- L'ESSENTIEL
- I. UN ACCORD AUX EFFETS POTENTIELLEMENT
NÉFASTES POUR L'ENVIRONNEMENT ET LE MODÈLE AGRICOLE
EUROPÉEN
- A. UN ACCORD VISANT À LIBÉRALISER LES
ÉCHANGES ET À RENFORCER LA COOPÉRATION ET LE DIALOGUE
POLITIQUE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE MERCOSUR
- B. DES LIGNES ROUGES FRANÇAISES AUXQUELLES
IL N'A ÉTÉ QU'IMPARFAITEMENT RÉPONDU
- 1. Des « avancées » en
matière environnementale et de déforestation en partie
contrebalancées par la mise en place d'un mécanisme de
rééquilibrage
- 2. Un accès au marché commun qui
n'est toujours pas conditionné au respect de l'ensemble des normes de
production européennes : une absence de clauses miroirs
défavorable à l'agriculture européenne
- 1. Des « avancées » en
matière environnementale et de déforestation en partie
contrebalancées par la mise en place d'un mécanisme de
rééquilibrage
- C. UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIF
À L'ACTIVATION DE LA CLAUSE DE SAUVEGARDE EN MATIÈRE AGRICOLE
DONT L'EFFECTIVITÉ EST SUJETTE À CAUTION
- A. UN ACCORD VISANT À LIBÉRALISER LES
ÉCHANGES ET À RENFORCER LA COOPÉRATION ET LE DIALOGUE
POLITIQUE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE MERCOSUR
- II. UNE PROCÉDURE DE RATIFICATION
FRAGILISANT L'ASSISE DÉMOCRATIQUE DE L'ACCORD ET DONT LA
LÉGALITÉ DOIT ÊTRE CONTESTÉE DEVANT LA COUR DE
JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
- A. EN DÉPIT DE L'OPPOSITION DE PLUSIEURS
ÉTATS MEMBRES DONT LA FRANCE, LA COMMISSION EUROPÉENNE A FAIT LE
CHOIX DE CONCLURE LES NÉGOCIATIONS PRÉCIPITAMMENT FIN 2024
- B. UNE « SCISSION » DE
L'ACCORD CONTRAIRE À LA VOLONTÉ DU CONSEIL
- C. UN DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE
FRAGILISANT L'ASSISE DÉMOCRATIQUE D'UN ACCORD DÉJÀ
FORTEMENT REMIS EN CAUSE ET DONT LA LÉGALITÉ DOIT ÊTRE
CONTESTÉE DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
- A. EN DÉPIT DE L'OPPOSITION DE PLUSIEURS
ÉTATS MEMBRES DONT LA FRANCE, LA COMMISSION EUROPÉENNE A FAIT LE
CHOIX DE CONCLURE LES NÉGOCIATIONS PRÉCIPITAMMENT FIN 2024
- III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA
COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES ET LA POSITION DE LA
COMMISSION
- I. UN ACCORD AUX EFFETS POTENTIELLEMENT
NÉFASTES POUR L'ENVIRONNEMENT ET LE MODÈLE AGRICOLE
EUROPÉEN
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 156
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 novembre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies C du Règlement, visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur,
Par M. Pascal ALLIZARD et Mme Gisèle JOURDA,
Sénateur et
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; M. Étienne Blanc, Mme Valérie Boyer, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi, Ronan Le Gleut, Didier Marie, Pierre Médevielle, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier, Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.
Voir les numéros :
|
Sénat : |
99, 147, 148 et 157 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. UN ACCORD AUX EFFETS POTENTIELLEMENT NÉFASTES POUR L'ENVIRONNEMENT ET LE MODÈLE AGRICOLE EUROPÉEN
A. UN ACCORD VISANT À LIBÉRALISER LES ÉCHANGES ET À RENFORCER LA COOPÉRATION ET LE DIALOGUE POLITIQUE ENTRE L'UNION EUROPÉENNE ET LE MERCOSUR
1. Le Mercosur est un partenaire commercial secondaire pour l'UE
Le marché commun du Sud (ou Mercado Común del Sur - Mercosur) est une zone de libre-échange créée par le Traité d'Asunción de 1991 rassemblant l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et la Bolivie1(*).
5e économie mondiale, avec un PIB s'élevant à 2 900 Mds€ en 2023, le Mercosur, qui représente un marché de plus de 270 millions d'habitants, est le 11e partenaire commercial de l'UE.
La valeur des exportations européennes vers les quatre pays fondateurs (Argentine, Brésil, Paraguay et Uruguay) s'élevait à 55 Mds€ en 2024 pour les biens et 29 Mds€ en 2023 pour les services.
En sens inverse, l'Union européenne (UE) est le deuxième partenaire du Mercosur en ce qui concerne le commerce des biens, après la Chine et devant les États-Unis. En 2023, l'UE représentait ainsi 16,9 % de l'ensemble des échanges commerciaux du Mercosur.
2. Le volet commercial de l'accord, qui prévoit notamment la disparition de l'essentiel des barrières tarifaires, vise à dynamiser les échanges de biens et services entre l'UE et le Mercosur
Actuellement, les relations entre l'UE et le Mercosur sont régies par un accord-cadre interrégional de coopération entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud et ses États parties, d'autre part, signé à Madrid le 15 décembre 1995.
L'accord UE-Mercosur, dont les négociations ont débuté en 1999, a vocation à succéder à l'accord-cadre de 1995. Il vise à :
- encourager et accroître les relations commerciales entre les deux marchés en abaissant les barrières tarifaires et non tarifaires ;
- promouvoir la coopération et un dialogue politique entre les deux zones sur des questions de migration, d'économie digitale, de recherche, d'éducation, de droits humanitaires, de protection de l'environnement ou encore de cybercriminalité.
Côté Mercosur, une suppression de 91 % des droits de douane sur les importations en provenance de l'UE sur une période pouvant aller jusqu'à 15 ans est ainsi prévue.
Pour les produits qui ne sont pas entièrement libéralisés, il est prévu que le Mercosur accorde un accès supplémentaire au marché pour certains produits agricoles sous la forme de contingents tarifaires (des contingents tarifaires réciproques de 30 000 tonnes pour les fromages, 10 000 tonnes pour le lait en poudre ou encore 5 000 tonnes pour le lait infantile sont par exemple prévus) ou de réductions partielles de 30 % ou 50 % des taux les plus faibles appliqués à des pays tiers (taux de la nation la plus favorisée).
L'accord prévoit en outre la reconnaissance de 350 indications géographiques de l'UE.
Côté européen, l'UE s'engage à supprimer 92 % de ses droits de douane sur les importations en provenance du Mercosur sur une période pouvant s'étendre jusqu'à 10 ans. Pour les produits entièrement libéralisés, il est prévu que les réductions tarifaires de l'UE soient linéaires.
Pour les produits qui ne sont pas entièrement libéralisés, il est prévu que l'UE accorde un accès sous la forme de contingents tarifaires ou de réductions tarifaires partielles. Cela doit notamment être le cas pour les produits agricoles (quota de 99 000 tonnes de boeuf au taux de 7,5 %, de 180 000 tonnes de volaille, 16 millions de tonnes de sucre, 450 000 tonnes d'éthanol destiné à l'industrie chimique et 60 000 tonnes de riz en franchise de droit).
