III. LES CARACTÉRISTIQUES DU BUDGET 1997

Le budget 1997 consacré au travail et à l'emploi, prolongé par l'amorce du transfert des cotisations sociales vers la CSG, qui figure dans la loi de financement de la sécurité sociale, change de nature. Les dispositifs traditionnels de la politique de l'emploi -traitement social et traitement économique- voient leur importance (relative) se réduire au profit d'une seule mesure : l'allégement du coût de travail ; celui-ci, de conjoncturel, prend une orientation structurelle ; il ne concerne cependant que les bas salaires, sauf dans le cadre du temps partiel et des dispositifs d'aménagement-réduction du temps de travail qui ont vocation à s'appliquer à tout l'éventail des rémunérations, dispositifs qui constituent peut-être les prémices d'une réduction structurelle de la durée du travail.

L'effet des mesures d'exonération de charges et d'aide financière directe (primes...) ou indirecte (avantage fiscal...) sur l'emploi et le chômage sont difficiles à quantifier, mais indéniables. Le tableau ci-après résume les principales mesures d'allégement du coût du travail.

Exonérations de charges sociales et aides financières à l'emploi

en mds de francs

Exo. compensées

Exo. non

compensées

%

compensé

Aide forfaitaire

1996

1997

1996 1997

1996

1996

1997

APEJ

1,6

0,2

Apprentissage

3,7

4,2

100 %

5,3

Contrat de qualification

2,9

2,8

100 %

Contrat d'orientation

0,0

0,0

100 %

CIE

7,5

10,8

100 %

4,1

7,1

CRE

1,3

0,2

90 %

CES

non chiffré

0 %

10,8

12

CEC

non chiffré

0 %

1,2

1,7

ACCRE

non chiffré

0 %

0,9

0

Associations intermédiaires

0 %

Entreprises d'insertion

0,1 0,1

0 %

0,3

0,3

Exo 1ère embauche

2,6 2,7

0 %

Exo. 2d et 3° salariés

0.1

0 %

Exo. allocations familiales

16.5

0,2

100 %

Abattement temps partiel

2,3 2,7

0 %

Réduction dégressive

19,4

100 %

Réduction fusionnée

36,5

39,4

100 %

Réduction textile

1,0

2,0

100 %

Réduction temps de travail

0

0,8

100 %

Exo lerà50èZRR-ZRU

0

0,8

Zones franches

0

0,7

Associations 1er salarié

0

0,1

Emplois familiaux

4,0

4,2

Dispositifs n'existant pas ou supprimés

Vos rapporteurs rappelleront, à cette occasion, les effets attendus des principales mesures.

Ainsi, la réduction dégressive mise en place en septembre 1995, en renforçant la compétitivité des entreprises, devrait permettre à un horizon de cinq ans de créer ou sauvegarder de 25.000 à 100.000 emplois. De même l'abattement pour l'embauche à temps partiel a permis de sauver l'équivalent de 50.000 emplois par un effet de partage du travail, et s'accompagne de créations d'emplois.

Effet de création d'emploi des mesures de baisse du coût du travail

Montant (en mds F)

Effet emploi (à moyen terme)

Exonération allocations familiales jusqu'à 1,2-1,3 SMIC (avant fusion)

16,5

25 à 80.000

Exonération allocations familiales jusqu'à 1,5-1,6 SMIC (loi quinquennale)

36,0

45 à 160.000

Ristourne dégressive jusqu'à 1,2 SMIC (avant fusion)

19,0

25 à 100.000

Ristourne dégressive jusqu'à 1,33 SMIC (après fusion)

39,0

55 à 200.000

Les mesures de réinsertion en faveur des jeunes ou des chômeurs ont un impact de plus court terme. Elles permettent d'orienter les mouvements de main d'oeuvre, par exemple en réduisant le chômage de longue durée, en offrant des chances de réinsertion à certains publics, ou en répartissant les risques de chômage.

Les taux de réinsertion dans l'emploi à la sortie des dispositifs sont importants : 40 % pour les CES, 33 % pour les apprentis, 25 % pour les jeunes en contrat de qualification, etc. Globalement cette catégorie de mesures se traduit par la création de près de 700.000 emplois et permet de réinsérer plus de 600.000 bénéficiaires sur environ 1,2 million.

