II. - PLAFONDS DES AUTORISATIONS D'EMPLOIS

ARTICLE 8

Plafond d'autorisation des emplois des opérateurs de l'État

Le présent article prévoit d'augmenter de 323 équivalents temps plein travaillés (ETPT) le plafond d'emploi des opérateurs de l'État, s'agissant de la Société des grands projets (+ 196 ETPT) et des instituts régionaux d'administration (+ 127 ETPT).

La commission des finances propose d'adopter cet article tel qu'il résultera des votes du Sénat.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN AJUSTEMENT DU PLAFOND D'EMPLOI DE DEUX OPÉRATEURS

Le présent article, en application du 2° bis du II de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances57(*), fixe le plafond d'autorisation des emplois des opérateurs de l'État, en l'exprimant en variation par rapport aux crédits existants.

Il accroît de 323 équivalents temps plein travaillés (ETPT) ce plafond :

- en rehaussant de 196 ETPT le plafond d'emplois de la Société des grands projets (SGP), afin d'y intégrer des emplois nécessaires à la conduite du Grand Paris Express et des études sur certains projets de Services express régionaux métropolitains (SERM) ;

- en rehaussant de 127 ETPT le plafond d'emplois des instituts régionaux d'administration (IRA) en raison, selon l'exposé des motifs de l'article, de la réforme de la scolarité dans ces établissements.

Les modifications du plafond d'emplois des opérateurs ont été présentées dans l'exposé général du présent rapport.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi de finances de fin de gestion, elle n'a pas adopté cet article.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : ADOPTER CET ARTICLE TEL QU'IL RÉSULTERA DES VOTES DU SÉNAT

La commission des finances n'a pas modifié les plafonds d'emplois des opérateurs.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article tel qu'il résultera des votes du Sénat.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME AMÉLIE DE MONTCHALIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS (12 NOVEMBRE 2025)

Réunie le mercredi 12 novembre 2025 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics, sur le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025.

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, nous recevons ce matin Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics, pour la présentation du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) pour l'année 2025, délibéré lundi dernier en conseil des ministres.

La loi de finances de fin de gestion est une catégorie de lois de finances entrée en vigueur en 2023, en application de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) intervenue en 2021. Il s'agit d'un texte circonscrit qui procède uniquement aux ajustements de crédits indispensables à la fin de gestion de l'année. Elle ne peut donc notamment pas comporter de dispositions fiscales ou de dispositions affectant les dépenses budgétaires des années ultérieures.

Alors que cette innovation, qui vient remplacer les habituelles lois de finances rectificatives de fin d'année, poursuivait un objectif de renforcement de la sincérité budgétaire, son exécution, pour les deux premiers exercices, fut substantiellement différente de celle qui était prévue.

Il semble que, dans les grandes lignes, le budget pour 2025 qui a été exécuté est très proche de la prévision du début d'année, puisque le déficit public s'élèverait à 5,4 %. Cela signe, je l'espère, le retour à une forme de normalité de l'exécution budgétaire.

Cette évolution positive s'est faite, encore une fois, au prix d'importants efforts de régulation budgétaire infra-annuelle, dont un décret du 25 avril qui a annulé près de 3,1 milliards d'euros. Fort heureusement, on ne tutoie plus les sommets atteints par les 10 milliards d'euros de crédits annulés en février 2024, ce qui n'avait d'ailleurs pas suffi à redresser la situation.

Selon l'avis du Haut Conseil des finances publiques (HCFP), les prévisions de recettes, de dépenses et de solde pour 2025 sont crédibles. Je rappelle toutefois qu'elles peuvent encore varier jusqu'en mars 2026 et la publication définitive des comptes par l'Insee.

Le Haut Conseil n'en souligne pas moins le besoin d'une stricte maîtrise, en fin de gestion, de la dépense pilotable. Il rappelle que la réduction du déficit public en 2025 de 0,4 point est finalement limitée, d'autant qu'elle fait suite à une forte dégradation des comptes en 2023 et en 2024.

Compte tenu de ces observations, pouvons-nous considérer que ce cycle de deux années de prévisions défaillantes et de dérives des comptes publics, dont nous continuons à payer le prix, est désormais derrière nous ?