Droits de douane à l'importation de l'UE et du Mercosur en 2024 et 2040 (avec entrée en vigueur de l'accord)
(en %)
|
|
UE 2024 |
UE 2040 |
Mercosur 2024 |
Mercosur 2040 |
|
Riz |
7,6 |
6,3 (hors quota) |
10,8 |
0 |
|
Blé |
27 |
27 |
9,2 |
9,2 |
|
Céréales |
0 |
0 |
6,5 |
0 |
|
Fruits et légumes |
6,4 |
0,5 |
9,4 |
0,5 |
|
Graines oléagineuses |
0 |
0 |
3,9 |
0 |
|
Sucre |
50,2 |
37,6 (hors quota) |
15,8 |
0,1 |
|
Fibres |
0 |
0 |
5,3 |
0 |
|
Autres cultures |
0,1 |
0 |
5,3 |
0 |
|
Huiles végétales |
0,3 |
0 |
10,1 |
0 |
|
Poissons vivants et frais |
5,7 |
0 |
6,6 |
0,3 |
|
Produits animaux |
11,5 |
8,3 |
1,2 |
0 |
|
Produits laitiers |
16,9 |
0,7 |
20,3 |
5,6 |
|
Boeuf |
32,1 |
25 (hors quota) |
7 |
0 |
|
Autres viandes |
20,2 |
11,2 (hors quota) |
10,8 |
0 |
|
Boissons et tabac |
6,6 |
0 |
21,5 |
0 |
|
Poissons et produits agricoles transformés |
16,6 |
0 |
12,6 |
1 |
|
Bois et papier |
0,4 |
0 |
10,9 |
1,6 |
|
Textile, habillement et cuir |
4,5 |
0 |
23,5 |
2,1 |
|
Minéraux et verre |
0,1 |
0 |
8,5 |
1 |
|
Secteur énergétique |
0 |
0 |
0 |
0 |
|
Produits chimiques |
4,2 |
0 |
8,5 |
2,1 |
|
Secteur pharmaceutique |
0,5 |
0 |
5,4 |
0,7 |
|
Caoutchouc et plastique |
4,6 |
0 |
13,7 |
7,6 |
|
Métaux ferreux |
0,3 |
0 |
11,1 |
0,7 |
|
Autres produits métalliques |
0,6 |
0 |
6,7 |
1,6 |
|
Produits métallurgiques |
2,8 |
0 |
16,1 |
1,8 |
|
Véhicules automobiles |
4,2 |
0 |
19,6 |
0,8 |
|
Équipements de transport |
1,3 |
0 |
3,5 |
1,1 |
|
Équipements électriques |
2,2 |
0 |
13,8 |
3,1 |
|
Ordinateurs |
0,7 |
0 |
9,5 |
0,5 |
|
Machines et équipements |
1,3 |
0 |
11,8 |
0,5 |
|
Autres fabrications |
0,6 |
0 |
14 |
2,2 |
Source : Commission européenne (DG Trade), Economic analysis of the negotiated outcome of the EU-Mercosur partnership agreement, 2025.
Des exclusions sont par ailleurs prévues pour le blé et la viande ovine.
En matière de marchés publics, les parties s'engagent à ouvrir les appels d'offres aux entreprises de l'autre continent.
Au total, selon une étude de la Commission européenne de 20252(*), la mise en oeuvre de l'accord devrait se traduire par une augmentation des exportations de l'UE vers le Mercosur de 39 % (soit 48,7 Mds€), avec des gains particulièrement marqués dans les secteurs de l'automobile, des machines et équipements, ainsi que des produits chimiques. De leur côté, les exportations de biens et services du Mercosur vers l'UE devraient progresser de 16,9 % (8,9 Mds€). Globalement, l'accord devrait accroître le PIB de l'UE de 77,6 Mds€ (+ 0,05 %) et celui du Mercosur de 9,4 Mds€ (+ 0,25 %) d'ici 2040.
B. DES LIGNES ROUGES FRANÇAISES AUXQUELLES IL N'A ÉTÉ QU'IMPARFAITEMENT RÉPONDU
À la suite de la remise du rapport de la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur en 20203(*), le Gouvernement a indiqué que la France ne pourrait approuver un tel accord que sous trois conditions :
- l'accord ne doit pas entraîner une augmentation de la déforestation importée au sein de l'Union européenne ;
- les politiques publiques des pays du Mercosur doivent être pleinement conformes avec leurs engagements au titre de l'Accord de Paris, qui font partie intégrante de l'accord ;
- les produits agroalimentaires importés bénéficiant d'un accès préférentiel au marché de l'Union européenne doivent respecter, de droit et de fait, les normes sanitaires et environnementales de l'Union européenne.
En dépit de modifications apportées à la première version de l'accord, force est de constater que ces lignes rouges françaises n'ont été que partiellement satisfaites.
1. Des « avancées » en matière environnementale et de déforestation en partie contrebalancées par la mise en place d'un mécanisme de rééquilibrage
Les négociations complémentaires menées en 2023 et 2024 ont permis plusieurs avancées en matière environnementale.
Il est ainsi prévu que les parties mettent en oeuvre l'accord de Paris sur le changement climatique, lequel constitue un élément essentiel de l'accord de partenariat UE-Mercosur et de l'accord commercial intérimaire. En cas de retrait d'une partie de l'accord de Paris, ou si celle-ci cessait d'en être partie « de bonne foi », une suspension de l'accord pourrait être envisagée. Si cette mention permet de viser la situation dans laquelle une partie demeurerait formellement membre de l'accord de Paris sans en respecter les obligations, l'expression « de bonne foi » demeure sujette à interprétation. Par ailleurs, comme l'a relevé M. Alan Hervé lors de son audition, d'une part, « très rares sont les décisions ayant effectivement fait l'usage de ces dispositifs, à la fois pour des raisons économiques et diplomatiques », d'autre part, « la décision de suspendre l'accord pourrait éventuellement faire l'objet d'une contestation au titre du mécanisme bilatéral de règlement des différends prévu en matière commerciale ».
Le chapitre sur le commerce et le développement durable (CDD) de l'accord de 2019 a en outre été complété par une annexe prévoyant des engagements en matière de déforestation. Bien que juridiquement contraignants, ces engagements ne sont pas assortis de sanctions commerciales susceptibles d'être prononcées dans le cadre du mécanisme de règlement des différends, à la différence de ce qui a pu être prévu dans les accords avec le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande.
Par ailleurs, en contrepartie de l'ajout de ces stipulations, les États du Mercosur ont obtenu la mise en place d'un « mécanisme de rééquilibrage », inspiré du dispositif de « plainte en situation de non-violation » inscrit à l'article XXIII de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947 (General agreement on tariffs and trade - GATT). Ce mécanisme permet à une partie qui estimerait qu'une mesure prise par l'autre partie serait de nature à annuler ou compromettre gravement les avantages qui lui reviennent en vertu de l'accord, que cette mesure soit ou non contraire aux dispositions de l'accord, de demander une compensation. Une note figurant dans l'accord précise : « il est entendu que le terme “ mesure ” englobe les omissions et les actes législatifs qui n'ont pas été pleinement mis en oeuvre au moment de la conclusion des négociations concernant le présent accord ainsi que les actes d'exécution s'y rapportant ». Plusieurs législations européennes, telles que le règlement sur la déforestation, pourraient ainsi être contestées dans ce cadre.
