EXAMEN EN COMMISSION

La commission a procédé le 20 novembre 1996 à l'examen du rapport pour avis de M. William Chervy sur le projet de loi de finances pour 1997 pour les crédits du logement.

M. William Chervy, rapporteur pour avis, a tout d'abord indiqué qu'avec un montant de 40,3 milliards de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement, le budget du logement semblait enregistrer une diminution de 4,34 % par rapport à 1996, mais qu'il convenait d'élargir le champ d'observations, compte tenu des profondes transformations de structure intervenues cette année. En tenant compte des dépenses consolidées en faveur du logement dans le budget de l'État, il conviendrait d'ajouter les crédits inscrits à hauteur de 4,3 milliards de francs dans trois comptes d'affectation spéciale pour que l'ensemble des crédits consacrés au logement pour 1997 s'élève alors à 44,6 milliards de francs, soit une progression de + 2,7 %.

Le rapporteur pour avis a relevé que compte tenu de ces crédits, le Gouvernement s'engageait à maintenir à un niveau équivalent à celui atteint en 1996, les programmes physiques pour 1997, soit 80.000 prêts locatifs aidés (PLA) dont 30.000 prêts locatifs aidés très sociaux (PLA-TS), 120.000 primes à l'amélioration des logements à usage locatif et occupation sociale (PALULOS) et 120.000 prêts à 0%, mais que cette apparente stabilité ne devait pas masquer la forte réduction de l'effort national en faveur du logement, à savoir que pour maintenir un niveau de dépenses budgétaires identique à celui atteint en 1996, tout en participant à la réduction du déficit, l'État faisait transiter par le budget des sommes qui empruntaient jusque-là d'autres voies pour financer le logement, notamment dans le secteur du 1 % logement qui devra verser à l'État en 1997 et 1998 une contribution exceptionnelle de 7 milliards de francs. M. William Chervy, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de budget pour 1997 engageait des réformes profondes dont l'objectif annoncé était « de dépenser mieux pour préparer l'avenir » mais que des zones d'ombre subsistaient sur chacun des projets envisagés, tant à très court terme sur les conditions de mise en place des nouveaux dispositifs qu'à moyen terme en raison de la diminution des moyens budgétaires engagés.

À propos des aides personnelles au logement, il a indiqué que les crédits s'élevaient dans le projet de budget pour 1997 à 29,73 milliards de francs, soit une progression de + 8,5 % et que le nombre de bénéficiaires était passé, entre 1990 et 1997, de 4,5 à 6 millions, soit une croissance de + 31 %, notamment à cause du « bouclage » de l'allocation de logement sociale (ALS) effectif depuis 1994. Tout en constatant que les crédits inscrits pour les aides à la personne progressaient de 8,3 %, le rapporteur pour avis s'est interrogé sur leur niveau, compte tenu que certains estiment que 32 milliards de francs seraient nécessaires pour servir les nouveaux bénéficiaires et maintenir les prestations en francs constants.

À l'intérieur de ce dispositif, le rapporteur pour avis s'est inquiété de la progression de la prestation ALS versée aux étudiants et souligné qu'il devenait urgent de réformer ce dispositif spécifique, dans le cadre d'une mise à plat de l'ensemble des aides versées aux étudiants, à l'heure où le Gouvernement entendait procéder à une réforme de l'ensemble des aides à la personne pour en maîtriser la progression.

M. William Chervy, rapporteur pour avis, a ensuite exposé le contenu de la réforme sur les aides à la personne fondée sur l'adoption d'un nouveau barème unique plus lisible se substituant aux actuels barèmes de l'aide personnalisée au logement 1 (APL1) et de l'aide personnalisée au logement 2 (APL2) dans le parc locatif conventionné et qui sera fondé sur un taux de participation du ménage à sa dépense de logement définie en proportion de ses ressources. Ce taux de participation devrait croître avec la hausse du revenu et décroître avec l'augmentation de la taille du ménage.

