6) Les débats (chapitre VI) : articles 231-76 à 231-125

Comme pour la cour d'assises, une distinction est faite entre les dispositions générales, celles relatives à la comparution de l'accusé, celles relatives aux preuves et les dispositions concernant la clôture des débats et la lecture des questions.

a) Les dispositions générales : articles 231-76 à 231-86

· L'article 231-76 pose le principe de la publicité des débats devant le tribunal d'assises .

Alors que, pour la cour d'assises, l'actuel article 306 du code de procédure pénale prévoit le huis clos lorsque la publicité est dangereuse pour l'ordre ou les moeurs, le texte proposé pour l'article 231-76 ne le prévoit que lorsque la publicité risque de porter gravement atteinte à la dignité de la personne humaine ou à l'ordre public. Comme il sera indiqué dans le commentaire de l'article 41 du projet de loi (qui modifie l'article 306 précité), cette nuance va dans le sens d'un renforcement de la publicité en soulignant le caractère exceptionnel du huis clos.

Lorsque la publicité présente ce risque d'une atteinte grave à la dignité de la personne humaine ou à l'ordre public, le tribunal prononce le huis clos par un jugement rendu en audience publique qui ne peut faire l'objet d'un appel.

Comme pour la procédure applicable devant la cour d'assises, il est prévu que :

- le président du tribunal d'assises pourra toujours interdire l'accès de la salle d'audience aux mineurs ou à certains d'entre eux ;

- en matière de crimes sexuels, le huis clos sera de droit si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande. Pour les autres infractions, le huis clos ne pourra être ordonné que si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas ;

- le huis clos s'applique au prononcé des jugements sur les incidents contentieux ;

- le jugement sur le fond devra toujours être prononcé en audience publique.

· L'article 231-77 est relatif à l'enregistrement audiovisuel des débats .

Il interdit l'emploi de tout appareil d'enregistrement ou de diffusion de l'image ou du son, sous peine d'une amende de 200 000 F ce qui correspond à une augmentation par rapport au droit actuel, l'article 308 du code de procédure pénale prévoyant une amende de 120 000 F). Cette peine peut être prononcée par le tribunal d'assises lui-même, en application des dispositions du code de procédure pénale relative aux infractions commises à l'audience.

Dans la version initiale du projet de loi, il ne pouvait être dérogé à cette interdiction que sur décision du président du tribunal qui pouvait ordonner que, sous son contrôle, les débats fassent l'objet d'un enregistrement sonore intégral. Afin " de donner à la cour d'assises, la possibilité, si besoin est, d'écouter les débats de première instance à l'occasion de l'appel dont elle serait saisie ", l'Assemblée nationale a prévu que les débats devant le tribunal d'assises feraient l'objet d'un enregistrement sonore intégral systématique . Elle a également prévu une transcription écrite de l'enregistrement aux frais de la partie qui en ferait la demande, ces frais étant cependant à la charge de l'Etat lorsque la demande émanera du ministère public ou de l'accusé.

Le président peut faire établir des copies de ces enregistrements, aux fins d'en faciliter la consultation ; les enregistrements sont placés sous scellés et déposés au greffe du tribunal d'assises.

Ces enregistrements peuvent être utilisés devant la cour d'assises en cas d'appel ou devant la commission de révision ou la cour de révision. Les scellés sont alors ouverts par le président de la juridiction saisie (ou par un magistrat délégué par lui) en présence :

- soit du condamné assisté de son avocat, ou eux dûment appelés ;

- soit, s'il s'agit d'une demande de révision, du conjoint, d'un parent, enfant ou légataire universel du condamné, après la mort ou l'absence déclarée de celui-ci, ou ces personnes dûment appelées.

Après présentation des scellés, le président ou son délégué fait procéder, s'il y a lieu, par un expert à une transcription de l'enregistrement qui est jointe au dossier de la procédure.

Ces dispositions ne sont cependant pas prescrites à peine de nullité.

Pour les raisons indiquées dans l'exposé général du présent rapport, votre commission vous propose deux amendements :

- le premier amendement crée un article 231-76-1, consacré à l'enregistrement des débats. Par rapport au dispositif proposé par le projet de loi, il apporte trois modifications :

. il précise que l'enregistrement s'effectue sous le contrôle du greffier ;

. il supprime la mention selon laquelle la méconnaissance des formalités relatives à l'enregistrement ne sont pas prescrites à peine de nullité ;

. il supprime le droit d'obtenir la transcription de l'enregistrement en raison, d'une part, du coût manifestement disproportionné de cette innovation eu égard aux avantages attendus et, d'autre part, de l'impossibilité pratique d'y procéder dans les affaires ayant duré plusieurs semaines. En revanche, il confère aux parties (et non seulement à l'accusé) le droit d'obtenir une copie de l'enregistrement. Toutefois, comme l'a fait observer M. Robert Badinter, il conviendra d'éviter que les copies ainsi obtenues soient communiquées indument à des tiers. C'est pourquoi votre commission a demandé à votre rapporteur de lui présenter, à l'occasion de l'examen des amendements extérieurs, une solution permettant d'éviter les dérives ;

- le second amendement limite, par coordination, l'objet de l'article 231-77 à l'interdiction de l'utilisation de tout appareil d'enregistrement audiovisuel. Il réduit également à 100.000 F la peine encourue en cas de méconnaissance de cette interdiction.

· Les articles 231-78 et 231-79 sont relatifs aux pouvoirs du président du tribunal d'assises .

Comme le fait l'actuel article 309 du code de procédure pénale à propos du président de la cour d'assises, l'article 231-78 investit le président du tribunal de la police de l'audience et de la direction des débats ; il lui confie le soin de rejeter tout ce qui tendrait à compromettre leur dignité ou à les prolonger sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats.

A titre d'illustration, on citera, parmi les mesures relevant de la police de l'audience :

- l'interdiction de l'accès à la salle d'un individu susceptible de troubler l'ordre ;

- la décision d'ordonner, en cas de tumulte, l'évacuation partielle ou totale de la salle (mais un nouveau public doit alors être admis afin d'assurer le respect du principe de la publicité des débats).

Quant aux mesures relatives à la direction des débats, elles concernent notamment, mais non exclusivement, l'ordre des auditions et interrogatoires. Ainsi, le président peut :

- fixer l'ordre d'audition des témoins ;

- suspendre l'interrogatoire d'un accusé pour entendre un expert ou un témoin avant de reprendre l'interrogatoire ;

- refuser d'interpeller un témoin sur sa moralité ;

- annuler le serment d'un témoin dont il reconnaît l'incapacité ;

- refuser de poser aux témoins les questions qu'il juge inutiles.

