INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi n° 194 présentée par M. Louis Souvet et plusieurs de ses collègues tendant à diminuer les risques de lésions auditives à l'occasion de l'écoute de baladeurs et de la fréquentation des discothèques a pour ambition de répondre au problème de santé publique induit par certains comportements et pratiques de loisir, appréciés notamment par les jeunes.

Il est en effet clairement établi que l'exposition à des niveaux sonores élevés a des conséquences sur la santé.

Il convient donc en premier lieu d'engager des campagnes d'information pour favoriser une prise de conscience chez les professionnels et les jeunes afin qu'ils modifient leur comportement aussi spontanément que possible.

Les auteurs de la proposition de loi ont également estimé, à juste titre, qu'il était de la responsabilité des pouvoirs publics, dans l'intérêt de la santé publique, de fixer des niveaux sonores maxima dans les discothèques et lors des concerts.

Votre commission, sensible à leur argumentation, a adopté des conclusions qui élargissent la portée du texte initial de la proposition de loi.

Cet élargissement concerne à la fois l'ambition et le champ d'application de la loi :

- l'ambition de la loi, d'abord, doit être la prévention, non seulement des risques de lésions auditives à proprement parler, mais aussi de tous les risques pour la santé : de nombreuses études ont en effet démontré que l'exposition à des niveaux sonores élevés induit des risques de dégradation précoce des performances auditives (avec ou sans lésion), et qu'elle a des conséquences pour le système nerveux, cardio-vasculaire et visuel ;

- le champ d'application de la loi, ensuite, ne saurait être réduit aux concerts, aux discothèques et aux baladeurs destinés aux jeunes enfants. Il doit être élargi à tous les lieux de production ou de diffusion de musique amplifiée. Les conclusions adoptées par la commission concernent donc aussi, par exemple, les lieux de répétition, les salles de cinéma, les bars musicaux ou les animations musicales dans les centres commerciaux.

Le texte proposé fixe à 90 décibels le niveau sonore maximum dans tous ces lieux : il édicte donc une règle très souple, dont le champ d'application ne souffre aucune dérogation de principe. La simplicité de ce dispositif lui confère donc de surcroît une portée éducative qui ne saurait être négligée.

I. DE LA " GÊNE DUE AU BRUIT " AUX " CONSÉQUENCES SANITAIRES DE L'EXPOSITION À DES NIVEAUX SONORES ÉLEVÉS " : DES ÉTUDES ÉPIDÉMIOLOGIQUES DE PLUS EN PLUS APPROFONDIES ET AUX RÉSULTATS CONCORDANTS

Dans l'étude des phénomènes liés à l'exposition à des niveaux sonores élevés, l'approche dominante s'est longtemps limitée à la " gêne " due au " bruit ", perçu comme une contrainte extérieure difficilement maîtrisable.

De plus en plus cependant, des études épidémiologiques sont consacrées aux conséquences pour la santé de l'exposition à des niveaux sonores élevés.

Il apparaît en effet que de plus en plus de personnes, non seulement vivent dans un environnement " bruyant ", mais adoptent des pratiques culturelles dont l'une des composantes est la recherche de niveaux sonores constamment élevés.

De fait, certaines personnes, et notamment des jeunes, peuvent tout à la fois fuir le " bruit " imposé par d'autres ou par l'environnement et apprécier certaines musiques qui se caractérisent à la fois par leur faible dynamique (c'est-à-dire par la faible différence de niveau entre les passages les moins forts et les plus forts) et par le fait qu'elles appellent des niveaux sonores d'écoute très élevés. Ainsi, non seulement l'oreille doit supporter des niveaux de crêtes très élevés, qui peuvent être à l'origine de lésions auditives, mais elle ne peut jamais vraiment se reposer entre deux crêtes.

En conséquence, le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, dans ses avis du 15 septembre 1994 et du 4 avril 1996, a souhaité alerter les pouvoirs publics et l'opinion publique sur les risques encourus en raison de ces pratiques :

1/ Avis du 15 septembre 1994

Le conseil :

1°) estime que les pratiques d'écoute de la musique à haut niveau sonore font courir des risques non seulement pour l'audition du public et des utilisateurs d'appareils, mais aussi pour celle des personnes travaillant dans ces lieux musicaux bruyants, et constate de surcroît que ces pratiques peuvent provoquer une gêne pour l'environnement, voire des atteintes à la santé des habitants du voisinage ;

2°) rappelle que l'écoute de la musique à haut niveau sonore peut entraîner aussi des effets extra-auditifs sur la santé des individus et que l'impact vibratoire touche l'ensemble du corps humain ;

3°) demande que :

