Rapport général n° 77 (1995-1996) de M. Hubert HAENEL , fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 novembre 1995

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N°77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 27

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Hubert HAENEL

(1) Cette commission est composée de MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2222, 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 (1995-1996).

Lois de finances.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits demandés pour la Justice en 1996 progressent de 6,04 % et atteignent 23.467,20 millions de francs. Ce budget représenterait ainsi 1,51 % du budget de l'État -au lieu de 1,49% en 1995- à l'issue de la deuxième année d'application de la loi de programme sur la Justice.

Évolution des crédits de 1995 à 1996

Alors qu'en 1995, première année d'application de la loi de Programme sur la Justice, l'accent était mis sur les juridictions administratives, la progression la plus nette en 1995 est celle des crédits de l'administration pénitentiaire.

Évolution par actions

Taux de progression 95/96 Pourcentage du budget en 1996

Votre rapporteur examinera successivement les cinq actions contenues dans le budget, au regard des engagements de la loi de programme du 6 janvier 1995 et de l'état des lieux tel qu'il peut être dressé avant la fin de la première année d'application du programme pluriannuel de la Justice.

CHAPITRE PREMIER L'ADMINISTRATION CENTRALE DE LA CHANCELLERIE

En 1996, les crédits de l'administration centrale s'élèvent à 3.391,2 millions de francs, progressant de 5,5 % 1 ( * ) .

Évolution des crédits de l'administration centrale

L'administration centrale de la Chancellerie est composée de deux directions de "législation" : affaires civiles et sceau, affaires criminelles et grâces, auxquelles se sont ajoutées successivement des directions dites "de gestion" : services judiciaires, administration pénitentiaire, protection judiciaire de la jeunesse, une direction de "moyens", la direction de l'administration générale et de l'équipement, puis une délégation spécifique pour le programme pluriannuel d'équipement judiciaire, enfin un service des affaires européennes et internationales.

I. LES EFFECTIFS

Au 1er trimestre 1995, le total des emplois budgétaires était de 1.800, mais les effectifs réels en fonction à l'administration s'élevaient à 2.275 (dont 466 agents des services déconcentrés mis à la disposition de l'administration centrale) répartis selon l'organigramme suivant :

Dans le budget de 1996 :

- un poste de magistrat (410.295 francs) est créé pour renforcer les effectifs de l'administration centrale (161 magistrats y sont actuellement en fonctions),

- un poste de magistrat inspecteur (291.004 francs) est créé pour renforcer les effectifs de l'inspection générale des services judiciaires, conformément aux prescriptions de la loi de programme.

L'effectif budgétaire de magistrats de l'administration centrale au 1er septembre 1995 était de 153. Les "M.A.C.J." exercent à la Chancellerie des activités juridiques de législation et réglementation, mais ils assurent aussi la gestion du corps des magistrats, ainsi que d'autres tâches de gestion dans les directions spécialisées, y compris à la direction de l'administration générale et de l'équipement.

Leur répartition à l'administration centrale est la suivante :

II. L'INFORMATIQUE

L'informatique nationale de la Chancellerie a posé de sérieux problèmes jusqu'au début des années 90, l'absence de maîtrise des dépenses s'accompagnant de l'échec de plusieurs opérations importantes, constatés dans le rapport rendu par M. Leclercq en septembre 1992.

A. LES PERSONNELS

Fortement critiqués dans le rapport Leclercq pour leur développement excessif, les services informatiques du ministère ont radicalement évolué depuis trois ans : le dégonflement des effectifs s'est accompagné d'un recours de moins en moins important aux personnels externes, et d'une déconcentration vers les centres de prestation régionaux.

Évolution des effectifs "informatique"

B. LES CRÉDITS

En trois ans, les crédits des grandes applications nationales ont diminué de 100 millions de francs, reflétant le recentrage des actions opéré après 1992.

C. LES RÉALISATIONS

1. Le pian intérimaire

À la suite de la remise du rapport Leclercq, le ministre de la Justice a adopté, fin 1992, un plan intérimaire, axé autour des orientations suivantes :

ï assurer le remplacement des applications de gestion du casier judiciaire et de traitement des affaires pénales de la région parisienne fonctionnant sur des ordinateurs obsolètes et non remplaçables ;

ï remplacer les environnements de fonctionnement des applications pénales et civiles des juridictions fonctionnant également sur des matériels anciens ;


• engager le remplacement d'application obsolète de la gestion des établissements pénitentiaires, du traitement des affaires civiles de la cour d'appel de Paris, de la gestion des personnels du ministère, de la gestion des bureaux d'ordre de la cour de cassation.

2. Les orientations pour 1996

En 1996, la priorité est donnée à la consolidation des grandes applications nationales, et au lancement d'une grande opération.


La consolidation des grandes applications nationales

- le nouveau casier judiciaire

Cette nouvelle application est entrée en service en avril 1995, et les développements portent aujourd'hui sur la prise en charge du casier judiciaire des départements d'outre-mer, l'extension aux personnes morales et la mise en place de nouveaux modes de demandes de bulletins B2.

- la nouvelle chaîne pénale

La "NCP" est en service dans les tribunaux de grande instance de Créteil, Evry, Nanterre, Paris, Pontoise. Elle sera également en service à Paris ainsi qu'au tribunal de grande instance de Versailles d'ici à la fin de 1995, et du tribunal de grande instance de Bobigny en 1996.


La gestion des détenus

La gestion informatisée des détenus en établissements -GIDE-, en cours de développement, est la seule opération informatique d'envergure du ministère pour les prochaines années. Le coût pour 1996 est de 17,4 millions de francs, le coût total de l'opération étant estimé à 300 millions de francs.

CHAPITRE II LES SERVICES JUDICIAIRES

Les crédits des services judiciaires progressent de 4,5 % et atteignent 10.081,4 millions de francs, soit près de 43 % du budget de la Justice, pour une "action" qui constitue le coeur de l'activité de la Chancellerie.

Évolution des crédits des services judiciaires

I. LA LOI DE PROGRAMME ET LES SERVICES JUDICIAIRES

A. OBJECTIFS ET MOYENS QUANTITATIFS

La loi de programme du 6 janvier 1995 a assigné des objectifs de réduction de délais de jugement aux services judiciaires, accompagnés de moyens significatifs.

La loi de programme et les services judiciaires

B. L'ACCOMPAGNEMENT DES MOYENS MATÉRIELS

Le rapport annexé à la loi de programme du 4 janvier 1995 a fixé comme objectif aux services judiciaires de "réduire les délais de jugement", évalués à cinq mois en moyenne devant les tribunaux d'instance, neuf mois devant les tribunaux de grande instance, et quatorze mois devant les cours d'appel, respectivement à "trois, six et douze mois".

À cette fin, le rapport annexé a identifié quatre actions nécessaires :

1) "Modifier les structures", c'est-à-dire adapter progressivement la carte judiciaire, à l'intérieur de chaque cour d'appel.

2) "Réformer la procédure et l'organisation judiciaire", c'est-à-dire recentrer l'activité du juge sur la mission essentielle de "dire le droit" en entourant le magistrat de juges non professionnels, de conciliateurs, de médiateurs, assistants, fonctionnaires, tout en renforçant les effectifs de 300 magistrats professionnels et de 835 emplois dans les greffes, ainsi qu'en levant la mise en réserve de 185 emplois de fonctionnaires des greffes.

3) "Améliorer le patrimoine immobilier", grâce à un crédit de 4,5 milliards de francs en autorisations de programme.

4) "Mieux administrer", en renforçant l'inspection générale du ministère, et en créant une "structure de gestion" dans chaque cour d'appel.

C. DES DÉBUTS TRÈS CONCRETS : LE BUDGET DE 1995

Le budget des services judiciaires pour 1995 a assuré la première tranche de réalisation de la loi de programme dans de bonnes conditions : 60 postes de magistrats ont été créés, ainsi que 33 emplois accompagnés de la levée du gel de 185 emplois dans les greffes. Trois provisions ont été inscrites, de 4,1 millions de francs pour l'indemnisation de 16 magistrats professionnels "équivalent temps plein", de 2,6 millions de francs pour la formation et l'indemnisation des conciliateurs, de 1,1 million de francs pour la rémunération d'assistants de justice.