Certaines de ces facultés du président sont d'ailleurs expressément reconnues par le code de procédure pénale (ainsi, s'agissant de l'ordre d'audition des témoins, par l'article 331) et par le projet de loi (article 231-101 pour l'ordre d'audition des témoins).

On observera que, par rapport à l'actuel article 309, le texte proposé pour l'article 231-78 pose expressément le devoir du président de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité de l'accusé-devoir qui figure actuellement à l'article 328. A l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a précisé que l'avocat de l'accusé pouvait à tout moment rappeler au président son devoir de neutralité.

Ce " droit de remontrance " a été critiqué par plusieurs personnes entendues par votre commission le mercredi 12 mars 1997. Outre qu'il confère cette faculté à l'avocat du seul accusé, il est apparu de nature à être exploité afin d'obtenir la cassation du jugement. Cette crainte a notamment été émise par M. Valéry Turcey, secrétaire général de l'union syndicale des magistrats. Comme l'a fait observer M. Jean-François Burgelin, cette disposition introduit une suspicion à l'égard du président et, par un raisonnement a contrario, risque d'affaiblir la portée de l'obligation de neutralité du président dans les autres juridictions, où ce " droit de remontrance " n'est pas souligné.

D'une manière générale, toujours selon M. Burgelin, il est préférable de s'en tenir à la pratique actuelle permettant à l'avocat de faire prendre acte des propos du président dans la perspective, le cas échéant, d'un pourvoi en cassation.

Cette opinion est également celle de votre commission qui vous propose donc un amendement tendant à supprimer la précision apportée par l'Assemblée nationale.

A l'initiative de M. Jean-François Deniau, l'Assemblée nationale a en outre adopté un amendement habilitant le président du tribunal d'assises " à prendre toutes les mesures utiles pour assurer l'ordre, la sécurité et le calme des débats, aussi bien dans la salle d'audience que pour les faits qui se produiraient à l'extérieur en rapport avec l'affaire, y compris à demander le concours de la force publique ".

L'article 231-79 correspond pour le tribunal d'assises à l'article 310 du code de procédure pénale qui investit le président de la cour d'assises d'un " pouvoir discrétionnaire en vertu duquel il peut, en son honneur et en sa conscience, prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité ". Le projet de loi supprime cependant cette référence au " pouvoir discrétionnaire " du président, notion que l'exposé des motifs juge " archaïque et prêtant à des interprétations contestables ". Il se limite donc à permettre au président de " prendre toutes mesures qu'il croit utiles pour découvrir la vérité ".

Il ne semble cependant pas que la suppression de la référence expresse au pouvoir discrétionnaire ait de conséquence sur l'étendue des pouvoirs propres du président du tribunal d'assises. Celui-ci, comme l'actuel président de la cour d'assises, devrait disposer d'un pouvoir illimité, dans le cadre des prescriptions législatives, pour ordonner toutes mesures utiles à la recherche de la vérité :

- il s'agira tout d'abord des mesures que le code de procédure pénale lui permet expressément de prendre : saisine du tribunal sur tout incident contentieux ; faculté d'appeler et d'entendre toutes personnes, les témoins ainsi appelés ne prêtant pas serment et leurs déclarations n'étant considérées que comme renseignements ; faculté de se faire apporter toutes nouvelles pièces qui lui paraissent, d'après les développements donnés à l'audience, utiles à la manifestation de la vérité ;

- il s'agira également des mesures qui, bien que n'étant pas expressément prévues par le code de procédure pénale, entrent dans le champ général des mesures utiles à la découverte de la vérité. A titre d'illustration, on peut citer les décisions d'entendre le magistrat qui a été chargé de l'affaire, d'interdire les communications entre les accusés, de faire procéder à des vérifications par la police, de donner lecture du rapport d'un expert absent ou de toutes pièces de la procédure dont la régularité ou la validité n'a pas contestée.

D'une manière générale, le président peut prendre toutes mesures qu'il croit utiles à la manifestation de la vérité à la seule condition qu'elles ne soient pas contraires à la loi . Il ne peut par exemple méconnaître le principe de l'oralité des débats en donnant lecture de la déposition écrite d'un témoin comparant qui n'a pas effectué sa déposition orale ; il ne peut entendre comme expert une personne qui n'a pas été chargée d'une expertise au cours de l'information ; il ne peut faire état d'un acte d'instruction déclaré nul.

Votre commission approuve le dispositif du texte proposé pour l'article 231-79 du code de procédure pénale et vous soumet un simple amendement rédactionnel.

· L'article 231-80 est relatif au droit des assesseurs et des jurés de poser des questions. Il s'inspire du texte de l'actuel article 311 du code de procédure pénale, applicable devant la cour d'assises.

Comme ce dernier, il impose aux jurés et assesseurs de demander la parole au président. Sous cette réserve, il leur permet de poser des questions non seulement aux accusés et aux témoins mais aussi, à la différence de l'article 311 précité, " aux experts et à toutes personnes appelées à la barre ".

En second lieu, le texte proposé pour l'article 231-80 interdit aux assesseurs et aux jurés de manifester leur opinion sur la culpabilité de l'accusé.

· L'article 231-81 est relatif au droit des parties, du ministère public et des avocats de poser des questions. Une distinction essentielle -et que ne prévoit pas le droit actuellement applicable devant la cour d'assises, régi par l'article 312 du code de procédure pénale- est effectuée entre, d'une part, l'accusé et la partie civile et, d'autre part, le ministère public et les avocats :

- s'agissant de l'accusé et de la partie civile, le texte proposé pour l'article 231-81 transpose purement et simplement au tribunal d'assises le dispositif actuellement applicable devant la cour d'assises : ils peuvent poser des questions aux accusés, aux témoins et à toutes personnes appelées à la barre par l'intermédiaire du président ;

- s'agissant du ministère public et des conseils de l'accusé et de la partie civile, le projet de loi leur reconnaît la faculté de poser directement des questions à toutes personnes appelées à la barre en demandant la parole au président. La portée de cette innovation doit certes être relativisée dans la mesure où le ministère public et les avocats (comme les parties elles-mêmes) peuvent d'ores et déjà interroger directement les experts avec l'autorisation du président (Cour de cassation, chambre criminelle, 31 mai 1972).

