II. OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR

Première observation

Le projet de budget de la police nationale pour 1997 marque une pause dans la mise en oeuvre du volet programmation de la loi d'orientation du 21 janvier 1995. D'ores et déjà, le ministère de l'Intérieur prévient que l'objectif quinquennal voté par le législateur ne pourra pas être rempli.

Dans ses observations sur le projet de budget pour 1996, votre rapporteur, notant l'apparition des signes d'une exécution tendue de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité, avait suggéré que le gouvernement réoriente son discours alors qu'il était déjà clair que les délais ne pourraient pas être tenus.

Si le ministère de l'Intérieur évoque, pour l'instant, un étalement sur une seule année supplémentaire, conformément à la règle observée pour les autres programmations, la nécessité de préserver la crédibilité de l'action du gouvernement imposerait plutôt d'annoncer un échéancier sur sept ou huit exercices tant les retards sont devenus manifestes.

Deuxième observation

Dans le détail, la lecture des différentes lignes budgétaires englobées dans le périmètre de la programmation et les précisions apportées par le ministère de l'Intérieur révèlent certes la volonté de maintenir le cap dans un nombre appréciable de domaines d'action :

- Les engagements gouvernementaux en matière indemnitaire seront respectés en 1997 : la quatrième tranche de la prime du SGAP de Versailles sera ainsi mise en oeuvre, ainsi qu'une majoration de l'indemnité journalière d'absence temporaire des CRS (IJAT), sur la base du taux Querci, soit une dépense de l'ordre de 15 millions de francs.

Sur trois ans, près de 350 millions de francs de mesures nouvelles annuelles ont été obtenus en faveur des personnels, soit un montant supérieur à tout ce qui avait été engagé en faveur des policiers jusqu'à présent et qui dépasse l'enveloppe de 230 millions de francs annuels prévus par la loi d'orientation.

- S'agissant du fonctionnement courant, les efforts de rationalisation mis en oeuvre dans la gestion des crédits devraient permettre de faire face à l'effort d'économie exigé.

La direction générale de la police nationale n'en demeure pas moins tributaire en ce domaine d'opérations de "gel" des dotations dont la pratique tend à devenir systématique depuis le début de la décennie.

- L'important effort de rattrapage opéré en 1995 et 1996 sur le parc lourd de véhicules autorise un relâchement en 1997, d'autant plus que le recentrage du champ d'action des compagnies républicaines de sécurité vers des missions de "sécurisation" en milieux urbains difficiles conduit à privilégier l'achat de moyens de transport plus légers.

- L'accord donné par le ministère de l'Economie et des finances à la mise en place de cinq opérations de location avec option d'achat doit permettre de maintenir au niveau des deux années précédentes, soit environ 50.000 m 2 , l'effort d'équipement immobilier de la police nationale.

Votre rapporteur rappelle cependant que les objectifs fixés par la loi de programmation, déjà très en retrait par rapport aux besoins, étaient plutôt de l'ordre de 60.000 m 2 par an. Il reste en outre encore à trouver les opérateurs privés susceptibles de s'associer à la police nationale pour la réalisation des opérations de construction en crédit-bail.

- Enfin, la diversification des instruments mis en oeuvre pour accroître l'offre de logements aux policiers, avec notamment l'institution d'un système de garantie de loyers, permet incontestablement d'assurer le succès de ce volet de la loi de programmation, puisque l'objectif de 800 nouveaux logements livrés par an est tenu depuis 1995 et pourrait être dépassé en 1997.

La loi d'orientation et de programmation du 21 janvier recherchait cependant à améliorer la productivité de la police nationale par deux voies aux traductions budgétaires fortes : la création de 5.000 emplois administratifs, scientifiques et techniques pour décharger les personnels actifs de tâches qui les détournent de leur véritable mission ; doter la police nationale des moyens informatiques et de transmission lui conférant des gains d'efficacité décisifs dans la lutte contre la criminalité.

Or, il n'est pas exagéré de souligner que dans ces deux domaines l'ambition de respecter les objectifs de la loi de programmation, même étalée sur un délai plus long, paraît s'éloigner :

- Seuls 1.200 nouveaux emplois administratifs, scientifiques et techniques auront été budgétés pour les trois exercices 1995, 1996, 1997 (1995 : 500 ; 1996 : 700 ; 1997 : 0).

Quant aux emplois "dégelés" (250 en 1996 et 180 en 1997), leur mention n'est pas significative puisque le ministère de l'Economie et des finances procède parallèlement à d'autres "gels" d'emplois dans une proportion identique.