Par ailleurs, en dépit de cette précision, la notion de « mesure » fait l'objet d'interprétations divergentes entre les parties : s'agit-il des seules mesures qui n'étaient pas prévisibles au 6 décembre 2024 (position européenne) ou certaines mesures mettant en oeuvre des réglementations adoptées entre 2019 et 2023 et concernant des chapitres n'ayant pas fait l'objet de négociations complémentaires sont-elles également concernées (position brésilienne notamment) ? De plus, comme l'a relevé M. Alan Hervé lors de son audition « le libellé des dispositions conventionnelles relatives aux mesures de rééquilibrage manque de clarté et d'intelligibilité », soulevant la question de la compatibilité de ces stipulations avec le principe de sécurité juridique.
En tout état de cause, comme l'indique le présent projet de résolution européenne, ce mécanisme pourrait limiter la capacité de l'UE à prendre de nouvelles mesures environnementales, en contradiction, d'une part, avec les dispositions des articles 11, 168, 169 et 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), des articles 35, 37 et 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et d'autre part, avec le principe d'autonomie du droit de l'Union. En droit interne, l'effet dissuasif de ce mécanisme pourrait être considéré comme une atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale4(*) et devrait, de ce fait, être considéré comme contraire à la Constitution. Ce mécanisme constitue par conséquent un précédent regrettable dont nos partenaires pourront chercher à se prévaloir dans le cadre de négociations d'accords futurs.
Enfin, s'il est fait référence au principe de précaution5(*) dans l'accord6(*), son champ d'application (« un risque de dommages grave pour l'environnement ou pour la santé et la sécurité au travail ») apparaît particulièrement restreint en ce qu'il ne couvre, à tout le moins explicitement, ni la sécurité sanitaire des aliments ni la santé humaine.
2. Un accès au marché commun qui n'est toujours pas conditionné au respect de l'ensemble des normes de production européennes : une absence de clauses miroirs défavorable à l'agriculture européenne
Le site de la représentation de la commission européenne en France reconnaît que : « tous les produits mis sur le marché de l'UE - produits dans l'Union ou importés de pays tiers - doivent respecter les normes sanitaires et phytosanitaires. Ces dernières garantissent que les denrées alimentaires doivent être sûres quelle que soit leur origine, à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire de l'UE. Cela ne signifie toutefois pas que les normes de production soient exactement les mêmes entre un pays tiers et les pays de l'Union européenne ».
En d'autres termes, sauf exceptions pour les réglementations européennes comprenant un article « miroir » (c'est-à-dire étendant l'application aux importations), telles que l'interdiction des antibiotiques et antimicrobiens utilisés comme activateurs de croissance, le respect des règles de production européennes ne sera pas imposé aux importations en provenance des États du Mercosur.
Cette situation, à l'origine d'une distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs, n'est pas acceptable.
La vérification du respect des normes sanitaires et phytosanitaires européennes nécessite en outre un contrôle à deux niveaux :
- sur le territoire des pays du Mercosur, par les services de ces États. Or, les dispositifs mis en place peuvent présenter d'importantes lacunes. Un audit conduit par la Commission européenne en 2024 a ainsi alerté sur le manque de traçabilité de la viande bovine que le Brésil exporte vers l'Union européenne, conduisant à suspendre les exportations de viande de génisse brésilienne. Le nombre d'audits réalisés dans les pays tiers demeure en outre limité. Pour les pays du Mercosur, qui fait partie du champ des audits menés par la Commission depuis 2021, seuls 21 audits ont été menés ;
- à l'entrée sur le territoire européen, par les services douaniers, vétérinaires et phytosanitaires de chaque État membre, avec la question de l'hétérogénéité des dispositifs nationaux de contrôle.
C. UNE PROPOSITION DE RÈGLEMENT RELATIF À L'ACTIVATION DE LA CLAUSE DE SAUVEGARDE EN MATIÈRE AGRICOLE DONT L'EFFECTIVITÉ EST SUJETTE À CAUTION
La clause de sauvegarde bilatérale figurant dans les deux accords (c'est-à-dire l'accord de partenariat et l'accord commercial intérimaire, cf. infra) permet le retrait temporaire des préférences tarifaires afin de contrer les éventuelles incidences négatives des réductions tarifaires, y compris pour les produits dont l'accès au marché est restreint par les limites contenues dans les contingents tarifaires.
La commission a décidé d'assortir ses propositions d'une proposition de règlement portant mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale7(*) censée garantir la mise en oeuvre effective et en temps utile de cette clause pour les produits agricoles. Ce projet de texte comporte des dispositions spécifiques en ce qui concerne 23 produits agricoles sensibles énumérés à l'annexe du règlement, tels que la viande bovine, la volaille, le riz, le miel, les oeufs, l'ail, l'éthanol et le sucre (cf. tableau ci-après)
Dispositions spécifiques prévues par le projet de règlement portant mise en oeuvre de la clause de sauvegarde bilatérale.
Suivi renforcé
La Commission suivra systématiquement l'évolution du marché en ce qui concerne les importations de certains produits agricoles sensibles dans le cadre de l'accord. Sur la base de ces résultats, la Commission enverra au Conseil et au Parlement européen, tous les six mois, un rapport évaluant les incidences de ces importations sur les marchés de l'UE.
Ce suivi régulier et détaillé permettra de détecter tout risque à un stade précoce et d'agir rapidement pour remédier aux incidences négatives potentielles. Ces rapports portent sur le marché de l'Union et, le cas échéant, portent également sur la situation particulière dans un ou plusieurs États membres.
Éléments déclencheurs clairs
La Commission examinera en priorité les cas dans lesquels il y a une forte augmentation des importations ou une baisse des prix intérieurs concentrée dans un ou plusieurs États membres.
En règle générale, la Commission ouvrira une enquête si les prix à l'importation en provenance du Mercosur sont inférieurs d'au moins 10 % aux prix des produits identiques ou concurrents de l'UE et si elle constate : a) une augmentation de plus de 10 % des importations annuelles d'un produit en provenance du Mercosur à des conditions préférentielles ou b) une baisse de 10 % des prix à l'importation de ce produit en provenance du Mercosur, tous par rapport à l'année précédente. Si l'enquête conclut à l'existence d'un préjudice grave (ou d'une menace de préjudice grave), l'UE pourrait retirer temporairement les préférences tarifaires sur les produits causant un préjudice.
Réaction rapide
Dans le cadre de la proposition, la Commission s'engage à :
- ouvrir sans délai une enquête à la demande d'un seul État membre lorsqu'il existe des motifs suffisants ;
- activer des mesures de sauvegarde provisoires dans un délai maximal de 21 jours à compter de la réception de la demande dans les cas les plus urgents s'il existe un risque suffisant de préjudice ;
- l'objectif est de boucler les enquêtes complètes en 4 mois (beaucoup plus rapidement que les 12 mois autorisés par l'APEM).
