Force est de constater que les faits confirment les réserves sur le calendrier et les modalités de mise en oeuvre exprimées alors par notre commission. Ainsi, toutes les fédérations ont regretté l'absence de mise en oeuvre opérationnelle à ce stade. Je m'inquiète tout particulièrement de l'avancée de la réforme du financement des activités de radiothérapie et de dialyse qui, de l'aveu même des fédérations hospitalières, ne pourra pas être correctement mise en oeuvre au 1er janvier 2026.
Si de nombreux chantiers ont été lancés, tous restent inachevés. Et on ne peut que regretter un manque criant de priorisation, qui entraîne des incertitudes pour les établissements de santé qui doivent agir dans un contexte financier critique. Le déficit des établissements publics atteindrait ainsi 3 milliards d'euros sur l'année écoulée.
Il ne suffit pas de changer la pancarte et de lancer des chantiers pour annoncer que la réforme du financement des hôpitaux est en cours.
Il est plus que temps que le Gouvernement réalise les études d'impact permettant de mieux anticiper les effets de la réforme selon les paramètres choisis et que soit adopté un calendrier réaliste qui classe les chantiers par ordre de priorité. Enfin, il paraît nécessaire de prévoir d'ores et déjà les modalités d'évaluation et de révision des paramètres de la réforme afin d'assurer de la visibilité aux établissements de santé.
Voilà, mes chers collègues, quelques observations qui doivent, pour certaines, préparer notre grille de lecture du PLFSS pour 2026.
M. Olivier Henno, pour la branche famille. - J'ai souhaité travailler sur le recouvrement des indus frauduleux à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). En effet, il s'agit d'un enjeu majeur dans la certification de la branche famille de la sécurité sociale. Ce recouvrement pose également une problématique financière dans le contexte difficile de nos finances publiques. Il s'agit enfin d'un enjeu de justice entre les assurés sociaux : nous devons nous assurer que celles et ceux qui souhaitent contourner les règles soient effectivement contrôlés par les caisses d'allocations familiales.
Les chiffres révèlent une situation préoccupante. En 2023, le volume total des indus frauduleux et non frauduleux est estimé à 4,2 milliards d'euros pour la branche famille. Parmi ces montants, seuls 400 millions d'euros d'indus frauduleux ont été effectivement détectés et 300 millions d'euros mis en recouvrement.
Cette disproportion illustre l'ampleur du défi. Les montants recouvrés ont certes progressé de 250 millions d'euros en 2020 à 314 millions en 2024, soit une augmentation de 25,6 %, mais cette performance demeure insuffisante au regard des enjeux.
Certaines évolutions sont particulièrement inquiétantes : les indus frauduleux de l'allocation aux adultes handicapés ont augmenté de 558 % entre 2020 et 2024, passant de 2,6 à 17,4 millions d'euros. Pour la prime d'activité, l'augmentation atteint 144 %, passant de 17 à 42 millions d'euros.
La qualification de la fraude nécessite l'établissement cumulatif de trois éléments : violation légale, obtention de prestation indue, et intentionnalité. Cette exigence procédurale génère des délais de traitement moyens de 20 mois pour les indus frauduleux, contre 4,4 mois pour les indus non frauduleux. Les disparités territoriales persistent de manière préoccupante : les taux de recouvrement oscillent entre 50,7 % et 94,6 % selon les caisses d'allocations familiales, révélant des écarts de performance de près de 44 points.
Malgré ces difficultés, l'analyse coût-efficacité demeure favorable. La branche famille mobilise 3 336 équivalents temps plein (ETP) dédiés au contrôle et au recouvrement, soit 10 % de ses effectifs. En 2023, chaque ETP a permis de récupérer 3 113 250 euros, générant un ratio de 53,5 euros recouvrés pour 1 euro investi.
Face à ces constats, je formule trois recommandations prioritaires.
Premièrement, l'harmonisation des pratiques territoriales et la professionnalisation des acteurs sont essentielles. Il est indispensable de déployer un dispositif d'accompagnement renforcé auprès des caisses les moins performantes et d'instaurer une certification obligatoire pour les gestionnaires fraude, avec recyclage périodique des formations.
Deuxièmement, l'accélération de la modernisation informatique est également une priorité. Le déploiement anticipé de la refonte du système Corali, avec intégration d'outils de datamining contribuera à l'amélioration de la détection préventive. Il faut également songer à l'intégration d'un outil d'intelligence artificielle afin d'amplifier davantage encore la productivité des agents. Cette modernisation doit s'accompagner d'une révision des seuils économiques : relèvement du seuil de mise en recouvrement à 1,27 % du plafond mensuel de sécurité sociale et du seuil d'admission en non-valeur à 5,3 %, soit 209 euros.
Troisièmement, il faut étudier l'opportunité de l'extension de la solidarité à la source. Ce dispositif préventif majeur, généralisé au 1er mars 2025 pour le revenu de solidarité active (RSA) et la prime d'activité, consiste à préremplir automatiquement les données nécessaires au calcul des droits. L'extension devrait favoriser la certification des comptes de la branche famille. Son élargissement à d'autres prestations découragerait l'adoption de comportements frauduleux. La Cnaf devrait expertiser cette possibilité pour prévenir davantage la constitution d'indus frauduleux.
