EXAMEN EN COMMISSION

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous accueillons notre collègue Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi visant à se libérer de l'obligation alimentaire à l'égard d'un parent défaillant.

M. Xavier Iacovelli, auteur de la proposition de loi. - Chacun, me semble-t-il, reconnaît le sens et la légitimité de ma proposition de loi. Elle touche à une question profondément humaine : celle de la justice et de la dignité de l'enfant devenu adulte face à un parent qui a failli à ses devoirs. Ces devoirs sont imposés par l'article 371-1 du code civil, mais ils relèvent aussi de la présence, de l'affection et de la protection d'un parent envers son enfant.

Je veux revenir sur la genèse de ce texte et sur les avancées que je souhaite vous proposer pour le rendre plus juste, plus clair et plus solide juridiquement.

Depuis le début de mon premier mandat, j'ai fait de la protection de l'enfance une priorité politique. En novembre dernier, j'ai été interpellé sur la situation de personnes contraintes par la loi de subvenir aux besoins de leurs géniteurs, alors même qu'elles ont subi des violences, des négligences graves ou un abandon dans leur enfance.

Cette obligation, prévue à l'article 205 du code civil, n'est pas nouvelle. Elle date de 1804, au moment de la création du code civil, sous l'impulsion de Napoléon Bonaparte. Cependant, la vision de la famille des grands juristes qui ont rédigé ce code - Portalis, Tronchet ou Maleville - n'est pas tout à fait celle que nous partageons en 2025 ! Leur conception était, disons-le, paternaliste, hiérarchique, fondée sur l'autorité du père et la dépendance des enfants. Ce texte a donc 221 ans et, s'il a permis de structurer durablement notre droit de la famille, il est aussi le reflet d'une époque révolue.

Notre société a profondément évolué. Les liens familiaux ne reposent plus sur la seule autorité, mais sur le respect, la responsabilité et la réciprocité.

C'est sur cette réciprocité que se fonde cette proposition de loi. Dès lors, maintenir une obligation alimentaire dans des situations où le géniteur a gravement failli à ses devoirs parentaux relève, au-delà de l'injustice, d'une non-réciprocité insupportable.

Il est vrai que le droit actuel permet déjà, en théorie, de s'exonérer de cette obligation. Les personnes concernées peuvent saisir le juge aux affaires familiales (JAF) pour en demander la suppression. Le juge apprécie alors la réalité des défaillances parentales. Nous savons aussi combien la justice familiale est saturée : les juges aux affaires familiales croulent sous des milliers de dossiers et les délais sont extrêmement longs.

Ainsi, des enfants devenus adultes continuent parfois à payer pendant plusieurs années, voire jusqu'à la fin des jours du géniteur qu'ils n'ont jamais connu ou, pire, qui les a maltraités, violentés ou négligés - et je ne parle même pas des ayants droit qui sont parfois assujettis à cette obligation alimentaire...

C'est précisément pour répondre à cette situation que cette proposition de loi vise à créer une procédure simplifiée. Elle permettra à tout majeur, entre 18 et 30 ans, de s'exonérer de cette obligation alimentaire par un acte notarié. Cet acte sera ensuite notifié aux parents qui pourront, s'ils le souhaitent, le contester dans un délai de six mois à partir de la date de notification. En cas de contestation, ce dossier sera alors transmis au juge aux affaires familiales, qui appréciera les faits et décidera si le manquement grave à l'autorité parentale, tel que le définit l'article 371-1 du code civil, justifie l'exonération de cette obligation. L'enfant n'est plus condamné à des années d'attente pour faire reconnaître une situation qui l'oblige à subvenir aux besoins d'un parent qui l'a fait souffrir.

Depuis le dépôt de cette proposition de loi il y a neuf mois, j'ai entendu les observations formulées par nombre d'entre vous, par votre rapporteur, mais aussi par des juristes, des acteurs sociaux, des notaires et surtout par les victimes elles-mêmes, que nous avons auditionnées à plusieurs reprises. Nous avons recueilli plus de 900 témoignages, tous aussi forts et bouleversants les uns que les autres, que je mets à la disposition de la commission.

