CHAPITRE II

LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA DÉFENSE NATIONALE

I. LA RÉFORME DU SGDN

A. L'ORIGINE DE LA RÉFORME

1. Les attributions du SGDN

Elles sont fixées dans le cadre de l'ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense, par le décret n° 62-808 du 18 juillet 1962 relatif à l'organisation de la défense nationale et par le décret n° 78-78 du 25 janvier 1978, fixant les attributions du secrétaire général de la défense nationale. Il s'agit d'un organe permanent de conseil et d'exécution, placé auprès du Premier Ministre pour l'exercice de ses responsabilités interministérielles en matière de direction générale de la défense. Il joue ainsi, dans son domaine propre, un rôle analogue à celui du Secrétariat général du gouvernement pour l'ensemble de l'activité gouvernementale.

Le SGDN contribue à l'élaboration de la politique générale de défense : il assure le secrétariat des conseils et des comités de défense, et joue un rôle de coordination interministérielle par le biais des hauts fonctionnaires de défense affectés dans chaque ministère. Il est également chargé de renseigner les instances supérieures de l'Etat sur l'évolution des crises et des conflits internationaux, ainsi que d'assurer une veille scientifique et technologique dans les domaines intéressant la défense.

Le SGDN est chargé de garantir la continuité de l'action gouvernementale, en organisant ses moyens de transmission et de commandement. Il est responsable du contrôle des transferts de technologies sensibles et des exportations d'armement. Il conçoit et fait appliquer les mesures de protection du secret défense.

Enfin, une part importante de son activité concerne la défense civile de la Nation : protection des populations contre les risques naturels ou industriels majeurs, défense économique et prévention du terrorisme.

2. Les critiques sur l'organisation du SGDN

Depuis le début de la Ve République, le SGDN a connu avec le temps une certaine "dérive bureaucratique" . Il était ainsi devenu une administration d'expertise parallèle, voire même de gestion quasi autonome, ce qui était loin d'être sa vocation initiale, en concurrence avec les ministères (défense, affaires étrangères, économie et finances, industrie) pour lesquels il devait plutôt être un lien et un moyen de coordination.

Cette situation était devenu paradoxale en raison du décalage observé entre la responsabilité sans cesse croissante du SGDN et la modicité de ses crédits.

En revanche, il n'assurait plus, avec toute l'efficacité nécessaire, son rôle de secrétariat interministériel au service du Premier ministre, devant également présenter au Président de la République les dossiers en cours d'examen.

Les critiques portaient également sur l'inadaptation du SGDN à la complexité du monde moderne. Elles soulignaient, par ailleurs, la pertinence du concept de défense globale, qui implique non seulement les affaires militaires, mais également, le renseignement, la veille technologique et la défense civile.

Ainsi, après la préparation des meilleures conditions d'arbitrage interministériel, la deuxième mission du SGDN de prospective minimale apportant une vision "longue" devait être développé.

Enfin, pour sa troisième mission nationale qui consiste à assurer la sécurité des moyens de transmission et de commandement nécessaires au gouvernement et à veiller à l'exécution du programme civil de défense, son action semblait devoir relever davantage de l'impulsion que de la gestion.

B. LA MISE EN OEUVRE DE LA REFORME

Dans ces conditions, la nomination comme secrétaire général de la défense de M. Jean Picq, conseiller-maître à la Cour des Comptes, qui avait présidé la mission sur l'organisation et les responsabilités de l'Etat, dont le rapport avait été publié en mai 1994, était apparue comme l'indice d'une volonté forte de restructuration de cette institution à partir d'une réflexion sur ses missions.

L'objectif majeur de réforme du SGDN définie par M. Picq et approuvée par le Premier Ministre concernait le recentrage de la mission d'assistance du Premier ministre dans ses responsabilités de direction générale de la défense et de son rôle de secrétariat interministériel.

Pour remplir ce rôle, il devrait être en mesure d'exercer trois fonctions auprès du Premier ministre :


·
synthèse et arbitrage, pour que soit mieux assurée la cohérence de l'action gouvernementale ;


·
prospective, afin d'apporter "une vision sur l'avenir" ;


·
sécurité, pour contribuer à la protection des intérêts nationaux fondamentaux.

Ce secrétariat interministériel "intelligent" devait ainsi avoir pour vocation de préparer au mieux les dossiers soumis à l'arbitrage du Premier ministre et du Chef de l'Etat.