Avant de vous céder la parole, je vous indique que cette audition est retransmise sur le site internet du Sénat, ainsi que sur les réseaux sociaux.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. - Ce PLFG est le dernier jalon de l'exécution de la loi de finances de 2025, adoptée le 14 février dernier. Vous l'avez dit, il s'agit d'un texte technique qui retrace les principaux événements survenus en cours de gestion et prévoit d'ajuster la répartition de certains crédits pour répondre aux imprévus, comme chaque année.

Ce texte n'a pas d'autre objectif que de garantir précisément, en toute transparence, la bonne exécution de la dépense. Selon le HCFP, nous sommes en passe d'atteindre l'objectif qui avait été fixé dans un cadre très particulier, celui d'une commission mixte paritaire (CMP) conclusive, dont le texte, sans amendement ultérieur du Gouvernement, est devenu le budget de la Nation.

Le PLFG ne contient aucune dépense ni aucune économie supplémentaire. En clair, il ne révèle rien que vous ne connaissiez déjà. J'appelle votre attention sur le fait que l'un des tableaux non normatifs a été artificiellement majoré, car les crédits ouverts pendant la période de services votés y ont été intégrés. Le rapporteur général et le président de la commission ont reçu, dès lundi soir, les corrections à ce tableau.

Ce PLFG prévoit cinq principales ouvertures de crédits. Il est essentiel qu'ils soient votés, afin que nous puissions terminer l'année en honorant l'ensemble de nos engagements.

La première ouverture concerne l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité, dont la dynamique est plus allante que prévu. Il s'agit d'une ouverture de 450 millions d'euros visant à garantir le bon versement des crédits en décembre.

La deuxième ouverture, d'un montant de 119 millions d'euros, vise à pérenniser les 203 000 places d'hébergement d'urgence et à les maintenir en fonctionnement d'ici à la fin de l'année.

La troisième ouverture, qui s'élève à 190 millions d'euros, porte sur la mission « Sécurités ». Elle a pour objet de répondre aux besoins supplémentaires de protection des populations à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie et de traiter les conséquences des incendies qui ont frappé notre pays l'été dernier. Notez que 45 millions d'euros sont aussi ouverts sur le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », pour faire face aux dépenses exceptionnelles à Mayotte, à la suite du cyclone Chido, et à La Réunion, après le passage du cyclone Garance.

La quatrième ouverture concerne la mission « Défense » : 349 millions d'euros sont destinés à financer les surcoûts, dans un contexte opérationnel de tensions croissantes, et à accélérer l'effort de réarmement.

La cinquième ouverture a trait aux énergies renouvelables (EnR) : nous devons 1,1 milliard d'euros de plus aux producteurs d'EnR au titre de nos engagements.

Ces ouvertures de crédits sont gagées par des annulations sur la réserve de précaution qui, depuis cette année, est devenue une réelle réserve interministérielle ; votre commission m'a entendue à deux reprises sur ce sujet.

Les autres annulations prévues visent à ajuster les dépenses effectives et à ajuster les niveaux de trésorerie pour un certain nombre d'opérateurs. Ainsi, dans le cadre de la mission « Investir pour la France de 2030 », nous annulons 1,6 milliard d'euros de crédits afin que Bpifrance et l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) ne finissent pas l'année avec une trésorerie excédentaire de 5 milliards d'euros. En conséquence, leur excédent ne sera plus que de 3 milliards d'euros environ. Il nous semblait que, vu la contrainte budgétaire qui est la nôtre, mieux piloter ces éléments de trésorerie était essentiel.

Nous n'opérons aucune coupe ni dans les budgets des ministères ni dans les prestations. Il s'agit plutôt de mettre en oeuvre les principes de bonne gestion qui, à eux seuls, devraient nous permettre de tenir la cible de dépenses inscrite dans la loi de finances initiale.

Vous l'avez rappelé, monsieur le président, notre mission consiste à faire respecter le compromis trouvé en février dernier. J'apporte toutefois une précision à votre propos : le HCFP ne dit pas que nous sommes certains d'avoir un déficit qui atteindra 5,4 points de PIB ; il affirme seulement que les risques sont centrés, entre 5,3 et 5,5 points. En d'autres termes, les aléas haussiers sont de même nature que les aléas baissiers.

Nous connaîtrons le montant définitif du déficit au début de l'année 2026, lors de la finalisation des comptes nationaux. Bien entendu, nous ne nous réjouissons pas de ce déficit, mais le résultat est meilleur qu'espéré, notre souci étant d'éviter un dérapage. Cela confirme que nous pouvons toujours réduire le déficit à 3 % en 2029, grâce à une baisse régulière et constante.