Mes chers collègues, l'adoption de ces trois axes structurants devrait permettre d'améliorer la performance globale et de renforcer la confiance des citoyens dans la gestion rigoureuse des fonds publics.
Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - Je me suis penchée, pour la branche autonomie, sur le recours à l'allocation journalière du proche aidant (AJPA).
Nous sommes tous témoins du rôle croissant que jouent les quelque 9,3 millions d'aidants en France. Cette dynamique résulte du vieillissement de la population, mais aussi des difficultés d'accès aux soins et de l'impossibilité, pour certaines familles, de financer une aide à domicile ou un placement en établissement.
Dans ce contexte, le problème de la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle se pose, pour les aidants, avec une particulière acuité.
C'est pour répondre à cet enjeu qu'en 2017 le Parlement a voté la création du congé de proche aidant : tout salarié qui le souhaite peut suspendre son contrat de travail pour s'occuper d'un proche en perte d'autonomie ou en situation de handicap. La durée de ce congé peut être fixée par accord collectif, mais à défaut, sa durée maximale est de trois mois renouvelables dans la limite d'un an sur l'ensemble de la carrière professionnelle. Depuis 2020, les agents publics peuvent aussi en bénéficier.
La création de ce congé a bien évidemment constitué une avancée pour les proches aidants, mais dans les faits, l'absence d'indemnisation est vite apparue comme un obstacle à son recours.
C'est précisément pour lever cet obstacle qu'a été créée, en 2020, l'AJPA.
Cette allocation, je le rappelle, est financée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et versée par les caisses des allocations familiales et de la Mutualité sociale agricole (MSA). Son montant s'élève à 65,80 euros par jour. Elle peut être versée, sur l'ensemble de la carrière professionnelle, dans la limite de 66 jours par proche et pour quatre proches au maximum.
Pour favoriser la montée en charge de l'AJPA, le législateur a souhaité renforcer son attractivité.
Dans la LFSS pour 2022, les critères d'éligibilité au congé de proche aidant et à son indemnisation ont été élargis pour permettre aux aidants de personnes en perte d'autonomie moins avancée d'en bénéficier. Par la même occasion, le montant de l'AJPA a été rehaussé au niveau du Smic journalier net.
Plus récemment, dans la LFSS de 2024, le Parlement a voté le rechargement des droits à l'AJPA : initialement limité à 66 jours sur l'ensemble de la carrière pour aider un seul proche, le droit à l'indemnisation est désormais renouvelable trois fois, soit jusqu'à 264 jours, à condition que la personne aidée soit à chaque fois différente.
L'AJPA est donc, à première vue, un dispositif attractif et ouvert à un public très large. Pourtant, le recours à cette allocation peine à se développer. Au 1er novembre 2024, près de 19 800 droits à l'AJPA ont été ouverts. Sur le plan budgétaire, en 2023, la CNSA a alloué 11 millions d'euros au financement de cette allocation.
Ces chiffres sont très maigres par comparaison avec le nombre d'aidants potentiellement éligibles : on estime ainsi que près de 270 000 salariés et 67 000 agents publics aidants pourraient prétendre à l'indemnisation du congé de proche aidant. Sur cette base, le taux de recours à l'AJPA approche difficilement les 6 %.
Alors, pourquoi le recours à l'AJPA - et, en tout état de cause, au congé de proche aidant (CPA) - est-il si faible ? Mes travaux m'ont permis d'identifier plusieurs freins.
Premièrement, cela s'explique tout simplement par la perte de salaire induite. Pour les salariés rémunérés au-dessus du Smic, si l'employeur n'a pas mis en place de mécanisme de complément, le montant de l'AJPA se traduit par une perte de revenu désincitative. Sur ce point, il me semble difficile d'envisager une évolution du dispositif, que j'estime suffisamment robuste dans un contexte budgétaire très contraint.
Deuxièmement, le recours à l'AJPA peut s'avérer complexe, notamment dans le cas d'une dégradation brutale de l'état de santé de la personne aidée. L'ouverture des droits suppose en effet que la perte d'autonomie de la personne aidée ait été préalablement évaluée par l'équipe médico-sociale départementale ou par la maison départementale des personnes handicapées (MDPH), et nous connaissons tous la longueur des délais pour obtenir ces évaluations. Il me semble qu'une simplification des démarches serait bienvenue pour faciliter le recours à l'AJPA dans ces situations d'urgence.
Un autre point important concerne le renouvellement des droits à l'AJPA, qui n'est possible que si la personne aidée est différente. Si l'objectif de ne pas faire peser l'accompagnement d'une personne sur un même proche aidant est louable, dans les faits, cette condition s'applique mal à la réalité du terrain. Il me semble important de prendre cela en compte, en étudiant l'opportunité d'ouvrir le rechargement des droits à l'AJPA pour une même personne aidée.