Mais, par son caractère général, applicable à toutes les personnes appelées à la barre et non aux seuls experts, elle apparaît de nature à accentuer sensiblement le caractère contradictoire de l'audience criminelle.

· L'article 231-82 est relatif aux réquisitions du ministère public . Comme le prévoit l'article 313 du code de procédure pénale à propos du ministère public près la cour d'assises, il énonce que le ministère public prend, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu'il juge utiles.

Toutefois, alors que l'article 313 impose simplement à la cour d'assises de lui donner acte de ses réquisitions et d'en délibérer, le texte proposé pour l'article 231-82 impose au tribunal de statuer.

Par ailleurs, la précision de l'article 314 du code de procédure pénale -selon laquelle lorsque la cour d'assises ne fait pas droit aux réquisitions du ministère public, ni l'instruction ni le jugement ne sont arrêtés ni suspendus- n'est pas reprise.

· L'article 231-83 est relatif aux conclusions de l'accusé, de la partie civile et de leurs avocats . Il reprend le dispositif prévu pour la cour d'assises par l'article 315 du code de procédure pénale en les autorisant à déposer des conclusions et en imposant au tribunal de statuer sur celles-ci.

L'article 231-83-1 , inséré par l'Assemblée nationale, est relatif au trouble à l'audience exercé par un assistant (autre que l'accusé ). Dans un premier temps, le président doit ordonner l'expulsion de la salle d'audience de la personne qui trouble l'ordre, de quelque manière que ce soit.

Dans un second temps, si, au cours de l'expulsion, la personne résiste ou cause du tumulte, le tribunal peut, sur les réquisitions du ministère public, le juger, le punir d'un emprisonnement pouvant aller jusqu'à deux ans, et le placer sous mandat de dépôt. Cette condamnation est susceptible d'appel devant la chambre des appels correctionnels. Elle est prononcée sans préjudice des peines prévues par le code pénal contre les auteurs d'outrage et de violences envers les magistrats. Sur l'ordre du président, la personne est alors contrainte par la force publique de quitter l'audience.

· L'article 231-83-2 , inséré par l'Assemblée nationale, permet aux magistrats et aux jurés de prendre des notes pendant les débats . Il transpose ainsi au tribunal d'assises un dispositif prévu par l'article 340 du code de procédure pénale à propos des débats devant la cour d'assises. Votre commission considère néanmoins que cette disposition n'a pas d'utilité, en vertu du principe, posé par l'article 5 de la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen, selon lequel " tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché ". Elle vous propose donc un amendement tendant à supprimer le texte prévu pour l'article 231-83-2 du code de procédure pénale.

· L'article 231-84 est relatif aux incidents contentieux . Sur le modèle de l'article 316 du code de procédure pénale, applicable devant la cour d'assises, il prévoit que ces incidents sont réglés par le tribunal, le ministère public, les parties ou leurs avocats entendus, par des jugements ne pouvant préjuger du fond. Toutefois, par coordination avec le texte, proposé par l'article 3 du projet de loi pour l'article 232-9 du code de procédure pénale, l'Assemblée nationale a précisé que les jugements visés par cet article pouvaient faire l'objet d'un appel (il s'agit des jugements qui mettent fin à la procédure, statuent sur la régularité de la décision de mise en accusation ou sur la recevabilité de la constitution d'une partie civile et de ceux rendus en matière de détention provisoire ou de contrôle judiciaire).

· L'article 231-85 est relatif aux exceptions de nullité. Il opère une distinction entre :

- d'une part, les exceptions tirées d'une nullité purgée par la décision de mise en accusation. Ces exceptions sont irrecevables. Telle est la conséquence du nouvel article 181 du code de procédure pénale, tel qu'il résulte de l'article 89 du projet de loi, dont le quatrième alinéa dispose que l'ordonnance de mise en accusation définitive couvre, s'il en existe, les vices de la procédure ;

- d'autre part, les exceptions de nullité concernant la procédure antérieure à l'audience. Ces exceptions, dont le projet de loi précise qu'elles concernent notamment la formation du jury, doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentées avant la lecture de la décision de mise en accusation.

Par ailleurs, à l'initiative de sa commission des Lois, l'Assemblée nationale a envisagé l'hypothèse où la décision de mise en accusation n'aurait pas été portée régulièrement à la connaissance des parties ainsi que celle où l'ordonnance de mise en accusation -et non l'arrêt dont les vices sont couverts dès qu'il est devenu définitif- n'aurait pas été rendue conformément aux prescriptions légales. S'inspirant du dispositif prévu en matière correctionnelle, elle a décidé que le tribunal d'assises renverrait alors la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d'instruction, afin que la procédure soit régularisée.

· L'article 231-86 pose le principe de la continuité des débats devant le tribunal d'assises. Comme le prévoit l'article 307 à propos de la cour d'assises, il dispose que ces débats ne peuvent être interrompus et doivent continuer jusqu'à ce que la cause soit terminée par le jugement du tribunal d'assises. Ils peuvent cependant être suspendus pendant le temps nécessaire au repos des juges et de l'accusé.

Telle qu'interprétée par la jurisprudence, l'interdiction formulée par l'article 307 et présentement reprise pour le tribunal d'assises concerne en fait exclusivement l'interruption qui amènerait à délaisser l'affaire commencée pour procéder à l'examen d'une autre cause (chambre criminelle, 7 décembre 1988).

Le projet de loi précise que le tribunal peut ordonner, d'office ou à la requête du ministère public ou de l'une des parties, le renvoi de l'affaire à la prochaine session -cette précision figure pour l'actuelle cour d'assises à l'article 343 du code de procédure pénale-.

a) La comparution de l'accusé : articles 231-87 à 231-92

· L'article 231-87 prévoit la présence obligatoire d'un défenseur auprès de l'accusé. Comme le prévoit l'article 317 du code de procédure pénale à propos de la comparution de l'accusé devant le cour d'assises, le projet de loi confie au président le soin de commettre un avocat d'office si le défenseur choisi ou désigné dans le cadre de la procédure préparatoire à l'audience ne se présente pas.

Le nouvel article 231-87 envisage en outre l'hypothèse -qui figure actuellement à l'article 323- dans laquelle le défenseur de l'accusé n'est pas inscrit à un barreau. Il impose alors au président de l'informer qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou le respect dû aux lois et qu'il doit s'exprimer avec décence et modération.

