N° 230
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 décembre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition de
résolution européenne au nom de la commission des affaires
européennes,
en application de l'article 73 quinquies B du
Règlement, sur la proposition de
règlement du Parlement
européen et du Conseil établissant
un système commun
en
matière de retour
des ressortissants de pays
tiers en séjour irrégulier
dans l'Union, et abrogeant
la directive 2008/115/CE du
Parlement européen
et du
Conseil, la directive
2001/40/CE du Conseil et la
décision 2004/191/CE
du
Conseil (COM(2025) 101 final), la
proposition de règlement
du Parlement européen et du
Conseil modifiant le règlement
(UE) 2024/1348 en ce qui concerne
l'établissement d'une liste
des pays d'origine
sûrs au niveau de
l'Union (COM(2025) 186 final) et la
proposition de règlement
du Parlement européen
et du
Conseil modifiant le règlement
(UE) 2024/1348 en ce qui concerne
l'application du concept de
« pays tiers sûr » (COM(2025) 259
final),
Par MM. David MARGUERITTE et Olivier BITZ,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Laurence Harribey, Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. Jean-Baptiste Blanc, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Thani Mohamed Soilihi, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Anne-Sophie Patru, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
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Sénat : |
149 et 231 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
Le 11 mars 2025, la Commission européenne a présenté une proposition de règlement tendant à réviser la directive 2008/115/CE, dite « retour », qui fixe les règles européennes communes en matière d'éloignement des étrangers en situation irrégulière.
La commission des affaires européennes du Sénat a adopté1(*), le 20 novembre 2025, la proposition de résolution européenne n° 149 (2025-2026) relative à la proposition de règlement « retour » ainsi qu'à deux propositions de règlement en matière d'asile.
En ce qui concerne la proposition de règlement « retour », la proposition de résolution européenne, dans la continuité de la résolution du 27 juin 20252(*), rappelle l'opposition du Sénat au recours à un règlement et à la reconnaissance mutuelle obligatoire des décisions de retour.
Elle approuve en revanche le principe d'une révision de la directive « retour », qui doit être l'occasion de rendre plus efficaces et opérationnelles les procédures d'éloignement. La proposition de résolution affirme le soutien du Sénat à certaines avancées, à l'instar de la prise en compte des problématiques d'ordre public, du renforcement des moyens à la disposition des autorités pour l'identification des étrangers ou encore de la possibilité d'éloigner un étranger dans un autre État que celui dont il est ressortissant. Elle émet en revanche des réserves sur certaines dispositions qui tendent à créer des contraintes supplémentaires pour les autorités, à rebours de l'objectif de simplification et d'effectivité des procédures d'éloignement.
En matière d'asile, la proposition de résolution européenne approuve la modification des règles relatives aux pays d'origine sûrs ainsi que la liste européenne de ces pays. Elle soutient également l'élargissement du concept de « pays tiers sûr », qui n'est pas appliqué par la France, tout en notant les réserves des autorités françaises quant à la suppression de l'exigence d'un « lien de connexion ».
Partageant l'orientation de la proposition de résolution, la commission des lois l'a adoptée avec neuf amendements présentés par ses rapporteurs, David Margueritte et Olivier Bitz.
I. LA RÉVISION DE LA DIRECTIVE « RETOUR » : UNE OCCASION DE RENFORCER L'EFFICACITÉ DES PROCÉDURES D'ÉLOIGNEMENT
A. UN SOUTIEN AU PRINCIPE D'UNE RÉVISION DE LA DIRECTIVE « RETOUR »
1. La directive « retour » a eu des conséquences importantes sur le droit français de l'éloignement
La directive 2008/115/CE3(*), dite « retour », a pour objet l'harmonisation des règles et des procédures en matière d'éloignement des étrangers non ressortissants d'un État de l'Union européenne en situation irrégulière.
La directive donne ainsi une définition commune de la décision de « retour » et fixe des exigences procédurales minimales, comme l'obligation de prévoir un délai de retour volontaire ou la faculté d'introduire un recours contre la décision de retour. Elle encadre également le recours aux mesures de contrainte, comme l'assignation à résidence et la rétention administrative.
La loi du 16 juin 20114(*) a procédé à la transposition des dispositions de la directive « retour ». Tel est notamment le cas du délai de départ accordé à l'étranger pour quitter volontairement le territoire européen, qui traduit la priorité donnée par la directive au « départ volontaire », sauf dans des cas limitativement énumérés5(*). Il s'en est suivi la création de l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec délai de départ volontaire, qui constitue désormais la mesure d'éloignement la plus souvent prononcée.
L'interprétation de la directive faite subséquemment par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a eu des conséquences d'ampleur sur le droit français.
Après que la CJUE a jugé que la directive
« retour » s'opposait à ce que le séjour
irrégulier soit réprimé par une peine d'emprisonnement
sans que la procédure de retour ait été menée
à son terme6(*),
la loi du 31 décembre 20127(*) a abrogé le délit de séjour
irrégulier et créé la retenue pour vérification du
droit au séjour (RVDS). La solution dégagée par la CJUE a,
par la suite,
été étendue par la Cour de
cassation aux délits réprimant l'absence de coopération ou
l'obstruction à l'exécution d'une mesure
d'éloignement8(*), privant largement ceux-ci de leur portée.
En outre, dans son arrêt ADDE de 20239(*), la CJUE a jugé que la directive « retour » était applicable à tout étranger interpellé à la frontière française, même en cas de rétablissement du contrôle aux frontières intérieures. Remettant en cause la doctrine française de contrôle aux frontières intérieures, cette décision a limité drastiquement les possibilités d'édiction de refus d'entrée, avec pour conséquence un alourdissement considérable de la charge procédurale pour les services de l'État10(*).
Un droit français plus restrictif en ce qui concerne les mineurs et la rétention
Alors que la directive « retour » permet l'éloignement et, sous certaines conditions, le placement en rétention administrative des mineurs non accompagnés, une telle faculté n'est pas prévue par le droit français : il s'agit d'un choix politique, qui ne procède pas d'une norme supérieure. Depuis la loi du 26 janvier 2024, et à l'exception de Mayotte, l'article L. 741-5 du CESEDA interdit également la rétention des mineurs accompagnant des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement, qui demeure permise par la directive.
La durée maximale de la rétention administrative est en revanche limitée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Si la directive « retour » prévoit une durée maximale de 18 mois, sans considération de dangerosité, le droit français prévoit aujourd'hui que celle-ci n'excède pas 90 jours ou, pour les étrangers condamnés pour des activités terroristes, six mois. Le Conseil constitutionnel a jugé excessives une durée maximale de 18 mois pour ces derniers (n° 2011-631 DC du 9 juin 2011) comme son allongement à 210 jours pour les étrangers condamnés pour des infractions graves ou présentant une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public (n° 2025-895 DC du 7 août 2025).