- des recherches complémentaires soient poursuivies, afin d'apporter les précisions souhaitables à la connaissance des dégradations de l'audition pour le public et pour les utilisateurs d'appareils qui écoutent la musique à haut niveau sonore ;

- une meilleure diffusion des connaissances sur ces risques puisse être effectuée dans les milieux scientifiques et notamment auprès des médecins ;

- des actions d'information soient entreprises, non seulement auprès du grand public, mais aussi de manière spécifique auprès des personnes fréquentant les lieux de loisirs musicaux bruyants ou utilisant des appareils de diffusion de la musique à haut niveau sonore ;

4°) estime nécessaire la mise en place d'une action d'éducation pour les jeunes, avec le ministère chargé de l'éducation nationale, dans le cadre des programmes de l'enseignement primaire et secondaire ;

5°) souhaite qu'une action particulière soit menée pour limiter les risques dus aux baladeurs, aussi bien en direction des utilisateurs que vis-à-vis des fabricants et importateurs, et que soient étudiées les mesures pouvant être envisagées pour les cas dangereux ;

6°) souhaite que les moyens de réduire les niveaux de la musique dans les divers lieux musicaux de loisirs tels que concerts, discothèques, soient examinés et que des mesures puissent être prises pour la protection de la santé.


2/ Avis du 4 avril 1996

Le conseil :

Attire l'attention sur les effets physiologiques et psychologiques possibles du bruit qui, par son intensité, sa durée, son spectre, sa répétition, son émergence, son moment d'apparition, touche une large partie de la population, risque d'altérer sa santé et constitue un problème préoccupant de santé publique.

Estime que la prévention doit être sous-tendue par une approche sanitaire du bruit, en orientant prioritairement les règles, normes et critères vers la protection de la santé des personnes susceptibles d'être soumises à ces atteintes et en s'appuyant davantage sur les acteurs de la santé publique.

Affirme que dans les zones bruyantes, il est indispensable de traiter le bruit lui-même, si possible à la source ; le traitement médical de ses effets, les compensations financières ou le confinement ne sont que des palliatifs insatisfaisants pour la santé publique.

Souhaite que les recherches soient davantage orientées vers les risques et les conséquences sanitaires, que les évaluations soient complétées et que les études soient développées sur les coûts sociaux, les risques auditifs et extra-auditifs.

Estime qu'une éducation du public sur les effets du bruit sur la santé est indispensable ; elle devrait viser à sensibiliser le public aux risques, induire des modifications dans les comportements abusifs, favoriser la compréhension entre les parties en cause, éclairer davantage les décideurs et préparer l'avenir en informant mieux les jeunes.


Les risques encourus par les jeunes sont en effet, non seulement des atteintes ou des lésions auditives, mais aussi des troubles du système nerveux, cardio-vasculaire ou visuel.

On sait que ainsi que l'oreille moyenne est lésée par le bruit à des niveaux sonores très élevés, de l'ordre de 120 décibels.

Cependant, si les risques pour la santé sont certains, il est très difficile de les relier avec précision à des niveaux sonores et à des durées d'exposition. En effet, non seulement ces risques varient fortement selon les individus, mais, en dehors des accidents auditifs, il est difficile d'établir une corrélation scientifiquement rigoureuse, c'est-à-dire quasiment mathématique, entre des pratiques bien caractérisées (niveau et durée d'exposition au bruit) et un chiffrage précis de la dégradation des performances auditives.

En fait, deux éléments importants sont connus :

- de nombreuses études démontrent la fréquence et la gravité des dégradations auditives précoces chez les jeunes. Ainsi, une étude française réalisée par le Professeur Buffé sur les appelés d'un régiment montre que 56 % seulement d'entre eux avaient une audition normale et que la perte moyenne subie par ces jeunes gens âgés de 20 ans correspondait à celle d'une personne de 25 ans exposée quotidiennement pendant cinq ans à un niveau sonore de 80 décibels, huit heures par jour.

- une étude réalisée à Nancy montre aussi les effets comparés sur l'audition de divers comportements culturels tels que l'écoute de baladeurs et la fréquentation de concerts et discothèques.

Menée par le Docteur Meyer-Bisch et publiée dans la revue Audiology (1996 ; 35 : 121-142), cette étude a été menée auprès de 1.500 jeunes volontaires. Elle montre que l'usage intensif de baladeurs et la fréquentation régulière de concerts de rock ou de variétés est à l'origine de pertes auditives significatives. Par ordre croissant, les comportements les plus dangereux sont : la fréquentation de discothèques, l'écoute prolongée de musique sur un baladeur et la fréquentation assidue de concerts.

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