Enfin, la création des structures de gestion dans les cours d'appel était amorcée (justifiant une part de la mesure nouvelle de 24,3 millions de francs en fonctionnement), et 1.173 millions de francs étaient ouverts en autorisations de programme -soit près des deux cinquièmes du total de la programmation- du fait du degré important des opérations déjà lancées depuis les débuts du programme pluriannuel de 1992.

II. L'ÉTAT DES LIEUX EN 1995

A. UNE DIFFICULTÉ PERSISTANTE À RÉDUIRE LES DÉLAIS

Les données les plus récentes portent sur l'année 1994, marquée par l'institution du juge aux affaires familiales dans les tribunaux de grande instance, qui reprend l'activité des tribunaux d'instance en matière familiale.

Une évolution des délais de jugement encore contrastée

Au civil

"Après avoir diminué très régulièrement de 1990 (14,7 mois) à 1993 (13,3 mois), la durée moyenne de traitement des affaires devant les cours d'appel augmente légèrement en 1994, d'une dizaine de jours, pour passer à 13, 7 mois.

L'institution du JAF en 1994 et le transfert de compétences du tribunal d'instance vers le tribunal de grande instance explique en grande partie les évolutions 94/93 des durées de traitement des affaires en tribunal de grande instance : la durée de traitement des affaires au fond en tribunal de grande instance gagne près de deux semaines pour descendre sous les neuf mois.

Ces deux réformes des contentieux familiaux et de l'exécution conduisent à l'inverse à accentuer en 1994 l'allongement observé depuis 1990 de la durée de traitement des affaires en tribunal d'instance. Celle-ci s'accroît d'un peu plus d'une semaine en 1994 pour passer au dessus des cinq mois. "

Comme le souligne ensuite la Chancellerie : "Les durées moyennes de traitement des affaires sont donc globalement stables depuis 1990, ce qui traduit les gains importants de productivité réalisés par les juridictions sur une période où le volume des contentieux a continué de progresser.

Néanmoins, une nouvelle amélioration des durées moyennes de règlement des dossiers est nécessaire, comme le soulignait le rapport annexé à la loi de programme du 6 janvier 1995 relative à la Justice".

Au pénal, l'évolution des durées de procédure est variable suivant le type de contentieux considéré, mais de 1990 à 1993, la durée moyenne de l'instruction s'est légèrement allongée, qu'il s'agisse de crimes ou de délits.

Durée de l'instruction en mois

B. LA MISE EN PLACE DES MO YENS SUPPLÉMENTAIRES

1. Les emplois

En 1995, le gel des emplois a épargné les magistrats, et a été entièrement levé dans les greffes par décision du 21 juillet 1995 : ce sont 210 emplois qui ont ainsi été rendus disponibles (dont les 23 emplois crées dans les greffes par la loi de finances pour 1995).

Les emplois de magistrats ont été affectés en priorité aux cours d'appel pour lutter contre l'allongement des délais.

2. Les immeubles

Les autorisations de programme ont été affectées à hauteur d'environ 450 millions de francs (fin juillet 1995) pour le programme pluriannuel, une situation d'excédents de crédits de paiement intervenant en cours d'exercice.

Le déroulement des études et travaux conduits à l'échelle déconcentrée pour les opérations de rénovation et de sécurité a été conduit de manière active : 92 % des autorisations de programme et 62 % des crédits de paiement disponibles avaient été délégués au 1er août 1995.

C. LES MESURES D'ACCOMPAGNEMENT

Le programme pluriannuel pour la justice 1 ( * ) présentait trois séries de mesures d'accompagnement :

- recentrer le juge sur ses tâches essentielles,

- rationaliser l'organisation du travail juridictionnel,

- mettre en place une véritable administration des juridictions.

Plusieurs mesures n'exigeant pas de décrets d'application sont entrées en vigueur : transfert de compétences des magistrats aux greffiers en chef, transmission des dossiers du juge de l'exécution aux commissions de surendettement des ménages

En revanche, la mise en place des magistrats à titre temporaire, des assistants de justice, du recours à la conciliation et à la médiation civile, des audiences foraines des chambres détachées des tribunaux de grande instance, font l'objet de projets de décrets qui n'ont pas encore abouti.

Enfin, la mise en place des structures de gestion des cours d'appel, qui doit se concrétiser par la mise en place de secrétaires généraux (magistrats) et de coordonnateurs des fonctions administratives (greffiers en chef), sous l'autorité hiérarchique des chefs de cours, n'a pas encore été menée à bien : toutefois, le regroupement des services administratifs à la cour d'appel a été opéré dans 8 cours, et est en passe d'être généralisé. Il reste à fixer dans le code de l'organisation judiciaire, après concertation des acteurs concernés, les règles relatives à l'organisation locale des services judiciaires.

III. LE BUDGET DES SERVICES JUDICIAIRES EN 1996

Le budget de 1996 assure l'application de la loi de programme et opère aussi d'autres avancées significatives.

A. LES EMPLOIS

1. Les magistrats

* les créations d'emplois

58 emplois de magistrats sont créés (18,12 millions de francs), ainsi répartis :

- 33 pour les cours d'appel (dont 6 conseillers en service extraordinaire et 9 magistrats placés),

- 8 pour les parquets,

- 3 pour les tribunaux pour enfants,

-3 pour l'application des peines.

Compte tenu des deux créations d'emplois de magistrats à l'administration centrale, le budget de 1996 assure -comme celui de 1995- un cinquième des créations prévues par la loi de programme, qui s'élèvent au total à 300 ( ( * )1) , à rapporter à des effectifs budgétaires de 6.198 en 1995.

* l'assistance à la décision de justice

Des crédits spécifiques sont mis en place -comme en 1995- afin de permettre la mise en place des personnels entourant les magistrats prévus par la loi de programme, soit 10,6 millions de francs pour la rémunération de 16 magistrats "équivalent temps plein" (les "juges de paix") et d'assistants de justice, 1 million de francs pour l'indemnisation des conciliateurs.

2. Les greffes

190 emplois d'agents des greffes sont créés (+ 27,6 millions de francs) ce qui correspond à plus du cinquième des postes prévus par la loi de programme, 12 emplois de greffiers en chef et 25 greffiers sont affectés aux secrétariats généraux des cours d'appel.

3. Le fonctionnement des juridictions

En 1996, seront mis en place les greffiers en chef coordonnateurs, dans chaque cour d'appel, de l'action administrative (formation, informatique, équipement...).

Les 23 emplois des "services locaux pour l'administration de la justice" créés en 1991 dans l'optique d'une réforme administrative et non utilisés seront transformés à cette fin. Une mesure nouvelle de 2 millions de francs est destinée à accompagner la mise en place de cette structure.

Parallèlement, les chefs de cours devraient désigner des magistrats des cours d'appel en tant que secrétaires généraux.

4. Les immeubles

Les autorisations de programme s'élèvent à 1.133,66 millions de francs, en diminution de 3,7 %, et représentent encore plus du cinquième (900 millions de francs) de la programmation quinquennale. Dans cette enveloppe :

- 881 millions de francs sont affectés aux constructions du programme pluriannuel d'équipement neuves et aux restructurations lourdes, pour 515 millions de francs en crédits de paiement ;

- 250,66 millions de francs sont consacrés aux rénovations et aux constructions déconcentrées, pour 211,6 millions de francs en crédits de paiement.

La Chancellerie donne sur l'état d'avancement des opérations des informations rassurantes, mais s'interroge toutefois sur le niveau des crédits de paiement de 1996 (près de 725 millions de francs) qui paraît insuffisant après une année d'excédents en 1995, et qui imposera, d'après elle, une régulation de l'ouverture de nouveaux chantiers pour toutes les catégories d'opérations (sauf la remise à niveau).

L'état d'avancement des opérations immobilières du programme pluriannuel

La loi de programme n° 95-9 relative à la justice alloue 4,5 milliards de francs sur 5 ans (95-99) aux équipements judiciaires.