Source : communiqué de presse de la Commission européenne du 8 octobre 2025
Si cette proposition de règlement renforce et clarifie les modalités de mise en oeuvre de la clause de sauvegarde en matière agricole, son effectivité est discutée par certaines fédérations professionnelles. L'AVEC, fédération des volailles, considère ainsi que cette clause est « illusoire et non-fonctionnelle » au regard « de la structuration actuelle des importations et de la mise en place progressive de nouveaux contingents tarifaires »8(*). La CIBE, qui représente les producteurs européens de betteraves sucrières, fait le même constat9(*). La coordination rurale rappelle quant à elle que la référence au prix « intérieur moyen pertinent de produits similaires ou directement concurrents » tend à lisser des « réalités nationales très contrastées ». Prenant l'exemple du prix du filet de poulet, elle estime qu'un écart de 10 % par rapport au prix moyen de l'UE nécessiterait une différence de 29 % par rapport au prix français10(*).
II. UNE PROCÉDURE DE RATIFICATION FRAGILISANT L'ASSISE DÉMOCRATIQUE DE L'ACCORD ET DONT LA LÉGALITÉ DOIT ÊTRE CONTESTÉE DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
A. EN DÉPIT DE L'OPPOSITION DE PLUSIEURS ÉTATS MEMBRES DONT LA FRANCE, LA COMMISSION EUROPÉENNE A FAIT LE CHOIX DE CONCLURE LES NÉGOCIATIONS PRÉCIPITAMMENT FIN 2024
Négocié depuis 1999, l'accord UE-Mercosur vise deux objectifs : le développement des relations commerciales et la promotion de la coopération et du dialogue politique entre les deux parties. Le 29 juin 2019, la Commission européenne et le Mercosur annoncent avoir abouti à un accord de principe en vue d'un accord commercial.
Les négociations se sont cependant poursuivies en 2023 et 2024 concernant l'ajout d'un instrument additionnel centré sur le développement durable et notamment la lutte contre la déforestation et le changement climatique (accord de Paris).
Face à l'opposition notamment exprimée par l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et la France vis-à-vis de cet accord, la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, a fait le choix du passage en force en concluant les négociations le 6 décembre 2024 à Montevideo, en Uruguay.
Face à l'opposition exprimée par l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et la France notamment, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a fait le choix du passage en force en concluant les négociations le 6 décembre 2024.
B. UNE « SCISSION » DE L'ACCORD CONTRAIRE À LA VOLONTÉ DU CONSEIL
Si les directives de négociation de 1999 n'ont jamais été publiées, une version non-officielle est accessible dans laquelle il apparaît que le Conseil a entendu donner mandat à la Commission pour la négociation d'un accord d'association, comprenant à la fois un volet commercial, relevant de la compétence exclusive de l'UE, et un volet politique.
Le titre XI des directives de négociation prévoyait certes « que les dispositions de l'accord d'association qui relèvent de la compétence de la CE fassent l'objet d'un accord intérimaire conclu par la CE et le Mercosur (et, au besoin, les États qui y sont parties). L'accord intérimaire restera en vigueur jusqu'au moment de l'entrée en vigueur de l'accord d'association », pour autant, cet accord intérimaire est entendu comme un auxiliaire à l'accord d'association, permettant l'application provisoire des dispositions relevant de la compétence exclusive de l'UE.
Par ailleurs, dans ses conclusions sur la négociation et la conclusion d'accords commerciaux de l'UE adoptées le 22 mai 2018, le Conseil a cru bon de préciser que les accords « qui sont actuellement en cours de négociation, comme ceux avec le Mexique, le Mercosur et le Chili, resteront des accords mixtes ».
Pourtant, face au risque de rejet de l'accord faute de ratification par au moins un État membre, et malgré l'opposition de la France notamment11(*), la Commission a décidé de procéder comme elle l'avait déjà fait pour l'accord-cadre avec le Chili en 2022 en présentant, le 3 septembre 2025, deux textes parallèles :
- l'accord de partenariat UE-Mercosur12(*), comprenant à la fois un pilier relatif aux « questions politiques et de coopération » et un pilier concernant le « commerce et les investissements » ;
- l'accord commercial intérimaire13(*), portant uniquement sur la libéralisation des échanges et des investissements. Cet accord a vocation à être abrogé et remplacé par l'accord de partenariat UE-Mercosur une fois que ce dernier aura été ratifié et sera entré en vigueur.
La Commission européenne s'est doublement écartée du mandat de négociation qui lui a été donné par le Conseil.
Ce faisant, la Commission européenne s'est doublement écartée du mandat de négociation qui lui a été donné par le Conseil :
- d'une part, en scindant l'accord en deux, avec un accord commercial constituant un instrument juridique en soi ;
- d'autre part, en proposant la signature et la conclusion d'un accord de partenariat et non d'un accord d'association, comme le prévoyait le mandat de négociation de 1999. Or l'accord d'association est une catégorie juridique particulière d'accords prévue à l'article 217 du TFUE, dont la procédure au Conseil nécessite l'unanimité, conformément à l'article 218 paragraphe 8 du TFUE. En d'autres termes, la Commission européenne a modifié, de sa propre initiative, la base légale de l'accord qu'elle a négocié.
Elle a modifié, de sa propre initiative, la base légale de l'accord qu'elle a négocié afin de permettre un vote de l'accord de partenariat à la majorité qualifiée au Conseil.
Calendrier envisagé de signature des accords
C. UN DÉTOURNEMENT DE PROCÉDURE FRAGILISANT L'ASSISE DÉMOCRATIQUE D'UN ACCORD DÉJÀ FORTEMENT REMIS EN CAUSE ET DONT LA LÉGALITÉ DOIT ÊTRE CONTESTÉE DEVANT LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE
La « scission » de l'accord vise purement et simplement à contourner les Parlements nationaux en garantissant une application du volet commercial quand bien même un ou plusieurs États membres rejetteraient l'accord de partenariat, lequel, du fait de son caractère « mixte », devra être soumis aux Parlements nationaux qui devront en autoriser la ratification.
La « scission » de l'accord vise purement et simplement à contourner les Parlements nationaux.
De même, le changement de base légale opéré par la Commission en proposant un accord de partenariat et non un accord d'association vise à prévenir une éventuelle opposition pouvant être exprimée par un État membre au Conseil. Les propositions de décisions du Conseil relatives à la conclusion, à la signature et à l'application provisoire de l'accord de partenariat indiquent ainsi : « Étant donné que les composantes prépondérantes de l'accord sont la politique commerciale, les transports, la coopération au développement et la coopération économique, financière et technique avec les pays tiers, la règle de vote pour ce cas particulier est donc la majorité qualifiée ».
D'un point de vue démocratique, ce détournement de procédure fragilise encore un peu plus l'assise démocratique d'un accord dont le contenu est fortement contesté par une partie importante de l'opinion publique européenne.
D'un point de vue juridique, comme le relève l'exposé des motifs du présent projet de résolution européenne, « cette décision pourrait dès lors paraître incompatible avec le respect des principes d'attribution, d'équilibre institutionnel et de coopération loyale, consacrés par les articles 4 et 13 du traité sur l'Union européenne ».
De même, ainsi qu'il a été relevé supra, les stipulations des deux accords concernant le principe de précaution et le mécanisme de rééquilibrage soulèvent des questions quant à leur compatibilité avec le TFUE et la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et une possible atteinte à la capacité de l'UE à préserver l'autonomie de son ordre juridique.
