Article 4
(article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945)
Elargissement des cas d'attribution de plein droit
de la carte de séjour temporaire

Cet article tend à modifier l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, afin d'étendre la liste des étrangers pouvant se voir attribuer une carte de séjour temporaire de plein droit, d'une durée de validité d'un an .

Il a ainsi pour finalité de régler les difficultés qui ont résulté de l'existence de situations où un étranger ne peut ni prétendre de plein droit à un titre de séjour ni faire l'objet d'une mesure d'éloignement, en raison de dispositions protectrices de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.

Sans mettre en totale conformité la liste des étrangers pouvant bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire, figurant à l'article 12 bis de l'ordonnance, avec celle des étrangers protégés contre une mesure d'éloignement, résultant de l'article 25, le projet de loi avait initialement retenu une rédaction qui aurait permis de régler environ les trois-quarts des situations complexes qui ont pu être relevées.

En outre, pour les cas restants, les préfets conservaient toujours la faculté d'attribuer ce titre, notamment au vu de la situation personnelle et familiale de l'intéressé.

En première lecture , cependant, l'Assemblée nationale avait sensiblement restreint le champ d'application du dispositif proposé par le Gouvernement au présent article, au risque de faire perdurer ces situations complexes auxquelles le projet de loi a précisément pour objet de mettre un terme.

Ainsi, l'Assemblée nationale avait supprimé l'attribution de plein droit de la carte de séjour temporaire à l'étranger non polygame qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans . Pourtant, ces étrangers -au demeurant peu nombreux et qui ont pu ne pas être toujours en situation irrégulière sur la période de quinze ans- semblent de fait être intégrés à la société français dès lors qu'ils n'ont pas été arrêtés ou condamnés.

Elle avait porté à deux ans au lieu d'un an , dans la rédaction initiale, la durée de mariage requise du conjoint étranger d'un Français pour obtenir ce titre de séjour. L'Assemblée nationale avait néanmoins clarifié la portée de la notion de polygamie dont l'état, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, doit s'apprécier en France.

L'Assemblée nationale avait par ailleurs précisé, dans le cas d'un étranger parent d'un enfant français , que si cette qualité résulte d'une reconnaissance postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire ne serait délivrée à l'étranger que s'il subvient aux besoins de l'enfant depuis au moins un an ou depuis sa naissance.

Enfin, l'Assemblée nationale avait étendu le bénéfice de plein droit de la carte de séjour temporaire à l' apatride qui réside régulièrement en France depuis plus de six mois ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants mineurs.

Le Sénat avait pour sa part considéré qu'il était nécessaire -conformément à l'esprit du projet de loi initial- de limiter le plus possible les catégories d'étrangers qui ne sont ni éloignables, ni susceptibles de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire, situation à l'évidence inacceptable au regard des principes juridiques. Tel fut l'objet des principales modifications retenues par le Sénat pour les différentes catégories d'étrangers visées par le présent article.

Le Sénat avait ainsi :

- rétabli la preuve par tous moyens de la résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de six ans pour l'étranger mineur et atténuer pour celui ayant une résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de dix ans la charge de preuve de l'impossibilité de mener une vie familiale effective dans le pays d'origine (2° de l'article 12 bis) ;

- rétabli la catégorie des étrangers ayant quinze ans de résidence habituelle en France (3° de l'article 12 bis) ;

- réduit à un an -conformément à la rédaction initiale du Gouvernement- la durée de mariage requise du conjoint d'un Français (4° de l'article 12 bis) ;

- introduit la catégorie des bénéficiaires d'une rente d'invalidité (5° bis de l'article 12 bis) ;

- clarifié la situation des apatrides , en prévoyant la délivrance de la carte de séjour temporaire dès l'adoption du statut et en reprenant pour le conjoint les conditions fixées pour la délivrance de la carte de résident (6° de l'article 12 bis).

En deuxième lecture , l'Assemblée nationale a admis le bien-fondé de la position du Sénat. Les deux assemblées ont donc d'ores et déjà retenu des rédactions identiques pour les cas suivants :

- l 'étranger mineur ou âgé de moins de dix-neuf ans, dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour temporaire et qui est lui-même autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial (1° de l'article 12 bis) ;

- l'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans (3° de l'article 12 bis),

- l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié depuis au moins un an avec un Français (4° de l'article 12 bis),

- le titulaire d'une rente d'invalidité (5° bis de l'article 12 bis) ;

- l'étranger apatride ainsi que ses conjoints et enfants mineurs (6° de l'article 12 bis).

Les divergences de rédaction entre les deux assemblées ne concernent donc plus que deux catégories d'étrangers.

