B. LA COMPÉTITIVITÉ HANDICAPÉE PAR LA STRUCTURE FISCALE FRANÇAISE

En regard de ces considérations, la France affiche un manque de compétitivité certain de sa fiscalité. Certes les comparaisons internationales sont difficiles du fait de la diversité des assiettes et des taux et ne permettent pas de conclure de façon définitive.

Néanmoins, l'évolution récente de la législation fiscale traduit une certaine perte de compétitivité fiscale de la France par rapport à ses principaux concurrents. En outre, la fiscalité, et notamment celle des entreprises, pèche par sa complexité, son manque de lisibilité et sa très forte instabilité.

1. Un coût du travail élevé

a) Le coin socio-fiscal

Il est possible de mesurer le taux des prélèvements obligatoires qui pèsent sur le facteur travail à travers la différence entre le coût total pour l'employeur et ce que reçoit l'employé après impôt. Cet indicateur, dénommé " coin socio-fiscal ", est pertinent économiquement puisqu'il donne l'importance de la distorsion introduite sur le marché du travail par les prélèvements fiscaux et sociaux.

Un " coin" élevé est en outre souvent présenté comme risquant d'entraîner une perte de compétitivité dans la concurrence internationale. En effet, en théorie économique, la taxation perturbe l'équilibre du marché en introduisant un " coin " entre le prix d'offre (le salaire net reçu par le salarié) et le prix de demande (le coût du travail pour l'employeur). Le poids de prélèvements obligatoires et notamment les chocs répétés à la hausse expliqueraient ainsi la croissance du chômage en France et la stagnation du pouvoir d'achat.

Le "coin" socio-fiscal : une étude de Rexecode

L'institut Rexecode a tenté pour la Commission des finances du Sénat de mesurer le " coin socio-fiscal " dans trois grands pays européens : la France, l'Allemagne et le Royaume Uni.

Les résultats conduisent aux observations suivantes :

Des trois pays étudiés, la France et l'Allemagne se distinguent nettement du Royaume Uni par le niveau plus élevé du coût total pour l'employeur correspondant à un même niveau de salaire net, in fine , pour l'employé.

La France se distingue nettement des deux autres pays par un taux de charges fiscales et sociales pour l'employeur nettement plus fort.

L'impôt sur le revenu des personnes physiques est en revanche plus faible en France qu'en Allemagne et au Royaume Uni, mais le barème est plus progressif.

Les charges payées par l'employeur sont nettement moins dégressives en France qu'en Allemagne et dans une moindre mesure qu'au Royaume-Uni.

L'exonération des charges sur les bas salaires introduit une forte progressivité des taux de charges patronales sur la tranche des salaires allant du SMIC à 30 % au dessus du SMIC ; il en résulte une faible incitation à augmenter les salaires dans le bas de l'échelle.

enfin, la combinaison d'un barème fiscal fortement progressif et de cotisations sociales élevées et peu dégressives conduit à un coin socio-fiscal plus fort en France qu'en Allemagne et au Royaume Uni pour les salaires relativement plus élevés.

En réalité, les études empiriques montrent qu'il n'existe pas de corrélation directe entre le coin socio-fiscal et le coût total du travail, compte tenu, d'une part, de la possibilité de réaliser des gains de productivité pour compenser toute augmentation des prélèvements obligatoires, et d'autre part, de l'élasticité variable du salaire net.

En effet, si l'on raisonne en terme de coût unitaire du travail et non en terme de coût horaire, il est vraisemblable qu'une entreprise fera face à une augmentation des charges pesant sur sa masse salariale en essayant de compenser la hausse du coût horaire du travail par des gains de productivité, auquel cas, sa compétitivité ne serait pas atteinte.

Par ailleurs, si l'obligation de payer instituée par le système des prélèvements obligatoires correspond exactement à la fonction d'utilité collective de la population, le salaire net s'adapte à la baisse de telle façon que le coût du travail reste inchangé pour l'employeur.

A cet égard, il semblerait que les salaires nominaux français soient plus flexibles qu'en Allemagne, où l'élasticité du coût du travail aux cotisations patronales est unitaire, mais plus rigides qu'au Royaume Uni. Aux Etats-Unis, où le marché du travail est très flexible, l'augmentation des cotisations patronales n'affecte pas du tout le niveau des salaires réels.

Le tableau ci-après retrace l'élasticité des coûts de la main d'uvre à une modification des taux d'imposition. Lorsque l'élasticité est unitaire, cela signifie que l'augmentation des cotisations sociales se transmet tout entière en terme de coût pour l'employeur, sans que le niveau des salaires s'adapte à la baisse.

b) Le coût élevé du travail en France

Néanmoins, il apparaît selon une enquête Eurostat sur les coûts du travail dans l'industrie, dont les résultats sont retracés dans le tableau ci-après, que le coût du travail est nettement plus élevé en France qu'aux Etats-Unis et que dans la plupart des pays européens . La France se situerait au niveau des Pays-Bas et du Japon, très au dessus du Royaume-Uni. Seule l'Allemagne présente un coût du travail supérieur à celui de la France.



Les comparaisons internationales mettent par ailleurs en évidence une diminution depuis 1980 de la pression fiscale et sociale de nos principaux concurrents et des coûts relatifs par rapport à la France. Ainsi, entre 1980 et 1992, les Etats-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont vu diminuer leur coût du travail relativement à celui de la France . Seuls le Japon et l'Allemagne ont vu leur position relative se dégrader par rapport à la France. L'Italie occupe une position médiane puisque le niveau relatif des coûts salariaux s'est accru jusqu'en 1990 pour diminuer ensuite.

Or, dans un article de la revue Droit social de mars 1997, la direction économique et financière de la Caisse des dépôts et consignations a, sous la plume de Patrick Artus, dégagé un lien entre la structure de la fiscalité et la performance économique. Il apparaît que les pays qui, comme la France, se caractérisent par le niveau élevé de leurs charges sociales et le niveau modéré ou faible de leurs impôts directs, donnent systématiquement de mauvais résultats en matière d'emploi.

c) Le poids élevé des charges patronales

Par ailleurs, il ressort de l'étude réalisée par l'institut Rexecode, que les charges patronales sont particulièrement élevées et non dégressives en France.

Pour des salaires supérieurs au seuil d'exonération de charges sur les bas salaires, le taux de charges patronales est de l'ordre de 50 %. L'effet dégressif des cotisations patronales consécutif aux plafonds de la sécurité sociale ne devient pertinent que pour des salaires très élevés, proches de 100.000 francs par mois. Le tableau ci-après met en évidence le poids des charges patronales dans le salaire brut :



Enfin, si l'on prend en compte, outre les charges sociales patronales, tous les éléments de la fiscalité assis sur les entreprises, la France apparaît dans une position particulièrement défavorable : les prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises s'établissent en effet à 19,5 % du PIB en 1996, contre 14 % en Allemagne, 10,9 % au Royaume-Uni et 9,6 % aux Pays-Bas.

Le tableau ci-après présente une comparaison internationale de la pression fiscale :

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