IV. PRINCIPALES OBSERVATIONS

L'examen du projet de budget de la culture pour 1997 inspire à votre rapporteur trois motifs de satisfaction mais aussi deux réserves et un sérieux motif d'inquiétude.


• L'effort substantiel consenti en faveur de l' architecture constitue incontestablement un motif de satisfaction. Le transfert intervenu l'année dernière des services du ministère de l'équipement vers ceux du ministère de la culture a été, en termes financiers, une bonne chose pour l'architecture. Votre rapporteur spécial ne peut que s'en réjouir d'autant que depuis de nombreuses années, il appelait de ses voeux ce rattachement.

En dotations ordinaires, la direction de l'architecture verra ses moyens passer de 187,7 à 211,4 millions de francs de 1996 à 1997, soit une augmentation de 13 %. Les autorisations de programme connaîtront, quant à elles, une progression de 29 %, en passant de 65,5 à 84 millions de francs.

En DO + AP, indicateur exprimant la capacité du ministère à engager des opérations nouvelles, les moyens mis à la disposition de l'architecture augmenteront globalement de 17% en passant de 253 à 296 millions de francs.

Le ministère de la culture a clairement affiché sa volonté de donner aux 22 écoles d'architecture les moyens matériels et humains qui leur permettront de mieux assurer leur mission d'enseignement d'une part, de préparation des futurs architectes à leur insertion dans la vie professionnelle, d'autre part.

Par rapport aux crédits transférés du ministère de l'équipement en 1996, la hausse des moyens de fonctionnement des écoles d'architecture atteindra 26 % (137,4 millions de francs). Les autorisations de programme des écoles d'architecture (réhabilitation des écoles existantes, construction des écoles nouvelles de Tours et de Compiègne), devraient enregistrer une augmentation de 5 % en passant de 54,3 à 57 millions de francs.

S'agissant des crédits d'intervention du titre IV, le soutien à l'Institut français d'architecture et les actions de promotion et de diffusion architecturale destinées à renforcer la présence des architectes français dans la construction et l'aménagement de l'espace national, mais aussi à l'étranger, bénéficieront d'une dotation de 15,5 millions de francs contre 8 millions de francs en 1996, soit une progression de 94 %.

L'enveloppe consacrée à la formation continue des architectes verra sa dotation multipliée par six en passant de 1,6 à 10 millions de francs en 1997.

Le ministère de la culture souhaite, au demeurant, faire de 1997 l'année de l'architecture en organisant des "assises de l'architecture" et en attribuant un "grand prix national de l'architecture".

Le deuxième motif de satisfaction réside dans le fait que les crédits d'intervention du ministère de la culture (titre IV) sont globalement épargnés par les mesures de restriction budgétaire.

Ils enregistrent même une progression de 15,5 % en passant de 4.240,8 à 5.019,7 millions de francs compte tenu, il est vrai, des 902,6 millions de francs (chapitre 41-10) de crédits transférés des bibliothèques municipales et départementales.

Contrairement à beaucoup d'autres départements ministériels où son importance est marginale ("écrasé" généralement par les dépenses de fonctionnement), le titre IV représente, au ministère de la culture, un tiers du budget, soit une composante essentielle.

Citons, parmi les nombreuses interventions du ministère, celles qui concernent les enseignements artistiques et notamment le chapitre 43-60 (articles 70 et 90) "actions artistiques et culturelles en direction des publics scolaires". La dotation prévue pour 1997 atteindra 163,55 millions de francs, soit une légère progression de 1 % par rapport à l'année dernière (163,27 millions de francs).

Au total, sur les quelque 1.300 millions de francs que le ministère consacre chaque année à la formation artistique, l'enseignement musical et chorégraphique représente la moitié de l'ensemble (conservatoires nationaux supérieurs de musique, école de danse de Nanterre essentiellement), suivi par les arts plastiques (soutien aux écoles municipales et nationales d'art, écoles nationales supérieures des beaux-arts, des arts décoratifs, de la création industrielle) et le théâtre (conservatoire national supérieur d'art dramatique et autres formations professionnelles).

Comment ne pas évoquer, une nouvelle fois, la situation fragile des 45.000 professionnels du spectacle et son extrême dépendance vis-à-vis des crédits d'intervention du ministère dans l'ensemble du secteur. Le ministère de la culture revendique, au demeurant, pour 1997 la totale préservation des dotations allouées au spectacle vivant. Votre rapporteur spécial ne peut que s'en réjouir.

Troisième motif de satisfaction : les deux tiers du budget d'investissement du ministère sont, une fois encore, consacrés à la province.

Le rééquilibrage, oeuvre de longue haleine, doit être poursuivi avec obstination. Il s'effectue, on le sait, au travers de deux grandes orientations :

- la mise en oeuvre des "grands projets en région" (Centre des archives contemporaines de Reims, Centre du costume de scène à Moulins, musée d'art contemporain de Toulouse, auditorium de Dijon, musée Saint-Pierre à Lyon, soit 211 millions de francs au total en 1997) ;

- le "maillage" culturel du territoire national par l'intermédiaire des fonds régionaux d'action culturelle, des musées des collectivités territoriales, des centres d'art, des lieux de diffusion musicale et chorégraphique, des centres dramatiques et des lieux dits "pluridisciplinaires" et "de proximité" (175 millions de francs en 1997).

