III. LES OBSERVATIONS : UN BUDGET ANNEXE EN CRISE

A. LE BAAC CONNAÎT UNE PROGRESSION EXCESSIVE DE SES DÉPENSES

1. La poursuite de l'accroissement des charges de personnel

Le BAAC est majoritairement, pour 53,4 % de ses moyens, un budget de rémunérations. Les charges de personnel s'accroîtraient de près de 6 % par rapport à 1997.

Evolution des charges de personnel depuis 1995

1995

1996

1997

1998

Evolution 1998/1995

3.311,6

3.632,5

3.766

3.990,6

+ 20,5 %

Les charges de personnel sont donc supérieures d'1/5ème au niveau atteint en 1995, première année d'application du protocole triennal du 3 novembre 1994.

L'évolution du nombre des emplois doit être rappelée : ceux-ci sont passés de 9.917 en 1995 à 10.371 en 1998 soit une croissance de 4,6 % et 454 emplois supplémentaires.

En s'en tenant aux seuls chapitres de rémunération directe, c'est-à-dire hors cotisations et prestations sociales, les évolutions significatives suivantes se dégagent :

1995

1997

1998

Ecart 1

1998/1995

Ecart 1

1998/1997

Rémunérations des titulaires et contractuels

1.463,9

1.644,4

1.752,5

19,7

6,6

Rémunérations des personnels ouvriers

170,7

186,3

191,9

12,4

3

Vacataires et divers

12,7

19,2

18,9

48,8

- 1,6

Primes et indemnités

886,3

1.074,8

1.164,6

31,4

8,3

Total

2.533,6

2.924,7

3.127,9

23,4

6,9

(1) En pourcentage

Les éléments de la masse salariale ont donc crû davantage que l'ensemble des charges de personnel, de 23,4 % entre 1995 et 1998 contre 20,5 % pour ces dernières.

Rapportée au nombre d'agents, la masse salariale hors cotisations sociales donnait un coût par agent de 255.000 francs en 1995, de 284.920 francs en 1997 et de 301.000 francs en 1998 soit un niveau de rémunération individuelle supérieur de 18 % au montant atteint en 1995.

L'essentiel -près de 77 %- de la progression de la masse salariale de la DGAC vient donc de la revalorisation des rémunérations individuelles, le reste provenant de l'accroissement des effectifs. Ce n'est donc pas la nécessité de mettre en place des capacités nouvelles de traitement du trafic qui explique à titre principal le glissement de la masse salariale.

Ces évolutions sont évidemment peu raisonnables au regard des contraintes financières du moment qui s'imposent tant à la fonction publique qu'aux salariés des entreprises du transport aérien .

Elles sont d'autant moins satisfaisantes que se sont déroulées récemment des négociations sous tension -comme l'a démontré le dépôt de plusieurs préavis de grève- visant à conclure un nouveau protocole catégoriel. Ces négociations ont abouti à la signature d'un nouveau protocole triennal le 3 novembre dernier. Ce protocole qui n'a pas encore fait l'objet d'un chiffrage définitif devrait se traduire par une augmentation des charges du budget annexe. Interrogé sur ce sujet, M. le ministre de l'équipement a estimé à 50 millions de francs le coût de ce protocole pour l'année prochaine.

Cette estimation, provisoire, mérite d'être confirmée et complétée par une évaluation détaillée de l'impact financier des différentes mesures du protocole et du coût de cet accord pendant les années où ses dispositions exerceront une influence sur les charges du budget annexe.

Le protocole récemment conclu comporte en effet de nombreuses mesures susceptibles d'accroître ces charges, qu'il s'agisse de créations d'emplois à la DGAC -voir tableau ci-dessous- ou de mesures indemnitaires pour les personnels en activité ou les personnels en retraite.

Recrutements DGAC associés au protocole du 3 novembre 1997

Corps

1998

1999

2000

Total

ICNA

80

80

110

270

TEEAC

70

70

70

210

IESSA

30

30

30

90

IAC

4

4

4

12

IEEAC

12

12

12

36

ADM.C

1

1

1

3

ATT.

5

5

6

16

ASSIS.

8

9

9

26

ADJ.

15

15

15

45

OUVRIERS

18

21

27

66

INFIRMIERS

-

1

-

1

ASSIS. SOC.

-

1

-

1

Total

243

249

284

776

Il faut rappeler à ce propos que le coût du précédent protocole avait été estimé à 1,2 milliard de francs pour la période 1995-1998 et que l'évaluation du surcoût supporté en 1998 du fait du protocole du 3 novembre 1994 par rapport au niveau de charges atteint en 1995 avait été alors de 406 millions de francs.