Les rapporteurs estiment par conséquent politiquement et juridiquement justifié d'appeler le Gouvernement à saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), comme le prévoit le présent projet de résolution européenne, en se fondant sur les dispositions de l'article 218 alinéa 11 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux termes duquel « Un État membre, le Parlement européen, le Conseil ou la Commission peut recueillir l'avis de la Cour de justice sur la compatibilité d'un accord envisagé avec les traités. En cas d'avis négatif de la Cour, l'accord envisagé ne peut entrer en vigueur, sauf modification de celui-ci ou révision des traités ».
Le 14 novembre dernier, une proposition de résolution a été déposée par 145 de nos collègues eurodéputés issus des groupes Parti populaire européen (PPE), Alliance progressiste des socialistes et démocrates au Parlement européen, Renew Europe (RE), Les Verts/Alliance libre européenne (ALE) et La Gauche (GUE/NGL) pour solliciter l'avis de la CJUE sur la compatibilité avec les traités de l'accord de partenariat et de l'accord commercial intérimaire. A l'instar du présent projet de résolution européenne, ce texte soulève trois moyens à l'appui de sa saisine : i) une incompatibilité du mécanisme de rééquilibrage avec plusieurs dispositions du TFUE et de la Charte des droits fondamentaux de l'UE, ii) une possible remise en cause du principe de précaution, et iii) une scission de l'accord incompatible avec l'article 218 du TFUE. L'examen de cette proposition de résolution n'a cependant pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement européen au motif que le Conseil ne s'était pas encore prononcé sur les propositions de décisions relatives aux accords soumises par la Commission européenne. Cette décision interroge alors que l'article 218 paragraphe 11 du TFUE ne fixe aucune contrainte de cette nature pour la saisine de la CJUE par le Parlement européen.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES ET LA POSITION DE LA COMMISSION
La commission des affaires européennes a adopté un amendement de Daniel Gremillet et Didier Marie, rapporteurs, visant à préciser que les garanties prétendument offertes par la Commission européenne en matière agricole se bornent à préciser les modalités de recours à la clause de sauvegarde bilatérale négociée en 2019, cette dernière n'ayant vocation qu'à offrir un sursis aux filières de production, en atténuant de manière temporaire et exceptionnelle les conséquences de l'accord, sans en modifier l'économie générale.
Réunie le 26 novembre 2025, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté 8 amendements des rapporteurs tendant à :
- rappeler qu'en l'absence de clauses miroirs, la mise en oeuvre de l'accord UE-Mercosur se traduira par une distorsion de concurrence au détriment de l'agriculture européenne (COM. 5) ;
- déplorer qu'en proposant la signature, la conclusion et la mise en oeuvre provisoire d'un accord de partenariat plutôt que d'un l'accord d'association, la Commission se soit manifestement écartée de son mandat de négociation (COM. 7) ;
- s'interroger sur la compatibilité du mécanisme de rééquilibrage avec les principes d'autonomie de l'ordre juridique de l'Union européenne et de sécurité juridique et, en droit interne, sur une éventuelle atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale que pourrait constituer ce mécanisme (COM. 8) ;
- préciser la rédaction des alinéas 26 (COM. 1), 34 (COM. 2), 36 (COM. 3), 38 (COM. 4) et 41 (COM. 6).
Elle a par ailleurs adopté le présent projet de résolution européenne ainsi modifié.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 26 novembre, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport a procédé à l'examen du rapport de M. Pascal Allizard et Mme Gisèle Jourda, et du texte de la commission sur la proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies C du Règlement n° 99 (2025-2026), visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.
M. Philippe Paul, président. - Nous examinons à présent la proposition de résolution européenne visant à demander au Gouvernement de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Ce projet de résolution européenne, déposé par nos collègues Jean-François Rapin, Dominique Estrosi Sassone et Cédric Perrin, vise à demander au Gouvernement de saisir la CJUE pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.
Cet accord, dont les négociations ont débuté en 1999, a vocation à succéder à un accord-cadre conclu en 1995.
Côté Mercosur, il prévoit une libéralisation de 91 % des droits de douane sur les importations en provenance de l'Union européenne (UE). Pour les produits non entièrement libéralisés, le Mercosur devra accorder un accès supplémentaire au marché sous forme de réductions tarifaires supplémentaires ou de contingents tarifaires : 30 000 tonnes pour les fromages, 10 000 tonnes pour le lait en poudre ou encore 5 000 tonnes pour le lait infantile. L'accord prévoit également la reconnaissance de 350 indications géographiques européennes.
Côté européen, la mise en oeuvre de l'accord se traduira par la suppression de 92 % des droits de douane. Pour les produits non entièrement libéralisés, l'UE accordera également des contingents tarifaires ou des réductions partielles. Cela concernera notamment les produits agricoles, avec des quotas de 99 000 tonnes de boeuf au taux de 7,5 %, 180 000 tonnes de volaille, 16 millions de tonnes de sucre, 450 000 tonnes d'éthanol destiné à l'industrie chimique et 60 000 tonnes de riz en franchise de droits. Certaines exclusions sont toutefois prévues, notamment pour le blé et la viande ovine.
En matière de marchés publics, les parties s'engagent à ouvrir les appels d'offres aux entreprises de l'autre continent.
Au total, selon une étude de la Commission européenne de 2025, la mise en oeuvre de l'accord entraînerait une hausse de 39 % des exportations européennes vers le Mercosur, avec des gains particulièrement importants dans les secteurs de l'automobile, des machines et équipements ou encore de la chimie.
De leur côté, les exportations du Mercosur vers l'UE progresseraient de 16,9 %. Globalement, l'accord augmenterait le PIB de l'UE de 0,05 % et celui du Mercosur de 0,25 % d'ici à 2040.
À la suite de la remise du rapport de la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur en 2020, le Gouvernement a indiqué que la France ne pourrait approuver cet accord qu'à trois conditions : qu'il n'entraîne pas d'augmentation de la déforestation importée au sein de l'Union ; que les politiques publiques des pays du Mercosur soient pleinement conformes à leurs engagements au titre de l'accord de Paris ; enfin, que les produits agroalimentaires bénéficiant d'un accès préférentiel au marché européen respectent, en droit comme en pratique, les normes sanitaires et environnementales de l'Union.
En dépit des modifications apportées à la première version de l'accord, force est de constater que ces lignes rouges françaises n'ont été que très partiellement respectées.
Certes, l'accord de Paris est désormais un élément essentiel de l'accord de partenariat UE-Mercosur et de l'accord commercial intérimaire, qui prévoit, en cas de retrait ou de non-application « de bonne foi » de l'accord de Paris, une possibilité de suspendre l'accord avec le Mercosur. Le caractère flou de la notion de « partie de bonne foi » ouvre toutefois la porte à des divergences d'interprétation.
Par ailleurs, le chapitre « Commerce et développement durable » a été complété par une annexe prévoyant des engagements en matière de lutte contre la déforestation. Bien que juridiquement contraignants, ces engagements ne sont cependant assortis d'aucune sanction commerciale, ce qui en limite la portée.
