CONCLUSION

Si le projet de budget de l'Armée de l'Air pour 1998 constitue une préoccupation grave, c'est moins par les incidences immédiates que la réduction de crédits d'équipement provoquera dans l'année qui vient, à l'exception des conséquences inquiétantes liées à la réduction des crédits d'entretien programmé des matériels ou de maintien en condition opérationnelle, que parce qu'un budget militaire se juge à l'aune d'un exercice politique et législatif majeur, celui de la programmation militaire.

A moins que la théorie de l'"encoche" soit réellement appliquée, il est à craindre que la baisse très sensible des crédits d'équipement de défense en 1998 ne sera pas rattrapée et qu'en ce sens, la philosophie du budget 1998 est un mauvais signal, qui fragilise largement l'édifice élaboré lors du vote de la programmation. C'est pour cette raison que votre rapporteur ne peut porter qu'une appréciation défavorable à ce projet de budget.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent avis lors de sa réunion du mercredi 26 novembre 1997.

Après son exposé, M. Hubert Falco a évoqué avec M. Xavier de Villepin, président, les difficultés rencontrées par l'armée de l'air concernant le recrutement des civils. Ceux-ci, en effet, n'avaient pas d'obligations de mobilité géographique, ce qui pénalisait les bases aériennes du Nord et de l'Est, éloignées par hypothèse des sites en restructuration, et singulièrement de ceux de la direction des constructions navales.

M. Xavier de Villepin, président, s'est ensuite inquiété de l'adéquation entre la cible finale retenue pour le Rafale -234 appareils- et les missions imparties à l'armée de l'air. Enfin, M. Xavier de Villepin, président, s'est dit préoccupé par la possibilité pour le constructeur de livrer à l'armée de l'air un Rafale polyvalent aux standards souhaités si, par ailleurs, la pression sur les coûts était accentuée.

La commission a ensuite examiné l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998.

M. Xavier de Villepin, président, a exprimé les raisons de sa forte inquiétude devant le projet de budget proposé.

S'agissant des crédits du titre III, dont l'enveloppe globale traduisait la priorité affichée en faveur de la professionnalisation, il a néanmoins exprimé une double préoccupation : d'une part, la compression des crédits de fonctionnement (hors rémunérations et charges sociales) qui, avec l'insuffisance des crédits d'entretien programmé des matériels, menaçait l'activité des forces ; d'autre part, les conséquences potentielles, particulièrement pour l'armée de terre, des dispositions adoptées en matière de reports d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail, qui fragilisaient la période de transition et rendaient nécessaire l'adoption de mesures de compensation.

En ce qui concerne les crédits du titre V -qui connaissaient une brutale diminution (de 8,7 % en francs courants et de 9,9 % en francs constants)- M. Xavier de Villepin, président, a formulé les observations suivantes :

- il a d'abord déploré que les crédits d'équipement militaire jouent le rôle de " variable d'ajustement " du budget de l'Etat, ce qui constituait un signal négatif adressé à la nation dans son ensemble ; il a particulièrement souligné les conséquences de ces coupes budgétaires sur les crédits consacrés au nucléaire (- 13 %), évolution qui constituait un important sujet d'inquiétude pour l'avenir ; il a également regretté les incidences de ces diminutions de crédits sur les programmes spatiaux militaires et sur le programme Rafale ;

- M. Xavier de Villepin, président, a ensuite estimé que le projet de budget de la défense pour 1998 constituait un mauvais signal adressé aux industries de la défense pour quatre raisons : le coût élevé, et quasi mécanique, de ces réductions budgétaires en termes d'emplois, le surcoût inévitable des équipements faisant l'objet de mesures d'étalement ou de moratoires, la perte de " lisibilité " que la loi de programmation avait précisément pour objet d'apporter aux industriels, et enfin l'affaiblissement qui en résultera pour les industriels français dans la perspective des restructurations indispensables de l'industrie européenne de l'armement ;

- puis M. Xavier de Villepin, président, a souligné que ce projet de budget constituait surtout un signal très négatif adressé à nos armées au moment même où un effort exceptionnel leur était demandé ; il a estimé que les orientations de ce budget, si elles n'étaient pas corrigées après 1998, poseraient des interrogations majeures pour l'avenir : ne risqueraient-elles pas de compromettre la cohérence de la réforme entreprise dans son ensemble ? ne risqueraient-elles pas de remettre en cause le futur modèle d'armée lui-même ?