A. POUR « PRÉPARER L'AVENIR », LA POLITIQUE DE L'EMPLOI CHANGE DE NATURE

Afin de rendre la croissance plus riche en emploi, deux dispositifs sont essentiellement mis en oeuvre : l'allégement du coût du travail et l'aide à l'insertion des jeunes. Ils sont complétés par des mesures d'accompagnement des restructurations.

1. L'allégement du coût du travail

AGRÉGATS ET SOUS-AGRÉGATS

(en millions)

LFI 1996

PLF 1997

Ecart

% d'augmentation

V - Allégement du coût du travail

37.158,47

42.810,87

5.652,40

15,21 %

A - ler/50ème salarié

0,00

764,54

764,54

-

B - Zones franches

0,00

725,43

725,43

-

C - Associations

0,00

91,04

91,04

-

D - Exonérations des cotisations familiales (BCC)

8.756,00

175,00

-8.581,00

- 98,00 %

E - Ristourne dégressive de cotisations sociales (BCC)

27.756,00

40.349,96

12.593,96

45,37 %

F - Fonds DOM (BCC)

646,47

704,90

58,43

9,04 %

L'allégement du coût du travail sans contrepartie spécifique de l'entreprise (ie hors contrat d'insertion ou de formation) représente 28,48 % des crédits consacrés en 1997 à la politique du travail et de l'emploi.

- Ainsi, 38,3 milliards inscrits au budget des charges communes (BCC) sont consacrés à la ristourne dégressive sur les bas salaires, fusionnée depuis le 1er octobre 1996 avec « l'abattement famille ». Cette ristourne est de 1.166 F par mois au niveau du SMIC (6.406,79 francs par mois) et diminue progressivement jusqu'à 1,33 SMIC (8.521,03 francs par mois). Au SMIC, elle allège le coût du travail de 13 %, et de 4,5 % en moyenne. Elle concerne 5 millions de salariés.

Les bénéficiaires sont les employeurs cotisants à l'assurance chômage, à l'exception des particuliers employeurs, et les établissements publics à caractère industriel et commercial des collectivités territoriales, ainsi que les sociétés d'économie mixte dans lesquelles ces collectivités ont une participation majoritaire. L'exonération peut se cumuler avec celle pour le temps partiel et avec l'abattement de l'article 39 de la loi quinquennale. Pour les entreprises nouvelles et les entreprises situées en zone de revitalisation rurale, les exonérations concernent des rémunérations allant jusqu'à 160 % du SMIC.

Lorsque le salaire est au moins égal au SMIC, la ristourne est de (P-R)x0,55 où P est le plafond (1,33 SMIC) et R la rémunération. Sous le SMIC, la formule est R x 0,182.

2 milliards sont en outre consacrés au secteur du textile, du cuir et de l'habillement : la ristourne, de 1.900 F au niveau du SMIC, est dégressive jusqu'à 1,5 SMIC. D'après le ministère de l'industrie, l'allégement de charges sociales a permis de réduire dans d'importantes proportions les pertes d'emplois dans ce secteur : de 2.200 par mois au cours du premier semestre, les suppressions sont descendues à 1.300.

Le reste des crédits de cet agrégat (1,5 milliard) est consacré aux aides à l'aménagement du territoire.

Il faut signaler que la ristourne dégressive s'applique au temps partiel, proportionnellement au salaire versé mensuellement et non en se référant au salaire horaire : le temps partiel, déjà bénéficiaire d'un allégement de charges sociales de 30 %, est donc particulièrement avantagé. Il concerne désormais 16,2 % des salariés, contre 12,9 % en 1992. 21.600 embauches ou transformation d'emploi à temps partiel ont bénéficié, comme en 1994, du dispositif de réduction des cotisations patronales de sécurité sociale, soit au total depuis 1992, 65.000 entrées cumulées. Le nombre de salariés ouvrant droit à l'abattement pouvait être évalué à 370.000 fin 1995, c'est-à-dire un salarié à temps partiel sur cinq et 2,8 % de l'ensemble des salariés.

- Par ailleurs, le budget prend en compte la mise en oeuvre de la loi du 11 juin 1996 (dite « de Robien »), qui, sur le fondement de l'article 39 de la loi quinquennale, propose des aides à la réduction du temps de travail en contrepartie d'embauchés ou, dans le cadre de plans sociaux, de maintien de l'emploi : plus de 800 millions y sont consacrés (cf. agrégat II-B ci-dessous). Actuellement 40 accords ont été signés (1/3 « d'offensifs », 2/3 de « défensifs »), et 100 sont en cours de négociation.

