DEUXIÈME PARTIE

DES RÉSULTATS INQUIÉTANTS QUI LAISSENT SANS RÉPONSE LA QUESTION DE L'ÉLOIGNEMENT DES ÉTRANGERS NON RÉGULARISÉS

I. UNE OPÉRATION QUI ABOUTIT À DES RÉGULARISATIONS MASSIVES DONT LES CONSÉQUENCES N'ONT PAS ÉTÉ SUFFISAMMENT ÉVALUÉES

A. DES RÉGULARISATIONS MASSIVES

1. Un nombre de régularisations particulièrement élevé

a) Le bilan global

Alors que l'opération de régularisation devait théoriquement s'achever le 30 avril 1998, les chiffres disponibles révèle aujourd'hui le retard considérable pris pour le traitement des dossiers.

Au 30 avril 1998, selon les statistiques du ministère de l'Intérieur, le nombre de dossiers considérés comme recevables s'élevait à 145.690. Les chiffres définitifs de la procédure de régularisation engagée en juin 1997 ne seront vraisemblablement connus qu'au mois de juillet 1998.

1.- Au 30 avril 1998, 25% des dossiers n'avaient pas encore été examinés

Sur les 145.690 dossiers considérés comme recevables, seuls 108.684 avaient fait l'objet d'une décision 7( * ) et 37.006 restaient en instance. A la date théorique de fin de l'opération, seuls 74,6% des dossiers avaient fait l'objet d'une décision, positive ou négative.

Au 28 février 1998, 56,5% des dossiers restaient en instance ; au 31 mars, 41,2% et au 30 avril, 25,4%.


Conscient depuis plusieurs mois que la date-butoir du 30 avril ne serait pas respectée, le ministre de l'Intérieur a accordé à ses services, à la mi-avril, un délai supplémentaire d'un mois .

Le nombre très élevé de dossiers restant à examiner rend cependant improbable l'achèvement de la régularisation le 31 mai. Il faudrait pour ce faire prendre 37.006 décisions - soit l'équivalent d'un tiers du total des décisions prises jusqu'au 30 avril - en un mois, mois qui comporte par ailleurs bien peu de jours ouvrables ! L'analyse des chiffres des trois derniers mois révèle que chaque mois 15% environ des dossiers sont traités : il devrait rester à la fin du mois de mai 10% environ de dossiers en instance.

Il est donc probable que le traitement des dossiers ne s'achèvera effectivement, dans le meilleur des cas, que dans le courant du mois de juin. Au total, cette régularisation pourrait donc avoir duré presque une année !

Contrairement aux affirmations du ministre de l'Intérieur pour qui " l'ensemble des dossiers aura été " éclusé " le 30 avril 1998, à l'exception de deux départements, ceux de Paris et des Bouches-du-Rhône. " 8( * ) , le retard dans le traitement des dossiers concerne la plupart des départements.

Au 30 avril 1998, 51% des dossiers restaient en instance de décision dans les Bouches-du-Rhône, 43,5% dans le Val d'Oise, 41,0% dans l'Hérault, 36,9% dans les Yvelines, 38,9% à Paris, 34,3% en Meurthe et Moselle, 32,6% en Haute-Corse, 30,7% en Seine-Maritime, 29,3% dans le Rhône, 26,5% dans l'Essonne...

En réalité, loin d'être limité à quelques départements, le dérapage apparaît généralisé.

Au total, sur les 96 départements métropolitains, seuls 42 ont totalement ou presque totalement achevé l'opération de régularisation (nombre de dossiers restants inférieur à 10).
Il s'agit généralement des départements qui ont enregistré le moins de demandes.

Toutefois, certains des départements concernés ont enregistré un nombre très faible de demandes de régularisation, ce qui rend difficilement compréhensible le retard qui les caractérise. Il en est ainsi de l'Yonne qui compte encore 40 dossiers en instance pour 137 demandes, de l'Aube (27 en instance pour 108 demandes), du Jura (19 pour 70), du Territoire de Belfort (27 pour 108), de la Haute-Vienne (41 pour 146). Le département de la Manche n'avait enregistré quant à lui que 9 demandes : 3 dossiers restent pourtant en instance.

On notera la performance remarquable de la Seine-Saint-Denis qui a traité 92,1% des dossiers au 30 avril 1998 alors même qu'elle occupait la deuxième place de l'ensemble des départements métropolitains pour le nombre de demandes.

Ces difficultés traduisent indubitablement une insuffisance des moyens accordés dans certains départements pour faire face à un nombre très important de dossiers. Elle trahissent peut-être également une volonté de temporiser et d'étaler dans le temps des décisions qui devraient être, pour l'essentiel, des refus de régularisation. On peut légitimement se demander si le ministère de l'Intérieur a fait du respect du délai du 30 avril 1998 un impératif absolu. Faut-il y voir la crainte de réactions qui pourraient se multiplier devant une accumulation de notifications de décisions négatives ?

Il est vraisemblable que la tentation était forte pour le ministère de l'Intérieur de ne pas accélérer la procédure afin d'attendre l'entrée en vigueur de la nouvelle loi relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile, dite loi RESEDA. Ainsi pourront être réglés un certain nombre de cas de personnes qui ne pouvaient bénéficier de la circulaire du 24 juin 1997.

Par ailleurs, l'étalement des notifications des invitations à quitter le territoire (IQF) favorisera une certaine dilution du phénomène émotionnel qui se développe dans certains milieux de la gauche plurielle.

Un des effets de ce retard programmé concerne le diagnostic de la commission d'enquête qui ne pourra s'appuyer que sur des chiffres partiels.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page