ARTICLE 48 (nouveau)

Faculté de dérogation à l'obligation d'établissement d'un budget annexe pour les services d'eau et d'assainissement des petites communes

Commentaire : le présent article, résultant d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale a pour objet d'instituer une faculté pour les communes de moins de 500 habitants de déroger, pour les services d'eau et d'assainissement gérés sous la forme d'une régie simple ou directe, à l'obligation d'établir un budget annexe.

Déposé et soutenu à titre personnel par le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, cet amendement a été adopté par la commission, puis par l'Assemblée nationale contre l'avis du gouvernement, qui a finalement accepté son maintien au terme de la seconde délibération dont le présent projet de loi a fait l'objet.

I. LE CONTEXTE

A. DES PRINCIPES FORTS ...


Sous des apparences de simple mesure d'allégement des contraintes administratives pesant sur les petites communes , cette disposition soulève en réalité une problématique complexe, puisqu'elle concerne le thème de la transparence du financement de la gestion de l'eau et, plus largement, celui du " juste prix " de l'eau. Or, une des principales ambitions de l'ensemble de cette réglementation, contraignante il est vrai, est de permettre de définir un " juste prix " de l'eau.

A cet égard, l'individualisation comptable, sous forme de budget annexe, des services publics industriels et commerciaux chargés de la distribution de l'eau et de l'assainissement constitue un instrument essentiel de cette transparence 67( * ) .

La finalité de cette réglementation est de garantir un financement du service par l'usager , c'est à dire à faire en sorte que le prix payé par l'usager corresponde à la valeur réelle du service qu'il reçoit. Il s'agit en particulier d'éviter que l'usager supporte, par manque de transparence entre le budget de la commune et celui du service d'eau et d'assainissement, une charge supérieure à celle du service rendu 68( * ) .

Il n'en reste pas moins que cette obligation (dont les modalités spécifiques sont définies par l'instruction budgétaire et comptable M. 49 applicable aux services d'eau et d'assainissement) est lourde à mettre en oeuvre pour les communes et, a fortiori , pour les plus petites d'entre elles.

B. ... AYANT DÉJÀ FAIT L'OBJET D'IMPORTANTES EXCEPTIONS

Cette difficulté de mise en oeuvre de ces principes a déjà conduit à l'adoption d'un certain nombre d'assouplissements :

1. La date d'entrée en vigueur de ces obligations (transcrites dans l'instruction budgétaire et comptable M 49 applicable depuis le 1 er janvier 1992 ) a presque d'emblée été différée (circulaire interministérielle du 10 novembre 1992) pour tenir compte des difficultés rencontrées par les petites communes : report au 1 er janvier 1996 pour les communes de 500 à 1.000 habitants, et au 1 er janvier 1997 pour les communes de moins de 500 habitants ;

2. Les communes de moins de 3.000 habitants sont, par ailleurs et en application de l'article L. 2224-6 du code général des collectivités territoriales, autorisées à déroger à la règle de l'établissement de deux budgets distincts (un pour l'eau et un pour l'assainissement) en recourant à une gestion commune des deux services dans un budget unique (à condition qu'ils soient soumis aux mêmes règles fiscales et de gestion) ;

3. Enfin, les mêmes communes de moins de 3.000 habitants bénéficient, en application de l'article 75 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier modifiant l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, d'une exception au principe d'interdiction de financement par le budget communal des dépenses de ces services.

S'agissant de cette dernière dérogation, il convient de rappeler qu'en application de l'article L. 2224-2, 2° du code général des collectivités territoriales, les communes pouvaient déjà prendre en charge en tout ou partie les investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d'usagers, ne pouvaient être financés sans augmentation excessive des tarifs.

Cette dérogation à la règle de financement des services publics à caractère industriel et commercial par la redevance devait faire l'objet, à peine de nullité 69( * ) , d'une délibération motivée du conseil municipal, fixant les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses du service prises en charge par la commune, ainsi que le ou les exercices auxquels elles se rapportaient.

Depuis la dérogation introduite par l'article 75 de la loi du 12 avril 1996, modifiant l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales, la délibération motivée et la production de justifications n'apparaissent plus obligatoires pour les communes de moins de 3.000 habitants et les groupements composés de communes dont la population ne dépasse pas 3.000 habitants. Par ailleurs, cette disposition ne limite pas la nature des dépenses qui peuvent faire l'objet d'une prise en charge .

Il en résulte que les dépenses d'exploitation, comme les dépenses d'investissement, entrent dans le champ d'application de la loi, et que l'interdiction posée à l'avant dernier alinéa de l'article L. 2224-2 du code général des collectivités territoriales de compensation pure et simple d'un déficit d'exploitation ne s'applique pas aux services d'eau et d'assainissement des communes de moins de 3.000 habitants et aux groupements composés de communes dont la population ne dépasse pas 3 000 habitants.

A cet égard, la circulaire du 23 décembre 1996 relative à l'application de l'article 75 de la loi du 12 avril 1996, note que " cette possibilité de prise en charge ouverte par la loi s'appliquant sans restriction, le coût des services d'eau et d'assainissement des communes et groupements composés de communes ne dépassant pas 3 000 habitants pourra valablement être répercuté sur la fiscalité directe locale ".

