B. OBSERVATIONS

Votre rapporteur a examiné, au cours de cette année, les modalités du soutien public à la construction aéronautique civile et présentera un rapport spécial consacré à ce sujet.

a) L'industrie de la construction aéronautique civile est face à des enjeux considérables et doit affronter des risques formidables.

Les enjeux économiques, sociaux, technologiques et politiques du secteur sont considérables.

Le chiffre d'affaires prévisible pour les vingt ans à venir s'élève à 1.100 milliards de dollars et correspond à la vente d'environ 16.000 appareils.

Un point de parts de marché gagné c'est 2,8 milliards de francs avec toutes les retombées qu'on imagine en matière d'emplois et d'excédents commerciaux donc de marges de manoeuvre sur le front de la politique économique générale. C'est aussi la perspective de compenser l'érosion du chiffre d'affaires militaire inscrite dans les programmations militaires des pays occidentaux.

Sur le plan technologique la construction aéronautique civile exerce des effets d'entraînement sur tous le secteurs -en particulier, l'électronique-qui lui sont liés et est susceptible d'entraîner une baisse des coûts des équipements.

Sur le plan politique, le secteur contribue à l'affirmation de la souveraineté nationale et, par les liens qu'il permet de tisser avec les États étrangers, à l'affirmation de notre diplomatie.

Face à ces enjeux considérables, la construction aéronautique civile doit affronter des risques formidables.

Les coûts de recherche et de développement nécessaires sont énormes et leur rentabilité dépend de la pénétration de chacun des produits dans des marchés mal maîtrisables.

Les risques économiques s'ajoutent aux risques financiers. Le développement du transport aérien n'est pas linéaire et procède par cycles dont les séquences sont variables.

La concurrence est âpre et pas toujours loyale comme en témoigne la guerre des prix observée ces dernières années et l'utilisation de l'instrument monétaire par nos concurrents américains pour fragiliser nos entreprises.

Le soutien public à la construction aéronautique civile se justifie donc pleinement.

b) Le projet de budget pour 1997 traduit les difficultés rencontrées par les modes de soutien traditionnels.

Le soutien public à l'aéronautique civile a privilégié dans notre pays le rôle des avances remboursables.

Ce soutien est économiquement sain : les avances sont remboursées par les entreprises. Il est également transparent et aisément contrôlable.

Mais, ce mode de soutien est loin d'être dénué de faiblesses.

Le système des avances remboursables est d'abord un système menacé.

La Communauté Européenne et les États-Unis ont conclu, le 17 juillet 1992, un accord "concernant l'application au commerce des aéronefs civils de grande capacité de l'accord du GATT relatif au commerce des aéronefs civils".

Cet accord, applicable aux seuls avions de 100 places et plus, avait plusieurs objets :

- Garantir que les soutiens accordés avant la conclusion de l'accord, ne seraient pas remis en cause.

- Faire reconnaître par les États-Unis le système d'avances remboursables avec partage du risque entre l'industriel et l'État. Ces avances sont désormais limitées à 33 % des coûts totaux de développement des programmes et soumises à des conditions très contraignantes de remboursement.

- Prévoir un système de contrôle des soutiens indirects américains, c'est-à-dire des aides à la recherche largement dispensés par la NASA et le "Department of Défense". Cette forme d'aide ne peut désormais dépasser 3 % du chiffre d'affaires civil d'une des parties ou 4 % de celui d'une entreprise.

Les Américains interprètent plusieurs de ces conditions de manière si restrictive qu'elle dénature leur portée et rend l'accord déséquilibré aux dépens de l'Europe. Ceci est notamment le cas pour le contrôle et la limitation des aides indirectes à la recherche.

Ils ne veulent comptabiliser que les "avantages identifiables" des aides accordées à leurs constructeurs, ce qui conduit, depuis la signature de l'accord, à évaluer à 0 le montant des soutiens accordés par la NASA et le Département de la Défense, alors que dans le même temps la totalité des soutiens accordés par les États européens, tant sous forme d'avances remboursables que sous forme d'aide à la recherche, sont notifiés au Gouvernement américain.

À ce propos, si le soutien gouvernemental américain à son industrie aéronautique civile est beaucoup plus massif qu'en France, il convient de souligner combien il est plus dissimulé et emprunte des voies quantitatives mais aussi qualitatives plus variées.

C'est l'occasion d'indiquer que le soutien public à l'industrie aéronautique doit s'apprécier, certes, au regard des financements accordés mais aussi en fonction de la mobilisation de tous, et des plus hautes autorités en particulier, pour imposer les produits.

En tout état de cause, si le jugement sur le niveau des avances remboursables doit tenir compte des contraintes nouvelles qui pèsent sur nos capacités d'engagement financier du fait de leur encadrement international, il apparaît que d'autres modes d'appuis pourraient être envisagés. C'est ainsi que les aides indirectes pourraient, lorsque c'est nécessaire, être abondées à hauteur des plafonds autorisés.

Une telle solution ne serait pas incompatible avec un maintien du contrôle de l'utilisation des fonds publics. Le lien entre les aides indirectes et les programmes industriels est sans doute plus lâche. Mais, l'exemple américain démontre que cette modalité de financement n'empêche pas les autorités publiques de contrôler dans le détail les développements aéronautiques ou leur commercialisation. En outre, la qualité d'entreprise publique des principaux bénéficiaires des apports de l'État financeur en France devrait garantir celui-ci contre une mauvaise utilisation de ses concours.

Enfin, comme le démontrent malheureusement les exemples des avances remboursables accordés ces dernières années pour soutenir divers programmes, il n'est pas sûr que ce procédé de financement prévienne à lui seul toutes mésaventures.

Une dernière question doit à ce stade être évoquée brièvement, celle du rôle respectif de l'État financeur et de l'État actionnaire.

Ces dernières années, le premier l'a emporté sur le second. Il serait souhaitable d'apporter à cette orientation une correction sous réserve, bien entendu, que, l'État actionnaire exerçant mieux ses responsabilités, il se mette à même d'exercer mieux ses pouvoirs.

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