Surtout, en contrepartie de ces ajouts, les États du Mercosur ont obtenu la création d'un « mécanisme de rééquilibrage », permettant à une partie de demander une compensation si elle estime qu'une mesure prise par l'autre porterait atteinte aux avantages prévus par l'accord.
Or la notion même de « mesure » fait l'objet d'interprétations divergentes et, comme le souligne le projet de résolution, ce mécanisme pourrait limiter la capacité de l'UE à adopter de nouvelles normes environnementales, en contradiction avec plusieurs dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de la Charte des droits fondamentaux, mais également avec les principes d'autonomie de l'ordre juridique de l'Union européenne et de sécurité juridique.
En droit national, l'effet dissuasif de ce mécanisme pourrait en outre constituer une atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et, par conséquent, être contraire à notre Constitution.
Concernant le principe de précaution, s'il est bien mentionné, son champ d'application apparaît très restreint : il ne couvre explicitement ni la sécurité sanitaire des aliments ni la santé humaine.
Enfin - et c'est un point majeur -, sauf exception pour certains règlements européens dotés d'un article « miroir », comme l'interdiction des antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance, les règles européennes de production ne seront pas imposées aux importations provenant du Mercosur.
Cette situation, source de distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs, n'est pas acceptable.
J'ajoute que le règlement proposé par la Commission, qui vise à « opérationnaliser » la clause de sauvegarde bilatérale figurant dans l'accord, qui permet le retrait temporaire des préférences tarifaires en cas de danger avéré pour certaines filières, ne semble qu'imparfaitement répondre aux inquiétudes du monde agricole.
Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, et pour celles que notre collègue Gisèle Jourda développera concernant la procédure retenue par la Commission, nous vous proposons d'adopter la présente proposition de résolution, telle qu'amendée par les modifications que nous vous soumettrons dans quelques instants.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Comme vient de le rappeler Pascal Allizard, le contenu de l'accord entre l'UE et le Mercosur est contestable en soi, notamment au regard des risques qu'il comporte pour l'environnement et pour l'agriculture européenne.
Mais, au-delà de ces enjeux de fond, la procédure de ratification retenue par la Commission européenne fragilise la légitimité démocratique de l'accord UE-Mercosur et sa légalité doit, selon nous, être examinée par la CJUE.
Tout d'abord, malgré l'opposition exprimée par plusieurs États membres, dont l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et la France, la Commission européenne a choisi d'aller au bout des négociations, de manière précipitée, fin 2024.
Alors que l'accord était discuté depuis 1999, et que des échanges se poursuivaient encore en 2023 et 2024 sur un instrument additionnel concernant le développement durable, Ursula von der Leyen a décidé de conclure les négociations le 6 décembre 2024 à Montevideo. C'est un passage en force, qui a ignoré les réserves exprimées par plusieurs gouvernements.
Ensuite, la Commission a décidé de « scinder » l'accord, alors même que cela ne correspond pas au mandat fixé par le Conseil.
En 1999, celui-ci avait demandé la négociation d'un accord d'association - c'est-à-dire commercial et politique - relevant à la fois des compétences exclusives et partagées. Il avait même rappelé en 2018 que les accords avec le Mexique, le Mercosur ou le Chili devaient rester des accords mixtes, devant par conséquent être ratifiés par l'ensemble des États membres.
Pourtant, le 3 septembre 2025, la Commission a présenté deux textes séparés : un accord de partenariat incluant les volets politique et commercial, et un accord commercial intérimaire, centré uniquement sur la libéralisation des échanges. Ce faisant, elle s'est écartée du mandat de négociation que lui avait confié le Conseil sur deux points essentiels.
D'une part, elle a transformé l'accord intérimaire en véritable accord autonome, alors qu'il ne devait être qu'un auxiliaire de l'accord d'association.
D'autre part, elle a proposé la signature et la conclusion d'un accord de partenariat et non d'un accord d'association, comme le prévoyait le mandat de négociation de 1999. Or l'accord d'association est une catégorie juridique particulière prévue à l'article 217 du TFUE, dont la procédure au Conseil requiert l'unanimité.
En d'autres termes, la Commission européenne a modifié, de sa propre initiative, la base légale de l'accord qu'elle a négocié pour pouvoir éviter un éventuel veto d'un État membre.
Au fond, cette scission vise à contourner les Parlements nationaux et les États membres : le volet commercial pourrait s'appliquer quand bien même un ou plusieurs États refuseraient de ratifier l'accord de partenariat.
En affaiblissant ainsi le rôle des États membres, cette méthode réduit encore un peu plus l'assise démocratique d'un accord déjà largement contesté par l'opinion publique.
D'un point de vue juridique, cette démarche soulève de nombreux doutes. Comme le rappelle le projet de résolution, elle pourrait contrevenir aux principes d'attribution, d'équilibre institutionnel et de coopération loyale prévus par les traités.
S'y ajoutent les interrogations sur le principe de précaution, ainsi que sur le mécanisme de rééquilibrage, qui pourrait limiter la capacité de l'Union à prendre de nouvelles mesures environnementales, comme l'a déjà indiqué Pascal Allizard.
C'est pourquoi nous estimons qu'il est politiquement et juridiquement justifié de saisir la CJUE, conformément à l'article 218, alinéa 11 du TFUE. La CJUE pourra alors dire si ces accords sont compatibles ou non avec les traités.
D'ailleurs, 145 eurodéputés issus de 5 groupes et de 21 nationalités avaient déjà demandé cette saisine le 14 novembre dernier. Il est regrettable que cette proposition de résolution de nos collègues eurodéputés n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour du Parlement européen, au motif que la procédure n'en était pas encore au stade du Parlement.
Mes chers collègues, la balle est donc désormais dans le camp des États membres, qui ont la possibilité de saisir la CJUE sur ces différentes questions. Tel est l'objet de la présente proposition de résolution européenne.
Mme Michelle Gréaume. - Le débat relatif à l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur est devenu, depuis 2019, un débat global sur notre agriculture. Par manque de cohérence, le Président de la République a alterné déclarations de refus et signaux d'ouverture diplomatique, avant de se dire « plutôt positif » lors de son déplacement à Belém début novembre. Cette évolution erratique a brouillé la ligne française et donné le sentiment que notre pays pourrait finir par accepter une version amendée de l'accord. Les syndicats agricoles, les ONG et de nombreux parlementaires dénoncent ces reniements.
Pendant ce temps, la Commission européenne accélère. Elle pousse un accord commercial intérimaire, scindé du volet politique, qui entrerait en vigueur sans ratification nationale, contournant ainsi les parlements. Or, les risques pour nos filières agricoles sont concrets. Pour la viande bovine, il s'agit de 99 000 tonnes sud-américaines, avec un coût de production de 30 % inférieur et l'usage d'hormones, entraînant une perte de valeur pour les éleveurs. Pour les volailles, ce sont des volumes massifs à bas coût, avec des normes sanitaires plus faibles. Pour le sucre et l'éthanol, ce sont des importations qui mettent en péril les coopératives et les usines françaises.