Ces crédits sont consacrés principalement, à hauteur de 3.380 millions de francs, à la consolidation du programme pluriannuel d'équipement, lancé en 1991, en assurant le financement des opérations les plus prioritaires parmi celles recensées par les schémas-directeurs.

L'état d'avancement de ce programme à la fin du 3ème trimestre 1995 s'établit de la manière suivante :

- Opérations en chantier : Nanterre, Montpellier, Aix-en-Provence, Bordeaux, Caen, Grasse.

- Opérations en appel d'offres : Melun, Béthune.

- Opérations en cours d'études : Nice, Grenoble, Nantes, Bourgoin-Jallieu, Avignon, Besançon, Toulouse.

- Opérations en concours : Fort-de-France.

- Opérations en programmation : Pontoise, Versailles, Thonon.

Pour 1996, le montant des autorisations de programme au titre du programme pluriannuel d'équipement s'élève à 880 millions de francs. Pour près de 75 %, ce budget sert à financer la passation de marchés de travaux dont notamment ceux de Bourgoin-Jallieu, Grenoble, Avignon et Besançon. Près de 65 millions de francs sont consacrés à la passation des marchés de maîtrise d'oeuvre de Thonon, Pontoise et Versailles.

Les opérations d'équipement "hors programme pluriannuel" sont les opérations du programme déconcentré auxquelles la loi de programme a réservé un budget de 1.120 millions de francs sur cinq ans (dotation de l'administration centrale et divers inclus).

Deux actions sont inscrites au programme déconcentré des services judiciaires en 1996 : la réalisation d'opérations d'équipements petites et moyennes, la remise à niveau technique et le gros entretien des bâtiments judiciaires.

Les opérations petites et moyennes

Les schémas directeurs réalisés par la délégation générale au programme pluriannuel d'équipement et ceux initiés par les cours d'appel ont permis d'identifier un ensemble d'opérations petites et moyennes.

Un budget de 590 millions de francs leur est consacré sur la loi de programme dont les deux tiers sont réservés à l'achèvement ou à la réalisation d'opérations lancées en 1994 ou antérieurement. De ce fait, plus de 50 % du financement de ces opérations est réalisé sur les deux premières années d'exécution de la loi de programme.

Ainsi, les budgets 1995 et 1996 permettent le lancement des travaux des opérations retenues, en raison de leur caractère d'urgence en 1994 :

- financement, en 1995, des travaux d'Epinal (1ère tranche), du Lamentin, de Saintes, de Vierzon (études financées en 1993), de Marseille et de Nancy (2ème tranche).

Sont également financés sur les budgets 1995 et 1996, les travaux de restructuration liés à des opérations réalisées en plusieurs tranches (Angoulême, Blois), et la poursuite des études sur les opérations initiées en 1994 (Laval).

Ne sont inscrites sur l'exercice budgétaire 95 que deux opérations nouvelles : les restructurations et rénovation (dont la mise en conformité aux normes de sécurité) des Palais de Justice de Saint-Etienne et de Roubaix.

La remise à niveau technique et le gros entretien du patrimoine existant

La loi de programme réserve 420 millions de francs à la remise à niveau technique et au gros entretien du patrimoine existant. Les priorités de ce programme en 1995 et 1996 restent la mise en sécurité des bâtiments judiciaires et les opérations de grosses réparations en clos et couvert.

En 1995, le montant des dotations spécifiques a été porté à 45 millions de francs, qui ont été réservés, à hauteur de 60 % à des opérations de mise en sécurité et à des travaux de grosses réparations (réfections de toitures, réparations ou changement de chaudières), les 40 % restants étant consacrés aux quelques opérations de relogement indispensables.

La régulation des engagements sur autorisations de programme imposée par la faible disponibilité de crédits de paiement en 1996 ne touchera pas ces travaux.

B. DES REVENDICATIONS ANCIENNES

1. La revalorisation indemnitaire des magistrats

Le budget de 1996 assure la poursuite de la revalorisation des indemnités des magistrats, dont le taux moyen passe de 35 à 37 % du traitement, pour un coût de 27,89 millions de francs.

La progression indemnitaire a repris depuis 1993 :

2. Des renforts de personnels pour les greffes

L'édition des décisions de justice souffre de retards considérables, qui peuvent parfois atteindre une année entière.

Pour la première fois, ce problème est pris en compte par le budget de 1996, qui prévoit la création de 300 emplois supplémentaires de catégorie C, destinés aux travaux de dactylographie, pour un coût de 37,14 millions de francs (parallèlement, 22 emplois de greffes sont supprimés, pour une économie de 3,37 millions de francs).

Cette mesure doit être tout particulièrement saluée, les juridictions ayant recours depuis de nombreuses années à des vacataires ou des contrats emploi-solidarité (environ 2 milliers d'agents), situation tout à fait anormale au regard des exigences de secret de la justice et de dignité de l'institution. Il est à souhaiter que ces agents en situation précaire bénéficient au maximum des créations d'emplois permanents.

C. DES QUESTIONS PLUS NOUVELLES

1. L'informatique d'initiative locale

Les dépenses d'informatique d'initiative locale sont financées au sein des crédits déconcentrés de fonctionnement des juridictions, et ont permis, depuis cinq ans, d'informatiser les services générant le plus de contentieux répétitifs.

La Chancellerie a pris conscience des risques initiés par l'absence de contrôle des initiatives et souhaite maintenant imprimer des orientations :

- mieux encadrer les dépenses via les cours d'appel,

- développer un contrôle de gestion permanent, grâce à des tableaux de bord communs aux cours et à la Chancellerie,

- normaliser les rapports contractuels avec les sociétés d'informatique, notamment afin de réduire le coût des contrats,

- généraliser les clubs utilisateurs, groupements de juridictions confrontés aux problèmes d'utilisation des logiciels.

En 1996, l'accent est mis sur la poursuite de l'effort d'équipement mais aussi sur le remplacement des matériels obsolètes, en priorité par rapport au développement de nouvelles applications :

2. L'aide juridique

Après deux années d'ajustement à la baisse, les crédits dévolus à l'aide juridique se maintiennent au niveau de 1.085,28 millions de francs, l'unité de valeur servant de base à la rétribution des avocats restant inchangée à 130 francs (niveau fixé dans la loi de finances pour 1995), le nombre de bénéficiaires prévu restant fixé autour de 600.000.

L'évolution des crédits depuis 1990 va dans le sens d'une stabilisation :

Évolution des dotations budgétaires et des dépenses constatées de 1990 à 1996

Le rapport de bilan des 3 premières années d'application de la loi relative à l'aide juridique fourni par le gouvernement en juillet dernier montre que les objectifs tendant à améliorer l'accès à la justice des plus démunis et à favoriser une défense de qualité "paraissent globalement réalises."

3. Les frais de justice

La dotation des frais de justice augmente de 100 millions de francs (soit 7,6 %) et s'établit à 1.408,92 millions de francs. Le ralentissement de la progression se poursuit depuis 1994, où les crédits avaient augmenté de 200 millions de francs.

Les principaux postes de dépenses sont actuellement les frais de justice pénale (68%), les frais de justice civile (19%), les frais de justice commerciale (11 %).

La progression très vive des frais de justice a fait l'objet d'un rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection des services judiciaires rendu au cours de l'été 1994.

Ce rapport montre que la progression des frais est liée :

- à l'augmentation des contentieux.

- aux nombreuses réformes intervenues en matière civile et pénale.

- aux procédures collectives en matière commerciale.

- au recours accru à la preuve scientifique par la justice et la police.

Afin d'essayer de réguler la progression alarmante des frais de justice, la Chancellerie a mis en place des groupes de travail sur 4 thèmes prioritaires :

- négociations des tarifs avec France Télécom, appel à concurrence pour la location des matériels d'écoute.

- expertise et laboratoires de police scientifique : tarifs, statuts, et rémunérations des personnels.

- gardiennage des pièces à conviction.

