EXAMEN DES ARTICLES

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS MODIFIANT L'ORDONNANCE N° 45-2658
DU 2 NOVEMBRE 1945 RELATIVE AUX CONDITIONS D'ENTRÉE ET DE SÉJOUR DES ÉTRANGERS EN FRANCE

Article premier
(article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945)
Aménagement du régime du certificat d'hébergement

L'article premier du projet de loi modifie l'article 5-3 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin d'aménager le régime du certificat d'hébergement exigible d'un étranger pour une visite privée.

Sans reprendre les explications déjà données lors de l'examen du projet de loi en première lecture, il convient de rappeler qu'issue du décret n° 82-442 du 27 mai 1982, la procédure du certificat d'hébergement a établi un contrôle plus étroit des visites privées. Jusqu'en 1982, une procédure de contrôle existait déjà. Elle se limitait à l'obligation pour toute personne hébergeant à titre gratuit ou onéreux un étranger, résident ou non résident, d'en faire la déclaration aux services de police ou de gendarmerie.

Le décret du 27 mars 1982 a fait obligation à l'hébergeant de solliciter un certificat ad hoc indiquant l'identité de son auteur, son adresse personnelle et l'identité du bénéficiaire, précisant les possibilités d'hébergement et mentionnant, le cas échéant, le lien de parenté du signataire du certificat d'hébergement avec la personne hébergée. Lorsque le demandeur est un étranger, il doit être obligatoirement titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident.

Un décret du 30 août 1991 a précisé ce dispositif, notamment en permettant au maire en cas de doute sur les conditions d'hébergement de saisir l'office des migrations internationales (OMI) aux fins de procéder à une vérification sur place, après s'être assuré du consentement des intéressés. La loi du 31 décembre 1991 a inséré ces dispositions dans le code du travail.

Auparavant, une circulaire du 16 octobre 1991 avait rappelé que la nouvelle procédure répondait à deux objectifs:

" - rendre plus fiable le certificat d'hébergement grâce à des conditions de délivrance plus rigoureuses;

- en conséquence, renforcer l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière. "

La même circulaire citait notamment la nouvelle " obligation pour le demandeur de se présenter personnellement aux services municipaux afin de limiter le phénomène des certificats de complaisance ". Elle indiquait également qu'  " en tant qu'agent de l'Etat, le maire doit enregistrer et numéroter de façon séquentielle, par année, les demandes de certificats d'hébergement en distinguant les certificats visés et les certificats refusés, ainsi que faire le décompte des vérifications sur place; les services municipaux doivent en effet être en mesure de renseigner les consulats ou les services de contrôle à la frontière, qui peuvent être amenés à entrer en contact avec eux pour s'assurer de l'authenticité du certificat qui leur est présenté. "

La loi du 24 août 1993 a par la suite réinséré les dispositions relatives au certificat d'hébergement dans l'ordonnance du 2 novembre 1945. Elle a permis au maire de refuser la délivrance du certificat lorsque les mentions qui y figurent sont inexactes et précisé qu'en cas de refus par l'hébergeant d'une vérification des conditions d'hébergement par des agents de l'OMI, ces conditions seraient réputées non remplies. Le Conseil constitutionnel, saisi de ces dispositions, a considéré qu'elles n'étaient pas " de nature à porter atteinte à la liberté individuelle et que le moyen tiré d'une atteinte à la vie privée manquait en fait " (décision n° 93-325 du 13 août 1993).

Il convient de rappeler pour relativiser la portée de ce dispositif qu'environ 180 000 certificats d'hébergement sont demandés chaque année, chiffre qui doit être mis en rapport avec les quelque 1,3 million de visas de court séjour délivrés.

L'article premier du projet de loi composé de trois paragraphes prévoyait, dans sa rédaction initiale, une seule véritable innovation à ce dispositif.

Son paragraphe I faisait, en effet, obligation à l'hébergeant de déclarer le départ de l'étranger hébergé.

Cette obligation tendait à mieux faire prendre conscience à l'hébergeant de ses responsabilités et à éviter que ce certificat d'hébergement, détourné de son objet, ne soit un des moyens d'entrée en France d'immigrants clandestins.

Il répondait ainsi à la préoccupation exprimée par différentes propositions de loi déposées sur ce thème sur le bureau du Sénat.

Le paragraphe II prévoyait qu'à défaut de respecter cette obligation, l'intéressé ne pourrait plus obtenir le visa par le maire d'un nouveau certificat pendant une période de deux ans .

Il précisait, en outre -sans véritablement innover par rapport aux procédures déjà mises en oeuvre- les autres motifs de refus du certificat d'hébergement :

- en supprimant le fait que pour justifier un refus de visa, les conditions d'hébergement anormales devaient ressortir manifestement de la teneur du certificat d'hébergement ou de la visite au domicile ;

- en permettant d'apprécier les conditions d'hébergement au vu des informations disponibles ;

- en codifiant dans l'ordonnance du 2 novembre 1945, le détournement de procédure , vérifié par une enquête des services de police ou de gendarmerie.