En outre, ces efforts révèlent la nouvelle démarche que nous avons engagée, de vigilance collective. En effet, nous tenons à nous assurer que le périmètre des dépenses de l'État est tenu. Les dépenses des ministères et des prélèvements sur recettes pour l'Union européenne (PSR-UE) et les collectivités territoriales (PSR-CT), dans leur ensemble, sont exécutées à 300 millions d'euros près par rapport au texte que vous avez adopté en février dernier.

Dans le même temps, notre économie s'est montrée plus résiliente que celle des pays voisins, avec une meilleure performance de l'impôt sur le revenu (IR) et de l'impôt sur les sociétés (IS), qui compense une moins bonne tendance de la TVA - je pourrai y revenir en détail, si vous le souhaitez.

Une bonne maîtrise de nos finances publiques, après des années très difficiles, est le signe que nous pouvons y arriver. Comme l'a rappelé le Premier ministre de nombreuses fois, le Gouvernement propose et le Parlement vote et dispose : le Gouvernement doit donc appliquer strictement la loi que vous aurez votée.

Notre démarche est un gage de crédibilité à la fois pour nos partenaires européens et internationaux, pour nos créanciers, pour les parlementaires et pour les Français. Après deux années marquées par des dérapages budgétaires - Éric Lombard et moi-même étions venus évoquer ce sujet devant votre commission -, un changement de méthode était nécessaire. D'où la mise en oeuvre d'un plan d'action pour les finances publiques fondé sur de nouvelles méthodologies d'échange, des comités d'alerte et des cercles de prévisionnistes, dont les travaux complètent les prévisions du ministère. Dans ce cadre, nous souhaitons partager régulièrement, comme nous l'avons fait en avril et en juin dernier, toutes les données disponibles sur la dépense et les recettes de l'État, des collectivités et de la sphère sociale.

Bref, ces éléments sont à mes yeux utiles pour que vous puissiez jouer pleinement votre rôle de contrôle du Gouvernement et pour que celui-ci soit obligé de prendre les décisions qui s'imposent en matière de finances publiques.

Je souhaite que ce qui a été mis en place en 2025 perdure en 2026, car il y a là quelque chose de plus profond et de plus utile qu'une seule réponse à un problème de conjoncture.

Pour conclure, ce texte ajuste une exécution budgétaire conduite avec vigilance et anticipation. Cette bonne exécution en 2025 est absolument essentielle au travail conduit en ce moment à l'Assemblée nationale et qui aura bientôt lieu au Sénat : celui qui consiste à trouver un nouveau compromis budgétaire permettant de réduire le déficit, sur la base de prévisions équilibrées.

Les Français, les créanciers et les observateurs seront ainsi en mesure de vérifier que notre pays est capable de tenir les objectifs fixés. Je considère qu'il s'agit d'une étape démocratique tout à fait importante.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Je note avec intérêt, madame la ministre, l'apparition d'un nouvel élément de langage : la « vigilance collective ». Le Sénat vous proposera pour sa part une « loyauté exigeante ».

Ma première question porte sur l'exécution du budget. Vous l'avez dit, la France a vécu sous le régime des services votés jusqu'au 14 février 2025. Nous avons entendu des points de vue divers à cette époque : certains prétendaient que ce régime allait coûter plus cher, d'autres pensaient qu'il nous permettrait de faire des économies. À ce jour, nous n'avons reçu aucune évaluation claire sur ce sujet de la part du Gouvernement. Quel bilan pouvez-vous dresser de l'impact des services votés à la fois sur les dépenses effectives et sur la manière dont les politiques publiques et les services publics ont été assurés en 2025 ?

Deuxièmement, je note avec intérêt que la prévision du solde effectif reste inchangée. Vous avez précisé que le déficit serait centré entre 5,3 et 5,5 points de PIB, mais je note que la part du solde structurel et du solde conjoncturel n'est pas tout à fait celle qui était prévue. Alors que le solde structurel était évalué à - 4,8 points de PIB potentiel, il serait finalement de - 5,1 points de PIB potentiel en exécution. À l'inverse, le solde conjoncturel était anticipé à - 0,6 point ; il atteindrait finalement - 0,2 point de PIB potentiel en exécution.

Quelles sont les raisons d'une telle dégradation du solde structurel ? Après le discours sur le prétendu « pas de bol », que nous avons entendu maintes fois ces dernières années, peut-on espérer un effet « coup de bol » ?

