- L'ESSENTIEL
- I. UN ACCORD AVEC L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR
L'EXTENSION À 210 JOURS DE LA DURÉE DE LA RÉTENTION POUR
LES ÉTRANGERS QUI CONSTITUENT UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ
PUBLIQUE
- II. UN CONSENSUS SUR LES APPORTS DU SÉNAT
VISANT À SIMPLIFIER LE RÉGIME DE LA RÉTENTION
ADMINISTRATIVE
- III. LA COMMISSION A APPROUVÉ LES
DISPOSITIONS NOUVELLES INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- I. UN ACCORD AVEC L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR
L'EXTENSION À 210 JOURS DE LA DURÉE DE LA RÉTENTION POUR
LES ÉTRANGERS QUI CONSTITUENT UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ
PUBLIQUE
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Extension du régime de rétention administrative prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA
- Article 2
Caractère suspensif de l'appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention administrative
- Article 2 bis
- Article 3 bis
Placement en rétention administrative des demandeurs d'asile
- Article 5
Mention au procès-verbal de fin de retenue pour vérification du droit au séjour des heures auxquelles la personne a pu s'alimenter
- Article 6
Application outre-mer
- Article 7
Entrée en vigueur
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 844
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive,
Par Mme Lauriane JOSENDE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
Première lecture : 298, 429, 430 et T.A. 82 (2024-2025)
Deuxième lecture : 840 et 845 (2024-2025) |
|
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
Première lecture : 1148, 1640 et T.A. 163 |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, présentée par Jacqueline Eustache-Brinio et ses collègues du groupe Les Républicains, que le Sénat avait adoptée en première lecture le 18 mars 2025, vient de l'être par l'Assemblée nationale le mardi 8 juillet 2025.
L'article 1er de la proposition de loi tend à porter de 90 à 210 jours la durée maximale de la rétention administrative pour les étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits graves ou présentant une menace d'une particulière gravité. Elle étend à cet effet le régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui, en l'état du droit, est réservé aux étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des activités terroristes.
Cet allongement de la durée de la rétention administrative a pour objectif de favoriser l'éloignement effectif des personnes concernées, compte tenu des difficultés particulières auxquelles se heurte cet éloignement et du risque élevé de fuite en cas d'adoption de mesures moins contraignantes comme l'assignation à résidence.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 1er au prix d'une double modification de son champ d'application. Si elle l'a étendu à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire, elle a préféré, s'agissant du critère tiré de la condamnation pénale pour des faits graves, se référer à une énumération limitative d'infractions plutôt qu'à la durée de la peine d'emprisonnement encourue.
En revanche, la commission a constaté avec satisfaction que les autres apports du Sénat - à l'instar de la simplification du séquençage et des motifs des ultimes prolongations de la rétention (article 3) ou du décompte en heures, plutôt qu'en jours, des délais de placement initial en rétention et en zone d'attente (article 4) - ont fait l'objet d'un consensus entre les deux assemblées.
Elle a également approuvé les dispositions introduites par l'Assemblée nationale, qui visent à permettre de contraindre l'étranger placé en rétention à se soumettre à la prise de ses empreintes digitales et de sa photographie (article 2 bis) ainsi qu'à permettre de nouveau le placement en rétention administrative des demandeurs d'asile (article 3 bis).
La procédure accélérée n'ayant pas été engagée par le Gouvernement, et eu égard à l'urgence qui s'attache à une mise en oeuvre rapide de ce texte, la commission a estimé que les divergences mineures qui subsistaient entre les deux assemblées ne justifiaient pas d'en prolonger l'examen.
Elle a donc adopté la proposition de loi sans modification, en vue de son adoption conforme par le Sénat.
I. UN ACCORD AVEC L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR L'EXTENSION À 210 JOURS DE LA DURÉE DE LA RÉTENTION POUR LES ÉTRANGERS QUI CONSTITUENT UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
L'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit un régime spécifique pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation au titre d'activités terroristes, pour lesquelles la durée maximale de la rétention administrative est portée à 210 jours, contre 90 dans le régime de droit commun.
Dans sa rédaction adoptée en première lecture par le Sénat, l'article 1er de la proposition prévoyait d'étendre son application aux étrangers :
- condamnés à la peine d'interdiction du territoire français (ITF) ;
- faisant l'objet d'une décision d'éloignement au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive à un crime ou à un délit puni de cinq ans ou plus d'emprisonnement ;
- ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
L'Assemblée nationale a réécrit l'article 1er en vue, d'une part, d'étendre l'application du régime dérogatoire à tout étranger faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'une interdiction administrative du territoire et, d'autre part, de restreindre le critère tiré de l'existence d'une condamnation pénale à une énumération limitative d'infractions qu'elle a estimées être d'une gravité suffisante.
Les critères pour l'application du régime de l'article L. 742-6 du CESEDA dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale :
Relèverait désormais du régime institué par l'article L. 742-6 l'étranger :
- faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire prononcée par l'autorité administrative ;
- condamné par le juge pénal à la peine d'interdiction du territoire français (ITF) ;
- condamné définitivement pour une infraction figurant parmi les seize catégories mentionnées à cet article ;
- ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
Si elle a approuvé l'extension du champ d'application du régime de l'article L. 742-6 du CESEDA à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire, la commission a regretté le choix de l'Assemblée nationale de se référer, pour le critère tiré de la condamnation pénale, à une énumération d'infractions.
Relevant toutefois que l'essentiel de ces dispositions fait l'objet d'un accord avec l'Assemblée nationale et soucieuse de permettre leur application rapide, la commission a adopté sans modification les articles correspondants.
II. UN CONSENSUS SUR LES APPORTS DU SÉNAT VISANT À SIMPLIFIER LE RÉGIME DE LA RÉTENTION ADMINISTRATIVE
Le Sénat avait, en première lecture, introduit plusieurs dispositions tendant à simplifier le régime juridique de la rétention administrative ou à sécuriser celui de la retenue pour vérification au droit du séjour.
Deux de ces articles ont fait l'objet d'une adoption conforme par l'Assemblée nationale.
L'article 3, introduit en commission à l'initiative de la rapporteure, vise à simplifier le séquençage de la rétention administrative. Il tend à fusionner les deux dernières prolongations prévues par les articles L. 742-5 et L. 742-7 du CESEDA, d'une durée de quinze jours chacune, en une unique prolongation de trente jours. Cette fusion s'accompagne d'une simplification des motifs de cette prolongation, qui seraient désormais alignés sur ceux de la deuxième prolongation de droit commun (article L. 742-4 du CESEDA).
Il en va de même pour l'article 4, adopté en séance publique à l'initiative de Catherine Di Folco, qui tend à décompter en heures, et non plus en jours, les délais de placement initial en rétention administrative ou en zone d'attente.
Alors que la loi du 26 janvier 2024 avait porté ces délais de quarante-huit heures à quatre jours, la Cour de cassation a considéré, dans un avis du 7 janvier 2025, que ces délais devaient être décomptés en prenant en compte, dans son intégralité, le jour de la notification du placement en rétention. Cette interprétation tend à réduire le délai dont dispose effectivement l'administration pour procéder aux diligences nécessaires, particulièrement lorsque le placement en rétention intervient à une heure tardive. En exprimant ces délais en heures plutôt qu'en jours, l'article 4 permet de résoudre cette difficulté.
Enfin, l'Assemblée nationale n'a apporté que des modifications d'ordre rédactionnel à l'article 5, adopté par le Sénat à l'initiative de Dominique Vérien.
Visant à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, cet article complète les mentions devant figurer au procès-verbal de la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS) pour y faire figurer les heures auxquelles la personne retenue a pu s'alimenter.
III. LA COMMISSION A APPROUVÉ LES DISPOSITIONS NOUVELLES INTRODUITES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
L'Assemblée nationale a inséré, à l'initiative de son rapporteur, deux nouvelles dispositions relatives à la rétention administrative.
L'article 2 bis a pour objet de permettre la prise d'empreintes digitales et de photographies, sans son consentement, de l'étranger placé en rétention administrative. Il s'agit de faciliter l'identification des personnes retenues, alors que certaines d'entre elles parviennent à faire obstacle à leur éloignement en dissimulant leur identité et leur nationalité.