- définition d'un système d'informatisation "gestion des frais de justice" la Cour d'appel.

CHAPITRE III LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

En 1996, les crédits du Conseil d'État et des juridictions administratives s'élèvent à 627,35 millions, en progression de 3,9 %.

Évolution des crédits des juridictions administratives

I. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES ET LA LOI DE PROGRAMME

A. OBJECTIFS ET MOYENS

1. Des objectifs quantifiés

Sur l'initiative de votre commission des finances, saisie pour avis du projet de loi de programme, et de son rapporteur M. Alain Lambert, un délai moyen "idéal" de jugement a été fixé dans l'avis annexé à la loi de programme à un an pour chaque degré de juridiction.

2. Des moyens sans doute insuffisants

La loi de programme a prévu l'attribution de moyens significatifs aux juridictions administratives, mais sans doute insuffisants eu égard aux besoins des greffes, et aux importantes opérations en capital induites par la création de quatre juridictions nouvelles.

La programmation et les juridictions administratives

B. LE BUDGET DE 1995

1. Les emplois

En 1995, 22 emplois de magistrats ont été créés et la rémunération de 15 magistrats en surnombre a été inscrite.

Dans les greffes, 36 emplois ont été créés (dont 9 au Conseil d'État), ce rythme, nettement inférieur à la moyenne annuelle de la programmation, devant s'accélérer d'ici à 1998 avec la création des nouvelles juridictions.

Une politique de recrutement active a permis de réduire le taux de vacances de 6,1 % à 1,2 % pour les magistrats, de 4 % à 0,8 % pour les fonctionnaires.

2. Les immeubles

40 millions de francs ont été ouverts en autorisations de programme -pour 37 millions de francs en crédits de paiement-, dont 14 millions de francs pour des travaux d'aménagement au Conseil d'État, et 26 millions de francs pour le relogement de deux tribunaux (Lille, Amiens).

3. L'informatique

Les crédits d'informatique s'élevaient à 24,16 millions de francs, l'accent étant mis sur l'implantation du système Skipper de gestion des dossiers dans six juridictions.

II. L'ETAT DES LIEUX EN 1995

A. L'ÉVOLUTION DES CONTENTIEUX

(a) Pour le Conseil d'État et les cours administratives d'appel, les affaires réglées ne comprennent ni les décisions rendues sur les demandes de sursis à exécution, ni les décisions avant-dire-droit, ni les décisions renvoyant l'affaire au tribunal des conflits ou aux tribunaux judiciaires. Pour les tribunaux administratifs, les affaires réglées comprennent les décisions rendues sur les demandes de sursis à exécution et les décisions renvoyant l'affaire au tribunal des conflits et aux tribunaux judiciaires, mais ne comprennent pas les décisions avant-dire-droit.

(b) Les chiffres donnés entre parenthèses incluent les séries.

(c) Le stock est donné à titre indicatif par comparaison du stock antérieur, des entrées et des sorties, mais il ne résulte pas d'un inventaire direct.

Source : Conseil d'État - rapport d'activité 1994.

1. Les tribunaux administratifs

a) Les affaires nouvelles

En 1994, le nombre d'affaires nouvelles a cru à un rythme ralenti : + 1,5 %, alors que la progression avait été de +4% de 1992 à 1993 ; le nombre d'affaires en série a considérablement ralenti : de 28 % des entrées en 1992 à 6 % en 1994. L'institution du droit de timbre sur les requêtes en 1994 a sans doute sa part de responsabilité sur cette diminution.

b) Les affaires traitées

Le nombre d'affaires jugées augmente de 6 % en 1994 (8 % en 1993). La productivité par magistrat augmente : 182 dossiers par an en 1993, 189 dossiers en 1994.

c) Le nombre d'affaires en stock et les délais de jugement

Le stock d'affaires a augmenté de 3,3 % et atteint le chiffre de 182.300.

15 recrutements ont été effectués en surnombre au 1er semestre 1995 pour contribuer à la résorption de ces stocks, conformément aux prescriptions de la loi de programme.

Le délai moyen de jugement a diminué de plusieurs semaines, passant de 2 ans 1 mois et 10 jours en 1993, à 1 an 10 mois et 20 jours en 1994.

2. Les cours administratives d'appel

a) Les affaires nouvelles

En 1994, le transfert du contentieux de la fonction publique aux cours a entraîné une progression de 25 % des entrées : 9.435 affaires nouvelles ont été enregistrées.

b) Les affaires traitées

Le rapport affaires traitées/affaires enregistrées est passé de 100 % en 1992 à 71% en 1994. Le stock a augmenté de 23% pour atteindre 9.377 dossiers, le délai moyen de jugement passant à 1 an, 7 mois et 15 jours.

3. Le Conseil d'État

a) Les affaires nouvelles

Le transfert du contentieux de la fonction publique au 1er janvier 1994 a eu une influence très forte sur les entrées d'affaires au Conseil d'État, qui sont passées de 11.000 à 9.200 en 1994.

b) Les affaires jugées

Le nombre de dossiers réglés a augmenté de plus de 2.000 pour s'établir à 12.800 sur deux ans, la progression du nombre annuel d'affaires jugées étant de 28 %.

c) Les stocks et les délais de jugement

En 1994, le transfert des dossiers aux cours d'appel et les réformes d'organisation du traitement des dossiers ont permis de ramener le niveau de ce stock à moins de 20.000 affaires.

Le délai moyen de jugement, supérieur à 2 ans en 1993, s'établit ainsi à 18 mois. Toutefois, comme le fait remarquer le Conseil lui-même "la stabilité de la proportion des dossiers anciens (plus de 4 ans) dans l'ensemble du stock montre que les efforts doivent être poursuivis".

B. LA MISE EN PLACE DES RÉFORMES PRÉVUES DANS LE PROGRAMME PLURIANNUEL POUR LA JUSTICE

1. Une meilleure gestion des effectifs

En 1995, la gestion a tendu à rapprocher les effectifs réels des effectifs budgétaires : le taux de vacance des emplois de magistrats est passé de 6,1 % à 1,2 % ; 11 magistrats recrutés à titre temporaire ont été détachés entre le 1er janvier 1995 et le 31 mars 1995, le solde, soit 4 magistrats, l'étant au 1er janvier 1995.

Par ailleurs, le taux de vacance d'emplois dans les greffes devrait passer de 7,6 % à 0,8 % sur l'année 1995.

2. Un changement de méthodes de travail au Conseil d'État

Depuis deux ans, afin de parvenir à une réduction des délais de jugement, des efforts particuliers ont été menés, ainsi décrits par le Conseil d'État :

"- réforme de l'organisation du traitement des dossiers : redistribution du stock après un examen approfondi, spécialisation accrue des sous-sections, simplification des méthodes d'instruction des affaires, amélioration de l'adéquation entre la difficulté d'une affaire et le niveau de la formation qui la juge, simplification des méthodes de rédaction ;

"- incitation aux efforts de productivité des personnels, "

3. La réforme de l'organisation et des procédures

Deux décrets ont été pris le 3 juillet 1995, appliquant les dispositions de la loi du 8 février 1995 en ce qui concerne l'extension des cas où le président de juridiction peut statuer seul, et les nouveaux pouvoirs du juge administratif en matière d'injonction et d'astreinte.

III. LE BUDGET DE 1996

A. LES EMPLOIS

1) 20 emplois de magistrats sont créés (3.47 millions de francs) auxquels s'ajoute une autorisation de recrutement en surnombre de 15 magistrats : ces créations s'accompagnent d'un "repyramidage" de 21 emplois, pour un coût de 2.7 millions de francs. Les emplois seront répartis entre les tribunaux et les cours. Selon le Conseil d'État, ces emplois "sont destinés à équilibrer les flux entrées-sorties, dans un contexte d'accroissement du contentieux. Quant à la mesure de repyramidage, elle est nécessaire pour rééquilibrer la répartition des emplois entre les différents grades du corps mais elle présente aussi l'intérêt d'ouvrir la possibilité de nominations plus nombreuses dans les cours. "

2) 35 emplois sont créés dans les greffes (dont 7 au Conseil d'État) pour un coût de 3,66 millions de francs.