Enfin, il faut garder à l'esprit que l'allocation journalière du proche aidant est un dispositif récent, qui manque encore de notoriété. La stratégie de communication sur le congé de proche aidant et sur son indemnisation doit donc être mieux ciblée, et devrait pouvoir s'appuyer sur le déploiement du service public départemental de l'autonomie.
Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Pour la onzième fois sur les douze derniers exercices, la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) a dégagé un excédent en 2024 à hauteur de 700 millions d'euros, soit 400 millions d'euros de moins que ne le prévoyait la LFSS de 2024, du fait d'une surestimation des recettes et de dépenses plus dynamiques que prévu. Le résultat de la branche est globalement conforme, à 100 millions d'euros près, aux prévisions de la dernière LFSS. Pour rappel, la situation structurellement excédentaire de la branche devrait prendre fin à compter de cette année.
Cette année, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, j'ai souhaité me pencher plus précisément sur la question des cotisations AT-MP dans les secteurs du médico-social et du bâtiment et des travaux publics (BTP). En effet, ces deux secteurs bénéficient de dispositions dérogatoires en matière de tarification, qui ne sont pas sans effet sur les mesures de prévention mises en oeuvre.
Rappelons qu'en droit commun, les cotisations AT-MP dépendent de la sinistralité propre à chaque établissement pour les entreprises comptant au moins 20 salariés. Il s'agit là d'un levier important d'incitation financière pour favoriser l'investissement en matière de prévention, toute baisse de la sinistralité se traduisant par une diminution des cotisations dues.
Cette règle ne s'applique toutefois pas à toutes les entreprises. En sont notamment exemptés les secteurs à faible sinistralité comme la finance et, plus étonnamment, le secteur du médico-social. Celui-ci bénéficie même d'une double dérogation, puisque tous les établissements du secteur, quels que soient leur taille et leur code risque, sont soumis à un même taux de cotisation, de 3,75 % en 2025.
Cette particularité entraîne des distorsions à ne pas ignorer : elle conduit les petits organismes et les établissements des champs de l'enfance et du handicap à surcontribuer à hauteur de 400 millions d'euros par an, principalement au profit des grands groupes d'Ehpad, touchés par la sinistralité la plus élevée. Cela pose une question d'équité sectorielle : nous connaissons tous les difficultés financières rencontrées par certains établissements d'accueil des enfants ou des personnes handicapées sur nos territoires. Il n'est pas normal que ces tensions soient accentuées par une prise en charge, via les cotisations AT-MP, des dépenses occasionnées par les sinistres professionnels d'autres secteurs.
Cette dérogation nous interpelle également sur le message envoyé au secteur médico-social : elle prive d'un levier d'incitation décisif la prévention, pourtant présentée comme une priorité dans un secteur marqué par une sinistralité particulièrement importante, notamment féminine, et qui n'a fait que s'accentuer lors des années 2010. La situation est baroque : on demande aux employeurs du secteur, exsangues financièrement, d'investir pour la prévention, sans prévoir le moindre retour sur investissement par une baisse des cotisations.
Par conséquent, il me semblerait judicieux de faire converger progressivement la tarification AT-MP du secteur médico-social vers le droit commun. J'ai bien dit « progressivement », car la situation financière du secteur proscrit toute hausse brutale de charges. Dans une logique d'équité, un taux collectif pourrait être maintenu dans un premier temps, sous réserve qu'il soit différent pour chaque secteur. Par la suite, il semble opportun d'envisager une tarification mixte pour les plus grands établissements et de converger, peu à peu et avec les mesures d'accompagnement nécessaires pour les entreprises les plus touchées, vers une tarification de droit commun, incitative à la prévention.
Le levier de la tarification n'est toutefois pas une réponse suffisante pour lutter contre les risques professionnels dans le secteur, également alimentés par un sous-effectif chronique lié à un défaut d'attractivité des métiers et par l'évolution des tâches réalisées et des publics accueillis. Avant d'indexer les cotisations AT-MP sur la sinistralité, il nous faut donner au secteur les moyens de développer une culture de la prévention. Dans le privé, le fonds d'investissement dans la prévention de l'usure professionnelle (Fipu) voit ses crédits sous-consommés chaque année : il faut davantage communiquer sur cet outil qui permet de subventionner certains équipements de prévention à hauteur de 70 %. Il convient également d'accélérer la création de l'homologue du Fipu pour la fonction publique, prévu par la loi, mais jamais institué faute de parution des textes d'application. Enfin, j'estime qu'il serait opportun de soutenir la création envisagée d'un organisme professionnel de prévention dans le secteur médico-social, sur le modèle de celui du BTP, et d'y associer les acteurs publics comme privés.
Le secteur du BTP bénéficie également de modalités dérogatoires de calcul des cotisations AT-MP, mais celles-ci ne reposent pas sur un taux collectif généralisé et ne font donc pas véritablement obstacle au développement d'une politique de prévention. Portée notamment par les efforts de l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics (OPPBTP), celle-ci porte ses fruits puisque la sinistralité y a été divisée par deux en vingt ans.