En l'état du droit, si l'étranger est tenu de se soumettre à la prise d'empreintes digitales ou de photographies à l'occasion de la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS) ou en cas de franchissement irrégulier de la frontière en provenance d'un pays tiers aux États parties à la convention « Schengen », l'autorité administrative ne dispose pas de la possibilité de contraindre l'étranger en cas de refus. Ce dernier est seulement passible de sanctions pénales, qui sont peu dissuasives et qui ne permettent pas, en tout état de cause, d'atteindre l'objectif d'identification de l'intéressé.
La commission a approuvé ces dispositions, tout en relevant qu'il serait souhaitable que la faculté de relever les empreintes et les photographies sans le consentement de la personne concernée soit ouverte, à l'avenir, avant son placement en rétention, dès la RVDS ou le contrôle aux frontières. Cette possibilité est désormais expressément prévue par le nouveau règlement « Eurodac », applicable à compter de juin 2026, qui impose aux États membres de l'Union européenne de relever et d'enregistrer les données biométriques de tous les étrangers en situation irrégulière.
L'article 3 bis a trait aux motifs de placement en rétention administrative des demandeurs d'asile. Dans sa décision n° 2025-1140 QPC du 23 mai 2025, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions législatives afférentes, qui avaient été créées par la loi du 26 janvier 2024.
L'article 3 bis a pour objet de tirer les conséquences de cette déclaration d'inconstitutionnalité en remédiant aux motifs retenus par le Conseil constitutionnel, afin de permettre de nouveau le placement en rétention du demandeur d'asile dont le comportement constitue une menace à l'ordre public ou qui, ayant présenté sa demande à une autre autorité que celle compétente pour l'enregistrer, présente un risque de fuite.
Approuvant également cet article, la commission l'a adopté sans modification.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi sans modification.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Extension du régime de rétention
administrative prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA
L'article 1er étend le régime de rétention administrative prévu par l'article L. 742-6 du CESEDA, dont la durée maximale s'élève à 210 jours, contre 90 jours pour le régime ordinaire. En l'état du droit, n'en relèvent que les étrangers condamnés à une peine d'interdiction du territoire français (ITF) pour des actes de terrorisme ou qui font l'objet d'une mesure d'expulsion motivée « par un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées ».
En première lecture, le Sénat avait étendu ce régime aux étrangers dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, qui ont été condamnés à une peine d'ITF ou qui ont fait l'objet d'une décision d'éloignement en raison de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement. Il avait également modifié les dispositions relatives aux étrangers mis en cause pour des « activités à caractère terroriste », afin de prendre en compte toutes les décisions d'éloignement - et non seulement les expulsions - et de préciser que ces « activités » recouvrent la provocation directe à des actes de terrorisme ou leur apologie.
L'Assemblée nationale a réécrit l'article 1er pour prévoir l'application du régime de l'article L. 742-6 du CESEDA à tous les étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire (IAT) et pour supprimer les dispositions particulières aux terroristes. Si elle a également conservé deux des trois critères prévus par le Sénat - la condamnation à une peine d'ITF et la menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'Assemblée nationale a substitué, pour le critère tiré de la condamnation définitive pour un crime ou un délit d'une certaine gravité, la référence à une liste limitative d'infractions plutôt qu'au quantum de la peine d'emprisonnement encourue.
La commission a adopté cet article sans modification.
1. Le droit en vigueur
Issu de l'article 56 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) permet de prolonger jusqu'à 180 jours, au lieu de 90 jours, sur décision du magistrat compétent du siège du tribunal judiciaire, la rétention d'un étranger dès lors que plusieurs conditions cumulatives sont réunies :
- la rétention doit résulter d'une condamnation à une peine d'interdiction du territoire prononcée « pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal » ou d'une décision d'expulsion « édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste pénalement constatées » ;
- l'éloignement de l'étranger doit constituer une « perspective raisonnable » ;
- l'assignation à résidence doit ne pas être suffisante pour assurer le contrôle de la personne concernée.
Dans les mêmes conditions, et « à titre exceptionnel », la rétention peut être à nouveau prolongée par un magistrat jusqu'à 210 jours (article L. 742-7 du même code).
2. Un champ d'application étendu et précisé par le Sénat en première lecture
La proposition de loi initiale prévoyait d'étendre le champ d'application de l'article L. 742-6 du CESEDA aux personnes condamnées à une peine d'interdiction du territoire ou ayant fait l'objet d'une décision d'expulsion édictée pour un comportement « pénalement constaté » au titre d'une série d'infractions :
- celles mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale, soit celles qui donnent lieu à une inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) ;
- celles mentionnées à l'article 706-73 du même code, soit les infractions qui relèvent du régime procédural de la délinquance et de la criminalité organisées ;
- ainsi qu'une liste d'infractions particulièrement graves (crimes de meurtre ou d'assassinat, crimes de tortures ou d'actes de barbarie, délits et crimes de traite des êtres humains et délit et crime de proxénétisme).
Considérant que le choix d'une énumération limitative d'infractions présentait l'inconvénient d'omettre des infractions graves et, plus généralement, qu'il convenait de prendre en compte les auteurs de toute infraction pénale d'une gravité suffisante, la commission avait préféré à l'énumération d'infractions trois critères, non cumulatifs, pour l'application du régime dérogatoire :
- la condamnation par le juge pénal à une peine d'interdiction du territoire français (ITF) ;
- une décision d'éloignement édictée au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive pour des crimes ou délits punis de cinq ans ou plus d'emprisonnement - ce qui correspond notamment à la peine prévue pour l'agression sexuelle1(*), le vol aggravé2(*) ou les violences volontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) pendant plus de huit jours aggravées3(*) ;
- un comportement qui constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
L'ajout de ce dernier critère visait notamment à étendre la mesure à des individus qui, sans nécessairement avoir fait l'objet d'une condamnation pénale, représentent une menace particulièrement grave pour l'ordre public, par exemple en cas de radicalisation violente ou de liens avec un groupe terroriste.
Enfin, le Sénat avait apporté plusieurs modifications au premier alinéa de l'article L. 742-6 du CESEDA, pour préciser, d'une part, que les faits de provocation ou d'apologie du terrorisme justifient la mise en oeuvre de ce régime4(*) et, d'autre part, pour y intégrer l'ensemble des décisions d'éloignement prononcées à raison d'activités à caractère terroriste, et pas seulement les décisions d'expulsion5(*).
3. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Si elle a conservé les deux autres critères introduits par le Sénat, la commission des lois de l'Assemblée nationale n'a pas souhaité retenir le critère tiré d'une condamnation définitive à une infraction punie de cinq ans d'emprisonnement ou plus et lui a préféré l'établissement d'une liste d'infractions comportant quatorze items :
- crimes contre l'humanité et contre l'espèce humaine ;
- crimes de meurtre, d'assassinat ou d'empoisonnement ;
- crimes de tortures ou d'actes de barbarie ;
- crime de violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner ;
- crimes et délits de violences prévus aux articles 222-9 à 222-14-1 et 222-14-5 du code pénal ;
- crimes et délits de viol et d'agression sexuelle et infractions sexuelles contre les mineurs ;
- crimes et délits de trafic de stupéfiants ;
- crime de réduction en esclavage ou d'exploitation d'une personne réduite en esclavage ;
- crimes d'enlèvement et de séquestration ;
- crime de traite des êtres humains ;
- crimes et délits de proxénétisme ;
- crimes et délits de vol aggravé avec violences prévus aux articles 311-5 à 311-10 du même code ;
- crimes d'atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation prévus aux articles 410-1 à 421-5 ;
- crimes et délits d'association de malfaiteurs et de concours à une organisation criminelle prévus aux articles 450-1 et 450-1-1.
Cette liste a été complétée en séance publique pour y ajouter les délits de menaces, d'actes d'intimidation ou de violences commis contre les personnes exerçant une fonction publique (article 433-3 du code pénal) ainsi que les délits de menaces ou d'actes d'intimidation envers un magistrat, un juré, un arbitre, un interprète, un expert ou l'avocat d'une partie prévus à l'article 434-8 du même code6(*).