· L'article 231-88 dispose que l'accusé comparaît libre et seulement accompagné de gardes pour l'empêcher de s'évader. C'est la reprise textuelle de l'article 318 du code de procédure pénale, relatif à la comparution de l'accusé devant la cour d'assises.

· Les articles 231-89 et 231-90 envisagent l'hypothèse d'un refus de l'accusé de comparaître. Comme le font actuellement les articles 319 et 320 du code de procédure pénale en cas de refus de comparaître devant la cour d'assises, ils prévoient un dispositif en deux étapes. Les modalités de ce dispositif sont cependant quelque peu différentes de celles définies par les articles 319 et 320 précités (lesquels sont d'ailleurs modifiés par l'article 47 du projet de loi afin d'avoir des modalités identiques pour le tribunal et la cour d'assises) :

- l'article 231-89 prévoit -c'est la première étape- une sommation à l'accusé, laquelle lui est faite au nom de la loi par le chef de l'établissement pénitentiaire ou par l'huissier d'audience. En cas de réponse de l'accusé, elle est transmise au président du tribunal ;

- l'article 231-90 s'applique en cas de refus de l'accusé d'obtempérer à la sommation -c'est la seconde étape du dispositif-. Dans ce cas, le président peut ordonner que l'accusé soit amené de force devant le tribunal ; il peut également ordonner, le cas échéant après lecture à l'audience des observations de l'accusé, que, nonobstant son absence, les débats s'engagent.

Les éventuels jugements incidents rendus par le tribunal en l'absence de l'accusé lui sont notifiés par le chef de l'établissement pénitentiaire. Ils sont réputés contradictoires.

· L'article 231-91, relatif au trouble à l'audience commis par un assistant , a été supprimé par l'Assemblée nationale, ses dispositions ayant été intégrées dans un article 231-83-1.

· L'article 231-92 est relatif au trouble à l'audience commis par l'accusé . Il prévoit l'application de l'article applicable en cas de trouble causé par un assistant, à savoir l'article 231-91. Mais les dispositions de cet article ayant été déplacées par l'Assemblée nationale, il convient de viser l'article 231-83-1. Votre commission vous propose donc un amendement tendant à réparer cette omission.

Si l'accusé est expulsé de la salle d'audience, il est gardé par la force publique à la disposition du tribunal. Après chaque audience, il lui est donné lecture du procès verbal des débats par le greffier du tribunal d'assises, qui lui remet copie des réquisitions du ministère public et des jugements rendus par le tribunal. Ceux-ci sont réputés contradictoires.

b) La production et la discussion des preuves : articles 231-93 à 231-116

· L'article 231-93 pose les principes généraux de production des preuves : liberté de la preuve, oralité des débats et intime conviction des juges. Il prévoit en effet que les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et que les membres du tribunal d'assises décident d'après leur intime conviction, en se fondant exclusivement sur les preuves qui sont apportées au cours des débats et discutées contradictoirement.

Cette formulation est proche de celle de l'article 427 du code de procédure pénale, relatif à la preuve devant le tribunal correctionnel et que l'article 536 du même code rend applicable au jugement des contraventions.

· L'article 231-94 est relatif à l'appel des témoins cités par les parties et le ministère public . Conformément à ce que prévoit l'article 324 pour l'appel des témoins cités devant la cour d'assises, il dispose qu'il appartient au président d'ordonner à l'huissier d'y procéder.

· L'article 231-95 est relatif à la sortie des témoins. Il reprend mot pour mot le texte de l'article 325 du code de procédure pénale applicable devant la cour d'assises : le président ordonne aux témoins de se retirer dans la chambre qui leur est destinée ; ils n'en sortent que pour déposer ; le président prend, en cas de besoin, toutes mesures utiles pour empêcher les témoins de conférer entre eux avant leur déposition.

On observera que, selon la chambre criminelle, ces observations ne sont pas prescrites à peine de nullité. N'est donc pas une cause de nullité le fait qu'un témoin ait assisté à une partie des débats avant son audition.

· L'article 231-96 concerne le témoin défaillant. Il reprend largement la solution prévue par l'article 326 du code de procédure pénale à l'égard du témoin de cour d'assises défaillant.

Ainsi, lorsqu'un témoin cité ne comparaît pas, le tribunal peut, d'office ou sur réquisitions du ministère public, ordonner qu'il soit immédiatement amené devant lui par la force publique ou renvoyer l'affaire à la prochaine session.

Le témoin qui ne comparaît pas ou qui refuse soit de prêter serment, soit de faire sa déposition, peut, sur réquisitions du ministère public, être condamné par le tribunal à la peine d'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe (soit à 10 000 F au plus).

En l'état du droit actuellement applicable devant la cour d'assises, le témoin peut faire opposition de cette condamnation. Pour des raisons qui seront exposées dans le commentaire de l'article 48, le projet de loi substitue à cette faculté d'opposition, que la condamnation soit prononcée par le tribunal (futur article 231-96 du code de procédure pénale) ou par la cour d'assises (article 326 tel qu'il résulterait de l'article 48 du projet), la faculté d'interjeter appel dans les dix jours de la condamnation ou, si le témoin était défaillant, dans les dix jours de la signification du jugement. Cet appel est porté devant la chambre d'accusation -ou, pour reprendre ce qui serait sa nouvelle dénomination, devant la chambre d'appel de l'instruction-.

Votre commission s'est interrogée sur l'opportunité de porter devant la chambre d'accusation l'appel de la condamnation d'un témoin défaillant. Il lui paraît plus naturel de saisir, dans cette hypothèse, la chambre des appels correctionnels. C'est d'ailleurs cette solution que retient le projet de loi dans des hypothèses fort proches telles que la condamnation d'un juré défaillant (futur article 231-57). Ainsi, les principes généraux de la procédure pénale et le souci de simplification conduisent votre commission à vous proposer un amendement transférant à la chambre des appels correctionnels la compétence pour connaître des appels portés contre une décision de condamnation d'un témoin défaillant.

· L'article 231-97 est relatif à la lecture de la décision de mise en accusation. Comme le prévoit l'article 327 à propos de la cour d'assises, le président invite l'accusé à écouter avec attention cette lecture. Il invite -et non plus ordonne- le greffier à y procéder -sans plus exiger que la lecture se fasse à haute et intelligible voix-.