- M. Xavier de Villepin, président, a estimé que toutes ces interrogations revenaient finalement à poser la question de la validité de la théorie dite de l' " encoche " ; il a estimé que, si les économies imposées à la défense en 1998 avaient un caractère exceptionnel, leurs conséquences, pour regrettables et dommageables qu'elles soient, seraient peut-être surmontables ; si, en revanche, la défense ne retrouvait pas, à partir de 1999, le niveau de ressources prévu par la loi de programmation 1997-2002, l'ensemble de la réforme engagée se trouverait gravement fragilisée et la dernière loi de programmation devrait être considérée comme caduque.

Or, a souligné M. Xavier de Villepin, président, la dernière loi de programmation -contrairement à ses devancières- comportait déjà une forte réduction des crédits d'équipement militaire et constituait la traduction d'une réforme d'ensemble devant aboutir à la mise en place d'un nouveau modèle d'armée. Son non-respect ou -a fortiori- son abandon ne pourrait donc conduire qu'à l'affaiblissement progressif de notre défense ou à la révision de ce modèle d'armée. Il a en outre estimé que, si l'élaboration éventuelle d'une nouvelle programmation venait à être envisagée, il vaudrait mieux alors renoncer à sa traduction législative, devenue sans valeur.

Concluant son propos, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que la commission n'avait d'autre choix que de rejeter les crédits du ministère de la défense pour 1998 et l'a invitée à réaffirmer son ferme attachement au respect de la loi de programmation votée en 1996. Il a enfin suggéré à la commission, pour expliquer son avis négatif, d'adopter les principales observations qu'il venait de présenter et de les faire figurer dans chacun de ses rapports pour avis au titre des conclusions de la commission.

M. Bertrand Delanoë a alors indiqué que, s'il partageait certaines des inquiétudes exprimées par M. Xavier de Villepin, président -pour des raisons qui étaient d'ailleurs antérieures au projet de budget pour 1998-, il était globalement en désaccord avec les conclusions proposées et approuvait la démarche générale suivie par le Gouvernement. Il a relevé que les programmes conduits en coopération avec nos partenaires européens étaient poursuivis de manière satisfaisante. Il a estimé que les difficultés rencontrées venaient essentiellement de la méthode employée pour professionnaliser nos forces armées qui ne pouvait aboutir qu'à des pressions de plus en plus fortes sur les crédits d'équipement. M. Bertrand Delanoë a conclu en considérant qu'une " épreuve de vérité " était souhaitable et ne devrait écarter aucun des choix nécessaires, qu'il s'agisse des missions assignées à nos forces ou des équipements retenus.

M. Michel Caldaguès a indiqué qu'il partageait pleinement chacune des observations formulées par M. Xavier de Villepin, président. Il a estimé que le budget très inquiétant qui était présenté trouvait son origine, non pas dans la méthode suivie pour professionnaliser nos armées, mais, beaucoup plus largement, dans la mise en cause progressive des différentes spécificités des forces françaises et dans le processus de " mutualisation " des forces qui ne pouvait conduire, de manière insidieuse, qu'à la réduction de notre effort national de défense. Il a enfin souligné que la politique conduite par le Gouvernement en matière de dépenses publiques civiles conduisait inévitablement à la compression de nos dépenses militaires.

M. Jean Faure a exprimé son entier soutien à chacune des conclusions présentées par M. Xavier de Villepin, président. S'agissant des crédits consacrés au nucléaire, il a estimé indispensable de respecter les calendriers prévus et souligné, dans ce domaine plus que dans tout autre, l'enjeu majeur que représentait la question de la transmission du savoir et du maintien des compétences scientifiques.

M. Philippe de Gaulle a relevé qu'une quinzaine d'années auront été nécessaires entre le lancement du programme Rafale et la constitution de la première flottille de ces appareils.

M. Claude Estier a enfin indiqué que les commissaires socialistes ne s'associaient pas aux conclusions proposées par M. Xavier de Villepin, président.

La commission a alors adopté, le groupe socialiste votant contre, les principales observations présentées par M. Xavier de Villepin, président, et décidé de les faire figurer en tête de chacun de ses rapports pour avis sur le budget de la défense pour 1998, au titre des conclusions de la commission.

Elle a enfin émis un avis défavorable à l'adoption de l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998.

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