En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté l'amendement n° 53 du rapporteur modifiant le premier alinéa de l'article L. 742-6 du CESEDA afin de supprimer les dispositions particulières relatives au terrorisme et d'y substituer deux nouveaux critères : le fait que l'étranger fasse l'objet d'une décision d'expulsion, quel qu'en soit le motif, ou d'une interdiction administrative du territoire.
L'interdiction administrative du territoire (IAT)
L'interdiction administrative du territoire (articles L. 320-1 et suivants du CESEDA) est une mesure administrative qui peut être prononcée à l'encontre de l'étranger qui ne réside pas habituellement en France et ne se trouve pas sur le territoire national, lorsque sa présence en France constituerait une menace grave pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou les relations internationales de la France.
La décision est motivée, à moins que des considérations relevant de la sûreté de l'État ne s'y opposent, prononcée sans procédure contradictoire par le ministre de l'intérieur et permet, d'une part, d'opposer un refus d'entrée à l'étranger qui essaierait d'entrer sur le territoire national et, d'autre part, de procéder à sa reconduite d'office hors de France s'il est majeur et appréhendé sur le sol français.
4. La position de la commission
La commission a approuvé l'extension du champ d'application du régime dérogatoire à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire.
Elle a en revanche regretté le retour d'une énumération limitative des infractions justifiant l'application du régime dérogatoire.
Outre qu'elle alourdit la rédaction de l'article L. 742-6 du CESEDA, cette énumération présente l'inconvénient d'omettre de nombreuses infractions graves, à l'instar des crimes et délits de destruction, de dégradation ou de détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes (art. 322-6 à 322-10 du code pénal), des crimes de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport (art. 224-6 à 224-7 du même code) ou encore des délits prévus au livre IV du code pénal, parmi lesquels figure l'apologie du terrorisme (art. 421-2-5).
Pour regrettable qu'elle soit, les conséquences de cette omission devraient être très limitées dès lors que les étrangers auteurs de telles infractions satisferaient très probablement au moins l'un des autres critères prévus pour l'application du régime dérogatoire (comme l'expulsion, l'ITF ou le critère tiré de la menace d'une particulière gravité pour l'ordre public).
En dépit de cette réserve et afin de permettre l'application rapide de ces nouvelles dispositions, la commission a adopté l'article 1er sans modification.
La commission a adopté l'article 1er sans modification.
Article 2
Caractère suspensif de l'appel interjeté contre
une décision mettant fin à la rétention administrative
Le dernier alinéa de l'article L. 743-22 du CESEDA confère, à titre dérogatoire, un caractère suspensif à l'appel interjeté contre la décision mettant fin à la rétention administrative des étrangers condamnés à une peine d'ITF pour des actes de terrorisme ou faisant l'objet d'une mesure d'éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
L'article 2 étend cette disposition aux catégories d'étrangers qui relèveraient, en vertu de l'article 1er, du régime dérogatoire de l'article L. 742-6 du CESEDA.
L'Assemblée nationale a modifié cet article pour faire correspondre son champ d'application à celui de l'article 1er.
La commission a adopté cet article sans modification.
1. Le droit en vigueur
La contestation par la personne concernée de la décision de placement en rétention, la requête sollicitant sa remise en liberté ainsi que la demande de prolongation de ce placement sont jugées par ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire (art. L. 743-4 du CESEDA).
Les ordonnances rendues sur ces requêtes sont susceptibles d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué (art. L. 743-21 du même code), cet appel pouvant être formé par l'étranger, le ministère public ou l'autorité administrative.
Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-22 du CESEDA : « L'appel n'est pas suspensif ». Le deuxième alinéa de cet article prévoit toutefois que le ministère public peut demander que son recours soit déclaré suspensif « lorsqu'il lui apparaît que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives ou en cas de menace grave pour l'ordre public » ; il appartient au premier président de la cour d'appel d'apprécier si ces conditions sont satisfaites et, le cas échéant, de donner un effet suspensif à l'appel du ministère public.
Introduit par l'article 79 de la loi du 26 janvier 20247(*), le dernier alinéa de l'article L. 743-22 prévoit que, par dérogation à ces dispositions, l'appel interjeté contre une décision mettant fin à la rétention est suspensif lorsque la personne concernée a été condamnée à une peine d'interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou si elle a fait l'objet d'une mesure d'éloignement édictée pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, soit des conditions proches de celles qui permettent le maintien en rétention en application de l'article L. 742-68(*). Il est précisé que « l'intéressé est maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond. »
2. Un champ d'application étendu aux étrangers relevant de l'article L. 742-6 du CESEDA
En première lecture, le Sénat avait étendu, par l'amendement COM-4 du rapporteur, le champ d'application des dispositions de l'article L. 743-22 du CESEDA pour le faire correspondre à celui de l'article L. 742-6.
En conséquence des modifications qu'elle a apportées à l'article 1er (cf. supra), l'Assemblée nationale a procédé à la mise en cohérence des dispositions de l'article 29(*).
3. La position de la commission
La commission a adopté l'article 2 sans modification.
Article 2 bis
Prises d'empreintes digitales et de photographies sans le consentement de l'étranger placé en rétention administrative
Introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, l'article 2 bis autorise la prise d'empreintes digitales et de photographies sans le consentement de l'étranger placé en rétention, lorsque cette opération constitue l'unique moyen de l'identifier avec certitude.
La commission a adopté cet article sans modification.
1. Le droit en vigueur
Le règlement n° 603/2013 du 26 juin 201310(*), dit « Eurodac », impose à chaque État membre de relever les empreintes digitales de tous les demandeurs d'asile et des personnes interceptées lors du franchissement irrégulier d'une frontière, âgées d'au moins quatorze ans.
Le règlement 2024/1358 du 14 mai 2024, qui refond le règlement « Eurodac »11(*), étendra prochainement cette obligation à de nouvelles catégories d'étrangers, notamment à tout étranger en situation irrégulière ou qui fait l'objet de la procédure de « filtrage » instituée par le règlement 2024/1356 du 14 mai 202412(*).
Afin de mettre en oeuvre cette obligation, le 3° de l'article L. 142-1 du CESEDA autorise la collecte, la conservation et le traitement automatisé des empreintes digitales et de la photographie des étrangers qui sont en situation irrégulière en France, qui font l'objet d'une décision d'éloignement du territoire français ou qui sont contrôlés à l'occasion du franchissement de la frontière en provenance d'un pays tiers aux États parties à la convention « Schengen ».
L'article L. 813-10 du CESEDA permet d'ores et déjà la prise d'empreintes digitales ou de photographies de l'étranger, dans le cadre de la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS), « si l'étranger ne fournit pas d'éléments permettant d'apprécier son droit de circulation ou de séjour ». Ces opérations ont lieu après information du procureur de la République.
En l'état du droit, les autorités ne peuvent utiliser la contrainte pour relever les empreintes ou prendre des photographies d'un étranger qui s'y oppose.
Son refus est en revanche puni d'un an d'emprisonnement, de 3 750 euros d'amende et de trois ans d'ITF en vertu des articles L. 822-1 (pour l'étranger en situation irrégulière ou qui fait l'objet d'une décision d'éloignement) et L. 821-2 (pour l'étranger contrôlé lors du franchissement irrégulier d'une frontière Schengen) du CESEDA.
Comme le relevaient Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère dans leur rapport sur le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration, ces sanctions sont « peu dissuasives » dès lors que « les condamnations sont faibles, et très rarement de l'emprisonnement ferme » et, en tout état de cause, « elles ne permettent pas (...) d'atteindre l'objectif d'identification de l'étranger »13(*).
L'article 38 de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration prévoyait par conséquent de permettre la prise d'empreintes digitales et de photographies d'un étranger sans son consentement, dans le cadre de la RVDS ou lorsqu'il est contrôlé lors du franchissement irrégulier d'une frontière Schengen.