La réforme entend appréhender de manière plus équitable les ressources prises en compte pour le calcul de l'aide au logement sans modifier le traitement réservé aux titulaires de minima sociaux (revenu minimum d'insertion (RMI), AAH, minimum vieillesse...). Ces mesures entreront en vigueur sans entraîner de changement pour ceux qui bénéficient déjà d'aides renforcées.

Selon les renseignements recueillis par le rapporteur pour avis auprès des organismes d'habitation à loyer modéré (HLM), les « économies » attendues de prestations se chiffrent à environ 1,3 milliard de francs, dont 600 millions de francs d'économie réalisée sur les bénéficiaires de l'APLl (1.400.000 personnes).

Le rapporteur pour avis s'est inquiété des répercussions de la réforme sur les familles, compte tenu de la diminution du pouvoir solvabilisateur des aides personnelles due au gel des barèmes en 1993 et 1995 et indiqué qu'il ne serait pas de bonne politique que les économies dégagées pour mieux assurer l'accès à un logement des plus démunis, se fassent au détriment des familles modestes, qui ont besoin de l'APL pour se loger et concourent à la diversité d'occupation du parc social.

En ce qui concerne le logement locatif social, dont le programme physique sera maintenu en 1997, M. William Chervy, rapporteur pour avis, a indiqué que se substituait aux subventions pour les PLA l'application d'une TVA à taux réduit (5,5 %), justifiée, conformément aux directives européennes, s'agissant d'un bien de première nécessité et que cette réforme était en réalité appliquée depuis le 1er octobre 1996, sans modification des règles d'octroi des PLA acquisition-amélioration, des PALULOS, des subventions pour surcharge foncière, ni du processus d'autorisation administrative.

Ayant exposé les modalités de mise en place du nouveau dispositif fondé sur le mécanisme de « la livraison à soi-même immobilière », le rapporteur pour avis a relevé que des problèmes d'application se posaient en particulier sur la définition de l'assiette éligible et qu'en définitive, tout le débat portait sur la réelle équivalence des aides à la construction, annoncée par le Gouvernement entre l'ancien et le nouveau système, notamment du fait de l'importance variable de la charge foncière par opération.

En tout état de cause, soulignant que cette réforme suscitait de nombreuses inquiétudes parmi les acteurs économiques et que sur le terrain, nombre de constructeurs adoptaient une attitude attentiste, préjudiciable au secteur du bâtiment, le rapporteur pour avis a souhaité, outre un effort d'explication important à fournir par le Gouvernement par l'intermédiaire des préfets, que durant la phase de mise en route de la réforme, des fonds soient mis à disposition pour permettre le bouclage des opérations si des difficultés survenaient du fait de l'application des nouvelles règles, considérant que le coût d'une telle mesure devrait rester faible si l'équivalence des deux dispositifs se vérifie. Les organismes constructeurs d'HLM qui réclamaient cette possibilité de subvention complémentaire en chiffrent le coût à 150 millions de francs en 1996 pour accompagner les 21.000 PLA soumis au nouveau dispositif depuis le 1er octobre et au maximum à 400 millions de francs en 1997.

M. William Chervy, rapporteur pour avis, a ensuite souligné que le projet de loi de finances pour 1997 traduisait de manière concrète et forte l'engagement du Gouvernement mené depuis un an en faveur du logement des plus démunis, à travers trois lignes budgétaires, notamment par la création d'un compte d'affectation spéciale, le « fonds pour le logement des personnes en difficulté » qui financera la participation de l'État aux fonds de solidarité logement (FSL) et à l'aide au logement temporaire (ALT). Ce fonds sera alimenté exclusivement par le prélèvement opéré par l'État au titre du supplément de loyer de solidarité et 450 millions de francs ont été inscrits dans le projet de loi de finances pour 1997, soit une augmentation de 50 % par rapport à 1996.