2. Un consensus sur la nécessité d'une révision du cadre européen afin de renforcer l'effectivité des politiques d'éloignement
Au regard des difficultés persistantes d'éloignement des étrangers en situation irrégulière, la révision de la directive « retour » est envisagée depuis plusieurs années par la Commission européenne et par une majorité d'États membres11(*).
En effet, le nombre d'éloignements demeure largement en deçà des objectifs, tant en France qu'à l'échelle de l'Union européenne. Cette incapacité à assurer l'éloignement des étrangers en situation irrégulière porte atteinte à la crédibilité des politiques migratoires et au pacte social, dans un contexte où la pression migratoire demeure particulièrement forte.
Nombre de décisions de retour dans l'Union
européenne (en milliers)
et taux d'exécution
Source : commission des lois d'après données du Service de recherche du Parlement européen et d'Eurostat
Comme la commission des affaires européennes, la commission des lois approuve le principe de la révision de la directive « retour ». Elle considère que cette révision devrait permettre de lever certains des principaux facteurs d'échec des procédures d'éloignement que sont l'impossibilité d'identifier la nationalité des intéressés (due souvent à des comportements d'obstruction de leur part) ainsi que la coopération insuffisante de la part des États tiers en matière de réadmission de leurs ressortissants.
La commission considère comme primordiales la simplification des procédures d'éloignement ainsi que la prise en compte des étrangers présentant une menace pour l'ordre public, largement absente du droit de l'Union européenne.
Le pacte sur la migration et l'asile et la lutte contre l'immigration irrégulière
Si la proposition de règlement « retour » ne fait pas partie du pacte européen sur la migration et l'asile, elle s'inscrit dans le prolongement de l'approche globale promue par le pacte.
Ce dernier renforce notamment les contrôles aux frontières extérieures de l'Union, en instituant un dispositif de filtrage des personnes franchissant irrégulièrement ces frontières, pouvant mener à une procédure d'asile à la frontière aux délais réduits (12 semaines) au terme de laquelle, en cas de rejet, les personnes sont renvoyées dans leur pays d'origine ou un pays de transit.
En outre, le nouveau règlement « Eurodac »12(*) élargit les finalités de la base de données éponyme au contrôle de l'immigration irrégulière. Afin de faciliter leur identification, les données des étrangers en situation irrégulière y seront désormais systématiquement enregistrées en cas d'interpellation, le règlement permettant le recours à la contrainte pour le relevé de leurs données biométriques.
B. UNE OPPOSITION RÉITÉRÉE AU RECOURS À UN RÈGLEMENT ET À LA CRÉATION D'UN SYSTÈME COMMUN EN MATIÈRE DE RETOUR
Dans la continuité de la résolution portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement adoptée le 27 juin dernier, la proposition de résolution européenne rappelle l'opposition du Sénat au recours à un règlement ainsi qu'à l'institution d'un système européen commun en matière de retour, qui en constitue la justification principale.
L'intérêt de la création d'un tel système commun, dont les deux déclinaisons principales sont la création d'une décision de retour européenne ainsi que la reconnaissance et l'exécution obligatoires des décisions rendues par les autres États membres, paraît très limité et sans commune mesure avec les contraintes qu'il ferait peser sur les États membres.
Dans cette matière qui
est l'expression de leur souveraineté, la commission des lois
considère qu'il est nécessaire de laisser une importante marge de
manoeuvre aux États membres. Or, le recours à un
règlement priverait les États de la possibilité d'adapter
les dispositions aux spécificités de leur législation
nationale et du phénomène migratoire auquel ils font face.
Le Parlement serait largement dessaisi de sa compétence en la
matière, ce qui constituerait une aberration
démocratique. La commission
relève enfin que le choix
d'une telle réglementation européenne se traduit par un
alourdissement des dispositions en cause13(*), à rebours de
l'impératif de simplification du droit et de lutte contre l'inflation
normative.
La commission regrette que l'orientation générale du Conseil de l'Union européenne, adoptée le 8 décembre 2025, ne revienne ni sur le choix d'un règlement ni sur la création d'un système commun en matière de retour, tout en relevant que la reconnaissance mutuelle des décisions de retour aurait, en l'état, un caractère facultatif.
C. UNE PRIORITÉ : LA SIMPLIFICATION ET LE RENFORCEMENT DE L'EFFECTIVITÉ DES PROCÉDURES D'ÉLOIGNEMENT
1. Un soutien aux dispositions de nature à faciliter l'éloignement des étrangers en situation irrégulière
a) La prise en compte des étrangers présentant une menace pour l'ordre public
La proposition de résolution européenne salue l'intégration de dispositions particulières aux étrangers qui présentent un risque pour la sécurité ou l'ordre public. Il s'agit d'une évolution particulièrement bienvenue, l'absence de telles dispositions constituant l'une des principales lacunes de la directive « retour ».
L'article 16 de la proposition de règlement prévoit, pour ces étrangers, le principe d'un éloignement forcé ainsi que des dispositions dérogatoires, s'agissant tant des interdictions d'entrée14(*) (avec une durée maximale de 20 ans) que de la rétention administrative, permettant notamment un maintien en rétention au-delà de la durée maximale de 24 mois pour le régime de droit commun (cf. infra), sans limitation de durée a priori.
b) La création d'une obligation de coopération pour les ressortissants de pays tiers
La proposition de résolution européenne approuve la création d'une obligation, pour les étrangers en situation irrégulière, de coopérer avec les autorités de l'État membre en vue de leur retour, ce qui comprend notamment la communication des documents d'identité et de leurs données biométriques. L'article 21 de la proposition de règlement permet notamment aux autorités nationales de mener des perquisitions et de procéder à la fouille de leurs effets personnels.
De même que la commission des affaires européennes, la commission des lois regarde avec satisfaction ce renversement : alors que l'ensemble des obligations prévues par la directive « retour » pèse sur les administrations, la proposition de règlement s'inscrit dans une logique de responsabilisation des étrangers en situation irrégulière.
La proposition de résolution européenne propose en outre de compléter le texte sur deux points : d'une part, en permettant expressément de procéder à l'exploitation des terminaux de communication électronique et de recourir à la contrainte pour la prise d'empreintes ; d'autre part, en permettant de sanctionner pénalement la méconnaissance de l'obligation de coopération. La commission des lois adhère à ces recommandations et se félicite qu'elles figurent dans l'orientation générale du Conseil.
c) L'élargissement de la définition du pays de retour
La proposition de résolution européenne approuve l'élargissement de la définition du pays de retour prévue par la proposition de règlement. Cette notion inclurait désormais, outre le « pays de résidence habituelle » de l'étranger, des États tiers autres que l'État d'origine ou de transit avec lesquels un État membre a conclu un accord aux fins du transfert des étrangers en situation irrégulière15(*).
