B. LA MISE EN OEUVRE RÉUSSIE DE L'ACCORD D'ASSOCIATION : UNE RESPONSABILITÉ PARTAGÉE DU MAROC ET DE L'UNION EUROPÉENNE

1. L'impact globalement favorable du libre-échange sur l'économie marocaine

L'accord d'association constitue un formidable défi pour le Maroc ; si le libre échange présente à court terme des effets fortement perturbateurs, il représente une chance décisive pour le développement économique du Royaume à moyen terme.

a) Les risques du court terme

Le démantèlement tarifaire aura pour première conséquence une réduction des ressources fiscales du Royaume. Aujourd'hui 70 % des droits de douane -13 milliards de dirhams en 1994 soit 18,5 % des ressources ordinaires du Trésor- portent sur les importations en provenance de l'Europe.

En outre, la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés (de 36 à 35 %), dans le cadre de la nouvelle charte des investissements, ainsi que la fragilisation des entreprises les moins compétitives affecteront sans doute les recettes de l'Etat.

Les autorités marocaines évaluent à 3,5 milliards de dirhams le manque à gagner dès la première année d'application de l'accord d'association .

La mise en place du libre échange conduira en second lieu à d'importantes restructurations au sein du tissu industriel marocain. Cependant, les conséquences de l'accord d'association différeront notablement selon les secteurs considérés. Les entreprises tournées exclusivement vers le marché local représentent près de 40 % des sociétés marocaines : elles subiront les premières la concurrence des produits européens.

Ainsi les industries mécaniques n'ont exporté en 1994 que 12 % de leur production ; compte tenu de la faiblesse de leurs investissements au cours des dernières années (85 millions de dirhams pour une production de 1886 millions de dirhams et une valeur ajoutée de 702 millions de dirhams) elles résisteront sans doute difficilement aux importations de biens d'équipements exonérés de tous droits d'importation dès la première année d'application de l'accord. L'industrie des matériels de transport (dont 16 % de la production est exportée) souffrira quant à elle de la réduction, trois ans après l'entrée en vigueur de l'accord de 10 % par an des droits de douane sur les véhicules importés complètement montés. Autre exemple : l'industrie pharmaceutique (tournée pour près de 95 % de sa production vers le marché intérieur) bénéficiera dans un premier temps de la baisse des droits sur les importations de matières premières dont elle dépend entièrement mais affrontera la concurrence de médicaments importés.

A l'inverse, les industries exportatrices marocaines , déjà bénéficiaires pour leur grande majorité, de l'exemption des droits de douane ou taxes d'effet équivalent sur le marché communautaire, en vertu de l'accord de 1976, pourront tirer parti de la baisse progressive des droits qui frappent leurs équipements ou leurs intrants importés.

L'Office chérifien des phosphates dont les ventes à l'étranger - 9,4 milliards de dirhams, soit 25,4 % des exportations totales du Royaume- le placent au premier rang des exportateurs du Maroc, bénéficiera de la mise en oeuvre de la libéralisation des échanges :

- exonération totale des droits d'importation sur les biens d'équipement européens à compter de la première année d'application de l'accord;

- exonération progressive (25 % par an sur 4 ans) des droits sur les pièces de rechange et les matières premières non produites in situ comme le souffre ou l'ammoniac.

En outre, la libéralisation des transports maritimes internationaux soumise à l'examen du Conseil d'Association dès l'entrée en vigueur de l'accord devrait profiter à l'industrie des phosphates.

L'accord favorisera également la production textile (44 % des exportations marocaines de produits industriels) : dans ce secteur, 70 % des intrants importés (2,7 milliards de dirhams en 1994) et des machines (302 millions de dirhams en 1994) proviennent de l'Union européenne. Les prix de référence de nombreux intrants (fils et tissus) seront éliminés sur une période de 3 ans à compter de l'entrée en vigueur de l'accord tandis que les droits ou taxes applicables baisseront progressivement de 25 % sur quatre ans.

b) Une chance décisive pour le développement du Maroc

Le risque immédiat peut devenir une chance à moyen terme. D'une part, en effet, le Maroc s'est préparé au défi de la libéralisation des échanges, d'autre part son ancrage à l'Europe constitue le meilleur gage du développement du Royaume.

En premier lieu, le Maroc a favorisé une adaptation progressive de son économie dans la perspective du libre échange. Le Royaume souffre de plusieurs handicaps : l'insuffisante productivité de la main d'oeuvre, les coûts élevés de l'énergie, des transports et des terrains industriels, la faible intégration des industries au sein des filières économiques.
Autant de facteurs qui pèsent sur la compétitivité des entreprises. Cependant, le gouvernement marocain a pris la mesure de ces difficultés. Il confirme les réformes dont on a pu déjà jugé l'ampleur et paraît déterminé à ouvrir de nouveaux chantiers : la formation professionnelle et en particulier la formation continue, l'adoption et la mise en application de nouveaux codes -notamment le code du travail aujourd'hui peu favorable à la mobilité des travailleurs.