Notre excellent collègue Michel Dreyfus-Schmidt a opportunément attiré l'attention de votre commission sur les conséquences de la lecture de l'acte d'accusation au début de l'audience. Elle peut en effet créer chez les jurés un premier sentiment qui ne peut qu'être défavorable à l'accusé. C'est pourquoi il serait souhaitable de permettre à la défense, si elle le juge utile, de présenter ses observations aussitôt la lecture de la décision de mise en accusation achevée. Sensible à cette remarque, votre rapporteur soumettra à votre commission un amendement à cette fin.

· L'article 231-98 dispose que le président interroge l'accusé et reçoit ses déclarations. C'est la reprise textuelle du premier alinéa de l'article 328 du code de procédure pénale, dont le second alinéa, qui interdit au président de manifester son opinion sur la culpabilité, a été repris à l'article 231-78 (commenté ci-dessus).

· L'article 231-99 est relatif à l'audition des témoins appelés par le ministère public ou les parties. Reprenant littéralement l'article 329 du code de procédure pénale applicable devant l'actuelle cour d'assises, il dispose que ces témoins sont entendus dans le débat, même s'ils n'ont pas déposé à l'instruction, ou s'ils n'ont pas été assignés à condition que leurs noms aient été signifiés vingt-quatre heures au moins avant l'audience :

- à l'accusé pour les témoins appelés par le ministère public ;

- au ministère public et, s'il y a lieu, à la partie civile pour les témoins appelés par l'accusé.

· L'article 231-100 concerne l'audition des témoins dont le nom n'aurait pas été signifié au ministère public ou aux parties (ou leur aurait été signifié irrégulièrement). Il reprend l'article 330 applicable devant la cour d'assises.

Il permet ainsi au ministère public et aux parties de s'opposer à l'audition de ces témoins. Le tribunal statue sur cette opposition. Comme l'a précisé la chambre criminelle à propos de la cour d'assises, le tribunal devra rechercher si le grief pris du défaut de signification est fondé. De même, en l'absence d'opposition du ministère public ou des parties, le tribunal ne pourra relever d'office l'irrégularité d'une signification.

Si l'opposition est reconnue fondée, ces témoins peuvent néanmoins être entendues à titre de renseignement sur décision du président.

· Les articles 231-101 à 231-103 prévoient les modalités de déposition des témoins.

L'article 231-101 correspond à l'article 331 du code de procédure pénale, applicable aux dépositions des témoins devant la cour d'assises : ceux-ci doivent déposer séparément l'un de l'autre, dans l'ordre établi par le président.

Deux séries de formalités sont exigées préalablement à leur déposition :

- les témoins doivent répondre à l'interpellation du président. Celui-ci leur demande de faire connaître leurs nom, prénoms, âge, profession, domicile ou résidence, s'ils connaissaient l'accusé avant l'infraction et s'ils sont parents ou alliés, soit de l'accusé, soit de la partie civile, et à quel degré. Le président leur demande également s'ils ne sont pas attachés au service de l'un ou de l'autre ou -adjonction par rapport au droit actuel- s'ils ne vivent pas notoirement en situation maritale avec l'un ou l'autre. Le projet de loi permet au président de dispenser un témoin de faire connaître son domicile ou sa résidence ;

- les témoins doivent prêter le serment de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité, rien que la vérité.

Ce dispositif appelle certaines observations.

Tout d'abord, l'interpellation n'a pas pour but d'interdire l'audition sous serment d'une personne qui serait proche d'une partie mais seulement d'avertir la cour et le jury du degré de confiance qu'il convient d'accorder à des témoins dont la déposition peut ne pas être impartiale.

En second lieu, le fait que l'interpellation du témoin n'intervienne qu'après sa prestation de serment n'est pas une cause d'irrégularité, la récusation du témoin pouvant intervenir après la prestation de serment.

L'article 231-101 précise ensuite, comme le fait déjà le code de procédure pénale à propos de la cour d'assises, que, après leur prestation de serment, les témoins déposent oralement. Le principe de l'oralité des débats domine en effet la procédure devant la cour d'assises. Il sera également applicable à la procédure devant le tribunal d'assises avec toutes les conséquences qu'en a déjà tirées la jurisprudence. L'oralité signifie que le témoin doit déposer d'après ses seuls souvenirs, ce qui lui interdit de lire une déposition préparée à l'avance, voire de s'aider de documents écrits -même si le président peut exceptionnellement autoriser un témoin à consulter des notes, par exemple pour donner des indications chiffrées-. L'oralité s'applique à la déposition même du témoin et non aux informations annexes, qui n'émanent pas de lui ; ainsi, un témoin peut, lors de sa déposition, lire une lettre qui lui a été adressée sans porter atteinte au principe de l'oralité.

Sous réserve du pouvoir de direction des débats du président -qui doit le conduire à rejeter tout ce qui tendrait à compromettre la dignité des débats ou à les prolonger inutilement- les témoins ne sont pas interrompus dans leur déposition. Cette interdiction signifie que la déposition doit être spontanée et non revêtir la forme d'un interrogatoire. Les questions au témoin ne peuvent donc être posées qu'une fois la déposition achevée.

Enfin, comme l'actuel article 331, le futur article 231-101 précise que les témoins déposent uniquement, soit sur les faits reprochés à l'accusé, soit sur sa personnalité et sa moralité.

L'article 231-102 apporte la précision, que ne prévoit pas expressément le code de procédure pénale à propos de la cour d'assises, selon laquelle le serment des témoins est prescrit à peine de nullité. Il indique cependant que cette exception de nullité doit, à peine de forclusion, être soulevée par le ministère public ou les parties avant la fin de l'audition du témoin ; en cas d'annulation, le témoin peut être à nouveau interrogé après avoir prêté serment ; il ne peut être entendu sans prêter serment -c'est-à-dire en conférant à ses déclarations la portée de simples renseignements- ce qui constitue une dérogation au pouvoir du président d'entendre toutes personnes susceptibles d'apporter des renseignements utiles à la manifestation de la vérité.

En prévoyant la nullité de la déposition faite en l'absence de serment préalable, le projet de loi consacre une jurisprudence traditionnelle. Comme l'a fait observer la chambre criminelle dans un arrêt en date du 19 février 1886, " il ne peut y avoir de témoignage, dans le sens légal du mot, sans prestation de serment ". Néanmoins, comme il sera indiqué dans le commentaire de l'article 52 du présent projet de loi -qui énonce les mêmes précisions à propos de la cour d'assises que l'article 231-102-, le dispositif relatif à l'invocation de la nullité et les conséquences à tirer d'une annulation apporte de substantielles améliorations.