La commission relève qu'une telle faculté, subordonnée à la conclusion d'un accord ou d'un arrangement entre États, pourrait permettre de surmonter l'obstacle que constitue l'absence de coopération de certains États tiers dans la réadmission de leurs ressortissants.
d) L'assouplissement du recours à la rétention administrative
La proposition de règlement apporte des modifications d'ampleur au régime de la rétention administrative. L'article 29 ne subordonne plus la rétention à une perspective raisonnable d'éloignement ni à l'insuffisance des mesures moins coercitives. Trois nouveaux motifs de rétention sont prévus : la menace à l'ordre public, la vérification de l'identité et le non-respect des mesures alternatives. La durée maximale de la rétention administrative de droit commun serait portée à 24 mois, au lieu de 18 mois dans la directive « retour ».
Considérant que la rétention demeure le moyen le plus sûr pour mener à bien l'éloignement des étrangers en situation irrégulière, puisque les autres mesures de contrainte présentent des résultats bien moindres16(*), la proposition de résolution européenne approuve ces évolutions. Les rapporteurs regrettent néanmoins qu'en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la France se singularise par une durée maximale de rétention de droit commun très limitée, au détriment de la sécurité des Français.
2. Des évolutions nécessaires afin de préserver l'effectivité des procédures d'éloignement
a) Préciser le champ d'application de la réglementation européenne
La proposition de règlement ne comportant pas l'exception prévue par la directive « retour » pour les sanctions pénales « prévoyant ou ayant pour conséquence » l'éloignement d'un étranger en situation irrégulière17(*), ses dispositions procédurales (voie de recours spécifique, effet suspensif, etc.) seraient désormais applicables aux peines d'interdiction du territoire français (ITF) prononcées par le juge pénal18(*).
La commission des lois déplore la fin de cette exception, qui reviendrait à remettre en cause le régime de l'ITF. Pour ces raisons, elle soutient les dispositions de la proposition de résolution européenne demandant le rétablissement de l'exception prévue par la directive « retour » pour les sanctions pénales. Elle se félicite à cet égard que l'orientation générale du Conseil précitée prévoie un tel rétablissement.
b) Mettre fin à l'obligation de prévoir un délai de retour volontaire
La proposition de règlement (articles 12 et 13) continue de prévoir le principe d'un délai de retour volontaire. Il n'y serait fait exception que dans quatre situations : refus de coopération de l'intéressé, déplacement non autorisé dans un autre État membre, non-respect de l'obligation de départ volontaire ou lorsque l'étranger présente une menace pour la sécurité publique.
La proposition de résolution européenne demande que soit supprimé le caractère obligatoire du délai de retour volontaire, son octroi devant être laissé à l'appréciation des autorités. La commission adhère à cette disposition et considère, plus largement, que l'obligation de proposer un délai de départ volontaire est inadaptée. En effet, ce délai est souvent mis à profit par les intéressés pour se soustraire à l'éloignement : en 2024, la Cour des comptes relevait que moins de 1,5 % des personnes sous OQTF quittent volontairement le territoire19(*). La commission relève avec satisfaction que l'orientation du Conseil va dans le même sens.
c) Préserver le caractère exécutoire des décisions d'éloignement
En vertu de l'article 28 de la proposition de règlement, l'exécution de la décision d'éloignement est suspendue pendant le délai de recours, dont la durée est ramenée à quatorze jours, cette suspension faisant également obstacle au prononcé de mesures de contrainte (rétention, assignation à résidence, etc.).
La commission considère qu'une telle évolution nuirait fortement au caractère opérationnel des mécanismes d'éloignement et remettrait en cause le régime contentieux particulier en vigueur à Mayotte, à Saint-Martin et en Guyane. La proposition de résolution européenne demande par conséquent d'en rester à l'état actuel du droit, à savoir l'absence de suspension pendant le délai de recours et la possibilité d'introduire un recours juridictionnel à cet effet. Le Conseil a repris cette position dans son orientation générale du 8 décembre.
Une attention particulière à la situation des collectivités d'outre-mer
La commission s'est montrée particulièrement vigilante quant à l'absence de remise en cause des dispositions particulières à certaines collectivités territoriales d'outre-mer, à l'instar de Mayotte et de la Guyane qui connaissent une pression migratoire particulièrement forte. Ces dispositions dérogatoires comprennent notamment l'absence du caractère suspensif du recours en annulation dirigé contre une OQTF, le séquençage de la rétention ou encore la faculté, à Mayotte, de placer en rétention des familles comprenant des mineurs.
d) Limiter les contraintes nouvelles pesant sur les autorités nationales et renforcer leurs leviers d'action
Considérant que le droit des étrangers, notamment en ce qui concerne l'éloignement, se caractérise déjà par une complexité excessive, la commission considère qu'il convient de s'opposer à la création de contraintes nouvelles pesant sur les autorités compétentes des États membres, afin de préserver le caractère opérationnel de cette réglementation.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l'obligation de mener un examen de vulnérabilité à l'occasion de l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière (article 6 de la proposition de règlement), qui emporterait un alourdissement procédural significatif de la RVDS20(*). Elle a, par conséquent, adopté un amendement des rapporteurs renforçant, sur ce point, la formulation de la proposition de résolution européenne.
La commission a adopté un amendement de ses rapporteurs affirmant son opposition à l'obligation faite aux États membres de se doter d'un mécanisme indépendant chargé du contrôle du respect des droits fondamentaux lors des opérations d'éloignement (article 15 de la proposition de règlement). S'interrogeant sur la conformité au principe de subsidiarité d'une telle disposition, la commission a relevé que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté exerce déjà un tel contrôle21(*).
Enfin, la commission a adopté trois amendements de ses rapporteurs ayant pour objet :
- de demander la suppression de l'exigence de proportionnalité au regard du « risque de fuite » à laquelle l'article 31 soumet l'assignation à résidence ;
- de solliciter une évaluation préalable des conséquences budgétaires de la nouvelle réglementation du point de vue des États membres et d'envisager un soutien financier de l'Union européenne aux États membres les plus actifs en matière d'éloignement ;
- d'insister sur la nécessité de mobiliser l'ensemble des leviers diplomatiques pour favoriser la réadmission par les États tiers de leurs ressortissants, notamment la conclusion d'accords de réadmission à l'échelle de l'Union et la mobilisation du « levier visa-réadmission »22(*).
II. LES PROPOSITIONS DE RÈGLEMENT RELATIVES AUX CONCEPTS DE PAYS D'ORIGINE SÛR ET DE PAYS TIERS SÛR
A. LA MODIFICATION DES RÈGLES RELATIVES AUX PAYS D'ORIGINE SÛRS ET L'ÉTABLISSEMENT D'UNE LISTE EUROPÉENNE
Issue du droit de l'Union européenne, la notion de « pays d'origine sûr » désigne des États dans lesquels le niveau de protection des droits et les conditions politiques sont jugés suffisants pour justifier le recours à la procédure accélérée pour l'examen des demandes d'asile formées par leurs ressortissants. Sous l'empire de la directive 2013/3223(*), la détermination des pays d'origine sûrs relève de chaque État membre.
En France, la liste des pays d'origine sûrs est fixée par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Depuis 2021, celle-ci comprend treize pays : l'Albanie, l'Arménie, la Bosnie-Herzégovine, le Cap-Vert, la Géorgie, l'Inde, le Kosovo, la Macédoine du Nord, Maurice, la Moldavie, la Mongolie, le Monténégro et la Serbie.
L'article 61 du nouveau règlement 2024/1348, dit « Procédure », applicable à partir du 12 juin 2026, modifie les critères pour la définition des pays d'origine sûrs, en permettant de l'assortir d'exceptions pour certaines régions ou catégories de personnes24(*). Son article 62 prévoit également qu'une liste de pays d'origine sûrs est dressée au niveau de l'Union, qui s'ajouterait à celle établie par les États membres et s'imposerait à ces derniers.
La proposition de règlement COM(2025) 186 a pour objet :
- de prévoir la désignation comme pays d'origine sûrs des États ayant obtenu le statut de pays candidat à l'adhésion, sous réserve d'exceptions qui excluraient, en pratique, l'Ukraine ;
- de désigner sept pays d'origine sûrs au niveau de l'Union européenne : le Bangladesh, la Colombie, l'Égypte, l'Inde, le Kosovo, le Maroc et la Tunisie ;
- de permettre l'application accélérée - dès l'adoption de ce règlement au lieu du 12 juin 2026 - de deux dispositions du règlement « Procédure » : la désignation de pays d'origine sûrs avec exceptions (cf. supra) et la mise en oeuvre de la procédure accélérée et de la procédure d'asile à la frontière lorsque le demandeur est ressortissant d'un pays tiers dont le taux de protection, à l'échelle de l'Union, est inférieur à 20 %.
La proposition de résolution européenne approuve l'ensemble de ces dispositions, en prenant acte de l'exclusion de facto de l'Ukraine des pays d'origine sûrs.
B. L'ÉLARGISSEMENT DES RÈGLES RELATIVES AUX PAYS TIERS SÛRS : UNE ÉVOLUTION PROMETTEUSE À LA PORTÉE LIMITÉE POUR LA FRANCE
Comme la directive 2013/32 qu'il remplace, le règlement « Procédure » 2024/1348 permet aux États membres de déclarer irrecevable une demande d'asile lorsqu'elle émane d'une personne pouvant séjourner dans un État désigné comme pays tiers sûr. La France n'a pas fait usage de cette possibilité25(*).
La proposition de règlement COM(2025) 259 permettrait d'appliquer le concept de pays tiers sûr lorsque l'une des trois conditions suivantes est remplie : l'existence d'un « lien de connexion » entre le demandeur et l'État en question, « sur la base duquel il serait raisonnable qu'il se rende dans ce pays » ; en cas de transit du demandeur par cet État ; la conclusion avec cet État d'un accord ou d'un arrangement imposant l'examen, par celui-ci, des demandes de protection présentées par les demandeurs, le « lien de connexion » n'étant pas exigé dans ce cas de figure.
Quand bien même ces dispositions ne sont pas applicables en France à ce jour, la proposition de résolution européenne approuve l'extension proposée du concept de « pays tiers sûr ». À l'initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté un amendement prenant acte des réserves, tant juridiques qu'opérationnelles, formulées par la France au sujet de la suppression de l'exigence d'un « lien de connexion » entre le demandeur et le « pays tiers sûr ».
*
* *
Réunie le 17 décembre 2025, la commission a adopté la proposition de résolution européenne ainsi modifiée.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen de la proposition de résolution européenne (PPRE) sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un système commun en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l'Union, et abrogeant la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, la directive 2001/40/CE du Conseil et la décision 2004/191/CE du Conseil (COM(2025) 101 final), la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l'établissement d'une liste des pays d'origine sûrs au niveau de l'Union (COM(2025) 186 final) et la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) 2024/1348 en ce qui concerne l'application du concept de « pays tiers sûr » (COM(2025) 259 final).
M. Olivier Bitz, rapporteur. - Sur le rapport de nos collègues Ronan Le Gleut et Audrey Linkenheld, dont je salue la qualité du travail, la commission des affaires européennes a adopté, le 20 novembre, la présente proposition de résolution européenne.
Ce texte a pour objet d'exprimer la position du Sénat sur trois projets législatifs européens.
Il s'agit, d'une part, de la proposition de règlement tendant à réviser la directive 2008/115CE, dite directive « retour », et que nous désignerons comme le règlement « retour » ; et d'autre part, de deux propositions de règlement modifiant le nouveau règlement dit « Procédure » (2024/1348) relatives aux concepts de pays d'origine sûr et de pays tiers sûr.
Le Conseil de l'Union européenne a adopté sa position sur ces textes la semaine dernière ; nous vous proposons à cet égard un amendement visant à en tenir compte dans la formule conclusive de la PPRE. Le Parlement européen devrait le faire cette semaine, ouvrant par conséquent la phase dite des « trilogues », à savoir les négociations entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission. Un aboutissement relativement rapide des négociations n'est pas à exclure.
En ce qui concerne les négociations entre États membres au sein du Conseil, je dois dire notre étonnement quant à l'absence totale de transparence au sujet de la position de la France. Alors que celle-ci semble avoir été relativement constante, en dépit de la succession rapide des gouvernements, nous relevons que la position des autorités françaises n'a fait l'objet d'aucune publicité ni d'aucun débat au Parlement, alors qu'il s'agit de décider de normes qui s'imposeraient très directement au pouvoir législatif.
Le Sénat a déjà pris position sur la proposition de règlement « retour », par l'adoption, en juin dernier, d'une résolution européenne portant avis motivé sur sa conformité au principe de subsidiarité. Présentée par André Reichardt et Audrey Linkenheld, cette résolution, qui a fait l'objet d'une adoption plus consensuelle que la proposition que nous examinons aujourd'hui, fait état de l'opposition du Sénat au recours à un règlement en lieu et place d'une directive, ainsi qu'à la reconnaissance mutuelle obligatoire des décisions de retour par les États membres. La résolution relève en effet que la création d'un tel système, qui justifie le recours à un règlement, ne présenterait qu'un intérêt très limité et sans commune mesure avec les contraintes qu'il ferait peser sur les États membres.
La proposition de résolution rappelle ces différents points, sur lesquels nous vous proposons de ne pas revenir. On ne peut que regretter que le Conseil n'ait pas reconsidéré le choix d'un règlement plutôt que d'une directive. Le principe d'un système commun en matière de retour est aussi maintenu même si l'on peut se féliciter que la reconnaissance mutuelle des décisions de retour n'ait, en l'état de l'orientation générale du Conseil, qu'un caractère facultatif.
La présente proposition de résolution ne s'arrête pas à ces considérations de subsidiarité. Elle s'intéresse également au fond de la proposition de règlement.
Tout d'abord, elle approuve le principe de la révision de la directive « retour » de 2008, qui a fait l'objet de nombreuses critiques.
Un des sujets de contestation réside dans l'obligation d'accorder un délai de départ volontaire à l'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement - ou « décision de retour » dans le droit européen. Cette obligation, à laquelle il ne peut être dérogé que dans des cas très limités, se révèle inadaptée à la réalité puisque le délai est le plus souvent mis à profit par les intéressés pour se soustraire aux autorités : en 2024, la Cour des comptes relevait que moins de 1,5 % des personnes sous obligation de quitter le territoire français (OQTF) quittaient volontairement le territoire.
L'absence de prise en compte des étrangers présentant une menace pour l'ordre public constitue une autre critique récurrente.
L'interprétation de la directive par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a également eu des conséquences importantes sur le droit français : elle a notamment mené, en 2012, à l'abrogation du séjour irrégulier et, en conséquence, à la création de la retenue pour vérification du droit au séjour (RVDS) pour se substituer à la garde à vue. Les infractions pénales réprimant l'obstruction à l'éloignement ont aussi été largement vidées de leur portée, sous l'effet d'une extension discutable, par la Cour de cassation, de la jurisprudence de la CJUE.
La révision de la directive « retour » devrait être l'occasion de lever deux des principaux facteurs d'échec de l'éloignement : d'une part, l'identification et la détermination de la nationalité des intéressés et, d'autre part, la coopération insuffisante de la part des États tiers.
Il nous semble surtout que, compte tenu des difficultés persistantes rencontrées en matière d'éloignement, il y a urgence à simplifier et à rendre plus efficaces les procédures, en réduisant les contraintes qui pèsent sur les autorités comme en s'abstenant d'en créer de nouvelles.
C'est dans cet esprit que nous avons examiné la proposition de règlement, approuvant ce qui va dans le sens d'un renforcement de l'effectivité des procédures d'éloignement.
C'est également le parti pris par la proposition de résolution. Celle-ci approuve, en particulier, l'intégration de dispositions particulières aux étrangers qui présentent un risque pour la sécurité ou l'ordre public, comme l'absence de délai de retour volontaire, une durée maximale des interdictions d'entrée portée à vingt ans ou la possibilité d'un maintien en rétention au-delà de la durée maximale de vingt-quatre mois.
La création d'une obligation, pour les étrangers en situation irrégulière, de coopérer avec les autorités de l'État membre en vue de leur retour nous paraît particulièrement intéressante. Cette obligation comprend notamment la communication des documents d'identité et de leurs données biométriques. En cas de non-coopération, les autorités peuvent procéder à la fouille de leurs effets personnels.
Le texte opère sur ce point un renversement qui doit être salué : alors que l'ensemble des obligations prévues par la directive « retour » pèse sur les administrations, la proposition de règlement s'inscrit dans une logique de responsabilisation des étrangers.
La proposition de résolution prévoit en outre de compléter ces dispositions sur deux points : d'une part, en permettant expressément de procéder à l'exploitation des téléphones et autres appareils électroniques ainsi que de recourir à la contrainte pour la prise d'empreintes ; et d'autre part, en permettant de sanctionner pénalement la méconnaissance de l'obligation de coopération. Ces évolutions figurent dans l'orientation générale adoptée par le Conseil.
Autre disposition notable : le texte élargit la définition du « pays de retour » pour y inclure, outre le « pays de résidence habituelle » de la personne concernée, des États tiers autres que l'État d'origine ou de transit, avec lesquels un État membre a conclu un accord aux fins du transfert des étrangers en situation irrégulière. Il s'agit des fameux « hubs de retour », dont la presse s'est fait l'écho. Si cette nouvelle faculté soulève des questions pratiques et juridiques, elle nous paraît présenter un intérêt certain dès lors qu'elle permettrait de contourner l'obstacle que constitue, trop souvent, l'absence de coopération de certains États tiers.
Enfin, la proposition de résolution approuve les assouplissements proposés du régime de la rétention administrative. Celle-ci ne serait plus subordonnée à une perspective raisonnable d'éloignement ni à l'insuffisance des mesures moins coercitives. Trois nouveaux motifs de placement en rétention seraient prévus : la menace à l'ordre public, la vérification de l'identité et le non-respect des mesures alternatives. La durée maximale de la rétention administrative de droit commun serait portée à vingt-quatre mois, au lieu de dix-huit mois dans la directive « retour ».
La portée de cette dernière mesure serait néanmoins très limitée pour la France en raison de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ; la France se singularise en Europe par une durée maximale de rétention de droit commun très limitée - 90 jours -, au détriment de la sécurité des Français et de l'effectivité de l'éloignement.
M. David Margueritte, rapporteur. - La proposition de résolution demande également plusieurs modifications du texte initial de la Commission.
Ainsi, la version initiale est applicable à la peine d'interdiction du territoire français (ITF), à la différence de la directive « retour ». Or les dispositions procédurales du règlement s'harmonisent mal avec une telle sanction pénale ; leur application reviendrait en réalité à remettre en cause l'existence même de l'ITF. Nous nous réjouissons que l'orientation générale du Conseil tende à rétablir cette exception.
Tel est également le cas du délai de retour volontaire évoquée précédemment. Nous souhaitons que son octroi soit laissé à la libre appréciation des États membres.
Nous demandons également la suppression de la suspension automatique de l'exécution de la décision d'éloignement pendant le délai de recours, dont la durée est par ailleurs ramenée d'un mois à quatorze jours. Cette suspension est prévue par l'article 28 de la proposition de règlement. Rappelons qu'aujourd'hui les mesures d'éloignement ne sont pas suspendues pendant le délai de recours : c'est l'exercice d'un recours juridictionnel qui est suspensif, soit automatiquement - c'est le cas contre les OQTF, sauf à Mayotte, à Saint-Martin et en Guyane -, soit par l'introduction d'un recours particulier à cet effet. Tel est l'objet de l'amendement COM-4, que nous soumettrons à votre approbation. La proposition de résolution prévoit d'en rester à l'état actuel du droit et telle est également la position du Conseil, ce dont nous nous réjouissons.
Je signale à notre collègue Thani Mohamed Soilihi que nous avons tout particulièrement veillé à ce que les dispositions visant à tenir compte de la situation particulière de certains territoires ultramarins, comme Mayotte, ne soient pas remises en cause.
Par ailleurs, nous nous opposons à la création de toute contrainte injustifiée qui pèserait sur les autorités.
L'article 6 de la proposition de règlement impose de mener un examen de vulnérabilité systématique à l'occasion de l'interpellation d'un étranger en situation irrégulière. Cela reviendrait à alourdir la procédure de la RVDS, alors que sa durée est déjà limitée à vingt-quatre heures. Aussi, nous vous proposons un amendement COM-2 visant à supprimer cette exigence.
L'article 15 de la proposition de règlement prévoit que les États membres doivent se doter d'un mécanisme indépendant chargé du contrôle du respect des droits fondamentaux lors des opérations d'éloignement. En France, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté exerce déjà un tel contrôle. Dès lors, il ne nous semble pas opportun d'inscrire une nouvelle obligation dans le droit européen, d'autant qu'il ne peut être exclu que ses attributions ou les obligations de rendre compte soient accrues par la suite. Par l'amendement COM-8, nous vous proposons de nous opposer à la création de cette nouvelle obligation.
L'article 31 de la proposition de règlement soumet les mesures alternatives à la rétention, dont l'assignation à résidence, à une exigence de proportionnalité au regard du « risque de fuite ». Or, il s'agirait d'une exigence nouvelle par rapport au droit existant, qui ne fixe qu'une seule condition : que l'éloignement demeure « une perspective raisonnable ». Restons-en là encore à l'état du droit existant pour ne pas faire échec aux procédures d'assignation à résidence. Par l'amendement COM-5, nous vous proposons de demander la suppression de cette disposition.
Enfin, nous vous proposons deux amendements complétant la proposition de la résolution. Le premier a pour objet de demander une évaluation préalable des conséquences budgétaires de la nouvelle réglementation du point de vue des États membres et d'envisager un soutien financier de l'Union européenne aux États membres faisant preuve d'une politique particulièrement active en matière d'éloignement. Le second insiste sur la nécessité de mobiliser l'ensemble des leviers diplomatiques pour favoriser la réadmission par les États tiers de leurs ressortissants, notamment via la conclusion d'accords de réadmission à l'échelle de l'Union.
J'en viens aux deux autres textes dont traite la proposition de résolution.
Le premier a trait aux pays d'origine sûrs. La notion de « pays d'origine sûr » désigne des États dans lesquels le niveau de protection des droits et les conditions politiques sont jugés suffisants pour justifier le recours à la procédure accélérée pour l'examen des demandes d'asile formées par leurs ressortissants. En France, la liste des pays d'origine sûrs est fixée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
L'article 61 du nouveau règlement « Procédure », qui sera applicable à partir du 12 juin 2026, modifie les critères pour la définition des pays d'origine sûrs, en permettant de l'assortir d'exceptions pour certaines régions ou catégories de personnes. Son article 62 prévoit également qu'une liste de pays d'origine sûrs est dressée au niveau de l'Union, qui s'ajouterait à celle qui est établie par les États membres.
La proposition de règlement modifie les critères de désignation comme pays d'origine sûrs pour y inclure les États ayant obtenu le statut de pays candidat à l'adhésion, sous réserve d'exceptions qui excluraient, en pratique, l'Ukraine. Il désigne également sept pays d'origine sûrs au niveau de l'Union européenne : le Bangladesh, la Colombie, l'Égypte, l'Inde, le Kosovo, le Maroc et la Tunisie. Nous ne pouvons qu'approuver cette extension de la notion de pays d'origine sûr. Nous relevons que l'Ukraine en est de facto exclue.
La proposition de règlement permet aussi une application accélérée de certaines dispositions du nouveau règlement « Procédure ». Cela ne soulève aucune difficulté même son intérêt paraît limité pour la France, dès lors que l'adoption d'ici le 12 juin 2026 du projet de loi ayant pour objet de transposer le pacte européen sur la migration et l'asile, dont le ministre a annoncé le dépôt en début d'année prochaine, paraît déjà incertaine.
Le second texte est relatif aux pays tiers sûrs. Comme la directive de 2013 qu'il remplace, le nouveau règlement « Procédure » permet aux États membres de déclarer irrecevable une demande d'asile lorsqu'elle émane d'une personne pouvant séjourner dans un État désigné comme « pays tiers sûr ».
La France n'a pas fait usage de cette possibilité. En effet, le Conseil constitutionnel tire du quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 l'obligation de procéder à l'examen de la situation de ceux que l'on désigne comme les « combattants de la liberté ».
La proposition de règlement tend à élargir la notion de pays tiers sûrs en permettant de l'appliquer lorsque l'une des trois conditions suivantes est remplie : l'existence d'un « lien de connexion » entre le demandeur et l'État en question « sur la base duquel il serait raisonnable qu'il se rende dans ce pays » ; en cas de transit du demandeur par cet État ; la conclusion avec cet État d'un accord ou d'un arrangement imposant l'examen, par celui-ci, des demandes de protection - ce dernier cas de figure a suscité le plus de débats puisque le « lien de connexion » ne serait pas exigé. La proposition de résolution constate à juste titre que la portée de ces dispositions serait, en l'état de notre droit, très limitée pour la France. Par l'amendement COM-9, nous proposons de prendre acte des réserves juridiques et opérationnelles du Gouvernement en ce qui concerne la suppression de l'exigence d'un « lien de connexion ».
J'ajoute que la position réservée de la France sur le sujet paraît aussi tenir à la crainte d'un effet de report de la demande d'asile sur notre pays, s'il devait être le seul à ne pas appliquer ce concept de « pays tiers sûr ». Le projet de loi visant à transposer le pacte pourra être l'occasion d'une réflexion à ce sujet.
Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des amendements que nous vous présentons, nous vous proposons d'adopter la présente proposition de résolution.
Mme Audrey Linkenheld. - Je m'exprime à la fois comme auteur de la proposition de résolution européenne et au nom de mon groupe. Je ne reprendrai pas tous les éléments développés dans le rapport de la commission des affaires européennes, qui fait état non seulement des points d'accord - ils sont peu nombreux -, mais également des points de désaccord sur les propositions envisagées alors par le Conseil. Le Parlement européen, comme vous l'avez indiqué, doit encore se prononcer.
À ce sujet, je ne suis pas, pour ma part, aussi optimiste que vous quant à un aboutissement rapide des négociations du trilogue. Les positions se durcissent plutôt au Parlement européen, y compris au sein de certains groupes politiques qui souhaitaient plutôt jusqu'à présent parvenir à un consensus.
À ce stade, nos désaccords persistent, avec, d'un côté, le souhait légitime de l'Europe de se protéger et d'assurer sa sécurité aux frontières et, de l'autre, le respect des droits fondamentaux des personnes qui viennent y chercher refuge, fuyant la guerre et la misère. Je vous confirme nos craintes sur les fameux centres de retour, sur la question des recours, celle des retours volontaires et celle de la rétention administrative. Chacun ici connaît nos positions.
Toutefois, en tant que membre de la commission des affaires européennes, je suis quelque peu surprise, même si je peux le comprendre, par votre approche très franco-française. Je rappelle qu'il s'agit d'une proposition de résolution européenne, qui a d'ailleurs pour vocation d'exposer au Gouvernement la position du Sénat, théoriquement avant même les discussions.
Nos craintes ne visent pas toujours le Gouvernement. Ces trois règlements vont s'appliquer à tous les États membres de l'Union européenne. Or, même si ceux-ci doivent respecter un certain nombre de principes fondamentaux du droit, un même texte peut être interprété différemment selon les États membres. Ne méconnaissez donc pas les risques que représente ce texte au regard des droits et des libertés, sans oublier les effets de bord possibles sur notre propre pays, comme vous l'avez indiqué, au regard de la libre circulation des personnes. Je préciserai certains éléments lors de la discussion des articles.
M. Thani Mohamed Soilihi. - Merci, mes chers collègues, de la qualité de votre rapport et d'avoir veillé à ce que l'on maintienne les dispositions qui tiennent compte de la spécificité de certains de nos territoires ultramarins. Ce n'est pas par plaisir que l'on y adapte le droit de la nationalité ou les délais applicables en matière d'éloignement ; c'est une nécessité.
J'entends souvent dire que ces adaptations n'ont pas permis de résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Mais la situation serait pire sans elles ! À Mayotte, depuis la loi du 10 septembre 2018, nous obtenons des résultats concrets, ce dont les dernières données disponibles attestent. La natalité qui battait des records nationaux, avec quelque 10 000 et jusqu'à 11 000 naissances par an, a ainsi diminué. Le directeur général de l'Insee me signalait récemment une baisse de l'ordre de 1 500 à 2 000 naissances par an, une donnée qui reste à affiner.
Ces dispositions particulières demeurent nécessaires tant que la situation s'avère exceptionnelle. Je tenais d'ailleurs le même discours lors du débat sur l'aide publique au développement : y mettre un coup d'arrêt brutal conduirait à ce que davantage encore de ressortissants de pays tiers cherchent des solutions ailleurs que dans leur région géographique d'origine. De telles dispositions correspondent à une position équilibrée et exigeante, que je continue de défendre.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
Mme Audrey Linkenheld. - Contrairement à d'autres, l'amendement COM-1 modifie clairement la position exprimée par la proposition de résolution européenne ; cette modification porte sur la partie du texte qui avait fait l'objet d'un consensus en commission des affaires européennes. Je le regrette.
L'instauration d'un examen de vulnérabilité à l'entrée dans l'Union européenne est prévue par le pacte. Avec cet amendement, on considère qu'un tel examen ne pourra pas intervenir plus tard dans la procédure, ce que je regrette : ces vulnérabilités n'auront pas disparu.
Par ailleurs, l'utilisation, dans l'exposé des motifs, du terme « interpellation » d'un étranger en situation irrégulière, s'il exprime sans détour votre approche de la question, me paraît néanmoins quelque peu inappropriée au stade de l'examen de vulnérabilité.
M. Guy Benarroche. - Je suis en total accord avec Audrey Linkenheld. Votre position m'apparaît complètement disproportionnée et déséquilibrée. Comment peut-on concevoir que l'examen de vulnérabilité puisse n'être réalisé qu'à l'arrivée de l'étranger sur notre sol ? Je m'oppose à cet amendement, comme à la plupart des suivants d'ailleurs.
M. Olivier Bitz, rapporteur. - Un rappel de l'esprit général dans lequel nous nous situons : le nouveau règlement européen ne doit pas créer de contrainte supplémentaire pour les administrations quand nous constatons les difficultés qu'elles rencontrent déjà dans l'organisation des retours. Or ce serait le cas de l'examen de vulnérabilité tel qu'il est conçu, puisqu'il viendrait complexifier le cadre juridique de la RVDS, qui prévoit déjà un examen médical à la demande de l'étranger.
L'amendement COM-1 est adopté.
Mme Audrey Linkenheld. - L'amendement COM-2 constitue l'un des exemples que je pointais précédemment. Il trouve son explication dans le fait que la France dispose déjà d'une Contrôleure générale des lieux de privation de liberté susceptible d'exercer le mécanisme de contrôle prévu par le texte. Cependant, nous traitons ici d'un règlement européen et une telle institution n'existe pas forcément dans d'autres États membres de l'Union. Prévoir un mécanisme indépendant de contrôle du respect des droits fondamentaux est de mon point de vue indispensable. Il est la contrepartie de l'intégration de dispositions plus strictes dans le cadre normatif actuel.
L'amendement COM-2 est adopté.
L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté. Les amendements COM-4 et COM-5 sont adoptés.
Mme Audrey Linkenheld. - Nous sommes favorables à l'amendement COM-6 en ce qu'il tend à répondre à l'un des points que nous avions aussi soulignés. André Reichardt et moi-même étions aussi opposés au principe d'un règlement européen plutôt que d'une directive, car les conséquences du nouveau système de retour unifié et son coût risquaient d'échapper largement aux États membres.
Au passage, je partage les propos relatifs à l'absence de transparence de la position française, pourtant assez constante dans ce domaine.
L'amendement COM-6 est adopté. Les amendements COM-7, COM-8 et COM-9 sont adoptés.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de résolution européenne est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
|
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
|
Article unique |
|||
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
1 |
Opposition à l'instauration d'un examen de vulnérabilité |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
2 |
Opposition à l'obligation faite aux États membres de se doter d'un mécanisme indépendant chargé du contrôle du respect des droits fondamentaux |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
3 |
Rédactionnel |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
4 |
Souhait de l'absence d'effet suspensif du délai de recours contre une décision d'éloignement |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
5 |
Demande de suppression de l'exigence de proportionnalité au regard du risque de fuite pour l'assignation à résidence |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
6 |
Demande d'évaluation des conséquences budgétaires et soutien financier de l'Union européenne aux États membres les plus actifs en matière d'éloignement |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
7 |
Mobilisation de l'ensemble des leviers diplomatiques en vue de favoriser la réadmission des ressortissants d'États tiers |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
8 |
Réserves formulées par le Gouvernement quant à la suppression de l'exigence d'un « lien de connexion » |
Adopté |
|
M. MARGUERITTE, rapporteur |
9 |
Modification de la formule conclusive |
Adopté |
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Auteurs de la proposition de résolution
M. Ronan Le Gleut, sénateur représentant les Français établis hors de France
Mme Audrey Linkenheld, sénatrice du Nord
Direction générale des étrangers en France
M. Cyriaque Bayle, sous-directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière
Mme Louise Thin-Rouzaud, cheffe du bureau des affaires juridiques et de la coopération internationale
M. Donatien Le Vaillant, sous-directeur du droit d'asile et de la protection internationale
Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne
Mme Marie Vauthier, conseillère affaires intérieures
Mme Marie Dugré, adjointe au chef du service Justice et affaires intérieures
Table ronde des associations
Amnesty International
Mme Diane Fogelman, chargée de plaidoyer migrations
La Cimade
Mme Mélanie Louis, responsable des questions expulsion, pôle enfermement et expulsion
France terre d'asile
M. Guillaume Landry, directeur, direction de l'appui juridique
Mme Ophélie Madinier, responsable plaidoyer
CCFD-Terre Solidaire (Comité catholique contre la faim et pour le développement)
Mme Ysé El Bouhali Bouchet, chargée de plaidoyer migrations, direction du plaidoyer
Forum réfugiés
Mme Élise Martin Gomez, chargée de plaidoyer européen
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppr25-149.html
* 1 Sur le fondement de l'article 73 quinquies B du règlement du Sénat.
* 2 Résolution n° 159 (2024-2025), devenue résolution du Sénat le 27 juin 2025.
* 3 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
* 4 Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
* 5 Les États membres peuvent s'abstenir d'accorder le délai de départ volontaire s'il existe un risque de fuite, si la personne constitue un danger pour la sécurité publique, l'ordre public ou la sécurité nationale, ou si elle a fait l'objet d'un refus de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée ou frauduleuse.
* 6 CJUE, 28 avril 2011, El Dridi, n° C-61/11 PPU ; CJUE, 6 décembre 2011, Achughbabian, n° C-329/11.
* 7 Loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
* 8 La Cour a ainsi jugé que l'infraction prévue par le troisième alinéa de l'article L. 824-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), qui réprime le fait de refuser de se soumettre aux obligations sanitaires nécessaires à l'exécution de la mesure d'éloignement, « ne peut être poursuivie que si cet étranger a fait l'objet d'une mesure régulière de placement en rétention ou d'assignation à résidence ayant pris fin [...], sans qu'il ait pu être procédé à son éloignement » (Cass. crim., 13 avril 2023, n° 22-81.676, Bull). Même solution pour le délit prévu à l'article L. 824-1 du même code (Cass. crim., 13 avril 2023, n° 22-85.816, Bull.).
* 9 CJUE, 21 septembre 2023, n° C-143/22 ; CE, 2 février 2024, n° 450285, Rec.
* 10 Au nombre de 71 000 en 2023, seuls 574 refus d'entrée ont été prononcés du 1er janvier au 31 juillet 2025. Sur la même période, le nombre de réadmissions simplifiées s'est élevé à 11 650, contre 2 000 en 2023, ne permettant pas de compenser la baisse du nombre de refus d'entrée.
* 11 Une précédente tentative de révision de la directive « retour » avait échoué en 2018, faute d'accord entre le Conseil et le Parlement européen.
* 12 Règlement (UE) 2024/1358 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 relatif à la création d'«Eurodac» pour la comparaison des données biométriques aux fins de l'application efficace des règlements (UE) 2024/1351 et (UE) 2024/1350 du Parlement européen et du Conseil et de la directive 2001/55/CE du Conseil et aux fins de l'identification des ressortissants de pays tiers et apatrides en séjour irrégulier, et relatif aux demandes de comparaison avec les données d'Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et par Europol à des fins répressives, modifiant les règlements (UE) 2018/1240 et (UE) 2019/818 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant le règlement (UE) no 603/2013 du Parlement européen et du Conseil.
* 13 La proposition initiale de règlement compte 52 articles et 42 pages, contre 22 articles et 10 pages pour la directive.
* 14 L'article 10 de la proposition de règlement prévoit également un allongement de la durée maximale de l'interdiction d'entrée de droit commun, qui serait portée de cinq à dix ans, avec possibilité de prolongations ultérieures par échéances successives de cinq ans.
* 15 L'article 17 subordonne cet éloignement au respect, par l'État d'accueil, des normes du droit international relatives aux droits de l'homme. Il exclut d'y recourir pour les familles avec enfants et les mineurs non accompagnés.
* 16 Dans son rapport La politique de lutte contre l'immigration irrégulière (février 2024), la Cour des comptes relevait que « L'assignation à résidence n'offre que peu de résultats, car ces populations souvent précaires et dépourvues de documents d'identité ne disposent pas toujours d'une adresse fiable. Le cadre juridique de la visite domiciliaire (...) est complexe et celle-ci doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention. Sur les quatre dernières années, seuls 18 % des étrangers assignés à résidence ont quitté le territoire français » (p. 79). Le taux d'éloignement à l'issue d'un placement en rétention en France métropolitaine s'élevait à 38,8 % en 2024.
* 17 b) du paragraphe 2 de l'article 2 de la directive 2008/115/CE.
* 18 En vertu de l'article 131-30 du code pénal, cette peine « entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. »
* 19 Cour des comptes, La politique de lutte contre l'immigration irrégulière, février 2024, p. 79.
* 20 L'article L. 813-5 du CESEDA garantit déjà le droit, à la demande de l'étranger retenu, d'être examiné par un médecin.
* 21 Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007, le CGLPL exerce, afin de s'assurer du respect de leurs droits fondamentaux, « le contrôle de l'exécution par l'administration des mesures d'éloignement prononcées à l'encontre d'étrangers jusqu'à leur remise aux autorités de l'État de destination ».
* 22 Depuis 2019, l'article 25 bis du code communautaire des visas permet au Conseil, en cas de forte dégradation de la coopération d'un État tiers en matière de réadmission de ses ressortissants, de prendre des mesures restrictives en ce qui concerne la délivrance des visas de court séjour.
* 23 Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.
* 24 Sous l'empire de la directive 2013/32, la CJUE a jugé que la désignation d'un pays tiers comme pays d'origine sûr doit s'étendre à l'ensemble de son territoire (CJUE, 4 octobre 2024, n° C-406/22) et ne peut être assortie d'exceptions pour certaines catégories de personnes (CJUE, 1er août 2025, n° C-758/24 et C-759/24).
* 25 Le Conseil constitutionnel tire du quatrième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, aux termes duquel : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République », l'obligation, pour les autorités compétentes, de procéder à l'examen de la situation du demandeur qui affirme être persécuté pour son action en faveur de la liberté et le droit pour ce dernier de se maintenir sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande (décision n° 93-325 DC du 13 août 1993).