Troisièmement, il ressort des données trimestrielles publiées par l'Insee que l'acquis de croissance pour 2025 est d'ores et déjà estimé à 0,8 %, contrairement à 0,7 % en début d'année. Ne pensez-vous pas que le déficit définitif sera moins important que celui qui a été annoncé ? Si tel n'est pas le cas, quels sont les éléments qui incitent le Gouvernement à rester prudent ? Cette question est importante, car 0,1 point de PIB représente environ 3 milliards d'euros, ce qui n'est pas neutre.

Quatrièmement, la TVA en 2025, dont la moins-value s'élevait à 4,5 milliards d'euros lors de l'estimation révisée de septembre, subirait une moins-value supplémentaire de 0,5 milliard d'euros selon ce PLFG. Comment l'expliquez-vous ? Des « effets de structure » peuvent-ils expliquer cette variation sensible ?

Enfin, je veux évoquer un problème récurrent, celui de la sous-compensation des missions de service public de La Poste, à hauteur de 52 millions d'euros. L'an dernier, nous avons consenti un premier effort, mais celui-ci n'a pas suffi à résoudre cette difficulté. Je vous ai sollicitée il y a trois jours sur ce sujet, qui devient un véritable marronnier, en souhaitant qu'il puisse être traité par voie d'amendement dans le cadre de ce PLFG.

Deuxième marronnier, beaucoup moins coûteux pour les finances publiques : l'enveloppe de 9 millions d'euros allouée aux pôles de compétitivité. Les rapporteurs spéciaux de la mission concernée ont retiré leurs amendements sur le sujet, après que je leur ai indiqué que je prenais l'engagement de régler cette question dans le cadre de ce PLFG. Il convient de trouver des solutions. J'appelle le Gouvernement à se pencher plus près sur cette question l'année prochaine.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Sous le régime des services votés, les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'investissement ont chacune baissé de 5 % entre janvier et mars 2025. Néanmoins, beaucoup d'investissements ont été réalisés par la suite et il n'y a pas eu de shutdown à l'américaine : l'État a continué de fonctionner et nous n'avons pas suspendu la paie des fonctionnaires.

Il n'empêche que le régime des services votés ne peut être qu'une gestion temporaire. Celle-ci peut convenir pour quatre ou six semaines, mais, au-delà, elle pose problème : on l'a vu en matière sociale, d'administration des collectivités et d'agriculture.

Ce régime ne permet pas, en tant que tel, de réaliser des économies budgétaires, en raison d'un grand nombre de dépenses contraintes : dépenses sociales, remboursement des créanciers extérieurs, prélèvements sur recettes pour les collectivités territoriales et l'Union européenne, transferts à la sécurité sociale, etc.

Nombreux sont ceux qui affirment que l'on peut se satisfaire des services votés, sans avoir à adopter de budget. Mais c'est mal connaître le fonctionnement de l'État et les engagements intrinsèques à notre dépense publique.

Concernant le solde conjoncturel et structurel, il faudrait qu'on reprenne avec vous en détail le calcul auquel nous sommes parvenus, sachant qu'entre-temps les prévisions de croissance et d'inflation ont été révisées. Structurellement, il existe un déséquilibre entre nos dépenses et nos recettes. Je note toutefois que la conjoncture a été un peu meilleure en milieu et en fin d'année.

Le déséquilibre est assez profond entre nos dépenses, qui sont très dynamiques dans la sphère sociale, et nos recettes, qui ne sont pas infiniment disponibles dans un pays où le taux de prélèvements obligatoires s'élève à près de 44 % du PIB et au total à 53 % pour le taux de recettes publiques.

Il nous a paru raisonnable de ne pas réviser le déficit à la baisse, car si la croissance a en effet été plus élevée qu'escompté, l'inflation, elle, a été plus basse. Nous restons par ailleurs dans une zone de prudence en matière de TVA, car l'effet mécanique de la croissance sur les recettes de TVA est aujourd'hui plus incertain. Le HCFP estime d'ailleurs que, sous réserve d'une gestion sérieuse, une prévision de déficit public à 5,4 % de PIB est crédible.

Je rappelle de plus que, comme chaque année, il nous faut tenir compte d'un certain nombre d'incertitudes. Les indépendants disposent notamment de plusieurs mois de latitude pour le paiement de leurs cotisations aux Urssaf, ce qui peut rapidement emporter un différentiel de 2 à 3 milliards d'euros.