L'article 232-102-1 étend aux experts les dispositions de l'article 231-102 relatives à l'exception de nullité concernant le serment.

L'article 231-103 précise que le témoin qui a prêté serment n'est pas tenu de le renouveler s'il est entendu à nouveau au cours des débats ; le président lui rappelle, s'il y a lieu, le serment qu'il a prêté. Cette précision -que l'article 52 du projet de loi énonce également pour la cour d'assises, juridiction d'appel- reprend une jurisprudence traditionnelle.

· L'article 231-104 est relatif aux questions adressées aux témoins. Comme le fait l'actuel article 332 du code de procédure pénale à propos des questions adressées aux témoins devant la cour d'assises, il précise qu'elles sont posées après chaque déposition -conformément à l'interdiction d'interrompre un témoin lors de sa déposition-.

Cette faculté de poser des questions aux témoins est bien entendu reconnue au président.

Elle l'est également au ministère public, à l'accusé, à la partie civile et à leurs avocats dans les conditions prévues par l'article 231-81 ci-avant commenté ; celui-ci, rappelons-le, distingue, d'une part, les questions de l'accusé et de la partie civile -qui, comme aujourd'hui, sont posées par l'intermédiaire du président- et, d'autre part, les questions du ministère public et des avocats -qui pourront désormais être posées directement après avoir demandé la parole au président-.

· L'article 231-105 prévoit que, après sa déposition, chaque témoin demeure dans la salle d'audience jusqu'à la clôture du débat, sauf si le président en ordonne autrement. C'est la reprise mot pour mot de l'article 334 du code de procédure pénale, applicable devant la cour d'assises.

· Les articles 231-106 et 231-107 sont relatifs aux témoins dits " reprochables ". Sont ainsi dénommées les personnes dont les dépositions ne peuvent être reçues sous la foi du serment.

Reprenant l'énumération de l'article 335 du code de procédure pénale -que la jurisprudence a considéré comme limitative- à propos des témoins devant la cour d'assises, l'article 231-106 cite ainsi :

- le père, la mère ou tout autre ascendant de l'accusé ;

- le fils, la fille ou tout autre descendant ;

- les frères et soeurs ;

- les alliés aux mêmes degrés ;

- le mari ou la femme, même après le divorce, ainsi que -seule innovation par rapport au droit actuel- la personne qui vit ou a vécu notoirement en situation maritale avec l'accusé ;

- la partie civile ;

- les enfants de moins de seize ans.

L'article 231-107 reprend l'actuel article 336 du code de procédure pénale prévoyant que l'audition d'un témoin " reprochable " n'entraîne pas nullité lorsque le ministère public ni aucune des parties ne s'est opposé à la prestation de serment et que, en cas d'opposition, le témoin peut être entendu à titre de renseignements -en application des pouvoirs propres du président-.

· L'article 231-108 est relatif aux témoins " dénonciateurs ". Comme le fait l'article 337 du code de procédure pénale à propos de la cour d'assises, il distingue deux catégories de dénonciateurs :

- ceux qui ont agi en vertu d'une obligation légale ou de leur propre initiative sans en avoir reçu une récompense pécuniaire : ces dénonciateurs sont reçus en témoignage mais le président en avertit le tribunal d'assises. On observera que, selon la jurisprudence rendue à propos de l'article 337 précité, le plaignant, la victime de l'infraction ou l'officier de police judiciaire enquêteur ne seront pas des dénonciateurs au sens de la présente disposition ;

- ceux dont la dénonciation est récompensée pécuniairement : ces dénonciateurs peuvent être entendus en témoignage, à moins qu'il n'y ait opposition d'une des parties ou du ministère public. Le projet de loi précise que, en cas d'opposition, le dénonciateur peut être entendu sans prestation de serment -et donc à titre de renseignements- en vertu des pouvoirs propres du président.

· L'article 231-109 est relatif au retrait momentané d'un témoin de la salle d'audience. Reprenant littéralement le texte de l'article 338 du code de procédure pénale, applicable devant la cour d'assises, il prévoit que ce retrait peut toujours, après la déposition, être ordonné par le président et être demandé par le ministère public ou une partie ; le témoin est ensuite introduit et entendu s'il y a lieu après d'autres dépositions, avec ou sans confrontation.

· L'article 231-110 est relatif au retrait d'un accusé de la salle d'audience. Il reprend textuellement l'article 339, applicable devant la cour d'assises ; c'est au président qu'il appartient de faire retirer un ou plusieurs accusés et de les interroger séparément sur quelques circonstances du procès ; il peut le faire avant, pendant ou après l'audition d'un témoin ; mais il ne doit reprendre les débats qu'après avoir informé chaque accusé de ce qui s'est fait en son absence, et de ce qui en est résulté.

· L'article 231-111 est relatif à la présentation des pièces à conviction . C'est au président qu'il appartient, s'il est nécessaire, de présenter, dans le cours ou à la suite des dépositions, ces pièces aux parties ou aux témoins et de recevoir leurs observations.

On observera que la liste des destinataires potentiels des pièces à conviction est étendue par rapport au droit applicable devant la cour d'assises. En effet, l'article 341 du code de procédure pénale prévoit la possibilité de présenter ces pièces aux témoins ou à l'accusé (et non, d'une manière générale, aux parties).

Le projet de loi, comme l'article 341 précité, permet aussi de les présenter, s'il y a lieu, aux assesseurs et aux jurés.

· L'article 231-112 envisage l'hypothèse d'un faux témoignage.

Si, d'après les débats, la déposition d'un témoin paraît fausse, le président peut, d'office ou à la requête du ministère public ou d'une partie, ordonner à ce témoin de demeurer à la disposition du tribunal. Comme l'a décidé la Cour de cassation à propos des débats devant la cour d'assises, il appartiendra au président d'apprécier souverainement si la déclaration du témoin paraît fausse. Le projet de loi précise que le tribunal pourra, s'il y a lieu, entendre de nouveau le témoin.

Si le jugement doit être rendu le jour même, le président peut également faire garder le témoin par la force publique dans ou hors la salle d'audience.

Après la lecture du jugement ou dans le cas d'un renvoi à une autre session, le président ordonne la conduite du témoin devant le procureur de la République qui apprécie les suites à donner. Il convient en effet d'attendre la fin des débats avant l'ouverture d'une éventuelle information afin de permettre au faux témoin de se rétracter à temps, une rétractation avant le jugement étant une cause d'exemption de peine (article 434-13 du code pénal).