Dans sa décision n° 2023-863 DC du 25 janvier 2024, le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions contestées privaient de garantie légale les exigences tirées du principe selon lequel « la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire », relevant qu'elles ne prévoyaient pas - à la différence de l'article 55-1 du code de procédure pénale - les garanties que constituent :
- l'autorisation du procureur de la République, saisi d'une demande motivée en ce sens ;
- la subordination des opérations à la démonstration qu'elles constituent « l'unique moyen d'identifier la personne » ;
- la présence de l'avocat lorsque la personne concernée a demandé son assistance.
Une faculté strictement encadrée en matière pénale
La prise d'empreintes et de photographies sans le consentement de la personne est déjà prévue en matière pénale dans les conditions fixées par l'article 55-1 du code de procédure pénale :
- la personne est entendue dans le cadre d'une audition libre ou d'une garde à vue pour un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement ;
- la prise d'empreintes ou de photographies doit constituer l'unique moyen d'identifier la personne concernée ;
- l'opération a lieu sur autorisation écrite du procureur de la République saisi d'une demande motivée par l'officier de police judiciaire (OPJ) ;
- elle est réalisée par un OPJ ou un agent de police judiciaire « qui recourt à la contrainte dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée » et qui « tient compte, s'il y a lieu, de la vulnérabilité de la personne » ;
- si la personne a demandé l'assistance d'un avocat au cours de la garde à vue, celui-ci est avisé par tout moyen de cette opération et peut y assister. Cette opération ne peut être effectuée en l'absence de l'avocat qu'après l'expiration d'un délai de deux heures à compter de l'avis qui lui a été adressé ;
- l'opération fait l'objet d'un procès-verbal, « qui mentionne les raisons pour lesquelles elle constitue l'unique moyen d'identifier la personne ainsi que le jour et l'heure auxquels il y est procédé » et qui est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l'intéressé.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Introduit en commission à l'initiative du rapporteur14(*), le présent article modifie l'article L. 741-6 du CESEDA, relatif aux conditions d'édiction de la décision de placement en rétention administrative, pour permettre la prise d'empreintes digitales et de photographies, sans son consentement, d'un étranger lors de son placement en rétention.
Il est précisé que cette opération, qui doit constituer l'unique moyen d'identifier la personne, requiert une autorisation du procureur de la République préalablement saisi et, dans l'éventualité où elle dispose d'un avocat, se déroule en présence de celui-ci. Le recours à la contrainte est strictement proportionné et tient compte de la vulnérabilité de la personne.
Ce dispositif a été complété en séance publique par un amendement n° 55 rect. du rapporteur précisant que l'opération donne lieu à l'établissement d'un procès-verbal qui est transmis au procureur de la République, copie en ayant été remise à l'intéressé.
3. La position de la commission
La commission a accueilli favorablement ces dispositions, relevant qu'une partie conséquente des éloignements non exécutés provient de l'impossibilité d'identifier précisément les intéressés.
Ce dispositif, qui est limité au placement en rétention administrative, devra être complété par des dispositions analogues dès la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS) ou lors du franchissement irrégulier d'une frontière Schengen.
Le futur projet de loi adaptant le droit français aux dispositions pacte européen sur la migration et l'asile constituera l'occasion d'étendre cette faculté au-delà de la seule rétention administrative, alors que le nouveau règlement « Eurodac », applicable à compter du 12 juin 2026, fait obligation aux États membres de relever les empreintes des étrangers en situation irrégulière et autorise expressément le recours à la contrainte à cette fin (paragraphe 3 de l'article 13).
La commission a adopté l'article 2 bis sans modification.
Article 3
bis
Placement en rétention administrative des demandeurs d'asile
Introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de son rapporteur, l'article 3 bis vise à tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel n° 2025-1140 QPC du 23 mai 2025, par laquelle il a déclaré contraires à la Constitution les dispositions législatives régissant le placement en rétention administrative des demandeurs d'asile.
La commission a adopté cet article sans modification.
1. Le droit en vigueur
Le paragraphe 3 de l'article 8 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013, dite « Accueil »15(*), ouvre aux États membres la faculté de placer en rétention un demandeur d'asile dans certaines hypothèses, notamment :
- en vue d'établir ou de vérifier son identité ou sa nationalité ;
- « pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu'il y a risque de fuite » ;
- ou pour des considérations d'ordre public16(*).
La nouvelle directive « Accueil » du 14 mai 2024 (2024/1346), adoptée dans le cadre du pacte européen sur la migration et l'asile17(*), prévoit des dispositions identiques en son article 10.
L'article 41 de la loi du 26 janvier 2024, issu d'un amendement du Gouvernement adopté par le Sénat en séance publique, a transposé ces dispositions en introduisant dans le CESEDA un chapitre relatif à l'assignation à résidence et au placement en rétention administrative du demandeur d'asile (art. L. 523-1 à L. 523-7).
Préalablement à ces dispositions, un demandeur d'asile ne pouvait être placé en rétention que pour la mise en oeuvre de la procédure « Dublin » (article L. 751-3 et L. 751-9 du CESEDA)18(*).
L'article L. 523-1 du CESEDA, dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024, prévoyait deux hypothèses d'assignation à résidence ou de placement en rétention :
- si le comportement du demandeur d'asile constitue une menace à l'ordre public. Celui-ci peut alors être assigné à résidence ou, « si cette mesure est insuffisante et sur la base d'une appréciation au cas par cas », être placé en rétention ;
- pour l'étranger en situation irrégulière qui présente une demande d'asile à une autorité administrative autre que celle compétente pour procéder à son enregistrement, afin de déterminer les éléments sur lesquels se fonde sa demande d'asile, le placement en rétention ne pouvant alors être prononcé qu'en cas de risque de fuite.
L'article L. 523-2 du CESEDA précise les cas dans lesquels ce risque de fuite peut être regardé comme établi, sauf circonstances particulières.
En vertu de l'article L. 523-3, et par dérogation au droit commun de la rétention administrative, la durée du placement initial en rétention est limitée à quarante-huit heures. Le maintien en rétention peut ensuite être autorisé, pour une durée de vingt-huit jours, par le juge des libertés et de la détention.
Dans une décision n° 2025-1140 QPC du 23 mai 2025, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article L. 523-1 du CESEDA relatives au placement en rétention. Il a considéré qu'elles méconnaissaient l'article 66 de la Constitution dès lors que :
- d'une part, ces dispositions « autorisent le placement en rétention d'un demandeur d'asile, alors même qu'il ne fait pas l'objet d'une mesure d'éloignement, sur le fondement d'une simple menace à l'ordre public, sans autre condition tenant notamment à la gravité et à l'actualité de cette menace » ;
- d'autre part, le risque de fuite n'était pas suffisamment caractérisé pour justifier un placement en rétention19(*), notamment au regard des cas précisés aux 1° et 4° de l'article L. 523-2 du CESEDA20(*).
Le Conseil constitutionnel n'ayant pas reporté les effets de sa déclaration d'inconstitutionnalité, les dispositions en cause ont été abrogées dès la publication de sa décision.
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Introduit en commission à l'initiative du rapporteur21(*), le présent article vise à rétablir les dispositions relatives au placement en rétention du demandeur d'asile, en tirant les conséquences de la décision précitée du Conseil constitutionnel.
Le 1° du présent article modifie l'article L. 523-1 du CESEDA afin d'y réintroduire la faculté de placer en rétention un demandeur d'asile.
S'agissant de l'étranger dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public, la rédaction proposée ne prévoit le placement en rétention que si l'assignation à résidence s'avère insuffisante « au regard de la gravité et de l'actualité de la menace et sur la base d'une appréciation au cas par cas ».
Il est précisé que ces mesures - assignation à résidence et placement en rétention - ne sont applicables qu'à l'étranger titulaire d'aucun document de séjour en cours de validité22(*).
En ce qui concerne le placement en rétention en raison du risque de fuite, le b) du 1° modifie le second alinéa de l'article L. 523-1 du CESEDA pour préciser que le placement en rétention ne peut avoir lieu que si l'assignation à résidence s'avère insuffisante et « sur la base d'une appréciation au cas par cas ».
Son 2° apporte une précision à deux des cas dans lesquels le risque de fuite est constitué (1° et 4° de l'article L. 523-2 du CESEDA), y introduisant une condition supplémentaire tirée de l'absence de garanties de représentation de l'intéressé.
