2. La politique de lutte contre le tabagisme : un désengagement financier quasi total, une délégation contestable de l'action

Les crédits de la politique de lutte contre le tabagisme s'élèveraient, selon le rapport de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, à 2,9 millions de francs pour 1998.

Cette somme peut être mise en rapport avec les quelque 50 milliards de francs acquittés annuellement par les fumeurs au titre des droits de consommation sur le tabac : 0,006 % sont ainsi réaffectés par le budget de l'Etat à la lutte contre le tabagisme.

Comme l'a affirmé notre collègue Charles Descours, au cours du débat sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, un tel rapport souligne la nécessité d'instituer une taxe de santé publique sur les tabacs directement affectée à l'assurance maladie, sans passer par le budget de l'Etat.

a) La consommation de tabac, en baisse, demeure cependant importante malgré la hausse des prix

Les statistiques sur la consommation de tabac montrent une décroissance significative depuis le début de la décennie : le nombre de cigarettes consommées par personne et par jour par les plus de 15 ans est ainsi passé en sept ans de six à cinq cigarettes.

Cette diminution doit être attribuée à une modification des comportements et jugements vis-à-vis du tabac, mais aussi à la hausse des prix engagée depuis le vote de la loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme. Les prix du tabac ont ainsi augmenté de 5 % en 1991, 10 % en 1992, 12,1 % et 6,3 % en 1993, 12,4 % et 7 % en 1994, de 6 % en 1995 et 3 % en 1996.

La consommation de tabac demeure dépendante de l'activité professionnelle et du milieu social.

Ainsi, si 40 % des hommes fument, on enregistre des variations importantes en fonction des catégories socioprofessionnelles : les ouvriers sont ainsi les plus nombreux à fumer (16 % de plus que la moyenne) alors que les cadres supérieurs et les agriculteurs sont par contre très en dessous de la moyenne (respectivement moins 23 % et moins 21 %). Chez les adultes de 18 ans et plus, la proportion des fumeurs (hommes et femmes) est passée de 1974 à 1994 de 42 % à 34 %. Si l'on affine par sexe, la baisse est beaucoup plus sensible chez les hommes puisque la proportion de fumeurs diminue de 59 % à 40 % alors que pour les femmes, cette proportion a régulièrement augmenté de 28 % en 1974 à 35 % en 1991, année à partir de laquelle ce chiffre est régulièrement en baisse.

Chez les jeunes de 12 à 18 ans, la proportion de fumeurs est encore importante : 31,2 % ont ainsi une consommation régulière. Cependant, leur nombre a sensiblement baissé depuis 1977, date à laquelle 48 % des garçons et 43 % des filles fumaient.

b) Le Comité national de lutte contre le tabagisme, association à laquelle l'Etat a délégué la politique de lutte contre le tabagisme, bénéficie de l'essentiel des crédits

En 1997, les crédits de la lutte contre le tabagisme s'élevaient à 1,9 million de francs.

Sur ces 1,9 million de francs, 1,6 million de francs ont été attribués à une association, le Comité national de lutte contre le tabagisme, qui est financée à la fois par l'Etat et l'assurance maladie.

La moitié de la subvention de l'Etat est destinée au soutien de l'activité judiciaire de cette association. Elle mène, en effet, une action soutenue contre la publicité illégale en faveur du tabac, et pour le respect de l'interdiction de fumer dans les lieux publics et à usage collectif.

En effet, la loi du 10 janvier 1991 a autorisé les associations déclarées depuis plus de cinq ans et dont l'objet est la lutte contre le tabagisme à se porter partie civile à l'encontre des infractions relatives à l'interdiction de publicité.

L'autre moitié de la subvention versée par l'Etat est consacrée à la réalisation d'un certain nombre d'enquêtes autour du tabac et à des activités de prévention, telles que la création de supports pédagogiques diffusés en milieu scolaire ou auprès des femmes enceintes.

Si elle ne dispose pas de beaucoup d'informations sur l'activité de cette association, la réponse au questionnaire budgétaire (" Relations entre l'Etat et le CNCT - Contrôle de l'utilisation des subventions reçues et de la politique menée par le CNCT ") n'étant pas très détaillée, votre commission estime choquant que l'action publique en matière de lutte contre le tabagisme soit quasi exclusivement déléguée au CNCT .

En effet, hors subvention au CNCT, les 300.000 francs de crédits budgétaires restants ont été affectés :

- pour 100.000 francs à l'OMS,

- pour 200.000 francs à l'évaluation de la loi Evin.

A cet égard, votre commission estime que, compte tenu de la modicité des crédits de la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, les sommes globalement consacrées à l'évaluation d'une loi sont très importantes.

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