Il y a aussi des risques pour la santé publique : l'importation de produits utilisant des pesticides interdits en Europe expose nos concitoyens à des résidus toxiques, tout comme l'usage massif d'antibiotiques dans les filières bovines et avicoles, qui favorise la propagation de souches résistantes, un danger réel rappelé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ces flux commerciaux ne sont pas seulement des chiffres : ils signifient moins de revenus pour nos agriculteurs, des exploitations en difficulté et des familles contraintes de renoncer à leur métier. Derrière chaque tonne importée, il y a des vies et des parcours agricoles menacés.
À travers ce projet de résolution européenne, nous proposons clairement de nous opposer à la signature et à l'application provisoire de l'accord, puis de saisir la CJUE pour contester la légalité de la scission du traité et garantir un débat démocratique. C'est un acte de protection pour nos agriculteurs, pour la santé des citoyens et la cohérence de nos engagements climatiques. C'est aussi un acte de démocratie qui réaffirme que les parlements nationaux doivent être consultés. Notre devoir est de défendre nos agriculteurs, nos concitoyens et la parole donnée par la France.
M. Didier Marie. - Je félicite nos rapporteurs, qui ont dû travailler dans l'urgence. Bien que l'accord avec le Mercosur soit sur la table des négociations depuis 1999, Mme von der Leyen et la présidence danoise ont décidé d'accélérer son calendrier de ratification, dans un contexte de revirement de la Commission européenne sur toute une série de mesures visant à accélérer la libéralisation de notre économie et de nos relations commerciales internationales, au nom de la géopolitique et de la compétitivité. Je pense, entre autres, à la remise en cause du devoir de vigilance et du reporting extrafinancier, ou encore au renvoi aux calendes grecques de la loi sur la déforestation.
Nos rapporteurs ont eu raison de souligner les tergiversations de l'exécutif. Totalement opposé à cet accord dans un premier temps, il a ensuite dit qu'il n'était pas si mal... Enfin, lors des dernières questions d'actualité au Gouvernement, le ministre des affaires européennes a déclaré que le compte n'y était pas et qu'il restait des lignes rouges : clause de sauvegarde renforcée, mesures miroirs pour lutter contre les pesticides et protéger l'alimentation animale, renforcement des contrôles sanitaires.
On ne sait toujours pas quelle position l'exécutif défendra au Conseil. On sait en revanche qu'il ne peut plus réunir une minorité de blocage, comme il l'avait imaginé un temps.
La CJUE reste donc l'un des derniers moyens de s'opposer à la ratification de cet accord, et c'est pourquoi il est absolument nécessaire de pousser l'exécutif dans ses retranchements. Malheureusement, cette démarche ne sera pas suspensive, seul le Parlement européen ayant la faculté, s'il vote une résolution permettant de saisir la CJUE, de suspendre la ratification.
En effet, le Parlement doit délibérer et, tant que la CJUE ne s'est pas prononcée, il ne peut pas le faire, ce qui signifie un report de la ratification de plusieurs mois.
Cette volonté de passage en force de la Commission pose tout d'abord un problème de fond, car, manifestement, nous ne sommes pas d'accord avec les termes de cet accord. Elle pose aussi un problème institutionnel, car la Commission européenne contourne les textes et l'avis du Conseil européen, les États membres devant voter à la majorité qualifiée sur un accord de partenariat, et non à l'unanimité sur un accord d'association. Elle contourne aussi les parlements nationaux, qui n'auront plus à s'exprimer sur le sujet.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette démarche de saisine de la CJUE.
M. Rachid Temal. - Ce texte est assez symptomatique des deux mandats présidentiels, qui ont commencé à la Sorbonne sur les questions européennes et se terminent avec une France totalement affaiblie.
La Commission européenne se sent de plus en plus puissante, sur ce sujet comme sur d'autres, en particulier la défense. On voit bien qu'il y a un dysfonctionnement, mais les États membres en sont aussi responsables, puisqu'ils laissent de plus en plus de marges d'action à la Commission.
Nous avons parfaitement raison d'entreprendre cette démarche, mais il serait bon, aussi, qu'une puissance comme l'Europe réfléchisse à sa vision du commerce international. En nous opposant, sans doute pour de bonnes raisons, aux accords avec le Canada et le Mercosur, prenons garde à ne pas apparaître comme un continent fermé qui ne voudrait commercer avec personne. D'autant que la Commission, dans le même temps, continue de signer des accords, notamment avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean). Quel modèle de commerce international voulons-nous porter dans le monde de demain ?
M. Alain Joyandet. - La Commission a outrepassé ses droits par rapport au mandat qui lui avait été donné par le Conseil, instance démocratique de l'Union européenne. C'est une façon de contourner les intérêts des États membres, et c'est très grave. C'est un événement de plus qui contribue à éloigner les peuples des institutions européennes et qui alimente le doute sur la légitimité des décisions qu'elles peuvent prendre. Il relance aussi le débat, pertinent, entre une Europe fédérale qui se construit petit à petit et l'Europe des nations, que nous sommes plusieurs ici à vouloir privilégier. À mes yeux, la résolution devrait rappeler encore plus fermement la nécessité pour la Commission européenne de respecter le Conseil, qui, je le redis, est une institution démocratique.
La décision de saisir la juridiction européenne, que j'encourage, ne sera pas suspensive. Existe-t-il une jurisprudence en la matière ? Des procédures de ce type ont-elles déjà été engagées, et pour quels résultats ? Avons-nous la moindre chance de voir aboutir cette procédure ou allons-nous, une fois de plus, ne faire que ralentir un processus qui, de toute façon, ira jusqu'à son terme ? Je songe notamment aux agriculteurs français, qui sont particulièrement concernés par ce dossier.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Non, il n'y a pas de précédent. C'est un peu un saut dans l'inconnu, mais il faut le faire.
M. Mickaël Vallet. - Voilà une manifestation supplémentaire, loin d'être inédite, du caractère « adémocratique » de la Commission européenne. En continuant de la sorte, nous allons finir par tuer l'idée européenne, qui, depuis plusieurs siècles, est basée sur une culture des libertés publiques qui respecte l'apport des minorités à la majorité.
Ce n'est pas la première fois que cela arrive, mais l'opinion publique et les parlements ne s'en émeuvent que maintenant. Dans des temps pas si lointains, on a fait revoter les Irlandais jusqu'à ce qu'ils acceptent le bon traité. On a fait avaler par le Parlement français réuni en Congrès ce que les Français avaient rejeté par référendum en 2005. On laisse Mme von der Leyen se piquer de questions de défense alors qu'elle n'en a absolument pas la compétence. On a laissé l'Eurogroupe et l'excellent Jean-Claude Juncker commettre un coup d'État monétaire en Grèce sans que cela émeuve grand monde, un exemple dont M. Trump s'inspire aujourd'hui en Argentine...
Je me félicite de constater que le Parlement français, de manière transpartisane, ouvre les yeux sur les méthodes autoritaires de la Commission, même si elles se cachent derrière le sourire de façade de Mme von der Leyen. Comme le disait Philippe Séguin, visionnaire sur le sujet il y a trente-cinq ans, mais qui avait raison tout seul : la France n'est pas n'importe quel pays et la France n'est pas le Dakota du Sud. Encore faut-il que la France elle-même ne s'éloigne pas du fait démocratique. Or, plus le temps passe, moins nous avons de leçons à donner en la matière.