Cette loi donne lieu à certaines controverses sur son coût, les chiffres avancés étant très divers. Il a donc semblé utile à vos rapporteurs de donner quelques points de référence incontestables en publiant les projections faites lors de l'examen de la proposition de loi par la commission des affaires sociales du Sénat, et qui n'avaient été que partiellement publiées.

Les chiffres concernent le coût de la compensation pour le budget de l'État. On notera que si l'accord prévoit une baisse de salaire, celle-ci se traduira par une baisse du montant des cotisations sociales et une baise corrélative de la compensation par l'État de l'exonération de charges sociales. Si l'État voit sa charge allégée, la sécurité sociale en revanche perd définitivement une part de ses recettes.

Le tableau ci-après prend trois hypothèses pour calculer le coût de la mesure d'exonération pour le budget de l'État dans le cas du dispositif « offensif » : le maintien du nouvel effectif pendant les sept ans, le maintien de 50 % du nouvel effectif pendant les cinq dernières années et le non-maintien du nouvel effectif au-delà des deux ans obligatoires.

Les deux possibilités offertes par la loi sont prises en compte : 1) abaissement de 10 % de la durée du travail, embauche de 10 %, exonération de 40 % la première année et de 30 % les années suivantes et 2) respectivement 15, 15, 50 et 40 %.

La colonne « Total » donne le montant total de l'exonération devant être compensée par le budget de l'État (pour un effectif initial de 100 personnes, un salaire moyen de l'entreprise de 10.000 F et un salaire des nouveaux embauchés de 7.500 F), la colonne suivante donne le nombre d'années emploi (10 emplois pendant 7 ans par exemple) et la dernière le coût par année de l'emploi tant qu'il est maintenu en fonction des trois hypothèses retenues.

A partir de ces chiffres qui reflètent le coût immédiat pour les finances publiques, il est possible de proposer un coût public de la mesure en réincorporant les cotisations des nouveaux embauchés et un coût social : par exemple en déduisant le coût du chômeur évité, les gains de productivité attendus de l'accord (nouvelle flexibilité...), les gains psychologiques, la participation du dispositif à la relance de la consommation, la perspective de prélèvements fiscaux, etc. Ces avantages indéniables, mais plus difficilement chiffrables, réduisent indirectement le coût brut de la mesure pour l'État. La différence entre le coût social et le coût brut est le prix à payer pour acclimater conventionnellement l'idée de réduction du temps de travail.

Quoi qu'il en soit, le dispositif sera coûteux si les entreprises ne jouent pas véritablement le jeu et ne maintiennent pas l'emploi créé pendant les sept ans de l'exonération (en le complétant pour combler les éventuels départs naturels, tels que la démission ou surtout la retraite) ; il semble en outre exercer un certain tropisme sur les négociations en cours d'aménagement-réduction du temps de travail. Actuellement, 29 branches professionnelles sur 128 ont abouti à un accord sur l'aménagement du temps de travail, un an après le début des négociations. Les accords couvrent quatre millions de salariés (1/3 de l'effectif des 128 branches). 53 branches sont en cours de négociation.

Conscient de ces difficultés, le ministre du travail a annoncé la mise en place de cellules de suivi dans les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

Les autres dispositifs d'allégement du coût du travail sont maintenus, voire relancés : l'avantage fiscal pour les emplois familiaux (qui a concerné, en 1995, 245.000 employeurs), associé au chèque emploi service, qui rencontre un succès indéniable (650.000 chéquiers envoyés au 14 octobre 1996) et qui devrait encore se développer avec la loi du 29 janvier 1996 en faveur du développement des emplois de service aux particuliers, porte entre janvier et août 1996 sur 698.112 salariés, contre 557.213 l'année dernière (le coût de l'aide fiscale est de 4 milliards en 1995, peut-être 5,5 milliards en 1996) ; l'exonération pour l'embauche d'un premier salarié concerne un effectif de 130.000 personnes fin septembre 1996. Il convient par ailleurs de noter qu'à l'allégement du coût du travail dans les zones rurales (1er au 50ème salariés) et les zones franches, viennent désormais s'ajouter les exonérations prévues par les articles 12 à 16 de la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.

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