2. L'oralité des débats

Plusieurs membres de la Constituante, et non des moindres, penchaient en faveur de ce que certains auteurs ont appelé une " intime conviction relative ", forgée à partir d'éléments écrits. telle fut notamment la position de Robespierre, de Tronchet et de l'abbé Maury.

Mais Thouret convainquit l'Assemblée qu'une procédure écrite -même partiellement- conduirait inéluctablement au retour au système des preuves légales. Par réaction contre un passé honni, la Constitution de 1791 pose donc le principe de l'oralité des débats : " l'examen des témoins sera toujours fait de vive voix et sans que leurs dépositions soient écrites ".

Cette exigence trouvait d'ailleurs une justification positive, indépendante de la crainte d'un retour à la justice de l'Ancien Régime : dans la perspective d'un jury véritablement populaire -qui aurait pu voir le jour- il convenait, à une époque où une large frange de la population ne savait point lire, de s'en remettre aux seules preuves présentées oralement, sauf à conférer aux lettrés, et notamment aux magistrats, une influence déterminante.

Appliqué à l'audience de la juridiction de jugement, le principe de l'oralité demeure aujourd'hui l'une des règles essentielles de la procédure criminelle. Il trouve sa justification dans le souci de permettre au jury, devant lequel doivent être présentés les éléments de preuve et les moyens de défense, de se prononcer en toute connaissance de cause, sans se fonder sur les pièces du dossier d'instruction, auxquelles seul le président de la Cour d'assises a préalablement accès.

3. L'absence de motivation des arrêts des cours d'assises

Même si les jurés répondent à des questions et si le greffier écrit l'arrêt de la cour d'assises, celui-ci n'a pas à être motivé : " la loi ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus ".

Ainsi qu'il a été indiqué précédemment, dès l'époque du tribunal révolutionnaire l'absence de motivation a été liée à l'intime conviction. Mais ce sont surtout des considérations pratiques qui justifient ce principe, car, dans les domaines correctionnel et contraventionnel, où le juge décide également selon son intime conviction, les décisions doivent être motivées (et même de manière suffisamment détaillée sous peine d'encourir la cassation).

A l'origine, l'absence de motivation s'expliquait dans une large mesure par la défiance des révolutionnaires à l'égard des magistrats : l'exigence d'une motivation, qui aurait nécessairement été mise en forme par ceux-ci, risquait de leur conférer une influence déterminante sur des jurés profanes, voire (si le jury était véritablement devenu populaire) illettrés.

Aujourd'hui, cette justification a perdu de sa portée : la participation des magistrats à la délibération leur permet en tout état de cause de faire connaître leur point de vue et le développement du savoir rend les jurés moins influençables.

Un débat s'est ainsi fait jour sur l'opportunité d'exiger la motivation des arrêts des cours d'assises.

Les partisans du maintien de l'absence de motivation avancent essentiellement des considérations d'ordre pratique : selon eux, l'exposé des motifs d'une décision prise par douze personnes pourrait, dans certaines hypothèses, se révéler problématique ou tout au moins nécessiter du temps. Ainsi en irait-il dans les affaires complexes, mettant en cause de nombreux accusés, ou lorsque la décision résulterait de motifs différents selon les membres de la cour. Dans de tels cas, la motivation ne pourrait être mise en forme immédiatement. Comme en matière correctionnelle, elle exigerait une certaine durée entre la clôture des débats et la lecture de l'arrêt. Il y aurait donc une entorse à un autre principe essentiel de la procédure criminelle, celui de la continuité des débats devant la cour d'assises.

Pour d'autres, la motivation présenterait le double avantage de renforcer la transparence des décisions judiciaires les plus graves et d'introduire une certaine rationalité dans un processus qui fait parfois une trop large part à l'émotivité. Telle fut notamment la position du Haut comité qui a par ailleurs considéré " comme une anomalie le fait qu'un jugement correctionnel ou contraventionnel soit motivé tandis qu'un arrêt criminel, dont le retentissement est souvent bien plus grand et les conséquences plus lourdes, ne l'(était) pas ".

A cet égard, les législations étrangères adoptent une solution différente selon les pays. La motivation est exigée en Allemagne, en Italie ou en Suède. Elle ne l'est pas en Belgique. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la décision sur les faits, prise par le jury, n'a pas à être motivée alors que la décision sur la peine, prise par les juges, doit l'être.

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