Ce rôle et ces fonctions ont guidé la réorganisation du SGDN dont les structures et les méthodes de travail ont évolué. Menée à bien des égards de façon exemplaire, entreprise en 1995 et appliquée à partir du 1er janvier 1996, cette réforme est réalisée depuis la fin 1996. La réduction des effectifs s'est accompagnée d'une importante réduction de ses emplois budgétaires dont le nombre est passé de 503 en 1996 à 236 en 1997.

Ce recentrage a entraîné 87 suppressions nettes d'emplois : 28 militaires, 39 contractuels et 20 appelés du service national.

Les transferts au ministère de la défense, des effectifs assurant le fonctionnement du CTG, se sont soldés par une diminution de 180 emplois : 163 militaires et 17 civils.

La diminution d'effectifs, appliquée en 1998, traduit parfaitement la poursuite du recentrage du SGDN puisque sur les 18 emplois supprimés 16 concernent du personnel déjà mis à la disposition d'autres administrations, quant aux 2 autres ils étaient affectés à l'IHEDN auprès duquel ils sont transférés.

Le tableau ci-après présente cette évolution :

C. LE BILAN DE LA RÉFORME

Après les dernières applications de la réforme (érection de l'IHEDN en établissement public administratif), le nouveau SGDN a maintenant trouvé son rythme de croisière. Mais si la réforme a atteint ses objectifs, en clarifiant les missions et en rendant l'organisation plus efficace, ses effets n'ont pas donné toute l'ampleur que l'on était en droit d'attendre.

Si le SGDN a su jouer un rôle majeur dans la grande phase de réforme de la défense, il ne tient sans doute pas encore la place qui pourrait lui être dévolue, au sein du système institutionnel de défense.

Ainsi sa participation à la réflexion sur la réforme du service national a été interrompue à plusieurs reprises. En ce qui concerne la restructuration des industries d'armement, le SGDN, qui avait entamé une réflexion sur le sujet, n'a pas été impliqué, en 1997, dans la préparation des décisions afférentes à ces restructurations industrielles, ni même d'ailleurs dans celles relatives aux restructurations militaires.

Ce caractère intermittent de certaines interventions du SGDN ne lui assure pas une compétence incontournable dans la coordination interministérielle sur les questions de défense.

De plus, le recours au SGDN reste insuffisant, à l'exemple du domaine international, de la sécurité des systèmes d'information, où son rôle pourrait être plus systématiquement affirmé, et de l'intelligence économique, qui a connu un développement vigoureux plus spontané que coordonné.

Enfin, si la coordination du renseignement en France devait être renforcée, en s'appuyant sur le caractère interministériel du SGDN, le plan national du renseignement (PNR) n'est pas destiné à couvrir cet objectif.

Une telle décision ne peut relever que du comité interministériel du renseignement (CIR), organe pluri-institutionnel sous la responsabilité du Premier ministre. Toutefois, il n'apparaît pas opportun d'envisager de contraindre les divers services concurrents à coopérer en période de cohabitation.

II. LA NOUVELLE ORGANISATION DU SGDN, SES ACTIVITÉS ET SES PERSPECTIVES

L'organisation du SGDN s'articule désormais autour de cinq grands " pôles " de compétence , issus de sa restructuration, dont l'un à vocation transversale et treize "cellules" et "observatoires", qui ont remplacés 4 directions, 10 sous-directions et 50 bureaux. Il dispose désormais d'une organisation plus légère et plus souple, il travaille en équipes moins hiérarchisées et très décloisonnées, composées de personnels de cultures plus différentes.

1. Le pôle "défense et nation"

Il est chargé de maintenir la "continuité de l'action gouvernementale" en garantissant la liberté d'action du gouvernement en toutes circonstances et la cohérence de la politique nationale de défense civile. A ce titre, il a poursuivi la mise en place du chiffrement sur le réseau téléphonique RIMBAUD entre hautes autorités. L'exercice EXINNAT 96 s'est déroulé en novembre 1996. Le pôle a continué d'animer les travaux interministériels sur la lutte contre le terrorisme à caractère nucléaire et la protection des points sensibles (systèmes PERSIL II).

