II. LES ACCORDS DÉJÀ EN VIGUEUR
A. DU CÔTÉ FRANÇAIS...
La France échange actuellement des permis de conduire avec un nombre important de pays dans le monde.
Elle n'a cependant signé que très peu d'accords formels et juridiquement contraignants dans ce domaine, puisqu'à ce jour, seuls trois pays sont concernés : Monaco (accord signé le 31 août 1964), le Qatar (accord signé le 6 juillet 2018) et la Chine (accord signé le 23 novembre 2018). Ces accords prévoient une réciprocité stricte et des procédures sécurisées de vérification des permis.
La France a surtout développé, à cette même fin, des « arrangements administratifs » avec un certain nombre d'États, qui prennent généralement la forme d'échanges de notes verbales entre les ministères compétents.
Ils concernent notamment :
- Des États américains : Arkansas, Caroline du Sud, Colorado, Connecticut, Delaware, Floride, Illinois, Iowa, Maryland, Massachusetts, Michigan, New Hampshire, Ohio, Oklahoma, Pennsylvanie, Texas, Virginie, Wisconsin ;
- Plusieurs provinces canadiennes : Québec, Ontario, Colombie-Britannique, Manitoba, Alberta, Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-Édouard ;
- D'autres États comme l'Andorre, l'Australie, le Royaume-Uni,
l'Iran...
Enfin, la France pratique couramment des échanges de permis en dehors de tout cadre juridique avec 114 États hors Union européenne, impliquant des systèmes administratifs très divers, et dont certains font même l'objet de sanctions internationales (Russie, Iran, Irak, etc.).
Dans sa décision n° 382484 du 21 novembre 2016, le Conseil d'État a cependant pointé la fragilité de tels dispositifs informels en cas de contentieux et affirmé la nécessité de sécuriser juridiquement les échanges de permis de conduire via des accords de réciprocité.
Le présent accord permettra ainsi la parfaite sécurisation du dispositif d'échange de permis de conduire mis en place entre la France et la Moldavie.
B. ...ET DU CÔTÉ MOLDAVE
De son côté la Moldavie a d'ores et déjà conclu des accords comparables avec plusieurs pays européens : l'Italie, l'Allemagne, la Lituanie et la Roumanie.
III. GENÈSE ET CONTENU DE L'ACCORD
A. UNE DEMANDE DE LONGUE DATE DE LA PARTIE MOLDAVE
La conclusion d'un accord sur l'échange des permis de conduire est une demande ancienne et récurrente de la Partie moldave qui l'a formulée dès 2013.
Le 7 mars 2024, le Président de la République française s'est engagé, lors d'un entretien avec la Présidente moldave Maia Sandu, à avancer rapidement vers la conclusion d'un accord formel. Cet engagement s'inscrit dans une démarche plus large de soutien à la Moldavie, alors que celle-ci est confrontée à des ingérences russes massives dans le contexte de sa candidature de l'adhésion à l'Union européenne.
B. LE PÉRIMÈTRE DE L'ACCORD
L'accord signé le 12 juillet 2024 prévoit un cadre réciproque et sécurisé pour l'échange des permis de conduire entre la France et la Moldavie.
Toutefois, tous les permis ne sont pas concernés, puisqu'il ne s'applique qu'aux permis de catégorie B, correspondant aux véhicules légers, soit un poids maximal autorisé de 3,5 tonnes et un nombre de places assises (hors conducteur) de 9 au maximum : l'accord exclut ainsi les permis professionnels.
De plus, seuls les permis délivrés après le 1er janvier 2020 seront éligibles à l'échange., afin de garantir que les titres échangés respectent les standards de sécurité et de fiabilité les plus récents.
Enfin, seuls sont concernés ici les permis strictement moldaves, les titres transnistriens étant hors périmètre.
C. LES BÉNÉFICES ESCOMPTÉS
Cet accord simplifiera dans une large mesure les démarches imposées aux usagers concernés.
Pour la diaspora moldave vivant en France, estimée entre 100 000 et 150 000 personnes, dont les trois quarts environ sont en âge de conduire, les avantages sont multiples : Par rapport à la situation actuelle décrite supra, ce dispositif améliorera leur mobilité quotidienne, leur insertion professionnelle, notamment pour les métiers nécessitant un permis, et leur intégration dans la société française.
En effet, les ressortissants moldaves étant souvent des travailleurs du bâtiment ou des journaliers pour lesquels la voiture est un instrument de travail essentiel, l'obligation de repasser un permis français (moyennant quelques aménagements relatifs au nombre d'heures de cours requis), pour pouvoir continuer à circuler en France à l'issue du délai légal d'un an est perçue comme très contraignante.
Pour les Français installés en Moldavie, l'échange, de même, se trouvera facilité, dans la mesure où actuellement la procédure pour obtenir un permis local est complexe et coûteuse - cependant il ne concernera qu'un nombre très modeste de ressortissants (quelques centaines au maximum)1.
Enfin, pour les administrations des deux pays, un cadre sécurisé facilitera les contrôles d'authenticité et la lutte contre les fraudes documentaires. En effet, l'accord prévoit un dispositif sécurisé de vérification des titres, incluant :
- un échange direct d'informations entre les autorités françaises et moldaves ;
- l'utilisation d'un « QR code » ou d'éléments numériques de sécurité
pour authentifier les documents ;
- la mise en place d'une coopération renforcée pour détecter les
fraudes documentaires.
Ce système permettra de garantir la fiabilité des échanges tout en limitant les risques de falsification.
Sur le plan administratif, la mise en oeuvre de l'accord impliquera certes une augmentation du volume de dossiers à traiter par les Centres d'expertise et de ressources des titres (CERT), en particulier celui de Nantes, (compétent pour les échanges de permis hors UE). Cette hausse restera
1 Ils ne peuvent circuler avec leur permis français que s'il est accompagné d'un permis international pour des séjours de moins de six mois. Au-delà de six mois, ils doivent transformer leur permis français en permis moldave, ce qui implique de passer un test de dépistage des stupéfiants, un examen théorique et pratique de conduite et une visite médicale d'aptitude.
toutefois modérée par rapport au volume global annuel (environ 137 000 dossiers) des permis non européens.