B. LES ÉQUIPEMENTS

40 millions de francs sont couverts en autorisations de programme, pour 25 millions de francs en crédits de paiement, afin de poursuivre les travaux de restructuration du Conseil d'État (creusement de locaux sous la Cour de l'Horloge), et d'engager les opérations préparatoires à la construction d'un nouveau tribunal administratif dans l'est parisien à Melun.

C. L'INFORMATISATION

L'accent est mis résolument, en 1996. sur l'équipement indispensable des tribunaux administratifs avec l'application "Skipper", pour un coût de 18,5 millions de francs sur un budget total de 29,2 millions de francs.

CHAPITRE IV L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

En 1996, les crédits de l'administration pénitentiaire progressent de 9% et s'établissent à 6.903,16 millions de francs.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE 1995 A 1996

I. L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET LA LOI DE PROGRAMME

A. DES MOYENS SUPPLÉMENTAIRES

La loi de programme a défini précisément les moyens supplémentaires de l'administration pénitentiaire, dans le but de lutter contre la surpopulation carcérale, et le sous-encadrement des détenus.

LA PROGRAMMATION ET L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

** Les 1.568 places en semi-liberté comprennent :

- 574 places en centres autonomes de semi-liberté,

- 994 places en quartiers de semi-liberté

B. LE BUDGET DE 1995

1. Les créations d'emplois

En 1995, 550 emplois ont été créés, dont :

- 351 personnels de surveillance

- 24 personnels administratifs et 40 personnels techniques

- 130 emplois pour le milieu ouvert

2. Les équipements

312 millions de francs ont été ouverts en autorisations de programme, soit :

- 189 millions de francs pour des opérations de rénovation,

-81 millions de francs pour le début du programme de construction de places nouvelles,

- 40 millions de francs pour la poursuite des opérations en Guadeloupe et Martinique.

II. L'ÉTAT DES LIEUX EN 1995

A. LA PERSISTANCE D'UNE SURPOPULATION CARCÉRALE

Au 1er janvier 1995, alors que la quasi-totalité des places d'établissements du programme "13.000" était en service, le taux d'occupation des prisons atteignait 119 %.

Récapitulatif ensemble des établissements pénitentiaires Situation au 1er juillet 1995

HOMMES ET FEMMES

Comme le souligne le rapport d'activité de l'Administration pénitentiaire pour 1994, "depuis 1980, l'effectif de la population carcérale en métropole a progressé de prés de 45 % et seules les mesures de clémence sont à l'origine de baisses ponctuelles qui n'ont pas d'effet durable".

Le nombre de condamnés a augmenté de 50 %, celui des prévenus de 40 % . Ce phénomène s'accompagne d'un allongement de la durée des peines : la durée moyenne de détention pour l'ensemble de la population incarcérée est de 7, 1 mois, alors qu'elle n'était que de 4,6 mois en 1980.

B. LES LIMITES DU MILIEU OUVERT

Les effectifs des comités de probation et d'assistance aux libérés s'élèvent à 768 emplois. Au 1er janvier, les CPAL, avaient 102.254 personnes en charge au titre d'au moins une mesure de milieu ouvert, le nombre de personnes ayant augmenté de 4 % en un an.

C. DES ÉLÉMENTS DE MODERNISATION

1. La sécurité

Le programme quadriennal de sécurité (1991-94), d'un montant total de 200 millions de francs a été achevé le 31 décembre 1994.

Un programme exceptionnel, arrêté à la suite des événements de l'été 1992, qui a notamment permis de mener à bien trois mesures :

-l'équipement en portiques de détection : 140 portiques ont été acquis entre novembre 1992 et février 1993 pour un coût total de 7 millions de francs, afin de rendre systématique le contrôle des détenus à la sortie des ateliers :

- l'équipement en alarmes portatives individuelles : un programme de dotation des postes de travail en détention de boîtiers portables munis d'un appel de détresse, a été arrêté pour un montant de 41,35 millions de francs, et a été réalisé de 1993 à 1995 ;

- l'équipement en filins anti-hélicoptères des établissements pénitentiaires : il a été décidé, au cours du 3e trimestre 1992, d'équiper de filins tous les espaces sensibles de maisons centrales, des centres de détention pour longues peines, ainsi que les principales maisons d'arrêt où sont incarcérés des détenus particulièrement dangereux, 48 établissements ont ainsi été équipés pour un coût de 76 millions de francs.

Par ailleurs, l'administration pénitentiaire a reconnu la nécessité "de ne pas limiter la sécurité à quelques opérations spécifiques d'achat de matériel ou de travaux d'équipement, mais de la reconnaître comme un élément essentiel et permanent de la gestion des établissements pénitentiaires".

La direction de l'administration pénitentiaire a donc engagé une double étude :

- sur une programmation des objectifs de sécurité dans le cadre des budgets des directions régionales ;

- sur les prescriptions techniques de sécurité qui figureront dans les programmes de construction des établissements prévus par le programme pluriannuel pour la justice.

En 1995, les directions régionales ont pris en compte, dans leur budget, le renforcement de la sécurité "au plus près des besoins exprimés par les chefs d'établissement".

2. La réforme sanitaire

La loi 94-43 du 18 janvier 1994 a réformé le dispositif de prise en charge sanitaire des détenus. L'enjeu est considérable car l'état de santé physique et mental de la population pénale, retracé en 1993 par un rapport du haut comité de la santé publique, est alarmant :

- taux de prévalence du virus du SIDA dix fois supérieur à celui de la population générale ;

- tuberculose trois fois plus fréquente ;

- toxicomanie touchant 15 % des détenus, etc.

Au système ancien de remboursement des soins aux professions médicales et hôpitaux -générant de très longs délais de paiement- la loi du 18 janvier 1994 a substitué le dispositif suivant :

Depuis le 1er janvier 1994, toute personne détenue (française ou étrangère) est obligatoirement affiliée aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale, à compter de la date de son incarcération.

L'État doit acquitter les cotisations sociales correspondantes et financer également la part qui n'est pas prise en charge par l'assurance maladie : le ticket modérateur pour les soins et le forfait journalier lors des hospitalisations.

Les ayants-droits des détenus français et des détenus étrangers en situation régulière bénéficient également des prestations en nature des assurances maladie et maternité.

Le service public hospitalier doit assurer désormais les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire, à l'exception des établissements du programme "13000" dans lesquels la fonction santé continuera d'être exercée par les groupements privés lorsqu'elle n'impliquera pas d'hospitalisation, conformément aux conventions signées entre le ministère de la Justice et les groupements privés et jusqu'à l'expiration de celles-ci.

Une unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), qui est une unité d'un service hospitalier, doit être implantée dans chaque établissement pénitentiaire.

Les soins, tant somatiques que psychiatriques, sont prodigués par des équipes pluridisciplinaires de l'hôpital.

Au plan local, cette organisation nouvelle est formalisée au travers d'un protocole, signé par le directeur de l'établissement pénitentiaire et le directeur de l'hôpital, sous l'égide des autorités régionales.

La charge de l'organisation des soins aux détenus est financée par le budget du ministère de la santé, à partir des cotisations sociales versées chaque année par le ministère de la Justice pour l'ensemble de la population pénale (393 millions de francs en francs 1994, une fois tous les protocoles signés). Parallèlement, la direction de l'administration pénitentiaire assure le financement de la rénovation des infirmeries des établissements pénitentiaires (51 millions de francs sur trois ans).

Le calendrier des protocoles n'a pas pu être respecté : au 1er juillet 1995, seuls 39 sur les 139 protocoles prévus ont pu être signés, concernant 20 % de la population pénale, mais 64 protocoles devaient être signés avant la fin de l'année 1995, portant le taux de couverture des détenus à 72 %.