D'une manière générale, le nouvel article 231-112, comme l'actuel article 342, ne concernera que les faux-témoignages pénalement sanctionnés, c'est-à-dire ceux faits sous la foi du serment.

Votre commission vous propose un amendement supprimant une précision inutile.

· L'article 231-113 est relatif aux difficultés linguistiques susceptibles de survenir.

En l'état du droit actuellement applicable devant la cour d'assises, l'article 344 du code de procédure pénale prévoit que, dans le cas où l'accusé, les témoins ou l'un d'eux ne parlent pas suffisamment la langue française ou s'il est nécessaire de traduire un document versé aux débats, le président nomme d'office un interprète, âgé d'au moins vingt-et-un ans, et lui fait prêter serment d'apporter son concours à la justice en son honneur et en sa conscience.

Le texte proposé pour l'article 231-113 transpose ce dispositif au tribunal d'assises en lui apportant deux modifications :

- d'une part, le recours à un interprète doit également être décidé si la partie civile ne parle pas suffisamment le français ;

- d'autre part, l'âge minimum de l'interprète est ramené de vingt-et-un à dix-huit ans.

Sur les autres modalités, le projet de loi reprend le dispositif prévu par l'article 344 précité à savoir :

- la possibilité pour le ministère public ou une partie de récuser l'interprète de manière motivée. Le tribunal se prononce sur cette récusation par une décision insusceptible de recours ;

- l'impossibilité de prendre l'interprète parmi les membres du tribunal, le greffier d'audience, les parties et les témoins, même avec le consentement de l'accusé ou du ministère public.

· L'article 231-114 envisage l'hypothèse où l'accusé, la partie civile ou un témoin est sourd muet. Il reprend dans une large mesure le dispositif de l'article 345 du code de procédure pénale applicable devant la cour d'assises -à la nuance près que cet article 345 n'envisage pas l'hypothèse où la partie civile est sourde et muette- à l'égard d'un témoin sourd-muet ou d'un accusé sourd-muet qui ne sait pas écrire :

- le président doit nommer d'office comme interprète la personne qui a le plus l'habitude de converser avec le sourd muet ;

- les dispositions de l'article 231-113, relatives à la nomination d'un interprète, sont applicables.

On observera que le projet de loi ne reprend pas le dernier alinéa de l'article 345 qui, dans le cas où le sourd muet sait écrire, prévoit non pas la nomination d'un interprète mais que le greffier écrit les questions ou observations qui lui sont faites et que le sourd muet y répond par écrit. Comme il sera indiqué dans le commentaire de l'article 58 du projet de loi -qui modifie ledit article 345- cette modification par rapport au droit actuellement applicable devant la cour d'assises est dictée par un souci de simplification.

· L'article 231-115 est relatif à la rédaction du procès verbal d'audience . Il confie au greffier du tribunal d'assises le soin de dresser, sous la direction du président , le procès verbal résumant le déroulement de la procédure d'audience jusqu'au prononcé de la décision sur l'action publique.

Ce procès verbal doit mentionner l'identité des personnes appelées à la barre, qu'elles l'aient été comme témoins ou experts ou à titre de renseignements.

En revanche, sauf si le président en décide autrement -d'office ou à la requête du ministère public ou de l'une des parties-, il ne mentionne ni les réponses des accusés, ni le contenu des dépositions.

Dans sa rédaction initiale, le projet de loi prévoyait cependant que le président pouvait ordonner -d'office ou à la requête du ministère public ou des parties- qu'il fût fait mention :

- des variations qui peuvent exister entre les dépositions des personnes entendues et leurs précédentes déclarations ;

- des variations qui peuvent exister entre les réponses des accusés et leurs déclarations faites au cours de l'instruction ;

- des dépositions des personnes non entendues au cours de l'instruction et portant sur les faits objet de l'accusation.

En cas de refus du président, l'incident contentieux était réglé par le tribunal par une décision non susceptible de recours.

Ces précisions ont été supprimées par l'Assemblée nationale qui a justement estimé inutile de prévoir ces mentions au procès-verbal dans la mesure où l'enregistrement des débats suffirait pour mettre en évidence les variations dans les dépositions.

Le procès verbal est signé par le président et le greffier dans les trois jours du prononcé de la décision.

Les dispositions de cet article 231-115 ne sont pas prescrites à peine de nullité.

Ce dispositif est repris par l'article 53 du présent projet de loi à propos du procès verbal d'audience de la cour d'assises. Comme il sera indiqué lors du commentaire de cet article, il diffère sensiblement du dispositif actuellement prévu par le code de procédure pénale à propos des débats de la cour d'assises.

Votre commission vous demande d'adopter un amendement au texte proposé pour l'article 231-115 . Cet amendement , présenté dans l'exposé général, supprime le pouvoir de direction du président, le procès-verbal ayant précisément pour fonction d'attester l'accomplissement par le tribunal (et donc par le président) des formalités prescrites.

· L'article 231-116 est relatif au réquisitoire et à la plaidoirie. Il reprend le dispositif de l'article 346 du code de procédure pénale, applicable devant la cour d'assises :

- une fois l'instruction à l'audience terminée, la partie civile ou son avocat est entendue et le ministère public prend ses réquisitions ;

- l'accusé et son avocat, ainsi que, s'il y a lieu, la personne civilement responsable, présentent leur défense -cette référence à la personne civilement responsable est la seule innovation par rapport au dispositif actuel- ;

- la réplique est permise à la partie civile et au ministère public, mais l'accusé ou son avocat ont toujours la parole les derniers.

La jurisprudence a conféré une portée générale à cette règle selon laquelle la défense doit avoir la parole en dernier en décidant qu'elle ne s'appliquait pas seulement une fois l'instruction à l'audience terminée mais également lors de tout incident contentieux intéressant la défense réglé par une décision de la juridiction.

Par ailleurs, sous réserve que l'accusé ou son avocat ait effectivement la parole en dernier, l'ordre dans lequel les parties prennent la parole n'est pas prescrit à peine de nullité. Ainsi, l'accusé ne peut se plaindre que la partie civile n'ait pas été entendue avant le ministère public.

b) La clôture des débats et la lecture des questions : articles 231-117 à 231-125

· L'article 231-117 est relatif à la clôture des débats . Comme le font les deux premiers alinéas de l'article 347 du code de procédure pénale à propos de la cour d'assises, il dispose que le président déclare les débats terminés et lui interdit de résumer les moyens de l'accusation et de la défense.

