CHAPITRE PREMIER

L'EURO POUR ONZE ÉTATS MEMBRES

La recommandation de la Commission consacre les succès économiques remportés par l'Europe.

Elle ouvre la perspective du développement d'une monnaie unique, facteur de solidarité entre les Etats qui l'adopteront et de puissance pour l'Europe.

Mais, tout n'est pas pour autant acquis. L'Europe doit affermir sa situation économique et apprendre à gérer une monnaie unique.

I. LE SUCCÈS DE LA CONVERGENCE FONDE L'ADOPTION PAR UNE LARGE COMMUNAUTÉ D'ETATS D'UNE MÊME MONNAIE, INSTRUMENT D'UNE EUROPE PUISSANTE

A. LES SUCCÈS DE LA CONVERGENCE ÉCONOMIQUE

Les progrès réalisés en matière de convergence conduisent la Commission à recommander la constitution d'une zone euro à onze pays. Quelques indications liminaires s'imposent pour rappeler la procédure prévue par le Traité et souligner la justification de l'intervention du Parlement national dans le processus en cours.


La procédure prévue par le Traité

La recommandation de la Commission s'inscrit dans le cadre de la procédure prévue à l'article 109 J du traité de Maastricht.

Les stipulations du traité -article 109 J- organisant le passage à la troisième phase de réalisation de l'union économique et monétaire précisent que, sauf mise en oeuvre antérieure, la troisième phase commence le 1er janvier 1999.

La procédure se déroule en plusieurs étapes.


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La commission et l'Institut monétaire européen -IME- ont rendu le 25 mars dernier leurs rapports -visés au paragraphe I de l'article - consacrés aux progrès faits par les Etats membres dans l'accomplissement de leurs obligations pour la réalisation de l'Union économique et monétaire.


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La commission a alors adressé la recommandation visée par les propositions de résolution renvoyées à la commission des finances du Sénat au Conseil de l'Union européenne qui statuant à la majorité qualifiée devra évaluer " pour chaque Etat membre s'il remplit les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique". Le Conseil de l'Union européenne transmettra alors sous forme de recommandations ses conclusions au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.

Le Parlement européen est consulté sur les recommandations du Conseil et transmet son avis au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.


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Finalement, ce dernier confirmera à la majorité qualifiée quels sont les Etats qui remplissent les conditions nécessaires pour l'adoption d'une monnaie unique.

Cette procédure appelle quelques observations afin de préciser certains éléments, parfois un peu flous.

Le rôle central y est joué par le Conseil de l'Union européenne. C'est lui qui conclut qu'un Etat membre remplit les conditions pour adopter la monnaie unique. La Commission, l'IME, le Parlement européen n'ont pas de compétence décisionnaire en la matière.

Un problème se pose, en revanche, au sujet de la compétence du Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement. Le Traité indique que celui-ci confirme les décisions du Conseil de l'Union européenne. La marge d'appréciation laissée au Conseil apparaît ainsi des plus réduites. Pourtant, une règle de majorité étant posée, il y a lieu de considérer que le Conseil dispose d'un pouvoir de décision. Ainsi, si le Conseil de l'Union européenne joue un rôle central, celui-ci ne dispose pas d'une compétence exclusive. Le Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement a le dernier mot , mais son pouvoir est "bordé" par les recommandations du Conseil de l'Union européenne.

Un débat s'est ouvert sur l'automaticité du passage à la monnaie unique pour les Etats réunissant les conditions nécessaires à l'adoption de l'euro. Ce débat exclut les situations particulières du Danemark et du Royaume-Uni qui, par protocoles annexés au traité, sont exemptés de l'obligation d'adopter l'euro. Mais, pour les autres Etats, c'est bien une telle obligation qui est posée par le traité sans préjudice de la marge d'interprétation laissée aux différentes institutions communautaires à l'occasion de l'examen des performances économiques des Etats membres auquel, aux termes du traité, elles se livrent.

Dans ces conditions, l'intervention éventuelle des Parlements nationaux avant l'adoption de la recommandation du Conseil de l'Union européenne, est-elle vraiment utile ?

Une réponse affirmative doit, sans aucune ambiguïté, être donnée à cette interrogation. Il est non seulement utile mais nécessaire à la démocratie que le Parlement exprime à cette occasion ses volontés et les adresse au gouvernement . C'est là tout le sens de la procédure de l'article 88-4 de notre Constitution. Sans doute celle-ci n'a-t-elle pas, en l'occurrence, la portée juridique de la réserve d'interprétation admise par la Cour constitutionnelle allemande au terme de laquelle le Bundestag aura à se prononcer sur le passage à la troisième phase de réalisation de l'Union monétaire. Mais, elle constitue un outil politique de grande importance que seule une conception négligeante du Parlement pourrait conduire à minimiser. Le renforcement de l'intégration européenne appelle sans doute une rénovation des moyens d'information et de contrôle des Parlements nationaux à laquelle la Délégation du Sénat pour l'Union européenne apporte une réflexion toute particulière. Qu'il soit ici permis d'insister pour que les résolutions du Sénat soient prises en compte par l'exécutif et que celui-ci mette le plus grand soin à rendre compte de leur respect !

Une dernière observation doit souligner un paradoxe juridique introduit par le droit européen. Le Parlement national ne sera, semble-t-il, pas saisi des recommandations adressées par le Conseil de l'Union européenne au Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement alors que le Parlement européen aura lui l'occasion de donner son avis au dit Conseil.

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