2. Les acquis du Sommet

a) L'élection du premier secrétaire général de la francophonie devrait consacrer le rôle politique de la francophonie

La réforme des institutions, et en particulier l'élection du premier secrétaire général de la francophonie, témoigne de la volonté de créer une francophonie politique à partir d'une communauté fondée jusque-là essentiellement sur une coopération culturelle et technique.

Certes, la dimension politique de la francophonie n'est pas une nouveauté. Depuis dix ans, les chefs d'Etat et de gouvernement se sont réunis six fois. Les Sommets ont toujours débordé largement les aspects purement culturels ou linguistiques de la coopération francophone.

Mais c'est la première fois, qu'une réforme des institutions francophones a pour objectif de renforcer le rôle politique de la francophonie.

I l a fallu, en effet, plus de trente ans pour que le concept de francophonie politique s'impose. En 1970, à Niamey, peu d'années après la principale vague d'indépendances d'anciens territoires français, et alors que les mouvements d'émancipation du Québec et d'autres communautés de langue maternelle française n'en étaient encore qu'à leurs débuts, le mouvement d'organisation de la francophonie ne pouvait pas se traduire immédiatement dans des institutions politiques. Il ne déboucha donc que sur la création de l'Agence de coopération scientifique et technique, l'ACCT,CCT qui n'avait pas de vocation politique.

En 1986, le premier Sommet de la Francophonie, réunissant quarante chefs d'Etat et de gouvernement à Versailles, fut un premier pas vers la reconnaissance de la vocation politique de la fFrancophonie.-communauté.

Parallèlement furent progressivement rapprochées les institutions mises en place par la convention de l'ACCT (agence), et lors des Sommets, par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement. Les divers organismes concourant à la coopération multilatérale francophone furent également intégrés dans les institutions de la francophonie. Ainsi l'Association internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) fut progressivement reconnue comme Assembléeune sorte de Parlement consultativef de la francophonie et devint l'Assemblée internationale des parlementaires de la langue française. L'AUPELF (association des universités partiellement ou entièrement de langue française), née en 1961 d'une initiative québéco-franco-marocaine, devenue en 1987 AUPELF-UREF (Université des réseaux d'expression française) fut reconnue à côté de l'ACCT, comme un opérateur de la francophonie, privilégié, voire exclusif, pour l'enseignement supérieur et la recherche. La chaîne internationale TV5, née en Europe, étendue assez vite aux cinq continents, l'université Senghor d'Alexandrie, puis l'AIMF (Association internationale des maires des capitales et métropoles francophones) furent de même promus au statut d'opérateurs directs de la francophonie.

La lenteur et les difficultés de cette évolution vers une architecture politique cohérente de la francophonie s'expliquent d'abord par la rémanence, en France comme ailleurs, d'interrogations sur l'opportunité même de construire une communauté politique solidement organisée. Elles s'expliquent aussi par la concurrence de deux logiques : celle plus institutionnelle, du traité de l'ACCT(Agenceà et celle, plus pragmatique, à la fois de la Conférence des chefs d'Etat et des la décentralisation des initiatives décentralisées desinitaitves (collectivités territoriales et des organisations non-gouvernementales).

ORGANIGRAMME DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES

DE LA FRANCOPHONIE


CONFÉRENCE DES CHEFS D'ETATS ET DE GOUVERNEMENT AYANT LE FRANÇAIS EN PARTAGE (SOMMET DE LA FRANCOPHONIE)

CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE DE LA FRANCOPHONIE

CONSEIL PERMANENT DE LA FRANCOPHONIE PRÉSIDÉ PAR LE SECRETAIRE GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE

SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DE LA FRANCOPHONIE

AGENCE DE LA FRANCOPHONIE

ASSEMBLÉE CONSULTATIVE DE LA FRANCOPHONIE

AIPLF

OPÉRATEURS DIRECTS

AUPELF-UREF

TV5

Université Senghor d'Alexandrie

AIMF

Dans ce contexte, le VIIe Sommet marque sinon un aboutissement, du moins une étape déterminante dans la réforme des institutions francophones. Préparée en décembre 1996 à Marrakech par la conférence ministérielle de la francophonie (CMF), la mise en uvre de la nouvelle charte de la francophonie, et en particulier l'élection d'un secrétaire général de la francophonie, permettent d'aborder le biennum 1998-1999 avec des institutions rénovées.