Enfin, le 3° modifie le premier alinéa de l'article L. 523-6 du CESEDA, qui prévoit qu'en l'absence d'introduction de la demande d'asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de placement en rétention ou en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité de la demande d'asile, la rétention peut se poursuivre « pour le temps strictement nécessaire, qui ne peut excéder vingt-quatre heures, pour l'examen du droit de séjour de l'étranger et, le cas échéant, le prononcé, la notification et l'exécution d'une décision d'éloignement. »
Le a) du 3° supprime la condition tirée de ce que l'étranger n'a pas introduit de demande d'asile dans un délai de cinq jours à compter de la notification de la décision de placement en rétention.
Le b) du 3° ajoute, parmi les cas de poursuite de la rétention prévus par l'article L. 523-6, la clôture d'examen de la demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).
Cette clôture peut intervenir dans les cas prévus aux articles L. 531-36 à L. 531-38 du CESEDA, notamment en cas de retrait de la demande d'asile, lorsque l'étranger, sans motif légitime, n'a pas introduit sa demande auprès de l'OFPRA ou bien si le demandeur « refuse, de manière délibérée et caractérisée, de fournir des informations essentielles à l'examen de sa demande ».
3. La position de la commission
La commission a approuvé ces dispositions, rendues nécessaires par la décision du Conseil constitutionnel n° 2025-1140 QPC du 23 mai 2025 afin de permettre de nouveau le placement en rétention de l'étranger ayant demandé l'asile.
La commission a adopté l'article 3 bis sans modification.
Article 5
Mention au procès-verbal de fin de retenue pour
vérification du droit au séjour des heures auxquelles la personne
a pu s'alimenter
Introduit par le Sénat en séance publique, l'article 5 complète les mentions devant figurer au procès-verbal dressé à l'issue de la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS). Afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, il prévoit que doivent être mentionnées dans ce procès-verbal les heures auxquelles la personne retenue a pu s'alimenter.
L'abrogation des dispositions en cause ayant pris effet le 1er juin 2025, postérieurement à l'adoption en première lecture de la proposition de loi par le Sénat, l'Assemblée nationale a réécrit l'article 5 en conséquence.
La commission a adopté cet article ainsi rédigé.
1. Le droit en vigueur
Créée par la loi du 31 décembre 201223(*), pour pallier l'impossibilité de placer en garde à vue un étranger pour le seul motif de l'irrégularité de sa situation au regard du droit au séjour24(*), la retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour (RVDS) est régie par les articles L. 813-1 et suivants du CESEDA.
Cette mesure administrative permet de retenir dans un local de police ou de gendarmerie, aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français, l'étranger qui n'est pas en mesure de justifier de ce droit à l'occasion d'un contrôle. Sa durée ne peut excéder vingt-quatre heures.
En vertu de l'article L. 813-13 du même code, l'officier de police judiciaire doit, au terme de la retenue, dresser un procès-verbal comportant, à peine de nullité, certaines mentions.
Dans sa décision n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 813-13 du CESEDA. Il a relevé qu'« alors que la retenue peut atteindre une durée de vingt-quatre heures, ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative n'imposent de faire figurer au procès-verbal de mention relative aux conditions dans lesquelles l'étranger a pu s'alimenter pendant cette mesure » et qu'« à défaut de prévoir une telle mention, les dispositions contestées ne permettent pas aux autorités judiciaires de s'assurer que la privation de liberté de l'étranger retenu s'est déroulée dans des conditions respectueuses de la dignité de la personne humaine ». Le Conseil constitutionnel a reporté au 1er juin 2025 la date de l'abrogation des dispositions en cause.
2. Le texte adopté par le Sénat en première lecture
Introduit en séance publique à l'initiative de Dominique Vérien25(*), l'article 5 a pour objet de remédier à cette déclaration d'inconstitutionnalité en complétant la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 813-13 du CESEDA afin de faire figurer sur le procès-verbal dressé à l'issue de la RVDS la mention obligatoire des heures auxquelles la personne retenue a pu s'alimenter.
3. Le texte adopté par l'Assemblée nationale
Faute de modification des dispositions en cause avant cette date, la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 813-13 a été abrogée le 1er juin 2025.
Par conséquent, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté l'amendement CL38 présenté par son rapporteur afin de rétablir cette phrase avec l'ajout de la mention des heures auxquelles la personne retenue a pu s'alimenter
4. La position de la commission
La commission a adopté l'article 5 sans modification.
Article 6
Application outre-mer
Introduit par le Sénat à l'initiative du Gouvernement, l'article 6 étend l'application des dispositions de la proposition de loi dans les collectivités relevant du régime de la spécialité législative, en les adaptant aux spécificités de ces collectivités.
L'Assemblée nationale y a substitué une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, pour une durée de trois mois, afin de prévoir l'application et l'adaptation des dispositions de la proposition de loi dans les collectivités qui relèvent de l'article 74 de la Constitution, à l'exception de Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.
Elle a également modifié les dispositions adaptant à Mayotte le régime juridique de la rétention administrative afin d'y rendre applicable le décompte en heures des délais de placement en rétention prévu par l'article 4.
La commission a adopté cet article sans modification.
Si elle est traditionnellement réservée quant au recours aux habilitations à légiférer par ordonnance, la commission a relevé qu'en l'espèce, l'habilitation adoptée par l'Assemblée nationale était justifiée par la publication prochaine de l'ordonnance prévue par le I de l'article 80 de la loi du 26 janvier 2024, qui modifiera de manière extensive les dispositions concernées du CESEDA26(*).
Elle a donc adopté l'article 6 sans modification.
La commission a adopté l'article 6 sans modification.
Article 7
Entrée en vigueur
L'article 7, introduit par le Sénat, reporte l'entrée en vigueur des dispositions des articles 1er à 3 de la proposition de loi à une date fixée par décret en Conseil d'État, et au plus tard trois mois après la publication de la loi, afin de permettre la publication des dispositions réglementaires nécessaires à leur application.
L'Assemblée nationale a également différé à la même date l'entrée en vigueur des articles 4 et 6.
La commission a adopté cet article sans modification.
La rapporteure a relevé que l'habilitation à légiférer par ordonnance introduite par l'Assemblée nationale au II de l'article 6 ne s'est pas accompagnée d'une modification des dispositions de l'article 7.
Ce défaut de coordination devrait néanmoins être sans conséquence sur l'entrée en vigueur du II de l'article 6 dès lors que son deuxième alinéa prévoit spécifiquement qu'elle est prise dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi.
La commission a adopté l'article 7 sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons, en deuxième lecture, le rapport de Mme Lauriane Josende sur la proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'Assemblée nationale a adopté hier soir cette proposition de loi, déposée par notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio et que le Sénat avait adoptée en première lecture le 18 mars dernier.
Je souhaite tout d'abord rendre hommage à son rapporteur, Olivier Marleix, avec qui j'ai beaucoup échangé et dont je salue le travail. Il a permis l'adoption de ce texte par l'Assemblée nationale à une large majorité, ce qui n'était initialement pas évident, en parvenant à une rédaction équilibrée.
La proposition de loi sera examinée dès cet après-midi en deuxième lecture par le Sénat. Ce délai très bref s'explique par la volonté d'une adoption définitive du texte avant la fin de la session extraordinaire, dès lors que nos deux assemblées sont d'accord sur l'essentiel - j'y reviendrai.
En effet, seule une adoption conforme du texte par le Sénat permettrait son adoption définitive. Pour des raisons assez mystérieuses, le Gouvernement n'a pas engagé la procédure accélérée sur cette proposition de loi, pourtant soutenue par lui. Ainsi, à défaut d'une adoption conforme, la proposition de loi serait de nouveau transmise à l'Assemblée nationale afin qu'elle l'examine en deuxième lecture, avant qu'une commission mixte paritaire puisse être convoquée. Tout cela ne pourrait avoir lieu au mieux qu'à l'automne prochain, alors que le calendrier parlementaire est très incertain et qu'il y a urgence à ce que les dispositions de ce texte, très attendues des administrations comme de nos concitoyens, entrent rapidement en vigueur.
Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale comporte neuf articles, soit deux de plus que lors de son adoption par le Sénat. La seule divergence de fond porte sur l'article 1er et, par conséquent, l'article 2.