D. L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES PERSONNELS : LE PROTOCOLE DU 18 JANVIER 1995

À l'issue du conflit engagé par le personnel des établissements, le 7 novembre 1994, un protocole d'accord a finalement pu être conclu le 18 janvier 1995 entre les syndicats de l'administration pénitentiaire et la Chancellerie et comprend :

1. Des mesures indemnitaires :

- la création d'une indemnité pour charges pénitentiaires servie à l'ensemble des personnels, à taux normal (800 francs/an) ou à taux majoré (2.400 francs/an) pour les emplois plus exposés ;

- la création d'une indemnité aux personnels d'insertion et de probation ;

- la revalorisation de l'indemnité pour travail le dimanche et les jours fériés (le taux horaire passant de 14,62 francs à 17,30 francs) ;

- la revalorisation de 25 % de l'indemnité de responsabilité des chefs d'établissement.

2. Des emplois supplémentaires

350 emplois nouveaux ont été rendus disponibles en 1995, dont 230 créations en surnombre, et 120 levées de gel, ce qui porte le nombre d'emplois supplémentaires en 1995 à 900.

Dans cette enveloppe, 521 emplois devraient permettre de faire passer le service de nuit de 2 à 3 agents dans 45 établissements, et d'attribuer un volant d'emplois supplémentaires à chaque direction régionale des services pénitentiaires.

La loi de finances rectificative du 4 août 1995 a inscrit la prise en charge de ce protocole à hauteur de :

10,71 millions de francs pour les 230 créations d'emplois en surnombre,

16,71 millions de francs pour les mesures indemnitaires.

III. LE BUDGET DE 1996

A. LES PERSONNELS

1. Les emplois

En 1996, 500 emplois sont créés à l'administration pénitentiaire (79,46 millions de francs), dont :

370 sont affectés au renforcement de l'encadrement (57,83 millions de francs), soit 334 personnels de surveillance, 27 personnels de direction et administratifs, 9 postes de psychologues contractuels ;

130 sont affectés à l'accroissement des capacités de prise en charge en milieu ouvert.

Parallèlement, les 230 emplois recrutés en surnombre à l'issue du protocole d'accord du 18 janvier 1995 sont consolidés (+ 47,75 millions de francs), afin d'assurer l'ouverture des établissements de Baie-Mahault en Guadeloupe, et de Ducos en Martinique.

2. Les mesures indemnitaires

- L'application du protocole du 18 janvier 1995 requiert l'inscription de 38,6 millions de francs.

- L'institution de la "bonification du cinquième" pour les personnels pénitentiaires soit la bonification d'annuités de retraite à raison d'une pour cinq années de services effectifs, dans la limite de cinq annuités, a un coût de 2 millions de francs pour 1996, mais devrait s'étendre progressivement et coûtera 68 millions de francs par an à partir de l'an 2000.

3. Le fonctionnement

Trois mesures nouvelles s'appliquent aux moyens de fonctionnement de l'administration pénitentiaire :


• + 42,3 millions de francs destinés à l'entretien des détenus, sur une base de prévision de 58.000 détenus, supérieure de 2.000 aux prévisions 1995 ; cette dotation se répartit entre :

- le parc "classique" : 28,4 millions de francs, intégrant un ajustement pour hausse des prix de 2 %,

- le parc "13.000" à gestion mixte : 13,9 millions de francs, soit l'application de la clause de révision de prix des marchés ;

ï + 72,45 millions de francs destinés à la prise en charge sanitaire, à la suite de l'achèvement de la montée en charge du nouveau dispositif de santé carcérale ;

ï + 13,61 millions de francs affectés aux centres de rétention, à la prévention de l'hépatite B (4 millions de francs), au transfert à l'État des services de la Polynésie et de Mayotte.

- Par ailleurs, 26 millions de francs sont consacrés à l'ouverture des établissements en Martinique et en Guadeloupe (dont 13,8 millions de francs non reconductibles).

B. LES ÉQUIPEMENTS

350 millions de francs sont ouverts en autorisations de programme dont :

ï 131 millions de francs consacrés aux opérations de restructuration, de rénovation (Fleury Mérogis, Fresnes) et de gros entretien du parc immobilier ;

ï 118 millions de francs affectés à la construction de deux maisons centrales à petit effectif et au lancement du programme de 4.000 nouvelles places (choix des sites à la fin du premier semestre, lancement des concours au deuxième semestre) ;

ï 10 millions de francs consacrés aux opérations de construction des nouvelles places en centres de semi-liberté (recherches foncières) ;

ï 23 millions de francs à l'amélioration de l'installation des services de santé.

Les crédits de paiement passent de 350 à 516 millions de francs, augmentation indispensable après une insuffisance constatée de 110 millions de francs en début de gestion 1995 (dont 27 millions de francs pour assurer les opérations en cours).

CHAPITRE V LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

En 1996, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse progressent de 5,5 % et atteignent 2.464 millions de francs.

Évolution des crédits de 1995 à 1996

(en millions de francs)

I. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE ET LA LOI DE PROGRAMME

A. OBJECTIFS ET MOYENS

La loi de programme a affiché des objectifs chiffrés à la protection judiciaire de la jeunesse : 500 places nouvelles d'hébergement, 9.000 mesures de réparation pénale par an et des moyens supplémentaires de 400 millions de francs en autorisations de programme ainsi que 400 emplois.

Par ailleurs, la loi de programme insistait sur la nécessité de recentrage des missions sur l'exécution des décisions pénales -par rapport à l'assistance sociale- tout en assignant à la protection judiciaire de la jeunesse la mission d'accompagnement psychologique et social des jeunes, après avoir constaté les difficultés de plus en plus grandes rencontrées par la population concernée.

Enfin, la loi insistait, tout en fixant un objectif de renforcement des structures d'hébergement, sur la nécessité "d'augmenter les possibilités de prise en charge des mineurs délinquants par les services de milieu ouvert (...)".

Les missions assignées à la protection judiciaire de la jeunesse par la loi de programme sont donc, en fait, quasi illimitées...

La programmation et la protection judiciaire de la jeunesse

B. LE BUDGET DE 1995

1. Les personnels

a) Les emplois

Le budget comportait la création de 90 emplois, dont :

- 50 emplois, dont 37 éducateurs, pour le renforcement des capacités d'hébergement (+ 7,99 millions de francs),

- 25 emplois pour des prises en charge pluridisciplinaires (+4,13 millions de francs),

- 7 emplois d'éducateurs pour la mise en oeuvre des mesures de réparation pénale (+ 1,12 million de francs),

- 8 emplois -dont 7 éducateurs- pour le développement de structures expérimentales (+ 1,34 million de francs).

b) Les mesures statutaires et indemnitaires

- Un crédit supplémentaire de 0,5 million de francs était destiné à mettre en oeuvre la réforme du statut des psychologues (1,2 million de francs en 1994).

Par ailleurs, deux provisions étaient inscrites : 1,337 million de francs pour la réforme du statut des personnels d'enseignement professionnel et 0,970 million de francs pour la réforme du statut des agents techniques d'éducation.

- Un crédit de 4,1 millions de francs devait permettre l'extension du bénéfice de l'indemnité spécifique d'hébergement, du fait des sujétions particulières liées à ces fonctions et de la nécessité de cohésion des équipes qui les assument.

2. Le fonctionnement


• Les crédits d'entretien des jeunes par le secteur privé étaient majorés de 20 millions de francs et atteignaient 1,016 milliard de francs, notamment en raison de la progression des mesures d'hébergement.


•Les moyens de fonctionnement du secteur public (215,24 millions de francs) progressaient de 6,24 millions de francs, liés à l'ouverture de nouvelles places d'hébergement. 940.000 francs étaient prévus pour des vacations de psychologues et psychiatres.

3. Les immeubles

80 millions de francs, soit 1/15e de la programmation, étaient inscrits dès 1995, dont 69,5 millions de francs pour des opérations de restructurations (38,5 millions de francs) et des créations de places nouvelles (31 millions de francs).

93 places d'hébergement nouvelles devaient être créées dès 1995.