1. L'étranger mineur ou âgé de moins de dix-neuf ans ayant sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de six ans, cas déjà visé par l'article 12 bis- ou depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans s'il justifie être dans l'impossibilité de poursuivre une vie familiale normale dans le pays d'origine (2° de l'article 12 bis).

Cette dernière hypothèse s'inspirait des dispositions de l'article 38 de l'ordonnance qui accorde la carte de résident de plein droit à l'étranger qui n'a pas été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial mais qui justifie par tous moyens y avoir sa résidence habituelle depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans à condition qu'il soit entré en France avant le 24 août 1993 et que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

En première lecture, le Sénat avait rétabli la possibilité de prouver par tous moyens , qui avait été supprimé de la rédaction initiale et qui devait concerner les deux catégories d'étrangers visés.

En outre, considérant que l'impossibilité de mener une vie effective dans le pays d'origine pourrait être, dans bien des cas, difficile à établir, le Sénat -sur la proposition de votre commission des Lois- avait retenu une rédaction atténuant sensiblement la charge de la preuve pesant sur l'intéressé.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a en définitive décidé -avec l'accord du Gouvernement- de faire bénéficier d'une carte de séjour temporaire de plein droit tous les étrangers mineurs ou âgés de moins de dix-neuf ans qui justifient par tous moyens avoir leur résidence habituelle en France depuis qu'ils ont atteint au plus l'âge de dix ans .

Cette solution rend ainsi conforme la rédaction du 2° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 avec celle de l'article 38, parallèlement supprimé par l'article 8 bis du projet de loi.

Devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur a indiqué que " la rédaction initiale du projet du Gouvernement visait à faire obstacle à l'octroi d'un titre de séjour lorsque la vie familiale de l'intéressé se déroule toujours dans son pays d'origine. C'est conforme à la jurisprudence relative à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Il s'agissait aussi pour nous d'éviter - les entrées d'enfants hors regroupement familial, dans l'esprit de la loi du 24 août 1993. "

Pour autant, force est de constater -comme l'a reconnu le ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée nationale- que si l'étranger a vécu toute sa jeunesse en France, son départ est difficilement envisageable. Telle était d'ailleurs l'inspiration du projet initial.

Ce motif ajouté à la difficulté de preuve de l'impossibilité de mener une vie familiale effective dans le pays d'origine déjà relevée par le Sénat en première lecture conduit votre commission des Lois à admettre la rédaction retenue par l'Assemblée nationale qui est en outre conforme à celle de l'article 38 de l'ordonnance supprimée par l'article 8 bis du projet de loi.

2. L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, parent d'un enfant français, (5° de l'article 12 bis), âgé de moins de seize ans , résidant en France.

Dans la rédaction initiale du projet de loi, la carte de séjour temporaire de plein droit devait être délivrée à cet étranger à la double condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant et qu'il subvienne effectivement à ses besoins.

En outre, l'Assemblée nationale, en première lecture, avait précisé que lorsque la qualité de parent d'un enfant français résulterait d'une reconnaissance de l'enfant postérieure à la naissance, la carte de séjour temporaire ne serait délivrée à l'étranger que s'il subvient aux besoins de l'enfant depuis au moins un an ou depuis sa naissance . Cette disposition est motivée par le souci qu'un étranger ne fasse cette reconnaissance que dans le seul but d'éviter une mesure de reconduite à la frontière.

Le Sénat avait pour sa part clarifié la rédaction proposée par l'Assemblée nationale.

En deuxième lecture , l'Assemblée nationale -souhaitant harmoniser davantage les catégories d'étrangers susceptibles de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire et celles d'étrangers non éloignables a, sur la proposition de sa commission des Lois et avec l'accord du Gouvernement, supprimé la condition relative à l'exercice de l'autorité parentale. L'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 subordonne, en effet, la protection contre une mesure d'éloignement de cette catégorie d'étrangers soit à l'exercice de l'autorité parentale, soit au fait que l'étranger subvient effectivement aux besoins de l'enfant.

L'étranger pourra donc bénéficier du titre de séjour dès lors qu'il subvient effectivement aux besoins de l'enfant.

Comme l'a indiqué le ministre de l'Intérieur devant l'Assemblée nationale, cette condition ne sera pas fondée sur un critère de revenu. L'entretien effectif sera apprécié à la mesure des moyens des parents.

Cette modification répondant au souci qui a été celui du Sénat en première lecture de rapprocher le plus possible les deux listes de l'article 12 bis et de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, votre commission des Lois vous propose de l'accepter.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter conforme l'article 4.

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