Ces échanges ont été précieux et ont permis d'identifier trois difficultés principales au dispositif initial : la question du renversement de la charge de la preuve, le flou juridique entourant les notions de défaillance parentale et de bienveillance, dont la définition manquait de précision juridique, et, enfin, le délai d'âge accordé à l'enfant pour s'exonérer de l'obligation alimentaire, fixé entre 18 et 30 ans.

J'ai donc proposé à votre rapporteur les modifications suivantes, que la commission pourra reprendre, ou que je proposerai directement en séance.

Premièrement, je propose l'évolution du dispositif par la substitution d'un allégement de la charge de la preuve au renversement prévu dans la version initiale du texte, en demandant à l'enfant qui souhaite s'exonérer de l'obligation alimentaire de le faire par un acte notarié, qui devra cette fois-ci être motivé.

Deuxièmement, je souhaite préciser la définition de la défaillance parentale. Nous l'avions en effet indiquée dans l'exposé des motifs, mais pas dans le dispositif de l'article. Celui-ci sera donc désormais apprécié au regard de l'article 371-1 du code civil, c'est-à-dire à travers les manquements graves aux obligations d'autorité parentale : protection, éducation, respect et développement de l'enfant. Ainsi, nous sortons du flou juridique et ancrons le texte dans le droit existant.

Troisièmement, j'ouvre la possibilité, en plus du parent concerné, au président du conseil départemental de former opposition à cet acte notarié dans un délai de six mois à compter de sa notification. En cas de contestation, le juge aux affaires familiales appréciera la situation avec une charge de la preuve allégée au bénéfice de l'enfant devenu adulte, et le président du conseil départemental pourra s'appuyer, avant de contester, sur les motivations qui figureront dans l'acte notarié.

Quatrièmement, je souhaite supprimer l'article 3 relatif à la perte des droits successoraux, car il faisait craindre une forme de double peine pour les victimes. Je tiens toutefois à préciser que, dans la grande majorité des cas, les enfants victimes qui souhaitent s'exonérer de cette obligation alimentaire ne le font pas pour des raisons strictement financières, mais par la volonté de rompre définitivement tout lien avec un parent dont ils ont été victimes. L'article 3 avait été réintroduit après une suppression initiale, à la demande des victimes, pour bien montrer qu'il ne s'agissait pas d'un effet d'aubaine. Je comprends aussi que l'on ne peut refuser une succession lorsqu'elle n'est pas encore ouverte.

Cinquièmement, pour répondre à une demande forte d'égalité, et en accord avec la Chancellerie, je souhaite ajouter une dérogation à l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles, qui traite notamment de l'obligation alimentaire. Cela garantit une réelle efficacité du dispositif, notamment pour ceux qui n'osent pas entreprendre ces démarches dès leur majorité ou jusqu'à leurs 30 ans, et permet donc effectivement à toutes les personnes de plus de 30 ans de pouvoir bénéficier de cette dérogation.

Vous l'aurez compris, cette proposition de loi ne vise pas à rompre les liens entre générations, mais à les rétablir sur des bases plus justes, celles du respect mutuel, de la responsabilité parentale et de la réciprocité des devoirs.

Par ce texte, nous affirmons et réaffirmons que la filiation ne peut justifier l'injustice et que la République doit protéger ceux qui ont été victimes dans leur enfance, même quand ils sont devenus adultes.

Ce dispositif demeure révocable. En cas d'évolution des relations entre l'enfant et son parent, l'enfant devenu adulte conserve la possibilité de subvenir volontairement aux besoins de ses parents, sans que la loi l'y oblige. En modernisant ce texte de 1804, nous faisons entrer notre droit dans le XXIe siècle sans rien renier de ses valeurs fondatrices.

M. Xavier Iacovelli sort à la fin de son intervention.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Notre commission se réunit souvent pour examiner des textes qui oeuvrent à protéger les victimes de violences intrafamiliales. Il s'agit d'un objectif crucial, que nous partageons tous ; il est impossible d'y être insensible.

Cette tâche qui nous incombe est d'autant plus importante qu'elle est délicate ; délicate, puisque ce qui nous semblerait de prime abord justifié n'est pas nécessairement fondé, efficace, voire juste au regard du droit.

Il nous revient donc de veiller sans cesse, pour ces textes peut-être plus encore que pour les autres, à ce que les grands principes du droit ne soient pas méconnus.

