B. LA RESTRUCTURATION DES INDUSTRIES DE DÉFENSE

L'industrie nationale de défense représente un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards de francs et des effectifs directs de 215 000 personnes. Elle a pu, jusqu'à une date récente, maintenir globalement son activité grâce aux programmes nationaux d'équipement qui n'avaient pas fléchi et à sa position sur les marchés à l'exportation. Dans le même temps, les industries de nos voisins européens et celles des États-Unis régressaient ce qui les a obligés à des restructurations que nous sommes maintenant obligés d'engager plus tardivement.

Devant les perspectives budgétaires et financières actuelles, c'est, en fait, la survie même du secteur industriel de l'armement qui est en jeu, aussi bien en termes de capacités et de compétences qu'en termes d'emplois (on estime qu'une réduction d'un milliard en investissement entraîne, à terme, la suppression d'environ 2 500 emplois directs et indirects).

Il importe d'éviter l'écroulement de pans entiers de cette industrie mais, tout au contraire, de mener à bien les initiatives qu'impose le défi de la compétitivité provoqué par la réduction, dans la plupart des pays développés, de l'effort d'équipement militaire.

S'il appartient d'abord aux entreprises d'armement d'opérer les restructurations indispensables, l'État - toujours client et parfois actionnaire -ne peut être absent de ce processus.

Il ne peut l'être à l'égard des entreprises publiques. Or leurs besoins en recapitalisation - qu'il s'agisse de GIAT-Industries, de l'Aérospatiale, de la SNECMA - sont importants et dépasseraient 10 milliards de francs, selon certaines estimations. Sans doute n'est-il pas question, le ministre de la Défense l'a souligné lors de son audition par votre Commission, de demander une recapitalisation sans qu'auparavant les entreprises aient établi un plan de restructuration ; ce plan doit viser à l'équilibre d'exploitation, préserver les acquis technologiques et permettre le développement des activités les plus dynamiques et les plus productives.

Il reste que les besoins en recapitalisation sont élevés et qu'ils s'accroissent avec le temps. Or, en 1995, le montant des dotations en capital prévu par la loi de finances, soit 8 milliards de francs, s'est révélé tout à fait insuffisant pour répondre aux besoins des entreprises publiques (Air France, le Crédit Lyonnais, la Société marseillaise de crédit, la Compagnie générale maritime, en particulier, s'ajoutant aux entreprises publiques de l'armement). Parallèlement le programme des privatisations, dont une partie du produit a déjà été affecté aux dotations en capital, porte maintenant sur des entreprises moins attractives dont bon nombre affichent un résultat net en déficit : c'est le cas en particulier de l'Aérospatiale : - 480 millions de francs en 1994 et de la SNECMA : - 2 179 millions de francs en 1994. De plus, dans la conduite de ses actions à l'égard des entreprises publiques l'État, n'a pas de vision patrimoniale, notamment dans la gestion de ses participations. Le précédent Rapporteur général de votre Commission, appelé depuis à de hautes fonctions gouvernementales, tout comme l'actuel Rapporteur général, ont signalé, à diverses reprises cette anomalie. Le Sénat a, du reste, à l'initiative de sa commission des Finances, adopté un amendement devenu l'article 20 de la loi du 8 août 1994 portant divers dispositions d'ordre économique et financier, tendant à prévoir le dépôt annuel d'un rapport au Parlement sur la situation des entreprises publiques à partir de leurs comptes consolidés. (2 ( * ))

S'agissant toujours des entreprises publiques, et outre leur état financier préoccupant, leurs handicaps sont dus à la multiplicité des sites (D.C.N., GIAT-Industries, S.N.P.E.) à la rigidité des statuts (D.C.N.) et des règles de fonctionnement (D.C.N., GIAT-Industries).

Sur un plan plus général, intéressant toutes les entreprises de l'armement, l'État ne peut se dispenser d'un certain accompagnement des restructurations industrielles, qu'il s'agisse de l'accompagnement social en faveur des personnels des entreprises publiques ou de l'accompagnement économique en faveur des collectivités concernées (dispositifs spécifiques du F.R.E.D. - fonds de restructuration des entreprises de défense - et du programme européen de conversion KONVER, action de la DATAR).

En outre, l'État doit, par la programmation militaire et le budget de l'État donner aux industriels des prévisions fiables, fussent-elles envisagées à la baisse ; il n'est plus possible de poursuivre une politique budgétaire annonçant des moyens que les gels, les annulations et les reports de crédits viennent amputer au fil des mois. Sans prévisions fiables, dans le domaine financier, celui - essentiel - des commandes publiques, aucune restructuration viable ne peut être entreprise.

Pour le moment, les projets de restructurations qui sont annoncés et qui paraissent concerner THOMSON-CSF, la D.C.N., Matra-défense, Dassault-Aviation, Dassault-électronique, la SNECMA, le GIAT ne semblent pas avoir pris corps. Or le temps presse...

* 2 On note que la circulaire du premier Ministre du 20 juillet 1995 relative à la préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'État et des services publics prévoit, pour mieux gérer le patrimoine de l'État, la création d'un organisme chargé notamment de mettre en place « une véritable comptabilité patrimoniale de l'État ».

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