- La loi de programmation prévoyait "d'accélérer le déploiement d'ACROPOL à l'ensemble du territoire nationale d'ici à sept ans 25 ( * ) , l'Ile-de-France devant être équipée d'ici afin 1997, avant les compétitions de la coupe du monde de football".

En l'état, aucun terme ne peut plus être fixé à l'achèvement de la généralisation du réseau radio-cellulaire numérique crypté à couverture nationale ACROPOL et des menaces se sont très clairement fait jour du côté du ministère de l'Economie et des finances qui semble souhaiter qu'ACROPOL ne fasse l'objet que d'un déploiement partiel sur le territoire.

Cette attitude conduit parallèlement la police nationale à devoir maintenir en état de fonctionnement des instruments obsolètes de transmission, pour un coût toujours plus élevé année après année. La situation ne peut être tenue pour satisfaisante au regard de l'objectif de bonne gestion des crédits publics.

Au total, les indications fournies par le ministère de l'Intérieur montrent que la police nationale ne pourra pas supporter en 1998 une nouvelle pause aussi sévère que celle imposée au crédit du prochain exercice.

Troisième observation

Dans ce contexte budgétaire difficile, dont il n'a pas la maîtrise, le ministère de l'Intérieur doit être crédité de sa volonté de mettre en oeuvre l'intégralité du volet de la loi d'orientation et de programmation du 21 janvier 1995 relatif à la réorganisation de la police nationale.

Après la réforme des corps et des carrières, qui a fait l'objet de cinq décrets en date du 9 mai 1995, M. Jean-Louis Debré avait indiqué qu'il procéderait à un deuxième train de réformes, après les élections professionnelles du mois de janvier 1996. Il s'agissait de mettre en oeuvre les règlements d'emploi, c'est-à-dire de repenser les métiers et de réaménager les horaires de travail.

Cette phase est actuellement en cours avec la publication de l'arrêté du 22 juillet 1996 portant règlement général d'emploi de la police nationale et celle de l'instruction du 26 juillet 1996 présentant les nouveaux cycles de travail qui pourront être appliqués aux fonctionnaires de police travaillant en roulement.

L'objectif poursuivi par le ministère de l'Intérieur est d'accroître la qualité du travail fourni ainsi que les effectifs disponibles sur le terrain par un passage du régime 3/2 (trois jours de travail suivis de deux jours de repos) au régime 4/2 (quatre vacations suivies de deux jours de repos), le nombre des brigades nécessaires passant parallèlement de cinq à quatre. D'autres solutions demeurent possibles en fonction des besoins constatés sur le terrain.

A titre d'exemples donnés par le directeur général de la police nationale, les effectifs supplémentaires disponibles au terme de cette évolution des cycles seraient de 77 hommes à Marseille, 31 hommes à Nantes et 4 hommes dans la plus petite circonscription de police.

Ces nouveaux régimes de travail doivent entrer en vigueur au 1er janvier 1997, au terme de la concertation en cours localement avec les comités techniques paritaires départementaux.

Pour sa part, votre rapporteur spécial se félicite de ce nouveau pas en avant dans la direction d'une plus grande souplesse de gestion et d'une meilleure adéquation aux besoins du mode de fonctionnement de la police.

Quatrième observation

Dans le domaine de la sécurité civile, votre rapporteur spécial ne peut que se réjouir de voir que, pour la première fois depuis plusieurs années, les crédits consacrés à la maintenance des appareils du groupement des moyens aériens sont d'emblée fixés, en loi de finances initiale, au niveau requis pour garantir le financement des besoins (soit 229 millions de francs d'autorisations de programme).

La réponse ainsi apportée au déficit chronique dénoncé au cours des derniers exercices n'interdit pas cependant d' apporter quelques nuances à l'impression positive qui se dégage de la lecture du projet de budget de la sécurité civile pour 1997 :

- Le niveau satisfaisant atteint pour les crédits de maintenance du groupement des moyens aériens reste tributaire des opérations de "régulation budgétaire" qui semblent être devenus la norme en matière de gestion budgétaire depuis le début des années 1990.

- Le projet de budget de la sécurité civile pour 1997 ne prévoit aucune dotation pour l'achèvement du programme de remotorisation des Trackers (2 appareils restent à remotoriser).

- Enfin, votre rapporteur ne peut que regretter la persistance d'attitudes de facilité, telle celle consistant à ne pas inscrire dans le projet de budget les dotations correspondant au remboursement aux services départementaux d'incendie et de secours des coûts exposés au titre des colonnes de renfort envoyées sur les lieux de sinistres majeurs. Ces sommes, considérées comme des mesures non reconductibles, ne sont en général dégagées qu'au terme de la discussion budgétaire.

* 25 Soit au 31 décembre 2001.

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