Jean-Claude Juncker déclarait qu'aucun choix démocratique n'était possible face aux traités européens. Il va bien falloir tôt ou tard remettre les choses au carré du point de vue des parlements nationaux !
M. Guillaume Gontard. - Nous voterons évidemment cette résolution, qui pose aussi la question de la perte d'influence de la France au niveau européen.
S'agissant du Mercosur, les premières manifestations datent de 1999. Cet accord est contesté depuis longtemps, et nous avons eu de nombreuses possibilités de l'arrêter ou d'agir sur ses orientations. Nous payons aussi le manque de clarté de nos positions politiques sur ce traité.
Aujourd'hui, je me réjouis de constater que nous percevons ses dangers, notamment pour notre agriculture, et que nous tentons collectivement de nous y opposer. C'est aussi la démonstration que l'autorégulation des marchés par la compétitivité conduit toujours à la dégradation de la biodiversité, à la surexploitation des sols et à la malbouffe. Cet accord reste prisonnier du monde d'avant, fruit d'errances productivistes en totale contradiction avec les enjeux climatiques.
Il doit aussi nous conduire à nous interroger sur la manière dont nous comptons peser sur la révision à venir de la PAC. J'espère que, collectivement, nous serons beaucoup plus clairs sur ce que nous souhaitons pour l'agriculture française et européenne.
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous voterons bien entendu cette résolution des deux mains.
La France a toujours défendu l'idée que le paquet commercial devait demeurer joint au paquet investissement, seule façon pour que les parlements nationaux puissent se prononcer. J'ai moi-même tenu cette position dans les conseils des ministres du commerce de l'Union européenne de 2017 à 2019. On ne peut que regretter que le Parlement européen, ces derniers jours, ait déclaré irrecevables des résolutions qui visaient à saisir la CJUE. Nous encourageons donc le Gouvernement à le faire au titre de ses prérogatives nationales.
Nous sommes tous membres de formations politiques représentées au niveau européen, et il est utile aussi que nous agissions sur le front de la diplomatie parlementaire. J'ai le souvenir de discussions parfois tendues avec mes homologues du PSOE en Espagne ou du SPD en Allemagne, qui étaient très enthousiastes à l'idée de conclure un tel accord. Il est donc utile que nous puissions porter notre message auprès des différentes formations politiques européennes.
Puisqu'il a été fait référence au discours de la Sorbonne, je note toutefois que la France a pu peser utilement pour réorienter en partie la politique commerciale de l'UE. J'ai notamment en tête toutes les dispositions relatives au contrôle des investissements étrangers sur le continent européen. Longtemps, la France a été vue comme la patrie colbertiste de service qui faisait du protectionnisme. Mais c'est grâce à un certain nombre d'idées françaises que l'Europe est aujourd'hui mieux armée pour faire face à des tentatives de prises de contrôle de brevets ou d'entreprises.
M. Philippe Paul, président. - Venons-en à l'examen des amendements.
Les amendements de précision COM-1, COM-2, COM-3 et COM-4 sont adoptés.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - L'amendement COM-5 vise à préciser que, en l'absence de clauses miroirs, et compte tenu des écarts constatés dans les normes sanitaires et phytosanitaires, la mise en oeuvre de l'accord se traduira par une distorsion de concurrence au détriment de l'agriculture européenne.
L'amendement COM-5 est adopté.
L'amendement de précision COM-6 est adopté.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - En proposant la signature, la conclusion et la mise en oeuvre provisoire d'un accord de partenariat, et non d'un accord d'association, la Commission européenne s'est manifestement écartée du mandat de négociation qui lui avait été donné par le Conseil. Nous entendons dénoncer cette dérive à travers l'amendement COM-7.
L'amendement COM-7 est adopté.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise, premièrement, à s'interroger sur la compatibilité du mécanisme de rééquilibrage prévu dans l'accord avec les principes d'autonomie de l'ordre juridique de l'Union européenne et de sécurité juridique, et à signaler en outre qu'il est susceptible de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.
L'amendement COM-8 est adopté.
La proposition de résolution européenne est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Audition conjointe
- Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle, énergétique et numérique - direction générale du Trésor :
· Mme Sabine LEMOYNE de FORGES, sous-directrice de la politique commerciale et de l'investissement ;
· M. Timothée HURE, chef du bureau règles internationales du commerce et de l'investissement ;
· M. Sofien ABDALLAH, conseiller parlementaire et relations institutionnelles ;
· M. Thibault ALIX, adjoint au chef du bureau politique commerciale, stratégie et coordination.
- Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne :
· M. Hubert BRETHEAU, conseiller financier au service économique commercial et financier
- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères :
· M. Timothée TRUELLE, sous-directeur des relations extérieures de l'Union européenne ;
· Mme Clémence BOULLANGER, rédactrice politique commerciale de l'Union européenne.
- M. Alan Hervé, professeur de droit public et responsable du master Europe et affaires mondiales de l'Institut d'études politiques de Rennes.
* 1 La Bolivie, dont l'adhésion est intervenue en 2024, n'est pas incluse dans l'accord. Le Venezuela a quant à lui été suspendu indéfiniment en 2017.
* 2 Commission européenne (DG Trade), Economic analysis of the negotiated outcome of the EU-Mercosur partnership agreement, 2025.
* 3 https://www.info.gouv.fr/communique/11745-remise-du-rapport-de-la-commission-d-evaluation-du-projet-d-accord-ue-mercosur
* 4 Décision n° 2005-524/525 DC du 13 octobre 2005.
* 5 Le principe de précaution est inscrit à l'article 191 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui dispose : « La politique de l'Union dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l'Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur ».
* 6 « Dans les cas où les données ou informations scientifiques sont insuffisantes ou non concluantes et où il existe un risque de dommage grave pour l'environnement ou pour la santé et la sécurité au travail sur son territoire, une partie peut adopter des mesures sur la base du principe de précaution ».
* 7 COM(2025) 639 final.
* 8 https://avec-poultry.eu/news/explaining-why-the-safeguard-clause-in-the-mercosur-agreement-fails-to-protect-the-eu-poultry-meat-sector/
* 9 https://www.cibe-europe.eu/Data/Files/198-25_CEFS-CIBE_Press_Release_Mercosur_BilateralSafeguards.pdf
* 10 https://www.coordinationrurale.fr/lactualite/infos-et-aides-agricoles/reglementation-et-controles/clauses-sauvegarde-ue-mercosur/
* 11 Le 21 juin 2023, devant le Sénat, Mme Chrysoula Zacharopoulou, alors secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux, avait clairement indiqué l'opposition de la France au projet de scission de l'accord : « au vu des enjeux, nous nous opposons à la scission de l'accord. Nous souhaitons que celui-ci soit présenté aux parlements nationaux ».
* 12 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, et à l'application provisoire de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 356 final, et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord de partenariat entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 357 final.
* 13 Proposition de décision du Conseil relative à la signature, au nom de l'Union européenne, de l'accord intérimaire sur le commerce entre l'Union européenne, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 338 final, et proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de l'Union européenne, de l'accord intérimaire sur le commerce entre l'Union européenne, d'une part, et le Marché commun du Sud, la République argentine, la République fédérative du Brésil, la République du Paraguay et la République orientale de l'Uruguay, d'autre part, COM(2025) 339 final.