En outre la libéralisation des échanges respectera, pour la plupart des produits, un rythme progressif . Ces délais permettront au Royaume de poursuivre avec méthode les réformes indispensables et de prendre les mesures d'accompagnement nécessaires, en particulier, pour atténuer le coût social de certaines restructurations.

Par ailleurs, il convient de le rappeler, la clause de protection des industries naissantes permettra au Maroc de geler provisoirement la mise en oeuvre du démantèlement tarifaire, voire de rétablir certaines taxes, lorsque des secteurs économiques seraient confrontés à de graves difficultés et aux risques d'une explosion sociale.

Au-delà même de l'effort d'adaptation et des garanties reconnues par l'accord d'association, le Maroc a fait un double pari conforme à l'intérêt du Royaume. Il a d'abord pris acte de la mondialisation des échanges et préféré devenir un acteur de ce vaste mouvement plutôt qu'un témoin passif condamné bientôt à la marginalisation et au déclin. Plus encore, le Maroc fait le choix de l'Europe : un choix politique autant qu'économique. Il s'est résolument engagé sur la voie d'une modernisation harmonieuse, soucieuse, certes, du respect des traditions et de la fidélité au passé, mais ouverte sur l'avenir et les valeurs du monde occidental. La candidature du Maroc à l'Union européenne plusieurs fois renouvelée depuis 1994 s'inscrit dans le droit fil de cet engagement.

Les sacrifices consentis par le Maroc et les espérances soulevées par l'accord d'association ne sauraient demeurer sans écho de l'autre côté de la Méditerranée. La réussite de la libéralisation des échanges dépend aussi de l'engagement financier promis par l'Union européenne.

2. L'indispensable engagement des Quinze

L'effort financier accepté par les Etats-membres apparaît conséquent mais il tarde à se concrétiser.

a) Un effort financier conséquent

Sur la période 1996-1998, le Maroc devrait recevoir sous forme de dons une enveloppe indicative de 450 millions d'écus (soit un doublement par rapport au 225 millions d'écus du 4ème protocole financier qui couvraient quatre années).

L'aide européenne privilégiera d'une part l'appui de la transition économique et d'autre part le renforcement de l'équilibre social. Au chapitre de l'adaptation de l'économie marocaine, l'Union apportera une contribution en quatre volets :

- appui aux réformes économiques : 120 millions d'écus,

- apports en capital risque : 45 millions d'écus,

- formation : 38 millions d'écus,

- assistance technique (appui à la promotion des exportations, normalisation, qualité, aide à la privatisation) : 72 millions d'écus.

L'amélioration des équilibres socio-économiques passe par la mise en oeuvre de projets dans les domaines du développement rural, de l'eau, du désenclavement, de la santé ou de l'éducation. Les Provinces du Nord devraient bénéficier en priorité d'une partie de ce soutien financier.

En outre, l'accord de pêche a prévu 500 millions d'écus sur la période 1996-2000. Si les redevances pour droits de pêche sont réduits compte tenu de la diminution des captures autorisées, l'aide à la restructuration de la filière marocaine connaît quant à elle une nette progression :

- 121 millions d'écus en faveur du développement durable du secteur des pêches au Maroc pour le contrôle et la coopération notamment ;

- 16 millions d'écus pour la recherche scientifique dans l'aménagement des ressources en mer ;

- 8 millions d'écus, enfin, destinés aux actions de formation maritime.

b) La nécessité de décaissements rapides

Si le principe de l'aide financière européenne ne prête plus aujourd'hui matière à contestation, il tarde à se concrétiser. Le Maroc enregistrera une baisse de ses ressources fiscales au moment même où la modernisation de son économie commande un renforcement des moyens financiers consacrés à deux secteurs décisifs : la formation et les infrastructures.

Le Royaume semble avoir cependant obtenu de la Commission européenne le retour aux principes retenus dans le cadre des précédents protocoles financiers, en particulier une compétence partagée pour l'attribution des marchés publics. Cet accord permettra de débloquer le dossier des crédits MEDA affectés au Maroc, mesure indispensable pour le succès de la libéralisation des échanges.

Certes, l'effort d'adptation du Maroc ne saurait reposer sur le seul appui financier communautaire, mais l'Union a accepté d'assumer une partie de la charge de la transition économique. Il n'est pas question qu'elle se dérobe à ses responsabilités.

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