II. L'ÉTAT DES LIEUX

A. LA COMPLEXITÉ DU SYSTÈME

Quatre facteurs au moins expliquent la complexité des interventions de la protection judiciaire de la jeunesse :

- l'exécution des décisions judiciaires concernant les mineurs et les jeunes majeurs par des acteurs multiples : État, départements, associations "habilitées",

- le partage des financements entre l'État et les départements, ceux-ci étant en principe en charge des mesures d'assistance éducative et des jeunes majeurs,

- la situation du système en aval de la décision du juge mais aussi de l'action d'autres systèmes : éducation nationale, affaires sociales... et protection administrative des jeunes par le département,

- enfin, la lenteur d'élaboration des schémas départementaux relatifs aux institutions sociales et médico-sociales, prévus par la loi du 30 juin 1975 modifiée.

Ce partage des compétences et des financements aboutit à un système très peu lisible, certainement peu motivant pour l'institution.

Le dispositif actuel de la protection judiciaire de la jeunesse peut être schématisé de la façon suivante :

Source : P.J.J.

B. LA LIMITATION DES MOYENS

1. L'institution judiciaire

Le nombre de juges des enfants est certainement devenu insuffisant pour traiter convenablement le problème de la délinquance des mineurs : aujourd'hui 244 juges des enfants sont en fonction dans 137 tribunaux, soit une moyenne d'un peu plus de 10 par ressort de cour d'appel, face à la montée de la délinquance juvénile. Au regard de la population prise en charge (essentiellement de 0 à 18 ans), il y a, dans les faits, un poste de juge des enfants pour 54.000 mineurs en moyenne.

2. Les moyens du secteur public

Les effectifs de la protection judiciaire de la jeunesse s'élevaient à 5.580 au 1er août 1995, pour un effectif de jeunes pris en charge d'environ 35.000 et quelque 432 structures d'accueil. Moins d'un agent sur deux est affecté aux structures de milieu ouvert.

Le secteur associatif habilité représente, quant à lui, plus de mille structures qui accueillent ou suivent plus des deux tiers des jeunes sous protection judiciaire.

C. DE NOUVELLES POSSIBILITÉS JUDICIAIRES

La loi du 8 février 1995 sur la réforme de l'organisation et des procédures judiciaires a donné au juge des instruments supplémentaires pour lutter contre la délinquance des jeunes :

- Mise en place à l'égard des mineurs de la procédure de la convocation par officier de police judiciaire, préalable à l'interrogatoire de première comparution, permettant ainsi de limiter le délai entre l'interpellation du mineur mis en cause et sa comparution devant un juge des enfants (article 5 de l'ordonnance du 2 février 1945).

Cette procédure permet de garantir davantage le traitement en temps réel des infractions pénales commises par des mineurs.

- Accroissement de la palette des mesures éducatives que peut prendre seul le juge des enfants en audience de cabinet.

Outre les mesures précédemment inscrites à l'article 8 de l'ordonnance du 2 février 1945, le magistrat peut désormais, lorsque le mineur est reconnu coupable des infractions qui lui sont reprochées :

ï le dispenser de toute mesure si les conditions prévues par le texte sont remplies en prévoyant, le cas échéant, que cette décision ne sera pas mentionnée au casier judiciaire ;

ï prononcer sa mise sous protection judiciaire pour une durée n'excédant pas cinq années ;

ï le placer dans un établissement habilité à accueillir des mineurs, dans le cadre de l'ordonnance du 2 février 1945.

- Enfin, la loi du 8 février 1995 a donné au juge des enfants compétence pour continuer à gérer les mesures provisoires de placement, prises à l'égard d'un mineur pendant l'instruction de son dossier, ceci jusqu'à sa comparution devant le tribunal pour enfants (article 10 dernier alinéa de l'ordonnance du 2 février 1945).

III. LE BUDGET DE 1996

A. LES EMPLOIS

109 emplois sont créés (+ 17,54 millions de francs), dont 71 affectés au renforcement des capacités d'hébergement et 16 pour "accélérer la réponse judiciaire à la délinquance urbaine".

Par ailleurs, 2,7 millions de francs sont inscrits pour la revalorisation du statut des professeurs techniques, 662.150 francs pour le statut des psychologues, 39.667 francs pour diverses revalorisations indemnitaires. Enfin, 400.000 francs sont inscrits à titre de provision pour la réforme du statut des directeurs de la protection judiciaire de la jeunesse.

B. LE FONCTIONNEMENT

Le budget de 1996 comporte une mesure nouvelle de 9,29 millions de francs destinés à améliorer le fonctionnement des services, dont 5,9 millions de francs pour le renforcement des capacités d'hébergement.

C. LES IMMEUBLES

Comme en 1995, 80 millions de francs sont ouverts en autorisations de programme, qui s'accompagnent de 85 millions de francs en crédits de paiement.

Dans cette enveloppe :

- 38 millions de francs poursuivent des opérations lancées en 1995, notamment la création de places nouvelles d'hébergement,

- 34 millions de francs sont consacrés à des restructurations,

- 12 millions de francs aux services de milieu ouvert,

- 16 millions de francs à l'entretien immobilier.

CHAPITRE VI OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR

I. L'APPORT DE LA LOI DE PROGRAMME

Le budget de 1996 permet de respecter globalement les engagements de la loi de programme, malgré l'impératif de réduction des dépenses publiques, même si certains moyens sont plus rapidement affectés à telle ou telle action en fonction du calendrier prévu, notamment pour les réalisations immobilières et leur accompagnement.

Ce budget s'accompagne de plus, fait exceptionnel, de la levée intégrale des gels d'emplois, qui pesait sur 402 postes au total.

Cet apport budgétaire ne saurait résoudre à lui seul les problèmes de la justice, comme l'a longuement souligné votre commission des finances lors de la discussion et de l'adoption du projet de loi de programme, à l'automne 1994.

Toutefois, l'apport de la loi de programme est triple :

- elle permet, pour chacune des actions concernées, de lever les principaux points de blocage financiers, avec 1.444 créations d'emplois en 1996, soit 18 % des créations prévues au budget général de l'État ;

- elle a initié à la Chancellerie un effort d'évaluation et de prévision des tâches sans précédent ;

- elle a eu un incontestable effet d'entraînement dans l'adoption de réformes d'organisation et de procédure, qu'il s'agisse de l'aide à la décision judiciaire, de la lutte contre la délinquance juvénile, voire dans une moindre mesure des alternatives à l'incarcération.

II. L'ADMINISTRATION CENTRALE DE LA CHANCELLERIE

Les services de l'administration centrale de la Chancellerie ont été, depuis de nombreuses années, l'objet de nombreuses critiques :

- un cloisonnement né du rattachement successif de services aux deux directions -"nobles"- des affaires criminelles et des affaires civiles ;

- une difficulté persistante de la Direction de l'Administration Générale à faire accepter un point de vue "horizontal" aux directions dites "verticales" ;

- une prédominance des magistrats (161) affectés à des tâches souvent purement administratives ;

- une incapacité à gérer certains problèmes de grande ampleur : la mise à niveau du parc immobilier des juridictions transféré à l'État en 1987(jusqu'à la mise en place d'une délégation restreinte au programme pluriannuel d'équipement) ou bien la mise en route des grandes applications informatiques nationales.

Le budget de 1996 ne résoud pas à lui seul ces difficultés structurelles et il consacre même encore la prééminence administrative des magistrats en créant un nouveau poste de magistrat "de l'administration centrale de la justice".

Toutefois, les décisions prises dans le domaine de l'informatique attestent d'un sens nouveau des responsabilités de l'Administration Centrale. Le recrutement d'administrateurs devrait absolument être amplifié pour consolider cette évolution et consacrer une autorité indispensable aux services de gestion.

III. LES SERVICES JUDICIAIRES

1. Le budget de 1996 assure pleinement la réalisation de la deuxième tranche de la loi de programme en ce qui concerne les services judiciaires, qu'il s'agisse des créations d'emplois, des réformes d'organisation, des équipements.

Il va même au delà en permettant une nouvelle avancée indemnitaire pour les magistrats, mais surtout une prise en compte sans précédent des problèmes de personnel dans les greffes avec les 300 créations d'emplois de catégorie C.