En première lecture, l'Assemblée nationale, outre certains aménagements formels, avait souhaité préciser la procédure en établissant que l'information de la mairie sur le départ de l'étranger hébergé devrait prendre la forme d'une notification , effectuée dans un délai de huit jours .

Elle avait, en outre, complété le présent article par un paragraphe III qui, destiné à renforcer la crédibilité du contrôle de l'office des migrations internationales (OMI), spécifiait que celui-ci pourrait procéder à des visites inopinées . Cette faculté -que n'exclut pas le texte en vigueur- ne correspond cependant pas à la procédure actuellement suivie par l'OMI.

Le Sénat avait pour sa part sensiblement atténué la porté du dispositif proposé d'une part, en supprimant le délai de huit jours prévu par l'Assemblée nationale pour la notification du départ de l'étranger hébergé, d'autre part, en spécifiant que la déclaration porterait sur le départ du domicile et non pas du territoire et, enfin, en limitant l'obligation au cas où l'étranger a été effectivement hébergé. Le Sénat avait également prévu que l'obligation de déclarer le départ ne serait pas opposable à l'hébergeant de bonne foi et non pas seulement à l'hébergeant qui justifie de circonstances personnelles ou familiales. Dans un grand nombre de cas, l'hébergeant ne se serait donc pas vu opposer la nouvelle obligation introduite par le projet de loi.

Votre commission des Lois avait, en outre, tenu à souligner que la procédure de notification du départ ne devrait revêtir aucun formalisme excessif, la mise en place d'une formulaire unique comprenant un volet qui constituerait le certificat proprement dit et un volet relatif à la notification du départ pouvant satisfaire cette exigence.

Cependant, l'Assemblée nationale a, en deuxième lecture , jugé préférable de réexaminer l'ensemble de la procédure du certificat d'hébergement.

Sur la proposition de sa commission des Lois, elle a ainsi adopté une nouvelle rédaction de l'article premier qui, comprenant deux innovations , aboutit à modifier non seulement le dispositif proposé par le projet de loi mais aussi la procédure du certificat d'hébergement telle qu'elle a fonctionné depuis 1982.

En premier lieu, la compétence pour délivrer ce certificat serait désormais exercée par le représentant de l'Etat dans le département et non plus par le maire, lequel agissait, en l'espèce, il faut le souligner, au nom de l'Etat.

En second lieu, la déclaration effectuée par l'hébergeant serait remplacée par la remise du certificat d'hébergement aux services de police par la personne hébergée elle-même lors de sa sortie du territoire .

Enfin, un décret en Conseil d'Etat devrait déterminer les conditions d'application de cet article.

Ayant supprimé, par coordination, parmi les motifs de refus du certificat d'hébergement le cas où le signataire n'a pas déclaré le départ d'un étranger hébergé dans les deux années précédant la demande de visa, l'Assemblée nationale n'a en revanche pas modifié les autres cas de refus de celui-ci, tels qu'ils résultaient des travaux de première lecture.

Ainsi modifié, le dispositif proposé appelle de la part de votre commission des Lois les observations suivantes.

1. Le transfert au représentant de l'Etat de la mission de délivrer les certificats d'hébergement

En premier lieu, le transfert au représentant de l'Etat est fondé sur la double considération que la mise en oeuvre de la réglementation relative au séjour des étrangers constitue un attribut de l'Etat et qu'il convient d'assurer la mise en oeuvre de solutions identiques sur le territoire national.

Le maire agit, en l'espèce, en qualité d' agent de l'Etat -comme l'a expressément spécifié le Conseil constitutionnel dans sa décision du 13 août 1993. Il est soumis au pouvoir hiérarchique du représentant de l'Etat qui peut, le cas échéant, se substituer à lui, en cas de carence. Les préfets ont donc, dans le droit en vigueur, les moyens juridiques de veiller à l'homogénéité des décisions prises en la matière et à l'objectivité de la procédure. Les recours hiérarchiques ou contentieux sont en outre toujours possibles.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 1993, n'a pas considéré que l'exercice de cette attribution par le maire, sous l'autorité hiérarchique du représentant de l'Etat, était de nature à entraîner des ruptures de l'égalité de traitement des demandes.

En outre, le sérieux avec lequel les maires ont mis en oeuvre cette procédure depuis 1982 ne saurait être mis en cause. En particulier, les statistiques mettent en évidence l'absence de " blocage " de cette procédure puisque sur les 179 442 certificats d'hébergement demandés en 1995, 173 325 ont été visés, soit un taux de refus de 3,4 % . Cette procédure n'a suscité qu'un contentieux très faible.

Le recours hiérarchique ou contentieux doit, par ailleurs, permettre de sanctionner le détournement de pouvoir que constituerait un refus systématique de délivrer des certificats d'hébergement. De même, la délivrance systématique de tels documents alors qu'un motif légal de refus serait constaté, constituerait une violation de la loi sanctionnable par le représentant de l'Etat ainsi que, le cas échéant, par le juge.

Cependant, votre commission des Lois a été sensible à la position exprimée par l'Association des Maires de France qui a souligné la nécessaire affirmation de la compétence fondamentale de l'Etat en matière de lutte contre l'immigration clandestine.