Cependant, il a indiqué que le montant inscrit pour le logement des personnes en difficulté était certainement surévalué, mais qu'il ne bénéficierait d'aucun autre financement, et que l'accroissement de la participation de l'État entraînait corrélativement, à due concurrence, celle des conseils généraux, ce qui mettait certains d'entre eux dans une situation difficile.

À propos de la prise en charge du prêt à taux zéro dont il a souligné également le succès -tant quantitatif- puisque très probablement 135.000 prêts seraient distribués en 1996 -que qualitatif- car il était utilisé par des acquéreurs jusque-là écartés du marché de l'accession à la propriété, le rapporteur pour avis a fait part de ses plus vives réserves sur le mode de financement retenu pour ce dispositif en déplorant qu'une fois encore, l'État choisisse de prélever sur les fonds issus du 1 % logement, à travers deux contributions exceptionnelles de 7 milliards de francs en 1997 et 1998, même si cette année, cette contribution exceptionnelle faisait l'objet d'un accord des partenaires sociaux à travers la signature avec l'État le 16 septembre dernier d'une convention qui a pour ambition de conserver le dispositif du 1 % en le rendant plus efficace.

Le rapporteur pour avis a reconnu que l'efficacité du dispositif passait par une gestion plus efficace des fonds collectés par les comités interprofessionnels du logement (CIL), par l'abaissement de leurs coûts de gestion et par l'atténuation d'une concurrence coûteuse et absurde entre eux puisque la ressource collectée était gratuite. Enfin, les partenaires sociaux s'étaient engagés, en signant la convention du 16 septembre dernier, à maintenir l'efficacité du 1 % logement en matière d'aide au logement à son niveau atteint en 1996.

Or, il s'avère -a-t-il noté- que, malgré des réserves importantes illustrées par un actif évalué à 106 milliards de francs, le dispositif du 1 % logement a perdu de sa marge de manoeuvre compte tenu d'un effort d'investissement exceptionnel réalisé en 1994 à la suite du plan de relance à l'accession sociale à la propriété. Un effort qui aurait, en fait, été financé avec la trésorerie des collecteurs.

Se fondant sur les renseignements recueillis concernant la situation financière délicate des collecteurs du 1 % logement, il s'est inquiété des effets de ces deux prélèvements exceptionnels prévus en 1997 et 1998 sur les capacités contributives du 1 % dans le secteur du logement, en indiquant que selon toute vraisemblance, pour y parvenir, l'Union d'économie sociale du logement devrait emprunter, ce qui inévitablement se reporterait sur le coût des ressources mises à disposition, tant pour les personnes physiques que pour les organismes constructeurs.

I l a ensuite souligné, en ce qui concerne la sortie du dispositif en 1999, que l'on pouvait craindre que le Gouvernement soit dans l'impossibilité de « renoncer » à cette ressource exceptionnelle, ce qui équivaudrait à la disparition du 1 % logement. Cette éventualité serait très préjudiciable au secteur du parc social notamment du fait de la capacité de réponse du 1 % logement aux besoins locaux, de sa souplesse de mise en oeuvre et de son rôle dans le bouclage financier des opérations.

Enfin, le rapporteur pour avis a attiré l'attention de la commission sur la conjonction de plusieurs éléments négatifs tant fiscaux que budgétaires qui touche durement le secteur du parc ancien privé, en déplorant que la diminution des crédits budgétaires concerne essentiellement les crédits consacrés à l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), alors même qu'ils constituent un levier fiscal essentiel pour la réhabilitation dans l'ancien. II a précisé que dans le projet de loi de finances pour 1997, les autorisations de programme étaient fixées à 2 milliards de francs, en diminution de 11 % et les crédits de paiements à 1,8 milliard de francs, soit - 7 % par rapport à 1996.

Il a rappelé qu'en 1995, 126.500 logements avaient été subventionnés, générant ainsi 12,4 milliards de francs de travaux, dont 9,9 milliards de francs subventionnables et que la diminution de la dotation budgétaire -qui n'avait pas d'autre raison que les nécessités de la rigueur budgétaire- allait donc avoir un effet négatif amplificateur sur le secteur du bâtiment déjà fragilisé par des années de crise économique, et que cette mesure d'économie aurait de plus des effets négatifs sur la réhabilitation des logements vacants nécessitant d'importants travaux avant d'être remis en location.