En 2023 et en 2024, années marquées par un ralentissement de l'inflation, nous avons constaté une très forte chute de l'élasticité des recettes fiscales, notamment d'IS et de TVA, au PIB.

En 2025, si les recettes d'IS et d'IR ont été un peu plus élevées qu'escompté, la situation de la TVA demeure préoccupante, puisque les recettes ont augmenté moins vite que la base taxable, qui est en hausse de 1,7 %. J'ai donc demandé à l'Inspection générale des finances (IGF), à l'Insee, à la direction générale des entreprises (DGE) et à l'ensemble des services de Bercy de mener une étude afin de comprendre les causes de cette situation.

La sous-valorisation massive des petits colis qui entrent sur notre territoire constitue à ce stade la première piste sérieuse. En dessous d'une valeur de 150 euros, ces colis sont exonérés de droits de douane, alors que, pour une partie, ils sont constitutifs de flux d'importation dissimulés. Pour avoir assisté à l'ouverture de certains colis à l'aéroport de Roissy avec le ministre Papin récemment, je puis en effet témoigner que les quantités commandées ne sont parfois pas cohérentes avec un usage personnel.

La deuxième piste est le fort décalage que nous observons entre la consommation et les déclarations de TVA. C'est donc que la sphère de l'économie dissimulée, et, partant, de la fraude, croît aux dépens des recettes de TVA.

La troisième piste a trait à la boucle de TVA elle-même. La réforme de la facturation électronique est à ce titre essentielle, puisqu'en permettant de prédéclarer la TVA, en quelque sorte à la source, elle contribuera à réduire le nombre d'erreurs et de fraudes tout en soulageant la trésorerie des entreprises.

En ce qui concerne enfin La Poste, vous proposez, monsieur le rapporteur général, de compenser, dans le présent PLFG, le budget, selon vous insuffisant, alloué à cet opérateur dans le projet de loi de finances pour 2026. Pour ce qui est des pôles de compétitivité, vous souhaitez organiser un report, en ouvrant en 2025 des crédits qui seront reportés en 2026. Si le Parlement est par définition souverain, je préférerais pour ma part que nous gérions les besoins de 2026 dans le budget de 2026. Si tel était toutefois le choix du Sénat, le Gouvernement accompagnerait naturellement cette décision.

M. Dominique de Legge. - En ce qui concerne la mission « Défense », vous avez évoqué l'ouverture de 349 millions d'euros de crédits de paiement. Pour la parfaite information de notre assemblée, j'ajoute que 188 millions d'euros de crédits ont toutefois été annulés, soit un solde de 121 millions d'euros.

Comment inscrivez-vous cette évolution des crédits de paiement dans le contexte plus large de la fin de gestion ? Autrement dit, comment comptez-vous limiter le report de charges sans dégeler les crédits actuellement mis en réserve pour assurer le financement des surcoûts engagés ?

Mme Isabelle Briquet. - Le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 confirme la dérive préoccupante de notre dette publique. Avec un ratio qui atteindra 116 % du PIB et une charge d'intérêts de 65 milliards d'euros, la France bat un record historique, sans choc exceptionnel pour justifier cette situation. Le Haut Conseil des finances publiques souligne d'ailleurs que le déficit est désormais entièrement structurel, si bien que même en cas de reprise, la situation ne s'améliorerait pas spontanément.

Depuis 2017, la trajectoire de dette résulte pour une part de choix fiscaux pérennes - suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), de la taxe d'habitation, suppression partielle de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), réduction de l'impôt sur les sociétés. Au total, ce sont plus de 60 milliards d'euros de recettes qui ont été durablement effacés, sans que l'investissement productif ou industriel n'en tire bénéfice. La politique économique actuelle semble donc piégée entre deux impasses : le déni, qui consiste à poursuivre une politique de l'offre défaillante, et l'austérité, qui consisterait à couper dans la dépense sans discernement.

Dans ce contexte, comment le Gouvernement entend-il rendre soutenable la trajectoire de dette sans revenir au moins partiellement sur ce désarmement fiscal ? Par ailleurs, si la maîtrise des comptes publics est une nécessité, quel dispositif concret le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour évaluer l'efficacité de la dépense au-delà de la simple logique comptable ?