Des sept articles adoptés par le Sénat, deux ont fait l'objet d'une adoption conforme.
L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 3, qui avait été introduit par notre commission. Cet article tend à simplifier le séquençage de la rétention administrative en fusionnant les deux dernières prolongations de quinze jours chacune en une prolongation unique de trente jours. Elle en simplifie également les motifs, dont la rédaction était ambiguë et source d'insécurité juridique. Rappelons que c'est une interprétation erronée de l'un de ces motifs qui avait conduit à la libération du meurtrier de la jeune Philippine.
Tel est également le cas de l'article 4. Issu d'un amendement de notre collègue Catherine Di Folco, qui vise à exprimer en heures, plutôt qu'en jours, les délais pour le placement initial en rétention et en zone d'attente.
Alors que la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration avait porté ces délais de quarante-huit heures à quatre jours, la Cour de cassation a considéré, dans un avis du 7 janvier 2025, que ces délais devaient être décomptés en prenant en compte, dans son intégralité, le jour de la notification du placement en rétention. Cette interprétation réduit fortement le délai dont dispose effectivement l'administration, particulièrement lorsque le placement en rétention intervient en fin de journée. L'article 4 résout ce problème en revenant à un délai exprimé en heures, soit quatre-vingt-seize heures au lieu de quatre jours.
L'article 5, issu d'un amendement de notre collègue Dominique Vérien, a également fait l'objet d'un accord, l'Assemblée n'ayant apporté que des modifications d'ordre rédactionnel.
Cet article complète les mentions devant figurer au procès-verbal de la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS) pour y faire figurer les heures auxquelles la personne retenue a pu s'alimenter. Il s'agit de tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel censurant les dispositions législatives actuelles.
Les ajouts de l'Assemblée nationale ne me paraissent poser aucune difficulté.
L'article 2 bis a pour objet de permettre la prise d'empreintes digitales et de photographies, sans son consentement, de l'étranger placé en rétention administrative. Il s'agit de faciliter l'identification des personnes retenues, alors que certaines d'entre elles parviennent à faire obstacle à leur éloignement en dissimulant leur identité et leur nationalité.
En l'état du droit, si l'étranger est tenu de se soumettre à la prise d'empreintes digitales ou de photographies à l'occasion de la retenue pour vérification du droit au séjour ou en cas de contrôle aux frontières extérieures, l'autorité administrative ne dispose pas de la possibilité de le contraindre en cas de refus. Ce dernier est seulement passible de sanctions pénales, qui sont peu dissuasives et qui ne permettent pas, en tout état de cause, d'atteindre l'objectif d'identification de l'intéressé.
L'article 38 de la loi du 26 janvier 2024, qui permettait de contraindre l'étranger à la prise d'empreintes à l'occasion de la RVDS ou d'un contrôle aux frontières, a été censuré par le Conseil constitutionnel, faute de prévoir certaines garanties.
Je vous propose d'adopter cet article 2 bis sans modification. On peut seulement regretter que la faculté de relever les empreintes et les photographies sans le consentement de la personne concernée ne soit prévue qu'à l'occasion du placement en rétention et pas en amont.
Néanmoins, cette difficulté pourra être résolue à l'occasion de l'adaptation prochaine des dispositions législatives du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) au pacte européen sur la migration et l'asile, dont les principales dispositions deviendront applicables en juin 2026. Le nouveau règlement Eurodac, qui impose désormais aux États membres de relever et d'enregistrer les données biométriques de tous les étrangers en situation irrégulière, ouvre également la possibilité d'y contraindre les personnes concernées.
L'article 3 bis a trait aux motifs de placement en rétention administrative des demandeurs d'asile. Dans sa décision du 23 mai dernier, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions législatives afférentes, qui avaient été créées par la loi du 26 janvier 2024.
L'article 3 bis a pour objet de tirer les conséquences de cette censure, afin de permettre de nouveau le placement en rétention du demandeur d'asile dans deux cas précis : si son comportement constitue une menace à l'ordre public ou s'il a présenté sa demande à une autre autorité que celle qui est compétente pour l'enregistrer et qu'il présente un risque de fuite.
Ces dispositions, qui me paraissent opportunes, n'appellent aucune modification.
À l'article 6, relatif à l'application outre-mer, l'Assemblée nationale a préféré habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour l'extension aux collectivités régies par l'article 74 de la Constitution. Si notre commission accueille traditionnellement avec réticence les habilitations, celle-ci paraît justifiée par des raisons techniques, du fait de la publication prochaine d'une autre ordonnance portant sur les mêmes dispositions du Ceseda.
Comme je l'ai évoqué à l'instant, la seule divergence de fond avec l'Assemblée nationale réside à l'article 1er et, par extension, à l'article 2.
Ces deux articles, auxquels se résumait la proposition de loi initiale, prévoient respectivement, tout d'abord, d'étendre à certaines catégories d'étrangers le régime dérogatoire de rétention administrative prévu à l'article L. 742-6 du Ceseda, aujourd'hui réservé aux étrangers condamnés au titre d'activités terroristes, la durée maximale de rétention étant de 210 jours, contre 90 jours dans le régime ordinaire ; ensuite, d'étendre aux mêmes catégories l'application du dernier alinéa de l'article L. 743-22 du Ceseda, qui donne un caractère suspensif à l'appel formé contre une décision du juge judiciaire mettant fin à la rétention d'un étranger.
Le Sénat, sur l'initiative de notre commission, avait prévu trois critères supplémentaires pour l'application du régime dérogatoire : la condamnation par le juge pénal à la peine d'interdiction du territoire français (ITF) ; la condamnation pour une infraction punie de cinq ans ou plus d'emprisonnement ; le fait que le comportement de la personne concernée constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
L'Assemblée nationale a doublement modifié ces dispositions.
D'une part, elle a élargi l'application du régime dérogatoire à tous les étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire, ce qui recouvre un nombre non négligeable d'individus.
D'autre part, si elle a conservé les critères tirés de la peine d'ITF et de la menace d'une particulière gravité, elle a préféré se référer, s'agissant du critère tiré d'une condamnation pénale, à une énumération limitative d'infractions, à l'instar de ce que proposait le texte initial.
Cette énumération ne comporte pas moins de seize items. Elle inclut la plupart des infractions graves contre les personnes - meurtre, viol, agression sexuelle, etc. - ou contre la Nation.
Il me semble que les raisons qui avaient conduit notre commission à préférer une autre logique - celle de la durée de la peine d'emprisonnement encourue - demeurent.
L'énumération proposée par l'Assemblée nationale, outre qu'elle alourdit considérablement la rédaction de l'article L. 742-6 du Ceseda, présente l'inconvénient d'omettre de nombreuses infractions graves, à l'instar des crimes et délits de destruction, de dégradation ou de détérioration d'un bien appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes, conformément aux articles 322-6 à 322-10 du code pénal ; des crimes de détournement d'aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, conformément aux articles 224-6 à 224-7 du même code ; ou encore des délits prévus au livre IV du code pénal, parmi lesquels figure l'apologie du terrorisme, conformément à l'article 421-2-5 de ce code.
Cela dit, pour regrettable que soit cette omission, ses conséquences devraient être, en pratique, très limitées.
En effet, les étrangers auteurs de telles infractions devraient être très probablement couverts par au moins l'un des autres critères prévus à l'article 1er, c'est-à-dire l'expulsion, l'ITF ou la menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
Dans ces conditions, et compte tenu de l'intérêt qui s'attache à ce que ce texte entre rapidement en vigueur, je vous propose d'adopter ces deux articles sans modification et, par conséquent, d'adopter conforme cette proposition de loi.
M. Christophe Chaillou. - Selon vous, ce texte « équilibré » est « très attendu par les administrations et par nos concitoyens ». J'ai du mal à l'entendre. Nous l'avions dit en première lecture : faire la loi sous le coup de l'émotion n'est pas de bonne méthode. Cela ne permet pas d'envisager concrètement les conséquences des dispositions qui sont proposées, de sorte que l'on se heurte à la réalité des faits. Certaines des dispositions qui ont été introduites à l'Assemblée nationale sont contraires aux droits fondamentaux, comme la prise des empreintes digitales sous la contrainte, qui me paraît inacceptable.