Il fallait pour ce poste un homme qui soit susceptible d'intéresser les médias et d'imposer son autorité aux grands dirigeants de ce monde. De ce point de vue, l'élection de M. Boutros-Ghali est un atout pour la francophonie. Sa notoriété lui garantit une audience aussi bien auprès des médias qu'auprès des chefs d'Etat et des responsables des grandes institutions internationales.

Elu pour quatre ans, M. Boutros-Ghali sera non seulement le porte-parole et le représentant de la francophonie mais également l'ordonnateur des décisions prises par les chefs d'Etat puis les ministres et le coordonnateur des actions diligentées par l'Agence de la francophonie et les opérateurs directs de la francophonie.

L'élection du secrétaire général s'inscrit au coeur d'une réforme plus large des institutions de la francophonie qui s'est traduite par l'adoption de la charte de la francophonie dont les principales dispositions avaient été préparées lors du Sommet de Marrakech.

La charte de la francophonie revoit, sans le bouleverser, l'ordonnancement des organes de la francophonie tel qu'il était prévu dans la charte de l'ACCT.

La conférence ministérielle est toujours chargée de préparer et de veiller à l'application des décisions arrêtées par les Sommets. En revanche, elle peut désormais siéger comme conférence du Sommet ainsi que comme conférence générale et à ce titre nommer l'administrateur général de l'Agence de la francophonie sur proposition du secrétaire général .

Le conseil permanent de la francophonie (CPF) est présidé par le secrétaire général. Il est désormais ouvert à l'ensemble des membres du Sommet. Outre ses attributions traditionnelles, le CPF exerce, conformément au souhait de la France, le rôle de conseil d'administration de l'Agence de la francophonie. Il s'agit là d'un point important, car la conférence de Marrakech avait abouti à confier à la conférence ministérielle de la francophonie, le rôle de conseil d'administration de l'Agence de la francophonie. Or cette disposition présentait l'inconvénient de diminuer les pouvoirs du secrétaire général qui n'a pas voix délibérative au sein de la conférence ministérielle et de permettre à l'Agence et à son administrateur de soumettre sa programmation directement aux ministres. Le CPF par son caractère permanent et la connaissance précise des dossiers que ses membres peuvent acquérir présentaite le profil attendu d'un conseil d'administration.

L'innovation majeure de la charte demeure l'introduction d'un poste de secrétaire général qui dispose de pouvoirs étendus :

- conformément à l'article 6 de la charte, " il est le plus haut responsable de l'Agence de la francophonie,

- il est responsable du secrétariat de toutes les instances de la francophonie, aux sessions desquelles il assiste,

- il est le président exécutif du Conseil permanent, dont il prépare l'ordre du jour. Il ne prend pas part au vote. Il veille à la mise en oeuvre des mesures adoptées. Il en rend compte.
"

Aux termes de l'article 7, " le secrétaire général est le porte-parole politique et le représentant officiel de la francophonie au niveau international ".

En cas d'urgence, il " saisit le conseil permanent et, compte tenu de la gravité des événements, le Président de la conférence ministérielle, des situations de crise ou de conflit dans lesquelles des membres peuvent être ou sont impliqués. Il propose les mesures spécifiques pour leur prévention, éventuellement en collaboration avec d'autres organisations internationales . "

En outre, " les instances de la francophonie donnent au secrétaire général des délégations générales de pouvoirs qui découlent de son statut et qui sont liées aux exigences de sa fonction. Notamment, le secrétaire général décide de l'envoi de missions exploratoires. Il propose au CPF l'envoi de missions d'observation d'élections "

Enfin, en matière de coopération, l'article 6 dispose que " le secrétaire général propose aux instances, conformément aux orientations du Sommet, les axes prioritaires de l'action francophone multilatérale. Ainsi, il propose la répartition du fonds multilatéral unique, ordonne les décisions budgétaires et financières qui y sont relatives et est responsable de l'animation de la coopération multilatérale francophone financée par le FMU ".