Au-delà de ces conséquences très préjudiciables pour le secteur du bâtiment et la réhabilitation du parc locatif, M. William Chervy, rapporteur pour avis, a également dénoncé l'écart croissant constaté entre le montant de la subvention annuelle d'investissement de l'ANAH et celui de la collecte de la taxe additionnelle au droit de bail (TADB), alors même qu'en 1987, le ministre du budget s'était engagé, lors du débat sur la budgétisation de l'ANAH, à ce que la collecte de la TADB soit intégralement affectée à l'ANAH.

En conséquence, le rapporteur pour avis a souhaité que le Gouvernement procède à un nouvel examen des crédits de l'ANAH, afin de les porter à un niveau au moins équivalent à ceux inscrits en 1996.

Après avoir rappelé que l'an dernier, il avait mis l'accent sur l'importance des avantages fiscaux destinés à encourager l'investissement privé et à restaurer la confiance des propriétaires bailleurs, le rapporteur pour avis a déploré, qu'au-delà des dispositions générales positives prévues, qui auraient indirectement des effets sur le logement, comme la réforme du barème de l'impôt sur le revenu et la réforme du mode de calcul de la réduction d'impôt pour les dépenses de gros travaux, plusieurs dispositifs fiscaux, qui intéressaient le parc ancien privé, ne soient pas reconduits, ou simplement supprimés, comme l'abaissement des droits de mutation et la suppression de la réduction d'impôts pour les intérêts d'emprunt.

Reconnaissant que dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, il convenait de ne pas conserver des dispositifs coûteux pour l'État et sans réel impact positif sur le secteur concerné, il a fait remarquer que la mesure relative aux droits de mutation n'aura duré qu'un an, ce qui fausse l'appréciation portée sur son impact réel, et qu'en tout état de cause, le cumul de ces dispositions de suppression justifiées à titre individuel pèserait sans nul doute sur le marché du parc de logements anciens.

Tout en reconnaissant que le projet de loi de finances pour 1997 incarnait, dans un contexte budgétaire difficile, la volonté du Gouvernement de maîtriser la dépense publique, en engageant des réformes d'envergure, mais jugeant que ces réformes comportaient encore trop de zones d'ombre qui étaient autant de menaces pour l'avenir du logement en général, et pour les acteurs et les bénéficiaires du logement social en particulier, le rapporteur pour avis s'en est remis à la sagesse de la commission pour l'avis à donner sur l'adoption des crédits du logement pour 1997.

Intervenant dans la discussion générale, M. Alain Pluchet s'est étonné de cette position réservée, alors même, a-t-il souligné, que le rapporteur pour avis indiquait, au début de son propos, que les crédits consacrés au logement augmentaient de 2,5 %. Après l'intervention de M. Félix Leyzour, rappelant que l'augmentation des crédits était rendue possible du fait du prélèvement exceptionnel opéré par l'État sur le 1 % logement, M. Alain Pluchet a souligné à propos de la participation des employeurs à l'effort de construction, que des efforts de gestion et de rationalisation dans l'emploi des fonds devaient être recherchés.

Répondant à la question de M. Marcel-Pierre Cléach relative aux droits de mutation, le rapporteur pour avis a indiqué que la commission des finances avait adopté un amendement ayant pour objet d'inclure dans le dispositif encore en vigueur d'abaissement de ces droits, les opérations de cession ayant fait l'objet d'une promesse de vente signée avant le 31 décembre 1996.

Après avoir entendu M. Jean Huchon, président, qui indiquait que l'appréciation des effets de la réforme du financement des PLA devait inclure l'avantage résultant de la baisse d'un point du taux des prêts de la Caisse des dépôts et consignations, la commission a décidé, dans sa majorité, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au logement dans le projet de loi de finances pour 1997.

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