La proposition de loi vise à permettre à tout majeur de moins de trente ans de se décharger de son obligation alimentaire à l'égard d'un parent défaillant. Il s'agit là d'éviter à un enfant violenté ou abandonné par un parent de devoir un jour subvenir aux besoins de ce dernier, notamment en payant le lourd coût de l'établissement d'hébergement pour personne âgée dépendante (Ehpad).

Sur le principe et à première vue, je n'avais pas d'a priori négatif, d'autant que ce texte me semblait s'inscrire dans la continuité de la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, que j'ai eu l'honneur de rapporter pour notre commission. Cette loi a instauré une décharge automatique de l'obligation alimentaire des descendants en cas de condamnation d'un parent pour un crime commis sur l'autre parent.

J'ai donc entamé mes travaux sur la présente proposition de loi avec un esprit d'écoute, sans position préétablie.

Toutefois, à l'exception de l'auteur du texte et du collectif Les liens en sang, qui soutient cette initiative, absolument toutes les personnes que j'ai entendues ont vivement critiqué le dispositif pour des raisons juridiques, qui me paraissent insurmontables.

Les représentants des avocats, des notaires, des magistrats de la jeunesse et de la famille et de la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) s'accordent sur le fait que cette proposition de loi méconnaît plusieurs grands principes du droit français, et présente donc le risque d'entraîner de graves effets de bord.

Je souligne la qualité des auditions que nous avons menées et auxquelles Hussein Bourgi a assisté.

Je me concentrerai sur les trois arguments principaux qui ont été avancés par tous ces professionnels du droit.

Le premier concerne la logique même du dispositif, qui permettrait à un enfant de se décharger unilatéralement, par l'adoption d'un acte notarié - et donc en l'absence de tout contrôle juridictionnel -, de l'obligation alimentaire qui le lie à un parent défaillant.

Il s'agit là d'une rupture considérable. L'obligation alimentaire constitue un devoir par nature réciproque, dans la mesure où il manifeste la solidarité familiale que garantit notre droit civil. Le caractère unilatéral de cet acte notarié rompt donc avec la logique même de cette obligation. Pour vous en convaincre : les représentants des juges aux affaires familiales sont allés jusqu'à considérer qu'« un parallèle pourrait être fait avec la répudiation, qui est jugée contraire à l'ordre public français ».

Si notre droit prévoit déjà des cas de décharge de l'obligation alimentaire, aucun n'est unilatéral. À l'exception d'un cas particulier s'appliquant aux petits-enfants, qui sont déchargés de l'obligation alimentaire lorsqu'est sollicitée une aide sociale à l'hébergement (ASH), tous les cas de décharge reposent sur la caractérisation d'une faute lourde du parent, qu'il s'agisse de manquements graves à ses devoirs parentaux, constatés par le juge aux affaires familiales (JAF), de la condamnation pour un crime au sein du cadre familial ou du placement durable de l'enfant auprès des services de l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Le deuxième argument sur les modalités d'adoption de cet acte notarié. Je me concentrerai sur les deux modalités principales, qui interagissent entre elles.

En premier lieu, cet acte est dépourvu de motivation, mais pas de mobile : le dispositif fait explicitement référence à « un parent défaillant », qui n'aurait pas « rempli ses devoirs parentaux » ni « fait preuve de bienveillance ». Les éléments de caractérisation de la défaillance parentale sont d'une grande imprécision juridique, voire tout à fait inconnus en droit français. Au-delà, ces éléments sont cumulatifs, ce qui accentue les difficultés de prouver l'absence de défaillance.

En second lieu, cet acte produirait ses effets juridiques soit en l'absence de contestation du parent dans un délai de six mois, ce qui soulève des interrogations compte tenu de la situation de vulnérabilité dans laquelle pourraient être des parents hébergés en Ehpad, soit à l'issue d'un procès perdu par le parent. Le dispositif prévoit à cet égard qu'en cas de contestation, il reviendrait au parent de prouver qu'il a rempli ses devoirs parentaux et qu'il a été bienveillant, et ce alors que la demande d'acte notarié repose, quant à elle, sur une allégation non motivée de « défaillance », ce qui est différent. Cette inversion de la charge de la preuve représente une grave méconnaissance du droit français. Elle l'est d'autant plus qu'il sera incroyablement difficile au parent d'apporter la preuve qu'il a été bienveillant. Comment, en effet, établir devant un juge que l'on a été bienveillant ? Nous ouvririons là une boîte de Pandore.