En outre, les articles 1er et 2 prévoient un champ d'application extrêmement large.
En réalité - nous l'avions déjà dit en première lecture -, la détention des personnes ayant commis des délits ou des crimes devrait être l'occasion d'enclencher les mesures en vue de leur éloignement, sans attendre leur libération.
Ce n'est pas en maintenant ad vitam aeternam les personnes en rétention que l'on facilitera leur sortie du territoire. Les chiffres le montrent, une obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui n'est pas exécutée dans les quinze jours ne le sera jamais, même si l'on prévoit 210 jours, voire plus encore. L'enjeu est celui de l'efficacité.
Les mesures qui sont proposées dans ce texte risquent de se traduire par un engorgement des procédures : je le constate déjà dans les juridictions d'Orléans, qui sont particulièrement saturées depuis l'ouverture d'un centre de rétention administrative (CRA) dans mon territoire.
En outre, d'un point de vue pratique, le nombre de places disponibles en CRA est très limité, ces structures étant déjà saturées. Le personnel se heurte à de lourdes difficultés pour encadrer les personnes retenues. Ces problèmes pratiques s'ajouteront aux difficultés constitutionnelles.
Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à ce texte et nous proposerons des amendements visant à en supprimer les aspects les plus choquants.
Enfin, le délai prévu pour l'examen de ce texte n'est absolument pas satisfaisant. C'est une mauvaise habitude de légiférer aussi rapidement sur des textes aux enjeux aussi importants.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je remercie la rapporteure pour le travail important qu'elle a réalisé sur ce texte, avec Olivier Marleix qui était son homologue à l'Assemblée nationale - je veux lui rendre hommage, ce matin.
La réalité est que nous accueillons des gens dangereux dans notre pays. Il faut donc que nous ayons les outils législatifs nécessaires pour les maintenir en rétention administrative le temps nécessaire pour l'exécution des mesures d'éloignement, ce qui peut être très long. Un travail avec les pays d'origine des personnes concernées est également nécessaire.
Ce texte vise à protéger nos concitoyens d'un certain nombre d'individus très dangereux. Les garder en rétention avant qu'ils ne soient renvoyés dans leur pays d'origine me paraît nécessaire. Contrairement à ce que vient de laisser entendre mon collègue socialiste, les Français attendent ce genre de mesures, car ils se sentent souvent en insécurité et s'inquiètent de certains phénomènes auxquels ils sont confrontés dans leur environnement proche.
Je veux donc remercier tous ceux qui ont contribué au travail sur ce texte, depuis son dépôt.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Christophe Chaillou. - Mon amendement COM-1 vise à supprimer l'article 1er qui nous paraît revenir sur les principes fondamentaux qui régissent le droit de la rétention.
Madame Eustache-Brinio, je précise que la rétention n'est pas la prison. Les personnes qui sont concernées par ce texte ont été condamnées et ont purgé leur peine. Considérer qu'il faudrait les maintenir à vie en centre de rétention est contraire à la philosophie même du système.
Vous dites que ce texte rassurera les Français. Mais, en réalité, vous le savez bien, compte tenu du nombre d'OQTF qui sont prononcées et du champ élargi des cas que prévoit le texte, nous n'aurons pas la capacité d'accueillir toutes ces personnes en CRA et de les y maintenir 210 jours. Les incidents se multiplient déjà dans ces structures.
Il faut suivre un principe d'efficacité en essayant d'obtenir que les personnes concernées quittent le territoire national pendant la période où elles sont détenues en prison. Dans le cas du meurtre de Philippine, une série de dysfonctionnements administratifs majeurs a abouti à ce que celui qui l'a commis soit libéré, alors qu'il n'aurait pas dû sortir de prison s'il n'y avait pas eu d'erreurs humaines et administratives.
M. Francis Szpiner. - Je ne comprends pas la position de nos collègues socialistes. À cause du manque de moyens, il faudrait laisser sortir de prison des gens condamnés, présentant une certaine dangerosité ?
Mme Audrey Linkenheld. - Ce n'est pas ce que nous disons.
M. Francis Szpiner. - Vous dites que l'on ne peut pas garder ces personnes en rétention pendant 210 jours, mais qu'en ferez-vous, alors ?
Je préfère, quant à moi, qu'une personne condamnée, présentant une certaine dangerosité, soit sous le contrôle de l'État aussi longtemps que possible, afin d'obtenir les moyens de l'éloigner. Mieux vaut cela que de baisser les bras à cause du manque de moyens ! C'est irresponsable.
Mme Audrey Linkenheld. - Pour éviter les caricatures, j'expliciterai notre position.
Les travaux que la commission des lois et la délégation aux droits des femmes ont menés dans le cadre de la mission conjointe de contrôle sur la prévention de la récidive en matière de viol et d'agressions sexuelles, lancée à la suite de l'affaire Philippine, ont montré que ce drame ne s'expliquait pas par une lacune de notre droit : le drame aurait pu être évité si le droit avait été correctement appliqué - il faut le dire clairement. Cette proposition de loi ne permet donc pas de répondre à cette situation qui, si le droit avait été correctement appliqué, n'aurait pas dû se produire.
Ce que nous disons, quoi que l'on puisse penser de la double peine, c'est que quand des personnes ont été condamnées, sont considérées comme dangereuses et ont vocation à quitter le territoire, il faut préparer leur sortie de territoire pendant la période de détention, plutôt que d'allonger la période de rétention.
Être détenu n'est pas tout à fait pareil que d'être retenu : cela vaut pour les personnes que subissent la peine et pour celles qui sont chargées de les accompagner et de les surveiller. Le sujet est aussi celui des moyens qui accompagnent ce type de textes. En effet, nous savons tous que la situation est tendue dans les CRA. Les personnels doivent de plus en plus y faire un travail qui ne devrait pas relever prioritairement d'eux.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous avions eu ce débat en première lecture. En l'état, nous ne parvenons pas à éloigner les personnes condamnées et dangereuses du territoire national.
L'objet de l'article 1er est précisément de donner le temps nécessaire à l'administration pour mener à bien cet éloignement dans un contexte contraint. On le sait, l'éloignement se heurte à des difficultés particulières. Dans ces conditions, l'éloignement s'assimile à une course contre la montre, qui ne s'achève que trop rarement en faveur de l'administration.
Allonger à 210 jours la durée de la rétention pour les étrangers les plus dangereux, c'est desserrer cette contrainte temporelle et accroître la probabilité d'un éloignement effectif.
Rappelons d'ailleurs qu'en 2024, pour les étrangers relevant du régime réservé aux terroristes, plus de la moitié des éloignements réalisés ont eu lieu au-delà du quatre-vingt-dixième jour de rétention. Autrement dit, sans ce régime dérogatoire, moins de la moitié des éloignements aurait eu lieu.
Il faut aussi rappeler que la durée maximale de rétention prévue par la directive Retour et appliquée par un grand nombre d'États européens, s'élève à dix-huit mois, soit bien davantage que les 210 jours prévus par la proposition de loi.
Comme vous le soulignez dans votre amendement, cette loi devra s'accompagner d'un accroissement des capacités de rétention. L'objectif n'est toutefois pas de garder tous les intéressés jusqu'à 210 jours, mais de bien de les éloigner avant l'expiration de ce délai.
Avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté
L'article 1er est adopté sans modification.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'article 2, qui donne un effet suspensif à l'appel formé contre une ordonnance du juge mettant fin à la rétention d'un étranger relevant de l'article 1er. Or, outre qu'elle ferait courir un risque grave pour la sécurité publique, la remise en liberté immédiate des intéressés reviendrait à priver d'objet l'appel en mettant fin à leur rétention. Avis défavorable.
Mme Audrey Linkenheld. - Sans trop prolonger le débat, je veux vous faire part de l'avis motivé que nous avons présenté, avec M. André Reichardt, devant la commission des affaires européennes, au sujet du projet de règlement Retour, qui a vocation à se substituer à la directive Retour.. Si nous pouvons avoir des divergences de fond, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'un tel sujet ne doit pas échapper aux parlements nationaux. Nous avons donc indiqué dans notre avis motivé que le projet de règlement, en l'état, ne respectait pas le principe de subsidiarité.