Mme Christine Lavarde. - Je constate qu'une fois de plus, les données de l'article liminaire ne figurent dans la maquette qu'en points de PIB. S'agissant de milliards d'euros, j'estime qu'il serait bienvenu d'indiquer également les montants.

Ma deuxième remarque porte sur les chambres de commerce et d'industrie (CCI), auxquelles on retire 30 millions d'euros dans le PLFG, avant de les ponctionner de 175 millions d'euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Au total, 43 % des taxes pour frais de chambre consulaire qui sont payées par les entreprises seront ainsi captées par le budget général de l'État.

Si vous estimez que ces structures n'ont pas besoin d'autant d'argent pour fonctionner - il semblerait pourtant que certaines d'entre elles rencontrent de grandes difficultés -, diminuons les taxes qui pèsent sur les entreprises et prenons le temps de réfléchir à la refonte du modèle qui s'impose, madame la ministre.

M. Grégory Blanc. - Vous avez indiqué que ce PLFG ne comportait pas d'annulations de crédits, madame la ministre. Or je lis que 4,2 milliards d'euros de crédits de paiement seront annulés et que 3 milliards de crédits seront ouverts. La différence étant à ma connaissance non nulle, pourriez-vous préciser vos propos ?

Par ailleurs, comment les 800 millions d'euros de coupes dans le budget de la mission « Travail et emploi » sont-ils ventilés ?

Enfin, si la situation des collectivités territoriales est un peu plus favorable qu'escompté, ce qui contribue à amoindrir la dégradation de la situation d'ensemble, les départements sont toujours en difficulté. L'année dernière, la loi de finances de fin de gestion prévoyait un certain nombre de dispositifs pour aider ces derniers. Comment comptez-vous cette année soutenir l'investissement des départements ?

M. Pascal Savoldelli. - Une annulation de 3 milliards d'euros est prévue pour la mission « Remboursements et dégrèvements », dont je suis le rapporteur spécial. Vous évoquez un nécessaire changement de méthode, madame la ministre. Au regard des montants annulés, ne pensez-vous pas qu'il aurait été plus respectueux des droits du Parlement de déposer un projet de loi de finances rectificative ?

Je regrette par ailleurs, mais vous n'y êtes pour rien, que le projet de loi qui nous est présenté soit au fond le reflet des travaux de la commission mixte paritaire sur le PLF 2025, au sein de laquelle un certain nombre de groupes politiques du Sénat comme de l'Assemblée nationale n'étaient pas représentés. On ne peut pas chercher des compromis de septembre à décembre puis écarter certains groupes au moment de trancher. Cela pose un problème démocratique.

M. Olivier Paccaud. - Vous avez beaucoup insisté dans votre propos liminaire sur votre changement de méthode, madame la ministre. Bruno Le Maire expliquait le dérapage abracadabrantesque des comptes publics lorsqu'il était ministre de l'économie par ce qu'il nommait une perfect storm. Avec vos nouvelles méthodes, peut-on écarter la crainte qu'une perfect storm s'abatte sur la France ?

M. Claude Raynal, président. - Je reviens sur les CCI. Dans le cadre d'une négociation avec le Gouvernement, ces dernières ont accepté un prélèvement de 100 millions d'euros échelonné sur plusieurs années. Cet accord, conclu en 2024, est déjà rendu caduc par le Gouvernement.

Je rappelle que dans le cadre du PLF pour 2025, le Gouvernement avait déjà tenté de porter le prélèvement de 20 à 40 millions d'euros, ce que le Parlement avait refusé, souhaitant en rester aux termes de l'accord. Or vous proposez aujourd'hui d'augmenter ce prélèvement non plus de 20, mais de 30 millions d'euros. Vous comprendrez ce qu'une telle démarche peut avoir d'irritant, madame la ministre.

Comme l'indiquait Christine Lavarde, si la trésorerie des CCI atteint des niveaux trop élevés, il convient de baisser les taxes, car cet argent appartient non pas à l'État, mais aux entreprises. Vous m'accorderez qu'il est quelque peu incohérent que l'État prélève les CCI tout en envisageant de baisser la CVAE, madame la ministre.

En tout état de cause, en l'absence de nouvel accord, je suis favorable à l'application de l'accord conclu avec les CCI.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - En ce qui concerne la mission « Défense », je vous confirme que nous allons dégeler la réserve, à hauteur de 1,7 milliard d'euros, afin de financer tout ce qui est déjà prévu. Au total, en intégrant la consommation des reports entrants, le dégel de la réserve et les ouvertures de crédits, 1 milliard d'euros supplémentaires seront bien alloués au ministère des armées par rapport à la loi de finances initiale afin d'accélérer le déploiement des efforts de réarmement. Par sincérité, nous actons nos besoins effectifs.