II. LA PORTÉE DE LA DISPOSITION

Faut-il renforcer encore les dérogations en approuvant le présent article qui autorise les communes de moins de 500 habitants à se libérer des contraintes comptables d'un budget annexe en n'ayant plus qu'à produire " un état sommaire présentant, article par article, les montants des recettes et de dépenses affectés à ces services " lorsque ceux-ci sont gérés sous forme de régie simple ou directe 70( * ) ?

Dans cette perspective, votre commission a examiné cette disposition en veillant à concilier la légitime expression d'une volonté de simplification administrative avec les exigences de transparence du financement de la politique de l'eau .

A cet égard, la mesure lui est apparu comme ne possédant qu'un intérêt limité pour les communes potentiellement concernées 71( * ) , tout en étant susceptible de faire naître pour celles-ci des risques juridiques.

A. UN INTÉRÊT PRATIQUE LIMITÉ...


L'article L. 2221-11 du code général des collectivités territoriales, dispose que :

" Les produits des régies dotées de la seule autonomie financière, y compris les taxes ainsi que les charges, font l'objet d'un budget spécial annexé au budget de la commune voté par le conseil municipal.

" Dans les budgets et les comptes de la commune, ces produits et ces charges sont repris dans deux articles, l'un pour les recettes, l'autre pour les dépenses. "


Le présent article complète ces dispositions en permettant aux communes de moins de 500 habitants d'y déroger, en limitant cette obligation à l'établissement d'un état sommaire , qui doit être produit en annexe au budget et au compte administratif , et qui présente, article par article, les montants de recettes et de dépenses affectés à ces services .

Concrètement, ces communes seraient donc dispensées de la tenue régulière des écritures qu'impliquent un budget annexe.

Extraits de la circulaire du 2 novembre 1995 relative à la mise à jour des nomenclatures budgétaires et comptables des communes, des départements, des régions et des établissements publics de ces collectivités (instructions M11, M12, M51, M4, M41, M42, M43, M49).

Documents de fin d'exercice

1) Régies simples ou directes

L'assemblée délibérante vote un budget annexé à celui de la commune et l'ordonnateur présente un compte administratif également annexé au compte administratif principal et voté avec ce dernier.

Le comptable de ces régies établit un compte de gestion qui comprend :

- l'exécution du budget ;

- la balance générale ;

- le compte de résultat ;

- le bilan.

A cet égard, votre commission a noté que cette volonté de simplification n'aurait en fait qu'une portée très limitée dans la mesure où celle-ci ne peut, en aucune façon, s'interpréter comme impliquant une suspension de l'ensemble des obligations budgétaires et comptables applicables à ces services .

Le principe de l'équilibre défini à l'article L 2224-1 du code général des collectivités territoriales qui dispose que " les budgets des services publics à caractère industriel ou commercial exploités en régie, affermés ou concédés par les communes doivent être équilibrés en recettes et en dépenses " , continueront en effet de s'appliquer. Il en ira de même pour l'ensemble des règles définies par l'instruction budgétaire et comptable M. 49 et, notamment, de celles qui impliquent la tenue d'écritures comptables comme la constitution d'amortissements des immobilisations et de provisions ou de celle des écritures de stocks.

La portée de cette dérogation à la règle de l'établissement d'un budget annexe apparaît donc singulièrement limitée.

B. ... SUSCEPTIBLE DE NUIRE À LA SÉCURITÉ JURIDIQUE

Cette mesure est en outre de nature à favoriser la naissance de risques juridiques. En effet, l'absence d'obligation de la tenue d'un budget annexe fera obstacle à un suivi financier en cours de gestion des services de l'eau et de l'assainissement , les collectivités concernées ne disposant plus d'un document leur permettant, en cours de gestion, de procéder à un contrôle précis de la disponibilité des crédits affectés à ces services. Tout éventuel dérapage financier des services d'eau et d'assainissement ne pourra être constaté qu'avec retard , puisque dans la mesure proposée les communes seront, in fine , simplement tenues de produire un état sommaire récapitulatif en annexe au compte administratif .

L'absence de transparence de la gestion de ces services qui en résultera risque, très certainement, d'exposer les communes concernées à des contentieux au sujet du prix de l'eau. A cet égard, il convient de rappeler que la Cour des Comptes, dans son rapport public particulier publié en janvier 1997 au sujet de la gestion des services publics locaux d'eau et d'assainissement, relevait que " les principaux dysfonctionnements de services publics d'eau et d'assainissement relevés au cours de l'enquête proviennent d'insuffisances techniques et financières . Ils pourraient être cependant corrigés si les procédures de contrôle de la gestion étaient mis en oeuvre et si l'information des usagers, que pourtant le mode de gestion en régie est censé favorisé, était organisé. " .

Enfin, cette disposition apparaît comme une mesure dissuasive au regard du développement de l'intercommunalité qui, dans ce domaine comme dans d'autres, est de nature à favoriser la réalisation d'économies d'échelle ainsi que la qualité du suivi technique des services de l'eau et d'assainissement.

Au total, sans méconnaître la lourdeur des contraintes qu'imposent aux petites collectivités l'ensemble de ces règles budgétaires et comptables, la commission a cependant relevé le faible intérêt pratique de la dérogation proposée ainsi que le " mauvais signal " que l'adoption de cette disposition pourrait constituer au regard de l'objectif d'un financement transparent de la politique de l'eau. Aussi a-t-elle décidé, sur cet article, de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

Décision de la commission : votre commission a décidé, sur cet article, de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

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