Le troisième argument qui a été avancé concerne la conséquence qu'emporte l'adoption de cet acte sur les droits successoraux de l'enfant. Le dispositif prévoit en effet qu'il « entraîne de plein droit la perte des droits successoraux de l'enfant à l'égard du parent concerné ».

Là encore, tous les professionnels du droit que j'ai entendus ont avancé que cette disposition viole un principe structurant du droit des successions : la prohibition des pactes sur succession future. Derrière cette belle formule se cache une règle simple : il est interdit, en droit français, de renoncer à une succession non encore ouverte.

Il a par ailleurs été souligné que l'obligation alimentaire n'est en rien la contrepartie des droits de succession. J'en veux pour preuve qu'aucun des cas actuels de décharge de l'obligation alimentaire ne prévoit une telle conséquence sur les droits de succession.

J'ajouterai même, comme les personnes que j'ai entendues, qu'il s'agirait d'une double peine pour l'enfant maltraité que de perdre, de surcroît, ses droits successoraux.

Enfin, et surtout, le ministère de la justice, les magistrats de la jeunesse et de la famille, les avocats et les notaires m'ont convaincue que le droit actuel permet déjà de décharger un enfant victime d'un parent défaillant de son obligation alimentaire.

Plusieurs cas de figure ont été avancés par le collectif Les liens en sang et l'auteur du texte, que je remercie pour la qualité de nos échanges. Il s'agit de cas terribles, affreux, d'abandon de famille, de viols incestueux, de violences insupportables. Tous nous avons reçu des témoignages relatant ces abominations.

J'ai donc voulu m'assurer, tout au long de mes travaux, qu'il n'y avait pas, dans notre droit, une inconcevable lacune. Et j'ai été rassurée de constater que les procédures juridictionnelles existantes permettent déjà de décharger ces enfants de leur obligation alimentaire, même à titre préventif, donc avant même que le conseil départemental ne se tourne devant les débiteurs alimentaires pour financer l'hébergement de leur ascendant en Ehpad. Elles exigent certes d'engager une procédure judiciaire. Cependant, celle-là seule permet de garantir le respect des principes structurants de notre droit, lorsque d'aussi graves accusations sont portées.

Je vous proposerai donc de rejeter la proposition de loi, non seulement en raison de ces nombreux arguments de droit, que mon rôle de rapporteur m'imposait de vous présenter, mais également en opportunité, puisque je ne soutiens pas la volonté de l'auteur du texte de mettre à mal le principe de la solidarité familiale en ouvrant une procédure extrajudiciaire et inconditionnelle de décharge de l'obligation alimentaire qui ferait reposer cette dernière sur la solidarité nationale.

Les blessures de l'enfance laissent des cicatrices qui marquent à tout jamais. C'est une raison de plus pour insister sur l'aide à la parentalité et l'éducation que nous offrons à nos enfants.

Mme Dominique Vérien. - L'idée initiale était de mieux protéger les enfants maltraités. Ce dispositif vise à éviter un passage devant la justice, qui présente des garanties, en allant directement chez le notaire. Cela représente un risque notable, notamment du fait de la borne d'âge, entre 18 et 30 ans. Aussi, ce mécanisme reviendrait à créer un conflit, et donc vraisemblablement du contentieux, sans savoir s'il existera réellement plus tard. Peu de jeunes de 18 ans ont à prendre leurs parents en charge au sein d'un Ehpad, et un jeune de 18 ans est parfois révolté contre ses parents. N'ouvrons pas une pareille brèche ; ce dispositif pourrait être instrumentalisé. Sait-on seulement ce qu'est être un bon parent à l'âge de 18 ans ? On comprend la bienveillance de ses parents le jour où l'on élève soi-même des enfants.

Ainsi, je comprends parfaitement le rejet du texte proposé par Marie Mercier.

Plutôt que de modifier le droit, soyons plus attentifs à l'intérêt des enfants. J'attends beaucoup du rapport de la mission conjointe de contrôle sur la protection de l'enfance et des mesures correctives qui seront proposées.

Bref, protégeons les enfants de leurs parents maltraitants, mais ne créons pas une nouvelle bizarrerie législative.