M. Christophe Chaillou. - L'extension progressive du caractère suspensif des recours contre les décisions du juge pose un certain nombre de difficultés au regard de l'État de droit. Le Conseil constitutionnel est saisi d'une question de prioritaire de constitutionnalité portant sur une disposition analogue et devrait se prononcer en septembre.
M. Francis Szpiner. - Le caractère suspensif existe déjà dans le code de procédure pénale en ce qui concerne les procédures de mise en liberté : le parquet peut faire appel et s'opposer à ce que la mesure soit exécutée. Je ne pense pas que le Conseil constitutionnel, qui a validé cet aspect de la procédure pénale, puisse le remettre en cause.
Quant à la « double peine », c'est une formule politique et pas juridique. Un avocat qui commet une escroquerie sera condamné à une peine de prison et sera en plus radié. Du point de vue du droit, on parle d'une peine complémentaire, et celle-ci s'applique aux médecins, aux chefs d'entreprise, aux élus, et aussi aux étrangers. En utilisant l'expression de « double peine », on donne le sentiment qu'on fait payer aux étrangers plus qu'aux autres, alors que c'est faux.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté sans modification
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'article 2 bis, introduit par l'Assemblée nationale, permet la prise d'empreintes et de photographies sans le consentement de l'étranger placé en rétention administrative. Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de l'amendement, il ne s'agit pas d'un cavalier législatif.
Le fait de ne pas pouvoir faire ces vérifications d'identité assez tôt fait obstacle à l'éloignement. En facilitant l'identification des personnes concernées, ces dispositions devraient contribuer à faciliter leur éloignement et, partant, à écourter la durée de rétention. Avis défavorable.
M. Christophe Chaillou. - La tension qui existe déjà dans les CRA pose de vraies difficultés. La prise d'empreintes sous contrainte est une mesure très violente, attentatoire à la vie privée. Elle ne pourra que renforcer cette tension.
En outre, dès lors que la personne a été incarcérée et est identifiée comme dangereuse, ses empreintes ont forcément déjà été prises, et ce depuis la circulaire Darmanin. Ces dispositions n'auraient donc que peu d'effet.
L'amendement de suppression COM-3 n'est pas adopté.
L'article 2 bis est adopté sans modification.
Mme Lauriane Josende, rapporteure. - La demande d'asile ne doit pas être détournée afin de faire obstacle à l'éloignement du territoire national des étrangers en situation irrégulière. Je pense que nous pouvons tous en être d'accord.
Dans sa décision du 23 mai dernier, le Conseil constitutionnel, s'il a censuré les dispositions relatives aux motifs du placement en rétention des demandeurs d'asile, n'a pas remis en cause son principe même.
L'article 3 bis a précisément pour objet de tirer les conséquences de cette décision. Le placement en rétention des demandeurs d'asile serait désormais possible dans deux hypothèses : la menace à l'ordre public, dont il est précisé qu'elle doit être grave et actuelle ; le risque de fuite, lorsque l'étranger a présenté sa demande devant une autre autorité que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Je vous rappelle enfin que le droit européen, plus précisément la directive Accueil de 2013, permet, dans des conditions d'ailleurs beaucoup moins restrictives, le placement en rétention des demandeurs d'asile.
Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-4.
M. Christophe Chaillou. - Cette mesure est, selon nous, disproportionnée. Dans la mesure où elle limite l'exercice effectif des droits procéduraux, elle contrevient à un certain nombre de droits fondamentaux. D'où notre amendement de suppression.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
L'article 3 bis est adopté sans modification.
Articles 5, 6, et 7
Les articles 5, 6 et 7 sont successivement adoptés sans modification.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
M. CHAILLOU |
1 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
Article 2 |
|||
M. CHAILLOU |
2 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
Article 2 bis (nouveau) |
|||
M. CHAILLOU |
3 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
Article 3 bis (nouveau) |
|||
M. CHAILLOU |
4 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-298.html
* 1 Art. 222-27 du code pénal.
* 2 Art. 311-4 du même code.
* 3 Art. 222-12 du même code.
* 4 Amendement COM-3 de la rapporteure.
* 5 Amendement n° 7 rect. bis de M. Reichardt.
* 6 Amendement n° 42 de M. Lefèvre et sous-amendement n° 42 de M. Marleix.
* 7 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.
* 8 À la différence que sont prises en compte toutes les mesures d'éloignement et non les seules décisions d'expulsion et qu'il n'est pas exigé que le comportement lié à des activités à caractère terroriste soit « pénalement constaté ».
* 9 Amendement n° 54 rect. de M. Marleix et sous-amendement n° 59 du Gouvernement.
* 10 Règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d'une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice.
* 11 Règlement (UE) 2024/1358 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 relatif à la création d'« Eurodac » pour la comparaison des données biométriques aux fins de l'application efficace des règlements (UE) 2024/1351 et (UE) 2024/1350 du Parlement européen et du Conseil et de la directive 2001/55/CE du Conseil et aux fins de l'identification des ressortissants de pays tiers et apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives, modifiant les règlements (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/818 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil.
* 12 Règlement (UE) 2024/1356 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant le filtrage des ressortissants de pays tiers aux frontières extérieures et modifiant les règlements (CE) n° 767/2008, (UE) 2017/2226, (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/817.
* 13 Rapport n° 433 (2022-2023), fait au nom de la commission des lois du Sénat, 15 mars 2023.
* 14 Amendement CL52.
* 15 Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.
* 16 Dans son arrêt J.N. c/ Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie du 15 février 2016 (C-601/15), la Cour de justice de l'Union européenne a jugé qu'une « atteinte à la sécurité nationale ou à l'ordre public ne saurait donc justifier, au regard de l'exigence de nécessité, le placement ou le maintien en rétention d'un demandeur sur la base de l'article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 qu'à la condition que son comportement individuel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou la sécurité intérieure ou extérieure de l'État membre concerné ».
* 17 Directive (UE) 2024/1346 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant une protection internationale.
* 18 Ce cas de figure doit être distingué de celui de l'étranger qui forme une demande d'asile pendant sa rétention administrative ; celui-ci peut y être maintenu pendant le temps strictement nécessaire à l'examen de sa demande (articles L. 754-3 du CESEDA).
* 19 Aux termes du paragraphe 11 de la décision : « S'il appartient à l'autorité administrative de caractériser un tel risque, il résulte du 1° de l'article L. 523-2 du même code que ce risque peut être regardé comme établi, en dehors de toute appréciation des garanties de représentation de l'intéressé, pour le seul motif que celui-ci n'a pas présenté de demande d'asile dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France. Il peut également être regardé comme établi, en application du 4° du même article, du seul fait que l'étranger, entré irrégulièrement dans l'« espace Schengen », s'y est maintenu sans justifier d'un droit de séjour ou sans avoir déposé une demande d'asile dans les délais les plus brefs. Or ces circonstances ne caractérisent pas nécessairement un risque de fuite. »
* 20 Aux termes de l'article L. 523-2 du CESEDA : « Le risque de fuite mentionné à l'article L. 523-1 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / 1° L'étranger qui est entré irrégulièrement en France ou s'y est maintenu irrégulièrement n'a pas présenté sa demande d'asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France ; (...) / 4° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un de ces États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ou sans y avoir déposé sa demande d'asile dans les délais les plus brefs ; ».
* 21 Amendement CL37.
* 22 Cette précision figure déjà dans les dispositions réglementaires afférentes (art. R. 523-2 et R. 523-9 du CESEDA).
* 23 Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées. Cette loi a tiré les conséquences de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne El Dridi du 28 avril 2011 (C-61/11), par laquelle elle a jugé que la directive dite « Retour » du 16 décembre 2008 s'opposait à « une réglementation d'un État membre réprimant le séjour irrégulier par des sanctions pénales ».
* 24 Cette impossibilité était due au fait que le délit de séjour irrégulier qui aurait pu justifier le placement en garde en vue avait été abrogé par la loi du 31 décembre 2012.
* 25 Amendement n° 8.
* 26 Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration.