CHAPITRE IV - QUELLE POLITIQUE BUDGÉTAIRE POUR LA FRANCE ?

I. LA MAÎTRISE DES DÉPENSES

La nécessité absolue de réduire les déficits publics et l'impossibilité objective d'augmenter significativement les prélèvements obligatoires conduisent le Parlement à s'interroger sur les possibilités de réaliser des économies budgétaires. L'Assemblée nationale a adopté une démarche d'économie forfaitaire -2 milliards de francs- sur l'ensemble des dépenses, à charge pour les rapporteurs spéciaux de proposer les réductions de dépenses idoines lors de l'examen de chaque budget. Toutefois, la difficulté est apparue de réaliser des économies suffisantes pour atteindre l'objectif de 2 milliards de francs. Le gouvernement a donc été appelé à compléter les réductions de dépenses par un amendement proposé à l'Assemblée nationale en deuxième délibération sur l'ensemble du budget.

La réflexion sur les économies est indispensable, pour des raisons d'équilibre budgétaire mais aussi au nom de la cohésion sociale, le citoyen acceptant de plus en plus mal l'incapacité apparente de l'État à réduire le poids des prélèvements obligatoires. Ces deux impératifs rendent la réflexion urgente, même si aucune obligation de résultat n'est officiellement fixée.

Votre rapporteur général souhaite rappeler les quelques grandes caractéristiques des dépenses du budget de l'État, avant d'évaluer leur flexibilité, pour mieux explorer enfin les possibilités de réduction des charges.

A. APPARENCES ET RÉALITÉS DES DÉPENSES DE L'ÉTAT

L'évolution des fonctions de l'État au cours des dernières décennies a abouti à une profonde modification de la structure budgétaire.

1. Un équilibre apparent

a) - Du "régalien" à l'universel

L'évolution depuis 20 ans, des fonctions du budget, reflète la juxtaposition, aux missions régaliennes, d'interventions de plus en plus diversifiées dans le secteur économique et social, et le poids grandissant de l'endettement public.

LES FONCTIONS DE L'ÉTAT

b) L'État "régulateur"

La photographie des dépenses de l'État en 1996 illustre l'aboutissement de l'évolution des dernières décennies budgétaires.

L'État supporte une charge d'endettement née du poids grandissant de ses dépenses.

L'État assume les dépenses de personnel et matériel de l'administration dont le poids est devenu supérieur à 1/3 du budget.

L'État se réserve une marge consistante d'interventions dans l'économie, même si cette marge est moins importante en volume que celle de la charge de la dette.

Enfin, le budget civil d'investissement de l'État est proportionnellement faible : 84,11 milliards de francs, soit 5,4% du total (trois fois inférieur à celui des collectivités locales). En effet, l'État accompagne l'effort d'équipement mais le prend rarement totalement à sa charge, comme le montre la part assez faible des investissements réalisés par l'État : 15,4 milliards de francs en 1996 par rapport aux subventions d'investissement : 68,7 milliards de francs 19 ( * ) .

Cette répartition des fonctions budgétaires de l'État recouvre en fait une prédominance absolue des dépenses à caractère social.

2. La prédominance du social

a) Un équilibre apparent

L'analyse du budget par titre et par partie, ou bien par ministère, donne une place équilibrée aux dépenses sociales dans le budget de l'État.


Les interventions de l'État

. Au sein des interventions publiques (titre IV) qui s'élèvent à 447,4 milliards de francs, les interventions dites "sociales" représentent 173,4 milliards de francs, alors que les interventions économiques s'établissent à 158,3 milliards de francs, les autres interventions (politiques, culturelles...) s'élevant à 115,7 milliards de francs. Le "social" représenterait donc un peu plus d'un tiers des interventions.


• Les budgets par ministère

L'évolution des budgets par ministère montre une progression très nette en volume des "fonctions sociales" mais une régression de leur part dans le budget de l'État, de 17,3 à 14,3 % (voir tableau page 19).

b) Une prééminence effective

L'analyse des charges de l'État par destination montre en fait une large prééminence des dépenses à caractère social.

En effet :

au sein du titre III (moyens des services) :

La part des pensions et cotisations sociales des agents de l'État représente 151,19 milliards de francs, soit 28,3 % des moyens des services.

(en milliards de francs PLF96)

Charges sociales

64,06

Pensions

87,13

Total Titre III

533,72

Parmi les subventions de fonctionnement versées aux établissements publics, les dotations destinées à des organismes à caractère social représentent plus de 10 % du total.

Travail 5,446 MMF (dont 5,326 MMF pour l'ANPE)

Anciens combattants 0,266 MMF (Office national des Anciens

Combattants, Institution Nationale des Invalides)

Santé 0,246 MMF (hôpitaux, école nationale

de la Santé)

Solidarité entre

les générations 0,085 MMF (Instituts pour jeunes

aveugles et jeunes sourds,

institut de l'enfance et de

la famille)

Total : 6,043 MMF, soit 10,9 % des subventions

de fonctionnement

au sein du titre IV (Interventions publiques), la prédominance des interventions à caractère social est absolue.

En effet, les interventions à caractère social sont nettement prépondérantes, et beaucoup plus étendues que les dépenses officiellement regroupées sous les 6e et 7e parties du titre soit :

- 6e partie - Action sociale-assistance et solidarité : 147,29 MMF en 1996 (+ 3,8 %)

- 7e partie -Action sociale-prévoyance : 26,11 MMF en 1996 (+ 4,3 %).

En fait, des dotations à caractère social apparaissent à la 3e partie (action éducative et culturelle), à la 4e partie (action économique-encouragements et interventions), à la 5e partie (action économique, subventions aux entreprises d'intérêt général).

Ainsi :

- au sein de la 3e partie, "Action éducative et culturelle" :

- au budget du travail, 19,59 MMF sont consacrés à la formation professionnelle dans les entreprises et au crédit formation individualisé pour les jeunes décentralisé aux régions, ces formations étant directement axées vers un souci d'insertion professionnelle.

- au budget de l'enseignement supérieur, 6,3 milliards de francs (+ 8,6 %) sont consacrés aux bourses et secours d'études.

- au budget de la jeunesse et des sports, 573,5 millions de francs sont destinés à la jeunesse et à la vie associative.

- au sein de la quatrième partie : "action économique-encouragements et interventions"

- au budget du travail, 58,08 milliards de francs (+ 21,5 %) sont consacrés aux interventions en faveur de l'emploi (mesures d'accompagnement des licenciements, emplois aidés, mesures pour les chômeurs de longue durée...)

- Au budget des charges communes, 38,81 milliards de francs (+ 55%) sont destinés aux dépenses d'allégement du coût du travail.

- Au sein de la cinquième partie, "Action économique - subventions aux entreprises d'intérêt général", 4,55 milliards de francs constituent la subvention à Charbonnages de France au nom du "Pacte charbonnier" qui accompagne socialement l'extinction progressive de l'activité des mines.

On peut donc estimer qu'au total, les interventions à caractère social représentent :

à la 3e partie : 26,46 milliards de francs

à la 4e partie : 96,89 milliards de francs

à la 5e partie : 4,55 milliards de francs

à la 6e partie : 147,29 milliards de francs

à la 7e partie : 26,11 milliards de francs

soit au total 301,3 milliards de francs, ou 67,4 % de l'ensemble des interventions publiques.

Le poids des dépenses sociales dans le budget de l'État est donc beaucoup plus lourd que ne le laisse entrevoir la présentation officielle des dépenses : il représente en fait 30 % des dépenses du budget.

* 19 Toutefois, le budget de la défense comporte traditionnellement un effort d'équipement important, naturellement lié à la spécificité des nécessités militaires : en 1996, les dépenses ordinaires militaires diminuent à 152,5 milliards de francs (soit -207 millions de francs), alors que les dépenses en capital restent inchangées à 88,94 milliards de francs

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