Il est également chargé de coordonner la "protection du secret de défense" à travers le service de sécurité de défense (SSD), qui a notamment en charge la mise en oeuvre du décret du 10 juillet 1997, portant sur le matériel d'écoute, et l'action menée pour la protection des secrets de défense dans les accords internationaux, interalliés ou alliés.

Il lui appartient aussi d'exercer une fonction de "veille et de prospective" , face aux risques et menaces visant la cohésion nationale et notre volonté de défense, pour laquelle l'essentiel a concerné la réforme du service national.

Une réflexion sur le recentrage du programme civil de défense et sur le rôle du SGDN et des ministères dans ce domaine a également été conduite par ce "pôle".

Enfin, le centre de transmissions gouvernemental lui est rattaché pour emploi.

2. Le pôle "affaires internationales et stratégiques" (AIS)

Le pôle AIS a succédé à la direction d'évaluation et de documentation stratégique (EDS), auparavant forte d'une quarantaine d'experts et la plus touchée par la réforme. Il a abandonné ses tâches d'expertise et de centre expertise, qui faisaient inutilement concurrence aux travaux menés dans les différents ministères, pour se concentrer sur de nouvelles fonctions de secrétariat interministériel, appuyé sur une fonction de vielle légère. Si son champ d'activités demeure le même : évolutions géostratégiques, architectures de sécurité, menaces transverses, la nature de ses activités a été profondément modifiée, non seulement en raison de la baisse des ses effectifs mais aussi pour répondre à un besoin public mieux défini.

C'est dans cette perspective qu'il a élaboré et fait adopter un dispositif nouveau de veille stratégique interministérielle dont il assurera le secrétariat. A ce titre, un premier exercice pilote a été réalisé et présenté et un programme de travail a été adopté pour les prochains mois.

Par ailleurs, le pôle AIS a apporté sa contribution à la préparation des conseils de défense, aux secrétariats du comité interministériel de renseignement (CIR) et des activités d'intelligence économique.

Enfin, le pôle AIS a joué depuis l'automne 1995 un rôle dans le suivi des négociations sur la rénovation de l'OTAN et son européanisation.

3. Le pôle "affaires juridiques et européennes " (AJE)

Sa fonction est à la fois horizontale, d'assistance juridique aux autres pôles, de coordination interministérielle, pour la préparation des textes qui relèvent de la compétence du SGDN et de veille , notamment en matière de réglementation européenne. Le pôle comprend une cellule affaires juridiques et un observatoire de la réglementation européenne.

Dans le domaine des affaires juridiques, il a eu à répondre aux nombreuses sollicitations des autres pôles au sujet de textes très variés (décret sur le matériel d'écoute, réforme de l'IHEDN). Il a d'autre part assuré la coordination interministérielle de la phase finale de préparation des textes nécessaires à la mise en oeuvre de la convention sur l'interdiction des armes chimiques et du traité sur l'interdiction des mines antipersonnel. Il a également participé, en liaison avec le pôle TTS, à la préparation de la nouvelle législation sur la cryptologie. Après avoir conduit la réflexion sur les fondements constitutionnels du service national, il a coordonné les travaux interministériels sur le volontariat.

En ce qui le concerne, l'observatoire de la réglementation européenne a suivi avec attention les textes préparés à Bruxelles et pouvant avoir des conséquences sur la sécurité de la France. Il a conduit avec le pôle "économie et défense" des travaux sur la politique européenne d'armement et assuré une veille sur les interventions européennes et de l'OCDE dans le domaine de la sécurité des systèmes d'informations.

Durant l'année 1998, les travaux sur le volontariat devraient se poursuivre et le pôle AJE intervenir également dans le projet de création d'une autorité administrative indépendante dans le domaine du secret défense.

4. Le pôle "économie et défense" (EDE)

La réforme de 1996 s'est aussi traduite par la création d'un pôle économie et défense qui a marqué l'extension des compétences du SGDN dans les domaines économiques, industriels et financiers. Les activités de ce pôle ont principalement concerné la préparation des restructurations des industries d'armement et de la loi de programmation militaire notamment sur les questions budgétaires.

Ce pôle, qui a pris à sa charge le secrétariat du comité pour la compétitivité et la sécurité économique du SGDN, anime et prépare la réflexion sur l'intelligence économique dans les ministères et au niveau gouvernemental au sein d'un groupe de pilotage interministériel. Le SGDN prolonge cette action en direction des activités étatiques mais également des entreprises privées.