La déclaration de clôture est une spécificité de la procédure criminelle ; elle n'est prévue ni devant le tribunal correctionnel ni devant le tribunal de police de sorte que les débats demeurent ouverts jusqu'au prononcé du jugement.

La déclaration de clôture a pour effet de mettre fin à l'instruction : aucun argument ne peut plus être échangé, aucun témoin ne peut plus être entendu, aucune pièce ne peut plus être produite. Le président peut décider la réouverture des débats, y compris en cours de délibéré, tout au moins tant qu'il n'a pas été procédé à la lecture des réponses aux questions posées aux juges et au jury.

Le texte proposé pour l'article 231-117 reprend donc les deux premiers alinéas de l'article 347, actuellement applicables devant la cour d'assises. Les deux dernières alinéas de cette disposition ne sont pas repris, par cohérence avec le futur article 231-126 qui prévoit que le tribunal se retirerait désormais avec le dossier de la procédure. Ces deux alinéas énoncent en effet que le président ordonne que le dossier soit déposé entre les mains du greffier et qu'il ne peut être consulté au cours de la délibération qu'en présence du ministère public et des avocats des parties.

Pour les raisons indiquées dans l'exposé général du présent rapport, et qui seront rappelées lors du commentaire de l'article 231-126, votre commission estime que le tribunal d'assises ne saurait se retirer avec le dossier de la procédure.

Aussi vous propose-t-elle un amendement tendant à reprendre, pour ledit tribunal, les deux derniers alinéas de l'article 347 du code de procédure pénale.

· Les articles 231-118 et 231-119 sont relatifs aux questions auxquelles le tribunal et le jury ont à répondre.

Ils transposent à l'identique le dispositif prévu par les articles 348 et 349 du code de procédure pénale pour les questions posées à la cour d'assises.

L'article 231-118 prévoit ainsi que c'est au président qu'il appartient de donner lecture des questions et que cette lecture n'est pas obligatoire si les questions sont posées dans les termes de la décision de mise en accusation ou si l'accusé ou son défenseur y renonce. Selon la jurisprudence, cette renonciation doit être expresse.

L'article 231-119 précise le contenu des questions :

- chaque question principale -c'est-à-dire celles qui interrogent sur la culpabilité de l'accusé- est posée comme suit : " l'accusé est-il coupable d'avoir commis tel fait ? " ;

- une question est posée sur chaque fait spécifié dans la décision de mise en accusation ;

- chaque circonstance aggravante fait l'objet d'une question distincte ;

- une question distincte est également posée, lorsqu'elle est invoquée, sur chaque cause légale d'exemption ou de diminution de la peine.

· L'article 231-120 concerne le cas particulier des questions relatives à une cause d'irresponsabilité pénale .

Ce dispositif, qui n'est pas prévu par le droit actuellement applicable devant la cour d'assises, sera présenté dans le détail lors du commentaire de l'article 62 du présent projet de loi -qui applique ce dispositif à la cour d'assises, juridiction d'appel-.

Son objet est d'exiger en principe deux questions pour chaque fait spécifié dans la décision de mise en accusation :

- " l'accusé a-t-il commis tel fait ? " ;

- " l'accusé bénéficie-t-il pour ce fait de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article ... du code pénal selon lequel n'est pas pénalement responsable la personne qui ... ? ".

Le président peut cependant, avec l'accord des parties, ne poser qu'une seule question concernant la cause d'irresponsabilité pour l'ensemble des faits reprochés à l'accusé.

· L'article 231-121 est relatif aux questions spéciales . Il reprend l'article 350 du code de procédure pénale, applicable devant la cour d'assises, en prévoyant que, s'il résulte des débats une ou plusieurs circonstances aggravantes non mentionnées dans la décision de mise en accusation, le président pose une ou plusieurs questions spéciales.

· L'article 231-122 est relatif aux questions subsidiaires . Il reprend l'article 351 du code de procédure pénale, applicable devant la cour d'assises, en prévoyant que, s'il résulte des débats que le fait comporte une qualification légale autre que celle donnée par la décision de mise en accusation, le président doit poser une ou plusieurs questions subsidiaires.

· L'article 231-123 est relatif aux incidents contentieux au sujet des questions . Il renvoie au dispositif général de l'article 231-84 pour leur règlement -c'est-à-dire à des jugements du tribunal ne préjugeant pas du fond et rendus après avoir entendu le ministère public, les parties ou leurs avocats-.

· L'article 231-124 prévoit le rappel du mode d'établissement de la preuve avant que le tribunal d'assises se retire . Il impose au président de donner connaissance des dispositions de l'article 231-83 -qui, comme il a été indiqué ci-dessus, posent le principe de la liberté de la preuve et de la décision des membres du tribunal selon leur intime conviction, fondée sur les preuves apportées au cours des débats et discutées contradictoirement-. Ces dispositions sont affichées en gros caractères dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations.

Ce dispositif présente plusieurs différences avec celui applicable actuellement devant la cour d'assises, régi par l'article 353 du code de procédure pénale. Ces différences seront présentées lors de l'examen de l'article 65 du projet de loi, qui réécrit ledit article 353.

Pour les raisons indiquées dans l'exposé général du présent rapport, et qui seront rappelées dans le commentaire de l'article 65, votre commission vous propose un amendement tendant à réécrire l'article 231-124 afin de renforcer la solennité des débats du tribunal d'assises. Il s'agirait de reprendre le texte actuel de l'adresse aux jurés, tel qu'il est prévu par l'article 353 précité, en lui apportant deux modifications : l'une pour tenir compte de la " motivation " des jugements d'assises ; l'autre pour rappeler le principe de la présomption d'innocence de l'accusé.

· L'article 231-125 est relatif aux formalités préalables à la suspension de l'audience .

Il reprend littéralement le texte de l'article 354 du code de procédure pénale, applicable à la suspension de l'audience de la cour d'assises.

Il prévoit ainsi que le président :

- fait retirer l'accusé de la salle d'audience ;

- invite le chef du service d'ordre à faire garder les issues de la chambre des délibérations dans laquelle nul ne pourra pénétrer, pour quelque cause que ce soit, sans autorisation du président ;

- déclare l'audience suspendue.

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