En 2025, le taux de prélèvements obligatoires s'établit à 43,6 % du PIB, contre 44 % en 2019. En 2023 et 2024, en raison de la cassure de l'élasticité des recettes fiscales au PIB, le taux de prélèvements obligatoires a fortement chuté - phénomène économique inédit, cette cassure a également affecté d'autres pays européens.

Les recettes fiscales et non fiscales de l'État s'établissant toutefois à 53 % du PIB, j'estime qu'il faut utiliser la notion de désarmement fiscal avec prudence, madame Briquet.

Dans la période antérieure au covid-19, nous avions moins de 3 % de déficit public, les comptes de la sécurité sociale étaient à l'équilibre et notre taux de prélèvements obligatoires s'établissait à 44 % du PIB, contre 43,6 % aujourd'hui et alors que notre déficit public atteint 5,4 % de PIB. Dans le PLF 2026, il est proposé de porter notre taux de prélèvements obligatoires à 43,9 %, que nous allons arrondir à 44 %, mais il est faux de conclure de notre situation que ce sont les recettes qui nous manquent, même si, comme je l'indiquais, il nous faut résorber l'écart entre l'évolution de la base taxable et celle des recettes de TVA.

Nous allons vous envoyer le tableau de l'article liminaire avec les montants en euros, madame Lavarde. J'estime du reste que nos textes budgétaires devraient également présenter plus clairement les transferts : dans le PLF 2026, le Gouvernement table sur un déficit de 4,7 % du PIB, qui, selon les maquettes de comptabilité nationale, se décline comme suit : 4,5 points pour l'État, 0,3 point pour les collectivités locales et un excédent de 0,1 point de PIB pour la sécurité sociale au sens large. En matière de dépenses, ce déficit se ventile très différemment, puisque 1,6 % sont imputables à l'État, 0,9 % aux collectivités locales et 2,2 % à la sécurité sociale.

Il serait sans doute utile de réformer les maquettes des textes budgétaires, via une proposition de loi organique, de sorte que les éléments qui vous sont présentés se fondent davantage sur la réalité. Entre fin 2023 et fin 2025, alors que le montant correspondant à la somme des dépenses de l'État, de la charge de la dette et des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE) a baissé de 0,1 %, les dépenses des collectivités ont augmenté de 3,1 %, et celles de la sphère sociale de 5,5 %. J'estime que ces éléments sont nécessaires à la tenue d'un débat objectif.

Les CCI ne relèvent pas de mon portefeuille, et si j'assume par solidarité l'ensemble de ce PLFG, je comprends que le prélèvement proposé laisse de nombreux acteurs perplexes. À la fin de l'année 2024, la trésorerie cumulée de l'ensemble des chambres de commerce et d'industrie de France atteignait 871 millions d'euros. Si un prélèvement de 30 millions d'euros paraît à ce titre tout à fait absorbable, nous savons bien que ces ressources ne sont pas équitablement réparties et que les enjeux de mutualisation, de mise en réseau et de régionalisation sont tout à fait essentiels.

Le rapprochement des CCI et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) me paraît par ailleurs d'autant plus nécessaire que 60 % des entreprises cotisent auprès des deux réseaux. Plus largement, il convient de supprimer les doublons que nous avons cartographiés, que ce soit en matière de soutien au développement commercial, d'aide à l'export ou à la transition écologique, des acteurs comme Bpifrance, Business France ou l'Ademe proposant des aides comparables à celles que proposent les CCI.

Dans ce PLFG, le Gouvernement vous livre la conclusion de notre année, monsieur Blanc. Le périmètre des dépenses de l'État correspond à ce que vous avez voté, à 300 millions d'euros près. Nous n'avons pas fait d'économies dans votre dos en procédant à des annulations sèches pour dépenser moins que ce qui avait été prévu. Les suppressions de réserves dans certaines missions servent à financer les dépenses d'autres missions, dont la réserve a été intégralement consommée. Il n'y a toutefois pas d'annulations globales, dans la mesure où l'exécution du périmètre de dépenses de l'État n'est pas inférieure à ce qui a été voté. Le delta que vous pointez servira à financer d'autres ouvertures de crédits qui interviendront avant la fin de l'année, d'une part, et des reports, d'autre part. Autrement dit, il n'y aura pas de cagnotte.