5. Le pôle "technologies et transferts sensibles" (TTS)

La réforme n'a entraîné aucune rupture essentielle des activités de la direction scientifique et des transferts sensibles, si ce n'est le transfert au ministère de la défense des missions de veille scientifique et technologique.

C'est ainsi qu'on été préservées dans la nouvelle organisation, les activités liées au contrôle des exportations des matériels de guerre et à la lutte contre la prolifération. Ce nouveau pôle assure la présidence et l'animation des réunions mensuelles de la Commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG), ainsi que la préparation des projets de directives du Premier ministre en matière d'exportations de matériels de guerre.

Les réductions d'effectifs ont conduit le pôle TTS à se dégager, partiellement, des tâches de suivi détaillé des exportations de biens à double usage et de contrôle des coopérations, visites et stages, pour se consacrer à l'animation interministérielle dans ces deux domaines.

Il a essentiellement orienté son activité vers :


·
le suivi des négociations des arrangements multilatéraux liés à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs ;


·
l'élaboration des projets de directives nationales en matière de lutte contre les proliférations nucléaires et autres ;


·
la mise en oeuvre nationale du système européen de contrôle des exportations des biens à double usage ;


·
la rédaction ou la mise à jour de documents de synthèse sur les risques de prolifération de différents pays ;


·
l'étude et le devenir des matières issues des armes nucléaires et devenues inutiles, dans le cadre des travaux du G7.

Une cellule nouvelle chargée de la sécurité des systèmes d'information a été créée pour reprendre les attributions de la délégation interministérielle pour la sécurité des systèmes d'information (DISSI) supprimée par le décret 96-67 du 29 janvier 1996.

Ce même décret a ainsi rattaché pour emploi au SGDN le service central de la sécurité des systèmes d'information (SCSSI), implanté au Fort d'Issy-les-Moulineaux et qui dispose de quatre-vingt personnes dont plus de quarante ingénieurs ou officiers. Son champ d'action comprend trois domaines à l'intérieur desquels il assure les missions de coordination et de veille technologique :


·
la cryptologie qui consiste à assurer la confidentialité de l'information, mais désormais également son intégrité ;


·
la protection "Tempest" contre les signaux parasites compromettants ;


·
la sécurité du matériel informatique.

A ce titre, il a assuré l'élaboration du nouveau régime juridique des moyens et prestations de cryptologie défini par l'article 17 de la loi n o 96-659 de réglementation des télécommunications.

Il a également présenté la position française au sein des organismes multilatéraux et européens chargé de ces questions (G5, SOGIS).

Enfin, cette cellule constitue l'un des organes d'exécution du directoire de la sécurité des systèmes d'information présidé par le SGDN.

L'année 1998 verra la poursuite des activités déjà en cours. Le pôle TTS s'attachera également à animer les travaux du comité d'action scientifique de la défense (CASD) afin de renforcer le soutien de la recherche de défense et la protection du patrimoine scientifique et technique. Dans le cadre de la veille stratégique, il suivra notamment les coopérations scientifiques internationales.

Il poursuivra enfin son action pour assurer la concertation interministérielle préalable à la présentation des positions françaises dans les négociations internationales.

6. Les activités liées à la coordination du renseignement

Le SGDN assure le secrétariat du comité interministériel du renseignement (CIR), conformément au décret n° 89-258 du 20 avril 1989, ainsi que du groupe permanent des directeurs de cabinet des ministres qui participent au CIR. Ce dernier s'est réuni en mars et en décembre 1996 pour y approuver le projet de plan national de renseignement (PNR) couvrant la période 1996-1998.

Par ailleurs, les groupes de projets prioritaires chargés de l'exécution du PNR 1996-1998 ont poursuivi leurs travaux sur la base de réunions périodiques. Le groupe permanent doit se réunir à nouveau au quatrième trimestre et préparera en 1998 le futur plan 1999-2001.

7. L'administration générale

Le pôle "administration générale", tout en assurant les tâches de gestion administrative, financière et de support pour le compte du SGDN, du CIR, du CTG et de l'IHEDN, s'est attaché à la poursuite de la réforme du SGDN, par une modernisation de ses méthodes de travail et un regroupement de ses moyens, et à la préparation de la transformation de l'IHEDN en EPA.

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