Mme Salama Ramia. - Je ne souhaite pas paraphraser l'intervention de Xavier Iacovelli, mais souligner un point essentiel.

J'ai entendu les inquiétudes du rapporteur Marie Mercier sur les fragilités juridiques du texte. Ses remarques ont été prises en considération, et ont conduit aux évolutions souhaitées par Xavier Iacovelli : je pense à la consolidation de l'article 1er, avec une référence plus précise aux obligations parentales, et la suppression de l'article 3, qui soulevait de réelles interrogations en matière de droits successoraux.

Ces ajustements répondent à une grande partie des insécurités juridiques relevées collectivement. Ils témoignent d'une volonté de compromis, pour protéger les enfants victimes, qui souhaitent se libérer plus simplement d'une obligation alimentaire injuste, et pour garantir l'impératif de sécurité juridique qui nous oblige en tant que législateurs.

Notre groupe restera animé par un esprit de responsabilité et de dialogue, pour trouver d'ici à l'examen du texte en séance une version plus équilibrée, qui apporte à la fois une réponse à la souffrance des victimes et soit conforme aux exigences de notre droit.

M. Francis Szpiner. - Je remercie Marie Mercier pour son rapport très clair. Ce texte fait partie des propositions de loi qui encombrent le législateur parce qu'elles ne servent à rien et n'apportent rien.

J'ai écouté l'auteur de la proposition de loi... Les bras m'en tombent ! Le système actuel respecte notre droit. En votant ce texte, nous irions créer un contentieux qui n'existe pas, sur un sujet marginal. Imaginez l'enfant qui se rendra chez le notaire, avec les moyens de le payer, pour faire une déclaration unilatérale dans laquelle il dénoncera de mauvais traitements de la part de ses parents, qui ne pourront pas se défendre... C'est une usine à gaz qui n'apporte strictement rien aux enfants, qui met à bas les principes les plus élémentaires du droit !

J'entends certains dire que la jurisprudence sur les manquements graves n'est pas claire... Lisez-la ! Les juges s'appuient sur le code civil ; tout est très clair. Il n'y a que les ignorants qui ne savent pas comment la jurisprudence définit les manquements graves.

Nous perdons notre temps, nous allons consacrer une séance publique pour expliquer des choses qui n'ont aucun intérêt. Ce texte ne réglera aucun problème et rendra la situation encore plus complexe.

Je souhaite le rejet de cette proposition de loi.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Xavier Iacovelli a montré qu'il se préoccupait des droits des enfants de manière permanente - je précise que la majorité sénatoriale a refusé la création d'une délégation aux droits de l'enfant ; une telle délégation eût été intéressante.

Je confesse que nous n'étions pas complètement au point sur le droit existant en matière d'obligations alimentaires et sur les progrès réalisés, assez récents, sur la manière de s'en dégager. Francis Szpiner et Marie Mercier l'ont rappelé : il est possible de se dégager d'une obligation alimentaire, de droit, mais aussi à la suite d'une décision judiciaire prise par un JAF.

La notion de manquements graves est parfaitement définie. Ce n'est pas le problème.

Plusieurs points du texte nous interpellent. Je n'ai pas connaissance de l'existence d'une obligation juridique dont on puisse se départir par simple déclaration notariée, de manière unilatérale...

M. Francis Szpiner. - Le pacte civil de solidarité !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je m'interroge aussi concernant les bornes d'âge.

Bref, les procédures existent, et elles sont plutôt bien faites.

J'en viens à la contestation possible par le parent. Il dispose d'un délai de six mois. Je me suis donc projetée dans la situation. Le parent doit apporter la preuve de sa bienveillance : comment prouver sa bienveillance, comment prouver que l'on a été une mère formidable, d'autant que chaque enfant a toujours quelque chose à reprocher à ses parents ?

Nous sommes perplexes face à l'utilité de ce dispositif, qui constitue un nid à contentieux terrible ; et les évolutions du texte proposées par son auteur ne résolvent rien.

M. Hussein Bourgi. - Je souscris aux propos du rapporteur Marie Mercier. J'ai pu participer à toutes les auditions. Je le souhaitais, car - je le confesse - l'une des personnes à l'origine de ce texte est une élue municipale de Palavas-les-Flots, membre du collectif Les liens en sang. Elle m'a parlé de son histoire personnelle : j'ai été saisi par son histoire et son parcours. Elle m'a dit avoir contacté Xavier Iacovelli, qui avait déposé une proposition de loi.

