b) La loi de Robien affiche un bilan prometteur qui met en valeur le caractère volontaire du dispositif

Un bilan statistique 12( * ) des accords collectifs signés en application de la loi de Robien a été dressé dernièrement par la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Ce bilan a estimé le nombre de conventions signées à 1.442 fin novembre 1997, dont 412 défensives et 1.030 offensives . Ces conventions prévoyaient une réduction de la durée du travail pour 154.473 salariés .

Un millier de ces conventions ont pu faire l'objet d'une étude détaillée. Parmi ces dernières, les deux tiers, désignées comme " offensives ", sont signées dans le cadre du développement de l'emploi et prévoient donc des créations d'emplois proportionnelles à la baisse effective du temps de travail. Un tiers sont " défensives " et visent à réduire la durée du travail pour préserver des emplois menacés par une procédure de licenciements économiques.

Plus de la moitié des conventions sont signées dans des unités (entreprises, établissements, voire groupes d'entreprises) de moins de 50 salariés
. Mais cette proportion varie beaucoup selon le secteur d'activité. Elle atteint les trois quarts dans les services, tandis qu'à l'inverse, dans l'industrie, près de sept conventions sur dix concernent des unités de plus de 50 salariés, et près de trois sur dix des unités de 200 salariés et plus.

La moitié des conventions sont conclues dans des unités du tertiaire, pour l'essentiel dans les services aux entreprises et le commerce. Un peu moins (43 %) dans l'industrie, principalement dans les secteurs des biens intermédiaires ou de consommation.

Par rapport à leur poids dans l'ensemble de l'économie, les entreprises industrielles sont au total sensiblement sur-représentées parmi les signataires, celles du tertiaire étant plutôt sous-représentées, à l'exception des activités financières ou de services aux entreprises.

Conventions offensives et défensives se distinguent nettement . Les premières sont en majorité signées dans les services (61 %) par des unités de taille assez réduite (66 % d'entre elles réunissent moins de 50 salariés). Elles représentent dans ce secteur plus de cinq conventions sur six. Les conventions défensives sont au contraire souvent signées par de plus grandes unités (31 % ont au moins 200 salariés) appartenant à l'industrie (63 % des cas).

45 % des salariés concernés sont des ouvriers, 19 % des employés, 22 % des techniciens et agents de maîtrise et 14 % des cadres.

Sur les 1.030 conventions étudiées, 37 % retiennent pour unique modalité la réduction de la durée hebdomadaire du travail, 22% la seule annualisation du temps de travail telle qu'elle est prévue par le législateur 13( * ) . Dans 14 % des cas, réductions hebdomadaire et annuelle coexistent au sein de la même unité signataire, mais le recours exclusif à la modulation annuelle des horaires est plus fréquent dans le volet défensif (27 % des cas contre 19 %). En outre, 27 % des conventions prévoient des jours de congés additionnels, ce qui constitue également une forme indirecte d'annualisation.

Les modalités de réduction de la durée du travail
à travers l'application de la loi de Robien

(en % de conventions)

Réduction

Ensemble des conventions

Volet offensif

Volet défensif

Hebdomadaire seule

37,3

39,5

32,6

Annuelle seule

21,6

18,8

27,4

Annuelle et hebdomadaire

9,0

9,0

9,1

Congés seuls

7,5

7,5

7,3

Annuelle et congés

7,5

6,6

9,5

Hebdomadaire et congés

6,6

7,7

4,3

Annuelle, hebdo. et congés

5,1

6,7

1,8

Autres modalité

5,4

4,2

8,0

Total

100,0

100,0

100,0

(Source : MES-DARES)

Plus des trois quarts des unités signataires, regroupant 87 % des salariés concernés, déclarent changer l'organisation du travail en même temps qu'elles réduisent le temps de travail. Présente dans 55 % de conventions, la mise en place des dispositifs permettant de moduler le temps de travail en fonction des fluctuations de l'activité est le mode de réorganisation de loin privilégié.

Réorganisation du travail et réduction du temps de travail

(en % de conventions)

Réduction

Ensemble des conventions

Volet offensif

Volet défensif

Pas de réorganisation du travail

23,1

25,1

18,9

Réorganisation du travail

76,9

74,9

81,1

- dont dispositifs permettant de moduler l'activité selon les fluctuations


54,9


50,0


65,2

- dont augmentation de l'amplitude d'ouverture

17,8

20,8

11,3

- dont augment. de la durée d'utilisation des équipements

15,6

17,4

11,9

- dont autres modalités de réorganisation du travail

15,8

16,7

14,0

- dont modalité non renseignée

0,2

0,3

0,0

Total

100,0

100,0

100,0

NB : Plusieurs modes de réorganisation du travail peuvent être mis en place simultanément, ce qui explique que le total des différentes modalités soit supérieur aux conventions déclarant une réorganisation.

(Source : MES-DARES)


La semaine de 35 heures est la cible la plus courante ; elle correspond à une diminution de 4 heures pour une durée initiale de 39 heures, soit presque exactement de 10 %.

Sur le plan des rémunérations, 58 % des conventions dépouillées contenaient l'engagement de maintenir intégralement les salaires dans l'immédiat. 30 % de ces conventions prévoyaient une compensation seulement partielle tandis que 5 % ne proposaient aucune compensation. 40 % des salariés sont, par contre, concernés par un gel des salaires pour compenser l'augmentation du salaire horaire.


Par ailleurs, dans les unités qui ont signé une convention offensive, le taux de création d'emplois prévu est en moyenne de 11 %. L'enquête estime également, en faisant part des précautions d'usage, que dans le cas des conventions défensives, les licenciements évités représentaient 11,6 % des emplois dont la durée du travail est réduite, et 44 % des sureffectifs déclarés par les entreprises.

Il semble donc que la " loi de Robien " ait ouvert de véritables perspectives pour le développement des négociations sur l'aménagement et la réduction du temps de travail dans le prolongement des accords du 31 octobre 1995 . Nul doute que le caractère volontaire de ce dispositif et l'équilibre des accords signés entre employeurs et salariés aient été pour beaucoup dans cette réussite. On peut s'étonner dans ces conditions que le Gouvernement n'ait pas choisi de prolonger l'expérience initiée par la loi " de Robien " à travers son " reprofilage ". Il aurait semblé plus logique de corriger un dispositif qui a montré ses mérites pour augmenter son efficacité et en réduire son coût, il semble incompréhensible que l'on puisse plonger l'ensemble de l'économie au coeur d'une expérimentation hasardeuse.

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