Une estimation précise doit donc être fournie par le gouvernement afin de permettre au Parlement d'évaluer un élément important de détermination des charges publiques.

Il est d'ailleurs d'ores et déjà douteux que le projet de budget annexe de l'aviation civile pour 1998 soit cohérent avec l'évolution des charges qu'il devra supporter l'an prochain du fait du nouveau protocole.

Sans doute, M. le ministre de l'équipement ayant estimé à 50 millions de francs le coût de cet accord pour 1998 et une "provision" de 78,9 millions de francs ayant été inscrite aux chapitres indemnitaires du budget, un reliquat de l'ordre de 30 millions de francs serait-il, en théorie, disponible pour financer l'augmentation des charges de personnel "hors protocole".

Néanmoins, la réalité de ce "reliquat" dépend de l'exactitude de l'estimation du surcroît de charges résultant du nouveau protocole qui n'apparaît pas entière garantie, l'administration n'ayant semble-t-il pas procédé à un calcul complet de ces charges. Cette lacune est d'ailleurs étonnante et assez révélatrice du contexte du dialogue social à la DGAC. On rappelle que l'effet du précédent protocole sur les charges budgétaires lors de sa première année d'application (1995) avait été évalué à 171 millions de francs, soit plus de trois fois l'estimation produite cette année.

A supposer même que la réalité du reliquat évoqué plus haut puisse être établie, il n'est pas sûr qu'il suffise à couvrir les charges de personnel du BAAC en 1998.

Les "protocoles-DGAC" sont en effet des protocoles "catégoriels" qui s'inscrivent dans le cadre des règles générales de fonctionnement de la fonction publique de l'Etat et du statut général des fonctionnaires selon la terminologie consacrée. Il faut entendre par là qu'ils s'y ajoutent .

Or, le budget annexe de l'aviation civile devra supporter en 1998 l'effet en année pleine des revalorisations indemnitaires applicables à la fonction publique au titre des mesures générales prises en sa faveur (+ 1 % en 1997). En outre, il faut anticiper d'éventuelles nouvelles mesures générales susceptibles d'intervenir en 1998.

Dans ces conditions, il est à craindre que l'évolution des charges de personnel du budget annexe soit supérieure aux crédits budgétés pour 1998.

Plus haut, on a souligné que l'accroissement de la rémunération individuelle des agents de la DGAC avait expliqué la hausse importante des charges salariales, prenant dans ce phénomène une part beaucoup plus substantielle que celle prise par l'augmentation des capacités, en bref du nombre des emplois.

Cela avait d'ailleurs conduit la Cour des Comptes à observer dans son rapport de 1994 sur l'exécution du budget que :

" L'augmentation de la masse salariale globale a été considérable : exprimée en francs 1993 et rapportée à une structure constante -comme si, en 1985, le BAAC existait déjà-, elle est passée de 2,4 milliards de francs en 1985 à près de 3 milliards en 1993, alors que les effectifs totaux payés sur ce budget évoluaient très faiblement (9.426 agents en 1985 et 9.575 agents en 1993). De ce fait, le coût moyen par agent, en francs 1993, est passé de 263.208 francs en 1985 à 308.721 francs en 1993.

A ces augmentations n'a pas correspondu une évolution réelle du travail fourni."


Les clauses de l'accord conclu au début du mois de novembre laissent craindre la poursuite de ce phénomène. Les recrutements prévus sont en effet motivés pour l'essentiel par des mesures de réduction du temps de travail et d'abaissement de l'âge de la retraite.

Il n'est d'ailleurs pas exclu que les réserves de productivité accumulées du fait des conditions de travail offertes au personnel de la navigation aérienne pourraient permettre sans accroissement net des emplois de faire face au trafic. Il est essentiel que le nouveau système d'évaluation que se propose de mettre en place la DGAC permette une évaluation sur ce point et que celle-ci soit diffusée .

2. Un niveau élevé des dépenses d'investissement

Ces dépenses atteindraient 1.904,2 millions de francs, soit une hausse de 5,8 % par rapport à 1997.

a) Les investissements de navigation aérienne

Les investissements de navigation aérienne nécessiteraient des autorisations de programme à hauteur de 1.300 millions de francs et donc stabilisées à leur niveau de 1997 mais un montant de 1.370 millions de francs de crédits de paiement qui s'accroîtraient ainsi de 5 %.