J'ai vite compris qu'il existait des solutions au problème soulevé et qu'il n'était pas nécessaire de voter une loi. Marie Mercier a parfaitement rapporté ce que les professionnels du droit nous ont dit : un tel texte viendra révolutionner le droit de la famille tel que défini depuis 1804.

Par exemple, il n'est pas possible de récuser une succession qui n'est pas encore ouverte. Autre exemple : un notaire, aussi respectable soit-il, obéit à la demande de celui qui le paie ; il n'y aura pas de contradictoire. Ainsi, ma position a évolué. Il nous reviendra de dire dans l'hémicycle que nous entendons la souffrance de ces jeunes et de ces enfants, et peut-être qu'une circulaire de la Chancellerie aux tribunaux serait utile pour que les contentieux soient traités dans des délais suffisamment courts. C'est moins une question d'imperfection juridique qu'un problème de diligence dans le traitement judiciaire des dossiers.

Mme Marie Mercier, rapporteur. - Sans avoir été parent soi-même, il est difficile de juger les siens. L'enfant se souvient souvent de ce qu'il n'a pas eu, et non de ce qu'il a eu.

Xavier Iacovelli a évoqué des modifications possibles, mais il n'a pas déposé d'amendement à ce stade.

Xavier Iacovelli parlait de « victimes invisibles ». Pourtant, nous n'avons pas trouvé de lacune dans le cadre juridique actuel. La décharge de l'obligation alimentaire revêt une gravité certaine ; il est essentiel d'y établir des conditions strictes, comme le fait le droit en vigueur. La bienveillance est en outre très difficile à définir, comme l'expliquait Marie-Pierre de La Gontrie : partir au conseil municipal sans faire la lecture du soir, est-ce une défaillance ?

Concernant les successions, que se passerait-il si l'enfant décède avant le parent, après avoir refusé la succession ? Le parent hériterait de l'enfant décédé qui aurait refusé la succession. Tout cela n'est pas raisonnable.

Nous devons inciter les victimes à saisir le juge aux affaires familiales et faire confiance au droit existant.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre indicatif de la proposition de loi inclut les dispositions relatives à l'obligation alimentaire des ascendants, descendants et de leurs alliés.

Il est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-1 vise à supprimer la limite d'âge pour adopter l'acte notarié.

La limite d'âge est conçue comme un garde-fou, pour limiter tout effet d'aubaine : il s'agit d'éviter que des enfants ne soient tentés de se décharger unilatéralement de leur obligation alimentaire essentiellement pour éviter de payer les frais liés au vieillissement, voire à la dépendance du parent en cause.

L'hypothèse suivante a même été avancée : un parent bienveillant pourrait laisser son enfant se décharger de son obligation alimentaire, pour que le coût de l'Ehpad, par exemple, soit supporté par la collectivité nationale et non par ce dernier. Voyez jusqu'où cela pourrait aller !

Cela étant dit, ce garde-fou n'est pas suffisant pour prémunir le texte des difficultés juridiques majeures exposées ci-dessus. En outre, je ne partage pas l'objectif des auteurs de l'amendement, qui souhaitent faciliter les décharges unilatérales de l'obligation alimentaire.

Compte tenu du gentlemen's agreement applicable en la matière, qui interdit à la commission d'amender un texte sans l'accord de son auteur, j'émets un avis défavorable à cet amendement, qui accentuerait par ailleurs les défauts d'un dispositif que je vous suggère de rejeter.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

Mme Marie Mercier, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à supprimer l'article 3, dans la mesure où il contreviendrait à la prohibition des pactes sur succession future. De plus, il engendrerait pour l'enfant une double peine.

La présente proposition de loi étant inscrite au sein d'une niche parlementaire pour laquelle s'applique le gentlemen's agreement, j'émets un avis défavorable à cet amendement, qui de surcroît vise à favoriser le recours à ce dispositif, et vous invite à rejeter cet article 2.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'article 3 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1er

Mme Mélanie VOGEL

1

Suppression de la limite d'âge pour adopter l'acte notarié

Rejeté

Article 3

Mme Mélanie VOGEL

2

Suppression de la perte des droits successoraux

Rejeté

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