Le secteur du BTP reste toutefois marqué par la fréquence des accidents graves, des accidents associés à de forts taux d'incapacité permanente, voire des accidents mortels. Afin de lisser la charge fiscale engendrée par de tels sinistres, le droit en vigueur prévoit de pénaliser de la même manière les employeurs du BTP pour tous les AT-MP engendrant une incapacité permanente de 10 % ou plus, ce qui revient à écraser le coût des accidents les plus graves en le diluant avec des accidents de gravité moyenne. Sans effacer les spécificités de la sinistralité et du tissu économique du BTP, il me paraît judicieux que des concertations soient engagées en vue de créer un nouveau palier pour la tarification des AT-MP ayant entraîné une incapacité permanente dans le BTP, afin de prévenir la survenue des sinistres les plus graves.
Par ailleurs, un autre phénomène a attiré mon attention lors des auditions : les délégations de tâches par l'intérim ou par la sous-traitance, de plus en plus fréquentes, ont pour effet secondaire de transférer le risque AT-MP de l'entreprise donneuse d'ordres vers d'autres entités. Si la responsabilité des sinistres professionnels doit, bien sûr, incomber au premier chef au sous-traitant ou à l'entreprise d'intérim, il ne faut pas pour autant que le donneur d'ordres soit exonéré de toute responsabilité.
Pour lutter contre cette tendance dans l'intérim, un récent décret a prévu de renforcer le partage des coûts liés aux sinistres professionnels entre l'entreprise utilisatrice et l'entreprise de travail temporaire. À compter de l'entrée en vigueur de la réforme, échelonnée entre 2026 et 2028, l'entreprise utilisatrice et l'entreprise d'intérim se partageront désormais à parts égales les hausses de cotisations provoquées par des sinistres professionnels subis par des intérimaires.
Il me semblerait opportun que les partenaires sociaux s'inspirent des évolutions prévues dans le secteur de l'intérim afin de mettre en oeuvre un partage du coût des sinistres professionnels en cas de sous-traitance.
M. Philippe Mouiller, président. - Je remercie l'ensemble des intervenants pour leurs travaux.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Merci, madame la rapporteure générale, pour votre rapport. Parler de dynamisme des dépenses, et non plus de dérive, est un grand progrès. Nous savons que ce dynamisme est, d'une certaine façon, inéluctable. En effet, les dépenses de la branche maladie augmentent dans tous les pays européens, et les dépenses de la branche vieillesse également, du fait du déclin démographique.
Or ce dynamisme des dépenses est régulé par toutes les mesures prises sur la valeur de ces dépenses. L'Ondam doit progresser de 2,9 % par an pour les quatre ans à venir, soit une valeur supérieure au PIB. Mais, si aucune mesure n'était prise sur les dépenses, il excéderait les 4 %. On demande en réalité à l'Ondam un tiers de mesures d'économies et de baisse de la valeur des dépenses.
Il en va de même pour les retraites. C'est par la forte pression exercée sur les pensions des retraités que l'on maintient la stabilité des dépenses de la branche. Au cours de nos auditions, il nous a été dit que, si rien n'était fait et si les dernières réformes des retraites s'appliquaient en l'état, la baisse relative des pensions et du niveau de vie des retraités ne serait guère soutenable. Le taux de pauvreté repartirait à la hausse, alors que notre système social est particulièrement performant par rapport aux autres pays européens, puisque nous avons contenu à 10 % la pauvreté des retraités.
Le dynamisme des dépenses est donc contenu, dans la mesure du possible. Nous soutiendrons pour notre part toutes les mesures qui ne seront pas antisociales.
Cependant, nous constatons également que les mesures prises par le Gouvernement pèsent sur les recettes. Selon la Cour des comptes, en 2024, le montant représenté par la sous-compensation des exonérations de charges patronales s'est élevé à 5,5 milliards d'euros. Cela a été rendu possible par le fait que cette compensation ne se fait plus à « l'euro, l'euro », mais par l'intermédiaire de la TVA, appuyée sur la consommation, et non sur le travail. La non-application de la loi Veil entraîne donc une perte de 5,5 milliards d'euros.
De plus, la Cour des comptes relève également une sous-compensation structurelle du bandeau maladie, qui a entraîné, en cumulé, entre 2019 et 2024, 18 milliards d'euros de pertes de recettes, lesquels pèsent à présent sur l'Urssaf Caisse nationale.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas ne pas parler des niches sociales. Depuis 2019, les niches d'exemptions d'assiette - celles qui n'ont jamais eu vocation à être compensées, comme la prime de partage de la valeur ou l'exonération des heures supplémentaires - ont augmenté de 10 milliards d'euros. Elles pèsent désormais 19 milliards d'euros ! Or la déflation salariale se règle par le partage de la valeur ajoutée dans les entreprises. Ce n'est pas à la sécurité sociale de compenser la perte de pouvoir d'achat des travailleurs.