Dans la continuité du Sommet de Maurice, la charte de la francophonie reconnaît, par ailleurs, à l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française (AIPLF) le statut d'assemblée consultative de la francophonie. Une procédure de consultation et d'information réciproque est instituée entre l'AIPLF et les instances décisionnelles de la francophonie. La charte de la francophonie prévoit en effet :

- la transmission réciproque des informations, des décisions, des rapports et autres documents de l'AIPLF, des Sommets et toutes instances de la francophonie ;

- la participation de représentants de l'AIPLF sur des sujets précis aux travaux des Sommets, de la CMF et du CPF, cette participation n'emportant pas présence continue de l'AIPLF aux travaux du Sommet et des instances ;

- la participation de représentants de la CMF et du CPF aux travaux de l'AIPLF et de ses commissions ;

- une commission mixte AIPLF-CPF qui se réunira au moins deux fois par an, à la diligence des deux parties ainsi qu'une commission mixte AIPLF-CMF qui se réunira au moins une fois par an, à la diligence des parties.

En application de ces nouvelles dispositions, votre rapporteur, en qualité de secrétaire général de l'AIPLF, a présenté un avis de l'AIPLF sur l'Etat de droit au Sommet de Hanoi.

Avec la réforme des institutions, la francophonie multilatérale s'est dotée de nouveaux moyens pour faire entendre sa voix. Il reste à les mettre en oeuvre. La francophonie sera, en effet, jugée sur sa capacité à prendre position sur les sujets qui préoccupent le monde. Une francophonie politique implique, en effet, des actions pour développer la solidarité entre les pays du Nord et du Sud, pour aider les pays francophones à consolider l'Etat de droit et la démocratie, pour promouvoir l'usage du français dans les pays où les élites le pratiquent encore peu mais aussi pour alphabétiser les zones francophones où le niveau de scolarité est insuffisant.

Ainsi, la francophonie doit avoir comme ambition de contribuer, à sa mesure, au développement culturel et à la paix dans l'espace francophone.

DOr de ce point deu vue, les drames humains que continuent à vivre les régions des grands lacs, l'évolution de la situation au Zaïre, devenue République démocratique du Congo, et les troubles survenus à Brazzaville et en République centrafricaine illustrent le chemin à parcourir pour créer une véritable solidarité francophone susceptible de contribuer au maintien de la paix.

b) La reconnaissance de la dimension économique de la communauté francophone devrait permettre la promotion d'un espace économique francophone

Jusqu'au Sommet de Hanoi, la francophonie se voulait avant tout un espace de solidarité culturelle. Si elle touchait à l'économie par certains aspects comme la solidarité pour le développement, elle reculait cependant devant le concept " d'espace économique francophone ". Le VIIe Sommet a innové sur ce point en faisant des échanges économiques et commerciaux francophones un des thèmes principaux de discussion.

L'espace économique francophone se doit évidemment de respecter ne contredira pas les différents engagements de ses membres  : tels au sein de l'Union européenne, de tels dans l'ALENA, outels dans d'autres ensembles politico-économiques régionaux., et, presque tous, dans l'O.M.C. (Organisation Mondiale du Commerce).

La communauté francophone devrait cependant pouvoirt de remplir les espaces résiduels et interstitiels de ces ensembles, ni agir collectivement, avec le poids de ses quarante-neufpresque cinquante membres, comme en 1993 lors des négociations du du combat au GATT pour " l'exception culturelle " au sein -cette fois- de l'OMC, pour promouvoir ses intérêts propres et ceux de ses membres. On peut de même imaginer des politiques visant àPar exemple, précisément, pour favoriser une meilleure circulation en son sein des biens et services culturels ou à créer un environnement juridique favorable aux échanges économiques et commerciaux ou encore pour appuyer les intégrations et coopérations régionales entre ses membres. et développer le partenariat d'entreprises.

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