Qu'il soit ici permis à votre rapporteur spécial de relever que certains grands établissements installés dans la capitale ont une telle vocation d'ouverture sur la province et sur l'étranger qu'ils ne devraient pas être considérés comme de simples "institutions parisiennes". Tel est le cas par exemple du Centre Georges Pompidou, établissement le plus visité par tous les Français qui a accompli de réels efforts d'amélioration de sa gestion au cours des dernières années. Il finance aujourd'hui 19 % de ses dépenses par ses ressources propres contre 7 % il y a une dizaine d'années (son budget de fonctionnement atteignait 497,5 millions de francs en 1995).

Mais votre rapporteur spécial émettra, à la lecture de ce budget, deux réserves et tentera de faire partager ce qu'il considère comme un sérieux motif d'inquiétude.

La première réserve concerne, non pas tant le principe du rattachement des crédits de la dotation générale de décentralisation relative aux bibliothèques (902,6 millions de francs sur le chapitre 41-10) au budget de la culture que le fait que ce transfert pourrait prêter le flanc à des critiques quant à "l'astuce" qu'il représente pour que ce budget se rapproche du pourcentage symbolique de 1 % du budget de l'Etat.

On sait, au demeurant, que même en ajoutant ces crédits transférés, le budget de la culture de 1997 n'atteindra pas le 1 %.

Conscient des difficultés de l'heure, votre rapporteur spécial considère cependant que la lecture publique est une des composantes essentielles de la culture. Partant, il ne juge pas ce rattachement illégitime.

La deuxième réserve a trait, dans le prolongement de la première, à ce que votre rapporteur spécial appellera "l'abus des transferts". Le retour ou l'attribution de nouvelles compétences au ministère de la culture, dès lors que ce département ne bénéficie qu'entre 0,9 et 1 % des crédits de l'Etat, obère mécaniquement le financement des grands secteurs classiques d'intervention et, en particulier, ce qui peut être considéré comme le "coeur" du champ culturel : la préservation du patrimoine.

En 1996, le ministère de la culture "bénéficiait" d'un transfert de compétences de près de 2 milliards de francs :

- le secteur de l'architecture : 724 millions de francs,

- les orchestres de Radio-France : 357 millions de francs,

- les activités de dépôt légal de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) : 70 millions de francs,

- la SEPT/ARTE : 265 millions de francs,

- la cité des sciences et de l'industrie : 542 millions de francs.

Cet élargissement des compétences avaient permis au ministère de la culture d'afficher le pourcentage de 1 % du budget général de l'Etat même si, à structure constante, les crédits du ministère ne constituaient que 0,97 % de l'ensemble.

En 1997, le transfert des compétences portera sur plus de 900 millions de francs avec les crédits de la dotation générale de décentralisation relative aux bibliothèques municipales et départementales. En deux ans, l'alourdissement de la charge représentera donc près de 3 milliards de francs, soit un cinquième du budget total de ce ministère !

Les crédits budgétaires alloués ne progressant, sur la période, que de 11 % environ (+ 14,6 % en 1996 ; - 2,9 % en 1997), les transferts de compétence n'auront pu s'effectuer qu'au détriment des autres missions du ministère.

Ainsi, sans remettre en cause le bien-fondé de certains transferts, votre rapporteur spécial souhaite vivement que le ministère de la culture ne se voit plus, désormais, attribuer de nouvelles compétences, en tout cas tant que la période difficile que nous traversons perdurera.

La vive préoccupation de votre rapporteur spécial concerne le secteur du patrimoine qui voit ses autorisations de programmes chuter de 35 % en raison de la décision du ministère d'étaler sur trois années (1997, 1998, 1999) l'achèvement de l'exécution de la loi de programme sur le patrimoine adoptée en 1993.

Le déficit d'autorisations de programme devrait ainsi atteindre 570 millions de francs puisque celles-ci, d'un montant de 1.646,77 millions de francs en 1996, devraient atteindre 1.077,52 millions de francs en 1997.

Cette baisse très importante des crédits fait suite à un gel budgétaire intervenu cet été, pour un montant de 316 millions de francs en autorisations de programme, soit une réduction de 20 % des crédits de la direction du patrimoine pour cette année. D'après les dernières indications fournies à votre rapporteur, seuls 50 millions de francs pourraient être "dégelés" d'ici la fin de l'année. En conséquence, l'effet du gel se cumulant avec celui de la baisse des crédits 1997, le "manque à gagner" l'an prochain serait, non pas de 570 millions de francs, mais de 836 millions de francs (570 + 266 millions de francs).

Le volume des opérations qu'il était prévu de financer pourrait alors diminuer, non pas de 35 %, mais de plus de 50 %.

Le ministère de la culture annonce certes qu'une gestion plus dynamique de ses autorisations de programme en 1997 pourrait partiellement compenser la baisse de 570 millions de francs à travers trois biais :

- l'engagement plus rapide des autorisations de programme dès la première année (40 % au lieu de 30 %) ;

- l'utilisation du reliquat d'autorisations de programme ouvertes antérieurement ;

- la clôture plus rapide des opérations.

Le montant des économies susceptibles d'être ainsi réalisées fait l'objet de discussions entre spécialistes dans lesquelles votre rapporteur spécial n'entrera pas.

Il ne peut qu'exprimer ses grandes inquiétudes sur les conséquences, en 1997, du cumul du gel 1996 largement transformé en annulations et de la baisse des capacités d'engagement programmées dans le projet de budget.

D'après certains, c'est le tiers (plus de trois mille personnes) de l'emploi total du secteur des petites entreprises de restauration du patrimoine monumental qui pourrait être mis en cause.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur spécial s'en remettra à la sagesse de la commission des finances sur les crédits du ministère de la culture dans le projet de budget pour 1997.

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