Par le passé, nous avons pu faire face à l'augmentation des dépenses au moyen de recettes supplémentaires. Or, depuis 2019, nous assistons à une rupture totale. L'effort sur les recettes est quasi nul, en revanche nous pesons fortement sur les dépenses. C'est ce que nous avons appelé la politique des caisses vides. Par conséquent, le solde s'en trouve aggravé.
L'exonération des heures supplémentaires, inefficace pour l'emploi et la compétitivité, a été supprimée, puis rétablie par le président Macron. Elle coûte 2,2 milliards d'euros. Or la sous-compensation pour la branche vieillesse représente également 2,2 milliards. Au total, 5,6 milliards d'euros ont pesé sur le solde de la branche vieillesse en 2024.
Il faut revenir à une politique de recettes correcte et mettre fin à l'envolée des niches sociales.
Depuis des années, le Gouvernement fonde ses prévisions de croissance sur des taux supérieurs à ceux qui sont avancés par le Fonds monétaire international (FMI), le consensus des économistes, l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), la Banque de France, la Commission européenne et l'OCDE. Il faut que cela cesse. C'est une illusion idéologique nourrie par la croyance du Gouvernement en la politique de l'offre. Alignons plutôt les prévisions sur les consensus économiques.
M. Bernard Jomier. - Je remercie la rapporteure générale et les rapporteurs de branche pour leurs interventions.
Je partage le propos de la rapporteure générale sur le chaînage : l'idée n'est pas d'avoir une lecture purement technique du texte, sans quoi nous le rejetterions simplement, puisque la Cour des comptes n'a pas pu certifier les comptes. Il s'agit en réalité d'un exercice politique. Or le calendrier n'est effectivement pas tout à fait le bon, comme la rapporteure générale l'a souligné.
Les cinq rapporteurs de branche ont fait des propositions en prévision de la nouvelle LFSS. Nous sommes donc en train d'ouvrir une nouvelle séquence politique, dont le Premier ministre nous annonce qu'elle doit aboutir à 40 milliards d'euros d'économies sur les finances publiques. C'est déraisonnable. Un tel montant d'économies, sur une année, se fera au prix soit d'atteintes fortes aux droits sociaux, soit d'un effet récessif sur l'économie, entraînant une hausse du chômage et d'autres conséquences négatives pour notre pays.
Il serait plus raisonnable de prévoir un redressement plus modéré, mais maintenu dans le temps, dans une perspective pluriannuelle.
Depuis deux ans, on nous présente des trajectoires de comptes dégradées, et depuis deux ans nous appelons au retour à une trajectoire de rétablissement. Le gouvernement de Michel Barnier avait présenté un projet qui ne prévoyait pas de rétablissement des comptes, mais au moins ne les dégradait pas.
Mme Frédérique Puissat. - Il fallait le garder, pas le censurer !
M. Bernard Jomier. - Nous l'avons censuré, car il ne prévoyait pas de rétablissement des comptes. La LFSS a été adoptée, parce que les Français souhaitaient un budget pour le pays. Or, entre le projet de 2024 et la loi adoptée en 2025, une trajectoire de dégradation a été finalement tracée, notamment parce que les recettes n'étaient pas suffisantes. Les quelques milliards d'euros de suppressions d'exonérations de cotisations proposées ne convenaient pas à la mouvance présidentielle, qui a exigé que l'on abandonne cette piste.
Une trajectoire de redressement est donc indispensable, et nous en discuterons. Cependant, je m'adresse à vous, mes collègues de la majorité sénatoriale : lors du débat sur la taxe Zucman, vous avez refusé de solliciter les ultrariches pour un prélèvement qui était pourtant très loin du niveau confiscatoire. Or aucun discours de réalité économique ne peut se tenir au prix de l'injustice sociale, car les Français refuseront ensuite toutes les mesures qu'on leur demandera d'accepter. Toutes ! Car vous délégitimez la notion même de solidarité nationale.
Le Premier ministre annoncera prochainement les mesures qu'il souhaite voir adopter pour redresser les finances du pays. C'est dans ce sillon politique que nous nous trouvons. Or nous n'aurons évidemment pas un regard positif sur la Lacss - pas davantage que vous, madame la rapporteure générale, mais je n'ai pas tout à fait compris si vous déposeriez une motion tendant à opposer la question préalable, ou si vous laisseriez le Placss être examiné pour le rejeter ensuite.
L'Ondam est dans une impasse, même si nous observons une évolution structurelle positive. Mais la façon dont l'Ondam est établi n'est pas de nature à permettre aux 265 milliards d'euros du budget santé du pays d'avoir une véritable efficience. Cela pose problème. Poursuivre les mesures paramétriques, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, y compris quand la gauche était au pouvoir, contraindra certes la dépense, mais n'améliorera nullement la situation.
Il faut s'attaquer au volet structurel. Quelle que soit la faiblesse politique du Gouvernement, ne pas conduire ce chantier pour éviter d'être censuré n'est pas une preuve de responsabilité. Il faut s'y attaquer, dès maintenant, si l'on ne veut pas s'attaquer aux prestations sociales ou aux personnes qui n'ont pas beaucoup de revenus.