C'est pourquoi, compte tenu de l'évolution du débat, elle propose au Sénat d'admettre , à condition que le maire soit personnellement associé à la procédure , le transfert de la responsabilité des certificats d'hébergement au représentant de l'Etat. Elle rappelle qu'en toute hypothèse la compétence est d'ores et déjà une compétence de l'Etat qui jusqu'à présent avait été exercée par le maire pour le compte de celui-ci.

Le maire ne saurait, en effet, être tenu à l'écart de la procédure que ce soit dans la procédure d'instruction des demandes, où sa connaissance du contexte local paraît difficilement contestable, que postérieurement à la délivrance du certificat, son information paraissant indispensable à la bonne gestion municipale.

Suivant les précisions apportées à l'Assemblée nationale par le ministre de l'intérieur : " le maire doit être naturellement informé des certificats d'hébergement intéressant sa commune. Il doit pouvoir aussi être sollicité par le préfet pour donner son avis, voire pour organiser l'accueil des demandeurs en mairie ".

Votre commission souhaite donc que le décret en Conseil d'Etat fasse l'objet d'une concertation préalable avec l'Association des maires de France et que les préoccupations suivantes soient clairement prises en compte lors de l'élaboration de ce décret :

- le maire devra être partie prenante à la procédure ;

- la délivrance des certificats d'hébergement devra faire l'objet d'une instruction conjointe par le maire et les services de l'Etat habilités ;

- en fonction des résultats de la concertation préalable avec les représentants des maires, l'accueil des demandeurs pourrait s'effectuer en mairie ;

- les maires devront être informés sur les décisions prises par le représentant de l'Etat.

2. L'obligation pour l'étranger hébergé de déclarer son départ

En second lieu, le transfert de l'obligation de déclarer le départ sur l'étranger hébergé lui-même paraît de nature à apaiser les craintes qui avaient pu s'exprimer quant à l'obligation imposée à l'hébergeant.

La remise du certificat d'hébergement aux services de police par l'étranger hébergé, à sa sortie du territoire suscite en outre un commentaire.

L'espace " Schengen " n'est pas en cause. Il s'agit, en effet, simplement pour l'étranger de déclarer son départ du territoire. Il ne s'agit pas de constater un franchissement de frontières, que celles-ci soient intérieures ou extérieures. La liberté de circulation à l'intérieur de l'espace " Schengen " reste bien évidemment totalement maintenue. Il appartiendra simplement à l'intéressé de respecter l'obligation qui lui est faite de déclarer sa sortie du territoire français.

A cet effet, l'étranger hébergé devra informer par tous moyens les services de police de son départ du territoire ce qui lui imposera soit de déposer le certificat d'hébergement auprès desdits services soit de leur transmettre ce document.

3. La création d'un traitement automatisé

Enfin, cette obligation faite à l'étranger hébergé dès lors qu'elle a pour objet de s'assurer du départ effectif -cette fois-ci du territoire- pourra impliquer la création d'un traitement automatisé.

Selon les indications données devant l'Assemblée nationale par le ministre de l'Intérieur, un fichier serait nécessaire: " Ce fichier sera départemental et l'archivage des données sera bien entendu limité aux prescriptions de la CNIL, de même que son contenu et sa durée. L'acte réglementaire nécessaire à la création éventuelle d'un tel fichier devra nécessairement être soumis à la commission nationale de l'informatique et des libertés, conformément à la loi du 6 janvier 1978. "

L'existence d'un fichier n'est pas un fait nouveau. Dès 1991, la circulaire précitée du 16 octobre 1991, avait mentionné l'obligation pour les maires- ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus- d'" enregistrer et numéroter de façon séquentielle , par année, les demandes de certificat d'hébergement (...) ".

Par ailleurs, la CNIL a précisé les conditions dans lesquelles un traitement automatisé pouvait être créé.

Dans son rapport d'activité pour 1994, elle a ainsi rappelé rappelé qu'elle recommandait " que les données nominatives relatives à la personne hébergeante puissent être effacées dans un délai raisonnable, qui peut être d'un mois à compter de la date de refus ou d'expiration du certificat d'hébergement ".

La CNIL, appuyant cette recommandation sur la considération que les contrôles qui peuvent être effectuées par la mairie ou par l'OMI ne pouvant avoir pour objet que de s'assurer de la possibilité matérielle pour le demandeur d'héberger le bénéficiaire dans des conditions nouvelles, a estimé que " rien ne paraît justifier que les informations relatives à un certificat ayant reçu le visa du maire soient conservées sous forme nominative au-delà de la date prévue pour la fin du séjour du bénéficiaire. "

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Il apparaît donc que le nouveau dispositif aboutirait à mieux faire prendre conscience à chacun de ses responsabilités:

- celle de l' hébergeant qui doit d'ores et déjà remplir un certain nombre de conditions en application des règles en vigueur depuis 1982 et qui pourra, le cas échéant, rappeler à l'étranger qu'il accueille, dans l'intérêt de celui-ci, la nouvelle obligation de déclarer son départ lors de la sortie du territoire;

- celle de l'étranger hébergé qui aura intérêt à respecter le droit national.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter conforme le présent article.

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