Toutefois, malgré l'inscription des crédits correspondants, la mise en place des magistrats exerçant à titre temporaire (les "juges de paix"), des assistants de justice, des conciliateurs se heurte aux retards dans l'adoption des textes d'application : il semble notamment que les services de la Chancellerie manifestent des exigences de sélection des personnels allant au-delà de l'intention du législateur.

2. Les avancées budgétaires de 1996 s'accompagnent d'une arrivée à maturité des réflexions synthétisées dans le rapport de la commission sénatoriale de juin 1991, complétées par le rapport Carrez de janvier 1994 sur l'organisation des services judiciaires, et le rapport "Haenel-Arthuis" sur la justice de proximité de mars 1994.

Au-delà de la traduction directe de ces réflexions dans la loi de programme sur la justice, trois orientations heureuses se dessinent, issues de la décantation de ces mêmes travaux :

- en premier lieu, la volonté récemment affirmée par le Garde des Seaux de ne pas modifier la carte judiciaire. La solution aux problèmes d'inégalité de charge des juridictions devra résider dans la modification des compétences des tribunaux de grande instance et des tribunaux d'instance ;

- en deuxième lieu, le choix fait de réaffirmer la Cour d'Appel en tant que ressort de base dans l'organisation des juridictions et d'organiser ses services de façon à en faire enfin des correspondants à part entière pour la Chancellerie et pour les juridictions.

- enfin, la concentration des créations d'emplois nouveaux sur des sites névralgiques, par exemple avec la création de chambres à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui témoigne de choix réalistes contrastant avec le "saupoudrage" des années passées

IV. LE CONSEIL D'ÉTAT ET LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

L'évolution récente des juridictions administratives est, dans l'ensemble, encourageante. Les délais moyens de jugement sont passés en 1994 :

- de 2 ans 1 mois et 10 jours à 1 an 10 mois et 20 jours devant les tribunaux administratifs, avec un effort de productivité indéniable ;

- de 14 mois à 19 mois et 15 jours dans les cours d'appel, qui se sont vues transférer en 1994 le contentieux de la fonction publique ;

- de 2 ans à 18 mois au Conseil d'État grâce aux transferts aux cours d'appel et à une simplification de certaines procédures.

Toutefois, deux problèmes demeurent à résoudre :

- l'insuffisance structurelle d'agents de greffe et d'assistance à la décision des juges, sans doute encore plus aiguë que dans les juridictions judiciaires.

- le poids des stocks anciens : ainsi la proportion des dossiers de plus de 4 ans ne diminue pas au Conseil d'État. Le recrutement annuel de 15 juges en surnombre pourra-t-il suffire à la résorption de ces affaires anciennes ?

V. L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Le budget de 1996 assure normalement l'exécution de la loi de programme, compte tenu de la montée en puissance progressive des opérations de constructions de places nouvelles ; sachant que ces places nouvelles pourraient ne pas suffire : actuellement, le nombre de détenus est de l'ordre de 56.000, pour 49.000 places. En même temps, le budget consolide les avancées très notables du protocole d'accord conclu avec les syndicats le 18 janvier 1995, en particulier avec la consolidation des créations d'emplois permettant d'assurer l'ouverture des établissements des départements d'outre-mer -ce problème ayant longuement pesé sur les relations de l'administration pénitentiaire avec les syndicats de personnels.

Enfin, le budget permet de satisfaire la revendication très ancienne de la bonification du cinquième des retraites des personnels. Au-delà de ces moyens supplémentaires, l'année 1996 verra intervenir trois avancées très intéressantes pour l'avenir de l'administration pénitentiaire :

- l'ouverture intégrale en 1995 des établissements du programme "13.000" va permettre d'évaluer les mérites de la gestion semi-"privée" des prisons, et de réfléchir au mode de gestion souhaitable pour les 4.000 nouvelles places à venir du programme pluriannuel ;

- la volonté de développer les alternatives à l'incarcération devrait aboutir à réformer les comités de probation et d'assistance aux libérés qui existent auprès de chaque tribunal de grande instance et gèrent au total la situation de 100.000 personnes ;

- enfin un "projet d'exécution des peines", assurant l'association des personnels de surveillance au travail des juges d'application des peines et des personnels socio-éducatifs va être mis en place de façon expérimentale, et pourrait à terme modifier profondément les mentalités dans une administration confrontée à un travail de surveillance souvent trop ingrat.

VI. LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

L'application de la loi de programme à la "PJJ" permet de lever les blocages les plus apparents de l'institution.

Toutefois, la protection judiciaire de la jeunesse souffre de maux structurels :

- une insuffisance des capacités d'accueil "lourdes" face au durcissement de la délinquance des jeunes, et des très jeunes,

- l'éclatement des compétences (public/privé, État/département),

- une insertion incertaine dans la politique menée envers les jeunes, à travers les budgets de l'éducation nationale, du travail, de la jeunesse et des sports, de l'intégration et de la ville.

Une récapitulation des actions menées par l'État et un début d'évaluation des politiques seraient en ce domaine indispensable.

ANNEXE I MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Amendements d'abondement des crédits adoptés à l'Assemblée nationale

En première délibération, une majoration de + 1,8 million de francs de crédits de subvention à la Grande Chancellerie (rétablissement du traitement des titulaires de la Légion d'honneur et de la médaille militaire) a été votée (chapitre 36-10, article 62).

En seconde délibération, les crédits ont été majorés de manière non reconductible :

+ 1,5 million de francs ont été votés sur le chapitre 34-05, article 31, Conseil d'État - Juridictions administratives, dépenses d'informatique et de télématique ;

+ 0,55 million de francs ont été votés sur le chapitre 46-01, article 20, Services judiciaires, subventions et interventions directes ;

- + 4,3 millions de francs en AP et CP sur le chapitre 57-11, article 20, Services judiciaires - Équipement - Juridictions.

ANNEXE II EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue le mercredi 8 novembre 1995, sous la présidence de M. Jean Cluzel, vice-président M. Hubert Haenel, rapporteur spécial, a présenté le budget de la justice pour 1996. À l'issue de son exposé, s'est instauré un large débat.

Répondant à M. Alain Lambert, rapporteur général, le rapporteur spécial est convenu de la triple nécessité d'analyser le phénomène d'inflation des frais de justice, d'intervenir auprès du Gouvernement pour la mise en place des recrutements de magistrats à titre temporaire et d'évaluer la gestion des établissements pénitentiaires du programme "13.000".

De même, répondant à M. Jean-Philippe Lachenaud et Mme Marie-Claude Beaudeau, le rapporteur spécial a exprimé le souhait de s'informer plus avant sur les maisons de justice en général et sur les raisons de la fermeture de la maison d'Argenteuil en particulier. Il a estimé utile d'évaluer les moyens des conseils de prud'hommes, et les résultats du programme pluriannuel d'équipement judiciaire.

En réponse à Mme Marie-Claude Beaudeau, le rapporteur spécial a réitéré son souhait de voir constituer un groupe de travail chargé d'analyser la politique vis-à-vis des jeunes en difficulté.

En réponse à M. René Trégouët, le rapporteur spécial a estimé que la meilleure solution aux problèmes des transferts de détenus et de surveillance des détenus à l'hôpital était la spécialisation de certains personnels de surveillance.

En réponse à M. Jacques-Richard Delong, le rapporteur spécial a estimé que les juridictions devaient pouvoir se déplacer pour résoudre le problème des auditions de prisonniers.

Enfin, répondant à M. Philippe Marini, le rapporteur spécial est convenu de la nécessité de recruter des administrateurs civils à la Chancellerie et de développer les maisons de justice dans les quartiers difficiles.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de recommander au Sénat l'adoption des crédits de la justice pour 1996.

* 1 L'administration centrale n'est pas incluse dans la loi de programme sur la justice.

* 1 Loi organique 95-64 du 19 janvier 1995 modifiant l'ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature. Loi de programme 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice. Loi 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

* (1) Aucune création d'emploi n'est prévue pour les tribunaux criminels départementaux, dont l'institution est pourtant à l'étude à la Chancellerie.

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