Des progrès ont certes été enregistrés sur l'évaluation des niches. Mais la question n'est pas là ! Il s'agit de prendre des décisions. Cela fait des années que cela dure, que les rapports se succèdent sans qu'aucune décision ne soit prise. Il est temps de nous attaquer aux exonérations économiquement inutiles et socialement injustes.
Mme Laurence Muller-Bronn. - Je félicite également les rapporteurs.
Un proche aidant à la retraite peut-il percevoir l'AJPA ? De même, un proche aidant chômeur peut-il toucher cette allocation ?
Par ailleurs, lorsque les femmes ont une carrière complète, les trimestres de maternité sont-ils utiles ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le refus de la majorité sénatoriale de voter la taxe Zucman montre qu'il y a un problème. Vous parlez souvent de solidarité, de partage, mais si l'on refuse de s'attaquer aux ultrariches du pays, comment le Gouvernement, dont vous faites partie, finalement, peut-il expliquer aux Français qu'il faut faire 40 milliards d'euros d'économies ?
Nous ne voulions pas tout prendre aux ultrariches, nous ne voulions d'ailleurs pas leur prendre grand-chose et ce que nous voulions n'était, à mon avis, pas assez. Quoi qu'il en soit, notre proposition n'avait rien de honteux. En revanche, le geste que vous avez eu était honteux à l'égard du peuple français qui souffre. (Les membres du groupe Les Républicains protestent.)
Je ne parle pas de vous en tant qu'individus, mais de la décision que vous avez prise que je trouve, personnellement, honteuse. Refuser de taxer les plus riches du pays est honteux, je le dis clairement.
Le rapport montre, une fois de plus, qu'il faudra couper dans les dépenses. Il faut trouver de l'argent : on a parlé d'un dynamisme des dépenses, mais j'aimerais que l'on parle aussi d'un dynamisme des recettes. Une nouvelle fois, le Gouvernement s'en prend aux plus fragiles du pays. Il est question de supprimer le classement de certaines pathologies en affections de longue durée (ALD), ou encore d'augmenter la TVA sociale. Ce sont toujours les mêmes qui sont visés.
Par ailleurs, au fil des gouvernements successifs, nous avons assisté à un assèchement des recettes de la sécurité sociale. Nous recensons 80 milliards d'euros d'exonérations au profit des entreprises, dont 5,5 milliards d'euros d'exonérations et 3,3 milliards d'euros d'exemptions de cotisations - primes, heures supplémentaires - non compensées par le Gouvernement au budget de la sécurité sociale. Au total, cela fait 8,8 milliards d'euros !
Si nous pouvions récupérer cette somme, le déficit de la sécurité sociale serait bien amoindri.
Je partage les propositions de Mme Pascale Gruny, sur la majoration des pensions notamment, mais il convient de mettre aussi en avant les gains substantiels qui seraient issus d'une réelle égalité entre les hommes et les femmes.
Par ailleurs, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pèse désormais sur tous les établissements : établissements médico-sociaux, hôpitaux, offre publique sanitaire. Or elle est appliquée pour l'instant sans compensation de la part de l'État. Et tout cela se fait au détriment de la santé.
Il faudrait que nous soyons plus dynamiques pour demander à l'État de jouer pleinement son rôle et de trouver des recettes.
Monsieur Henno, je suis contre toutes les fraudes, quelles qu'elles soient. Mais il arrive que l'on commette des erreurs, que l'on se trompe dans ses papiers. Et les suppressions d'emplois ont été si nombreuses dans les caisses d'allocations familiales (CAF) que les gens ne sont pas toujours bien renseignés. Le moindre appel dure une demi-heure, et l'on tombe sur un répondeur qui nous demande de taper un, puis deux, puis trois avant de raccrocher... Ce manque de personnel compromet la délivrance d'un service public de qualité.
Je voudrais que l'on s'attaque aussi à la fraude fiscale, qui représente 13,7 milliards d'euros.
Nous vous proposons donc d'apporter des ressources nouvelles et de prendre parfois les bonnes décisions en ayant l'audace de taxer les plus riches, plutôt que d'agir comme toujours au détriment des plus pauvres.
M. Daniel Chasseing. - Je félicite également Mme la rapporteure générale et tous les rapporteurs de branche.
Je suis pour la solidarité, mais taxer les hyperriches sera-t-il vraiment efficace ? Une taxe sur les yachts a été instaurée, dont il nous avait été dit qu'elle rapporterait beaucoup d'argent. Or seuls cinq yachts sont taxés en France désormais ; tous les autres ont disparu, car ils sont allés s'amarrer ailleurs ! (Les membres du groupe Les Républicains approuvent.)
Mme Corinne Bourcier. - C'est contre-productif !
M. Daniel Chasseing. - Le problème est que leur entretien et leurs réparations se font aussi désormais ailleurs qu'en France.
Malheureusement, ce genre de taxe n'est pas efficace.