J'insiste sur ce point, parce qu'en 2023 et en 2024, le niveau de recettes ayant été très bas, il y avait eu des sous-exécutions, ce qui n'est pas le cas cette année. Nous allouons certains crédits différemment, notamment parce que les dépenses liées à la prime d'activité et à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) sont en hausse.

En ce qui concerne la mission « Remboursements et dégrèvements », monsieur Savoldelli, les remboursements et dégrèvements relatifs à la TVA sont en baisse de 3,3 milliards d'euros, et de 1,5 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu, mais ils sont en hausse de 1,4 milliard d'euros pour l'impôt sur les sociétés. Le solde est présenté dans la fiche que je vous remettrai. Il n'y a pas d'entourloupe !

S'agissant du fonctionnement de la commission mixte paritaire pour le projet de loi de finances initiale, le Gouvernement n'étant nullement responsable du règlement des assemblées, je puis seulement vous dire que je me suis efforcée d'appliquer à la lettre le texte qui en est issu afin d'éviter tout écart entre le texte et son exécution et, partant, de rétablir la confiance qui avait été rompue les années précédentes.

J'en viens aux crédits de la mission « Travail et emploi ». Sur un budget de 18,9 milliards d'euros, 1,3 milliard d'euros ont été mis en réserve - en vertu d'un taux de mise en réserve qui est du reste validé par la Cour de comptes, faute de quoi le budget est considéré comme insincère. Nous annulons 825 millions d'euros de réserve et dégelons les 700 millions d'euros restant au profit de la mission.

Pour ma part, j'ai pris comme ligne de cohérence le « quoi qu'il arrive », monsieur Paccaud. Cela m'a conduite à rendre des comptes régulièrement au Parlement, en vous donnant le détail des recettes et dépenses non seulement de l'État, mais aussi des collectivités, des hôpitaux et de l'infrastructure sociale, de manière à rester au plus près de ce qui avait été voté, y compris dans le cas où ce qu'a décrit Bruno Le Maire se produirait - un choc inflationniste, un choc sur les prix d'énergie, un ralentissement mondial.

Permettez-moi de retracer l'année écoulée : en janvier, nous étions en services votés ; le 14 février, le PLF a été promulgué ; le 1er mars, le président Zelensky était à la Maison-Blanche et nous doutions de notre capacité à assurer notre défense continentale ; le 2 avril, Donald Trump lançait le Liberation Day ; le 13 juin, les premières frappes d'Israël en Iran entraînaient de fortes distorsions sur les prix, notamment du pétrole ; le 1er juillet, notre pays était frappé par une canicule exceptionnelle ; le 28 juillet, un accord commercial était signé entre l'Europe et les États-Unis ; le 25 août, le Premier ministre annonçait qu'il solliciterait un vote de confiance.

Sans ces points de rendez-vous réguliers et sans cette méthode, je crois que je ne serais pas en mesure, aujourd'hui, de vous présenter un déficit centré autour de 5,4 % du PIB. Dans le monde incertain qui est désormais le nôtre, il me paraît utile de continuer à employer cette méthode.

Pourriez-vous enfin préciser votre question relative aux collectivités locales, monsieur Blanc ?

M. Grégory Blanc. - Si la situation des collectivités locales est moins dégradée qu'escompté, ce qui profite au solde global du budget de l'État, certaines collectivités, notamment les départements, ne vont pas bien du tout. Or vous n'avez pas évoqué de dispositif pour soulager ces derniers, certains avaient été soutenus dans le cadre de la loi de finances de fin de gestion pour 2024.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. - La dynamique de dépenses d'investissement des collectivités et les dépenses de fonctionnement du bloc communal ont en effet été un peu inférieures à ce qui était escompté. À l'inverse, les recettes du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) ont été très dynamiques.

Nous aurons des débats fournis sur le financement, la trésorerie et les enjeux de péréquation entre les collectivités, monsieur le sénateur. Au vu de la situation de nos finances publiques, il nous faut nous montrer très vigilants. Pour ma part, je suis frappée par le contraste entre la grande disparité des situations et l'homogénéité des solutions, dont le coût, souvent élevé, ne garantit pas toujours l'efficacité. Nous y reviendrons dans les prochains jours.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre.


* 57 Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

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