Une part importante des investissements de navigation aérienne consiste à achever le programme "Operator Input and Display System" -ODS- nouvelle dénomination du programme PHIDIAS. Initié au début de la décennie, ce programme représente un coût de 1,025 milliard de francs dont plus de la moitié -530 millions de francs- pour des achats de matériels.

Les investissements réalisés dans le domaine de la navigation aérienne sont à l'origine d'interrogations persistantes. On peut rappeler ici les principales observations que faisait à leur sujet notre collègue Ernest Cartigny dans son rapport sur la navigation aérienne :

Le projet CAUTRA-5 est un projet à très long terme, 2015, et est l'homologue français du programme EATCHIP d'Eurocontrol.

La définition du stade ultime du schéma est encore, comme pour l'EATMS d'Eurocontrol, un sujet de recherche.

On comprend mal ce qui justifie la redondance des efforts consentis pour construire le schéma de navigation aérienne du futur.

Il est impératif de rechercher une meilleure cohérence des dépenses d'investissement entre les programmes nationaux et les programmes européens.

Le programme Phidias
a, quant à lui, été lancé sans étude préalable permettant d'en évaluer les coûts et avantages. D'une étude menée "a posteriori" on ne peut au demeurant guère tirer de conclusions établissant l'intérêt de Phidias. Il faut d'ailleurs observe que :

la mise en oeuvre de Phidias va susciter d'importants besoins de qualification puisqu'un transfert de qualification sur Phidias sera nécessaire, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes de personnel ;

les personnels montraient, semble-t-il, quelques réticences à accepter une technologie qui, pourtant, améliore sensiblement leurs conditions de travail ;

enfin, Phidias a été engagé sans considération pour les règles d'harmonisation européenne, ce qui pourrait avoir pour conséquence une obsolescence prématurée des investissements et n'est pas de nature à favoriser l'exploitation d'éventuelles retombées industrielles hors de nos frontières.

L'argumentaire développé par la DGAC pour justifier ces investissements dont la variable essentielle, les gains de productivité qu'ils permettraient, suppose l'acceptation du personnel et dont l'impact économique dépend des conditions de leur affectation, pourrait apparaître désuet en cas de renforcement des missions d'Eurocontrol.

b) Les investissements du service des bases aériennes

Estimés à 406,6 millions de francs en 1997, les investissements du service des bases aériennes passeraient à 483 millions de francs en 1998, soit une progression de 18,8 % et de 76,4 millions de francs en niveau.

Evolution des investissements des bases aériennes

1996

1997

1998

Ecarts en %

1998/1996

1998/1997

Infrastructures

Siège de la DGAC

Sûreté

Total

123

24,7

166

313,7

140,6

100

166

406,6

163

130

190

483

32,5

30

14,4

53,9

15,9

526

14,4

18,8

La progression des investissements provient des évolutions suivantes : un accroissement des dépenses d'infrastructure de 22,4 millions de francs, des dépenses de sûreté de 24 millions de francs et des dépenses liées au siège de la DGAC de 30 millions de francs.

Alors que le coût des équipements de sûreté jugés nécessaires est considérable du fait des besoins du contrôle des bagages de soute et alors même que le produit de la taxe de sécurité et de sûreté s'accroîtrait de 334,8 millions de francs, les moyens consacrés aux investissements de sûreté ne s'accroissent que fort peu et paraissent insuffisants.

Les évolutions dernièrement intervenues dans le domaine de la sûreté aéroportuaire sont extrêmement préoccupantes.


Le désengagement de la DICCILEC au profit du recours à des personnels privés sans qualification avérée pose un problème de principe qui a été trop rapidement résolu par la loi du 26 février 1996.

L'absence d'un programme cohérent de mise à niveau des équipements et agencements de sûreté est l'autre grave problème pendant avec les inconnues qui entourent le financement d'un tel programme.

Un phénomène est en train de se développer au terme duquel les niveaux de sûreté dans les différents plates-formes aéroportuaires seraient très disparates. La responsabilité des équipements de sûreté tend en effet à être déléguée aux exploitants d'aéroports qui sont incités à trouver les financements nécessaires auprès des transporteurs aériens via l'instauration de redevances.

Une certaine confusion est à redouter du point de vue opérationnel, mais aussi du point de vue financier.

Il est grand temps que des clarifications interviennent et c'est pourquoi votre rapporteur spécial propose depuis trois ans la création d'un compte d'affectation spéciale dédié à l'amélioration de la sûreté aéroportuaire.

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