Le déficit de la sécurité sociale est dû en grande partie aux branches maladie et vieillesse. Les dépenses de la branche maladie ont augmenté de 9 milliards d'euros, celles de la branche vieillesse de 18 milliards d'euros et les revalorisations des retraites de 14 milliards d'euros. La CNRACL se dégrade donc, et le retour à l'équilibre continuera à se faire attendre, car les pensions progressent de 8 % alors que les cotisations n'ont augmenté que de moins de 6 %.
Un effort doit donc être mené sur les dépenses de la branche maladie, ce qui sera difficile au vu de la hausse du nombre de maladies chroniques et du vieillissement de la population. Les dépenses continueront donc à augmenter malgré les efforts entrepris sur les fraudes.
Notre sécurité sociale, colonne vertébrale de la République, se trouve dans une situation alarmante. Si les choses continuent ainsi, son financement ne sera, à terme, plus assuré. Une action vigoureuse de redressement doit donc être menée. L'objectif d'augmenter l'Ondam de 2,9 % pour atteindre l'équilibre en 2029 me semble pertinent.
Je suis aussi d'accord avec la nécessité de résorber le nombre de fraudes au sein de la branche famille. Il en va de même pour la branche vieillesse, notamment concernant les retraites perçues à l'étranger.
S'agissant de l'autonomie, il faudrait faire un effort également pour les aidants, car ils seront de plus en plus nombreux à l'avenir.
En matière d'AT-MP, la prévention est essentielle, notamment concernant l'usure professionnelle et les accidents du travail.
Toutefois, nous ne parviendrons réellement à l'équilibre qu'en augmentant le nombre d'emplois. Or, pour y parvenir, les entreprises ne doivent pas être davantage imposées en France qu'elles ne le sont dans les autres pays. Nous devons avoir des entreprises compétitives. Il faut aussi favoriser les emplois seniors pour avoir moins de retraites à payer et plus de personnes en emploi pour générer des cotisations. En faisant ainsi un effort sur les dépenses et sur les créations d'emploi et les formations, particulièrement à destination des jeunes et des seniors, nous pourrons avancer.
Mme Frédérique Puissat. - Je partage plusieurs des propos qui viennent d'être tenus. Monsieur Jomier, le calendrier dans lequel nous nous trouvons nous permet déjà de nous projeter en 2026. Nos rapporteurs ont esquissé des pistes à cet égard, et je les en remercie.
Je constate également, avec mes collègues, que nous n'avons pas la même vision des choses. Cela me paraît tout à fait sain. Vos positions relatives à la taxe Zucman étaient audibles, et nous les avons entendues. Mais nos positions étaient différentes et nous n'avons pas fait les mêmes choix. De même, vous n'aviez pas fait les mêmes choix que nous lorsque nous avions proposé d'augmenter le temps de travail l'année dernière. Ces débats sont sains et nous devons respecter les positions des uns et des autres. C'est la chance du Sénat d'avoir des majorités qui arrivent à se dégager.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec Bernard Jomier lorsqu'il dit que, parce que nous avons refusé la taxe Zucman, nous ne pourrions pas proposer de mesures d'économies susceptibles d'être acceptées par les Français. La majorité sénatoriale fera des propositions pour 2026, que vous voterez ou non. Le moment est grave. Si nous nous interdisons de faire des propositions, nous ne nous en sortirons pas.
Tout l'honneur du Sénat est d'avoir une majorité, nous l'avons vu en 2025 : nos collègues députés n'ont pas pu présenter de projet de loi de finances ni de projet de loi de financement de la sécurité sociale. Heureusement, le Sénat a pu le faire, ce qui nous a permis d'avoir un budget rapidement. Malheureusement, les prévisions de déficit de la sécurité sociale se sont aggravées depuis que le PLFSS a été voté au Sénat. Soyons donc prudents dans nos votes.
Nous ferons en sorte que des majorités se dégagent pour que le PLFSS soit voté au Sénat. Nous ne serons pas forcément d'accord, mais je n'accepte pas d'entendre dire que les Français n'accepteront pas nos positions parce que nous n'avons pas voté un texte de loi. Sinon, c'est la Révolution, les « gilets jaunes », avec nos encouragements ! (Les membres du groupe Les Républicains applaudissent.)
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Madame Poncet Monge et moi-même menons dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) un travail ensemble sur l'avenir de la protection sociale. Nous cherchons à élaborer une « boîte à outils », grâce à laquelle nous pourrons parler en connaissance de cause des différents moyens à notre disposition.
L'ensemble des allégements existants représente environ 100 milliards d'euros, dont 35 milliards d'euros non compensés. Mais cette non-compensation est en quasi-totalité légale. La loi Veil s'applique, selon le type de niche, qu'à partir de 1994 ou 2004. Or les exemptions d'assiette, de près de 15 milliards d'euros, sont presque toutes antérieures à cette date, raison pour laquelle elles ne sont pas compensées.
La sous-compensation des allégements généraux, de 5,5 milliards d'euros, provient quant à elle de la part de TVA que la loi a décidé de lui attribuer en 2019.
J'aimerais que tout soit compensé à l'euro près, mais il faudrait mobiliser de toute façon les moyens de l'État. Ce qui serait gagné du côté de la sécurité sociale serait perdu de celui de l'État. Ces déficits qui augmentent chaque année nous privent par ailleurs de politiques publiques souhaitables. Le remboursement des intérêts de la dette ne cesse d'augmenter. Le comité de surveillance de la Cades la semaine dernière l'a montré, les taux d'intérêt ont augmenté, rembourser la dette nous coûte plus cher qu'avant.
Monsieur Jomier, Jean-Marie Vanlerenberghe défendait précisément l'idée d'un chaînage vertueux. Étudier le bilan de l'année écoulée avant de se projeter dans les deux ans à venir me semble pertinent pour organiser l'avenir.
Vous avez dit que la somme de 40 milliards d'euros d'économies était déraisonnable. Je dirais surtout qu'elle est difficile à atteindre. Il faudra faire des économies, et ce sera de toute façon difficile pour ceux qui seront mis à contribution.
Nous défendons depuis longtemps la pluriannualité, pour travailler sur le moyen terme et le long terme. Nous le démontrerons avec Raymonde Poncet Monge.
Vous avez souligné l'importance de la prévention : c'est une décision politique d'affichage qui doit être actée dans les faits. Il y a des marges de manoeuvre sur ce point au niveau de la branche AT-MP.
J'ai voté contre la proposition de loi dite taxe Zucman, mais ce n'est pas le sujet. Ce texte ne s'inscrit pas dans un ensemble, alors qu'il faut agir dans le cadre d'une stratégie cohérente de retour à l'équilibre. Je ne suis pas opposé personnellement à la taxation des ultrariches, mais cette proposition est déconnectée d'un tel ensemble.
Concernant l'efficience de l'Ondam, nous aborderons le sujet dans la mission d'information qui nous a été confiée par la Mecss. Il faut une stratégie globale du système de santé, pour le moyen et le long terme.
Concernant l'évaluation des niches, je me félicite effectivement des améliorations qui se présentent d'année en année. Les décisions sur les niches à supprimer relèvent toutefois du PLFSS.
Madame Apourceau-Poly, je ne peux pas vous laisser dire que les économies touchent toujours les plus vulnérables. Lors du dernier PLFSS, nous avons essayé de répartir les efforts le plus justement possible. Le problème est que toutes nos propositions n'ont pas été retenues, ce qui a pu déséquilibrer l'ensemble. Il reste qu'elles avaient toujours été atténuées pour les plus vulnérables.
Par ailleurs, concernant la CNRACL, le Gouvernement a annoncé en mars dernier une compensation pour les hôpitaux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Cette compensation ne sera pas intégrale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Cette compensation a été annoncée à l'euro près.
La Cour des comptes a évalué la fraude fiscale entre 60 milliards et 80 milliards d'euros. Nous pouvons nous y attaquer, mais ce n'est pas du ressort de notre commission.
Monsieur Chasseing, des tableaux de bord pourront être mis en place concernant la hausse du nombre de maladies chroniques. Avec l'intelligence artificielle, nous pouvons imaginer des parcours de soins, de traitements et de consultations mieux protocolisés et adaptés, pour maximiser le bénéfice du soin.
Enfin, l'usager doit devenir citoyen. Il faut responsabiliser chacun.
Mme Chantal Deseyne, pour la branche autonomie. - L'allocation journalière est un revenu de remplacement destiné aux actifs, qui doivent mettre leur activité entre parenthèses pour venir en aide à un proche. Les retraités, qui ne sont plus en activité, n'y sont donc pas éligibles.
Quant aux chômeurs, ils peuvent bénéficier de l'AJPA s'ils justifient devoir suspendre leur recherche d'emploi pour s'occuper d'un proche.
Mme Pascale Gruny, pour la branche vieillesse. - Madame Richer, j'ai eu connaissance de la situation d'un boucher qui avait demandé à bénéficier d'un accompagnement pour investir dans du matériel servant au port de charges lourdes et s'était vu répondre en juillet dernier que les fonds étaient épuisés. Le Fipu est-il régionalisé ?
Par ailleurs, pour répondre à Laurence Muller-Bronn, les trimestres de majoration pour la durée d'assurance viennent compenser le manque de trimestres. En outre, la réforme de 2023 a ouvert des droits, sous certaines conditions, à une surcote de 1,5 % pour chaque trimestre accompli à partir de 63 ans, qui augmente la pension à hauteur de 5 % pour l'année entière. Cette surcote est ouverte aux salariés nés à partir de 1965.
Des dispositifs de majoration existent également à l'Agirc-Arrco pour les retraites complémentaires, tels que la hausse de 10 % du nombre de points à partir de trois enfants.
Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Dans les textes, le Fipu est national.
M. Philippe Mouiller, président. - En réalité, les caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) répartissent tacitement l'enveloppe. Lorsqu'un territoire a consommé intégralement son enveloppe en cours d'année, elles font appel aux autres territoires susceptibles d'avoir des excédents.
Mme Marie-Pierre Richer, pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles. - Mais le fonds en lui-même est national.
La commission décide de proposer au Sénat de rejeter le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2024.